- L'ESSENTIEL
- RAPPORT
- I. LES LOIS EGALIM FACE AU CONTEXTE DE
VOLATILITÉ DES PRIX ET AU DÉCROCHAGE DE LA FERME FRANCE
- II. LES LOIS « EGALIM »
SOUFFRENT D'UN DÉFICIT D'APPLICATION, VOIRE DE CONTOURNEMENTS
- III. 20 RECOMMANDATIONS POUR AMÉLIORER
SANS RIGIDIFIER LES RELATIONS COMMERCIALES EN AMONT COMME EN AVAL
- A. DANS LES NÉGOCIATIONS AMONT, CRÉER
LES CONDITIONS DE LA « MARCHE EN AVANT » DU PRIX SANS
COMPLEXIFIER LA NÉGOCIATION
- B. DANS LES NÉGOCIATIONS AVAL, DES
DISPOSITIFS À AMÉLIORER POUR FLUIDIFIER LES RELATIONS
- C. MIEUX DOCUMENTER LES EFFETS DE LA GUERRE DES
PRIX SUR LA VALORISATION DE LA MATIÈRE PREMIÈRE AGRICOLE
FRANÇAISE
- D. MIEUX ENCADRER LES PRATIQUES DES CENTRALES
D'ACHATS INTERNATIONALES
- A. DANS LES NÉGOCIATIONS AMONT, CRÉER
LES CONDITIONS DE LA « MARCHE EN AVANT » DU PRIX SANS
COMPLEXIFIER LA NÉGOCIATION
- I. LES LOIS EGALIM FACE AU CONTEXTE DE
VOLATILITÉ DES PRIX ET AU DÉCROCHAGE DE LA FERME FRANCE
- LISTE DES RECOMMANDATIONS
- EXAMEN EN COMMISSION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
- TABLEAU DE MISE EN OEUVRE ET DE SUIVI
N° 156
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025
Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 novembre 2024
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des affaires
économiques (1) sur le suivi
des
lois Egalim,
Par M. Daniel GREMILLET et Mme Anne-Catherine LOISIER,
Sénateur et Sénatrice
(1) Cette commission est composée de : Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente ; MM. Alain Chatillon, Daniel Gremillet, Mme Viviane Artigalas, MM. Franck Montaugé, Franck Menonville, Bernard Buis, Fabien Gay, Pierre Médevielle, Mme Antoinette Guhl, M. Philippe Grosvalet, vice-présidents ; MM. Laurent Duplomb, Daniel Laurent, Mme Sylviane Noël, M. Rémi Cardon, Mme Anne-Catherine Loisier, secrétaires ; Mme Martine Berthet, MM. Yves Bleunven, Michel Bonnus, Denis Bouad, Jean-Marc Boyer, Jean-Luc Brault, Frédéric Buval, Henri Cabanel, Alain Cadec, Guislain Cambier, Mme Anne Chain-Larché, MM. Patrick Chaize, Patrick Chauvet, Pierre Cuypers, Éric Dumoulin, Daniel Fargeot, Gilbert Favreau, Mmes Amel Gacquerre, Marie-Lise Housseau, Brigitte Hybert, Annick Jacquemet, Micheline Jacques, MM. Yannick Jadot, Gérard Lahellec, Vincent Louault, Mme Marianne Margaté, MM. Serge Mérillou, Jean-Jacques Michau, Sebastien Pla, Christian Redon-Sarrazy, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, MM. Olivier Rietmann, Daniel Salmon, Lucien Stanzione, Jean-Claude Tissot.
L'ESSENTIEL
Comme chaque année, à l'issue du cycle de négociations commerciales, le groupe de suivi des lois « Egalim » a entrepris un travail d'évaluation de l'application des dispositions issues des lois de 2018, 2021 et 2023 à l'amont comme à l'aval agricole. Les spécificités du contexte - sortie d'une période de forte inflation des matières premières, crise agricole, tensions persistantes sur le pouvoir d'achat des Français et reconfiguration du secteur de la grande distribution - l'ont conduit cette année à formuler des recommandations en vue d'éventuelles évolutions du cadre juridique.
Créé dans la foulée de l'adoption de la première loi « Egalim » du 30 octobre 2018, le groupe de suivi des lois Egalim, mené par Daniel Gremillet et Anne-Catherine Loisier, s'inscrit dans le temps long. Les rapporteurs mettent en garde contre la tentation d'un bouleversement du cadre des négociations commerciales et d'une complexification à l'heure où les acteurs sont en quête de stabilité juridique. Leurs recommandations visent avant tout à mieux appliquer et fluidifier la logique « Egalim » de construction du prix « marche en avant ».
Plus globalement, ils font le constat alarmant d'un décrochage de la ferme France dans les rayons, concomitant à deux phénomènes qu'ils jugent particulièrement préoccupants : l'affaiblissement de la sanctuarisation de la matière première agricole ainsi que la généralisation des centrales d'achat internationales qui contournent les lois « Egalim ».
I. LES LOIS EGALIM FACE AU CONTEXTE DE VOLATILITÉ DES PRIX ET AU DÉCROCHAGE DE LA FERME FRANCE
A. UNE LOGIQUE EGALIM MISE À L'ÉPREUVE EN 2022 ET 2023
1) La volatilité des prix a bouleversé les négociations commerciales
2022 et 2023 ont représenté une rupture avec la stabilité de la décennie de déflation des tarifs des produits alimentaires, postérieure à la loi de modernisation de l'économie de 20081(*) :
· En 2022, à la suite de l'inflation du coût des matières premières consécutive au déclenchement de la guerre en Ukraine, les tarifs négociés entre industriels et distributeurs ont rapidement été frappés d'obsolescence. Faute de déclenchement des clauses de révision automatique du prix, de nouvelles négociations ont eu lieu à l'été 2022.
· En 2023, le mécanisme inverse s'est produit : face au ralentissement de l'inflation et aux tensions sur le pouvoir d'achat des Français, le Gouvernement a demandé la réouverture des négociations avant de proposer un texte visant à avancer les négociations pour obtenir des baisses de prix un mois plus tôt que prévu.
Tous les acteurs auditionnés par le groupe de suivi ont fait le constat d'un climat de négociations particulièrement délétère au cours de ce cycle 2023-2024, caractérisé par le retour du rapport de force « pur et dur » : la pression déflationniste du Gouvernement de l'époque a conforté les demandes de baisses de tarifs des distributeurs.
Cette façon de procéder, partant du prix aval en déflation pour obtenir le tarif de l'industriel, est aux antipodes de la logique Egalim qui construit le prix « marche en avant » afin de préserver la rémunération de l'amont agricole.
2) Le renversement de la « marche en avant » du prix a entraîné un affaiblissement de la sanctuarisation de la matière première agricole (MPA), pilier de la loi Egalim
Source : Ilec
En 2023-2024, les rapporteurs ont constaté que des hausses du coût des matières premières agricoles ont parfois abouti à... des baisses de tarifs ! Il s'agit d'une sanctuarisation artificielle de la MPA où la négociation se reporte sur d'autres postes de coûts, comme ceux des matières premières industrielles. Dans le cadre de l'option 3 de transparence sur la MPA, ont été rapportés des cas d'attestations où le tiers indépendant conclut à l'impossibilité de certifier que le prix de l'année n est au moins égal à celui de l'année n-1 majoré de la hausse imputable au coût de la MPA. Dans certains cas, des enseignes ont demandé aux fournisseurs d'acter par écrit que ces attestations avec observations ne remettaient pas les accords en cause.
Contrairement à l'an passé, la hausse de MPA déclarée par les industriels n'a pas été couverte par la hausse des tarifs en 2024. Si les industriels opérant en lien avec des filières agricoles en France bénéficient d'une meilleure prise en compte de leurs besoins liés à la MPA, ils souffrent d'une prise en compte bien moindre des autres postes de coûts.
Ce contournement de la sanctuarisation de la MPA doit entraîner un renforcement des contrôles de la DGCCRF sur l'économie du contrat, au-delà du formalisme de ce dernier.
B. UN DÉCROCHAGE PRÉOCCUPANT DES MARQUES DE LA FERME FRANCE DANS LES RAYONS
Les rapporteurs s'alarment du décrochage des marques de la ferme France. Outre notre balance commerciale, il se matérialise dans les rayons par une progression des produits dont la matière première agricole est d'origine « Union européenne » (ou ailleurs), notamment au niveau des produits de marque de distributeur (MDD).
Après des années de retrait, la part de marché des produits sous MDD a augmenté et s'élève à 34 % en valeur. Le groupe de suivi a été alerté à plusieurs reprises sur le fait que le recul de la consommation en 2023 a plus fortement impacté les marques nationales que les MDD.
-3,5% |
|||||
Part de produits de grande consommation MDD |
Part de produits premiers prix dans la grande
distribution |
Recul des produits de grande consommation en volume en 2023 |
dont évolution |
dont évolution |
Évolution des volumes des produits |
Certains acteurs l'ont expliqué par une décorrélation entre la hausse du tarif consentie à l'industriel et celle du prix de vente en rayon de certains produits de marques nationales, compensée par des baisses de prix de produits MDD - notamment dans le cadre du « panier anti-inflation ». Si le distributeur est maître de sa stratégie commerciale, il n'est pas acceptable que les industriels aient été désignés responsables de la dégradation du pouvoir d'achat des Français alors même que les évolutions de leurs tarifs ne reflétaient pas toujours celles des prix en rayon.
La progression des MDD n'est pas sans incidence sur l'origine des matières premières, chaque fournisseur étant libre de répondre aux appels d'offres internationaux des distributeurs. Cette guerre des prix au détriment des matières premières agricoles françaises confirme les doutes formulés dès l'examen de la première loi Egalim par le Sénat sur la stratégie de « montée en gamme » de l'agriculture française - doutes par ailleurs confirmés par la non-atteinte des objectifs de produits bios et de qualité dans la restauration collective publique.
Les rapporteurs préconisent l'instauration d'un observatoire des produits vendus sous marque de distributeur pour assurer un suivi de l'évolution de leur prix et de leur origine.
II. LES LOIS « EGALIM » SOUFFRENT D'UN DÉFICIT D'APPLICATION, VOIRE DE CONTOURNEMENTS
A. LA CONTRACTUALISATION ÉCRITE ET LES INDICATEURS SONT LOIN D'ÊTRE GÉNÉRALISÉS
1) En principe obligatoire, la contractualisation écrite n'est pas devenue la norme
Taux de contractualisation dans la filière
bovine
en 2023
Les rapporteurs déplorent que la contractualisation écrite, généralisée par la loi « Egalim 2 », soit faiblement appliquée. Au sein des filières soumises à l'obligation, c'est-à-dire la quasi-totalité des productions animales, la contractualisation est peu développée - hormis dans la filière laitière où la contractualisation est ancrée pour des raisons historiques. Dans la filière bovine, où elle a été généralisée à partir de 2022, le taux de contractualisation est passé de seulement 17 % en 2022 à 25 % fin 2023. Les rapporteurs appellent les interprofessions à poursuivre les efforts d'accompagnement à la contractualisation.
Pour les rapporteurs, davantage pourrait être fait, notamment au niveau des interprofessions, pour encourager la contractualisation écrite. La publication d'un bilan annuel des contrôles de la DGCCRF permettrait par ailleurs de mieux suivre la contractualisation.
À l'heure actuelle, outre une application lacunaire, de nombreuses filières sont exemptées, par voie règlementaire, de l'obligation de contractualisation écrite - notamment les productions végétales comme les céréales, le riz, le lin et le chanvre, les oléo protéagineux, les fruits et légumes, certains vins, plantes et les produits de l'apiculture. Néanmoins, certaines d'entre elles ont récemment indiqué être volontaires pour entrer dans le champ de la contractualisation écrite obligatoire.
Les rapporteurs accueillent positivement les demandes de filières volontaires pour entrer dans le champ de la contractualisation écrite obligatoire et préconisent à ce titre de réexaminer la liste des filières exonérées au niveau règlementaire, de même que le seuil de chiffre d'affaires d'exemption, notamment via un seuil par acheteur ou relation d'affaires.
2) Des indicateurs de référence peu généralisés malgré leur intérêt
Malgré une application encore lacunaire, il y a bien eu un « avant » et un « après » Egalim en ce qui concerne les dialogues entre les organisations de producteurs et les entreprises : les indicateurs fournissent une base de discussion ainsi qu'un référentiel fiable et objectif. Cependant, de nombreux indicateurs ne sont tout simplement pas publiés par les interprofessions, parfois faute d'accord entre les acteurs.
Les rapporteurs enjoignent les interprofessions à prendre leurs responsabilités pour publier ces indicateurs de référence.
B. LES CENTRALES D'ACHAT INTERNATIONALES POURSUIVENT LEURS CONTOURNEMENTS MALGRÉ LA LOI DU 30 MARS 2023
Au-delà d'un objectif de mutualisation des achats, les centrales d'achat basées à l'étranger sont devenues le moyen de contourner les lois Egalim, voire le support de pratiques commerciales abusives. Environ 20 % en valeur ou jusqu'à 50 % en volume des produits commercialisés par la grande distribution en France pourraient être négociés à l'étranger. Les industriels sont de plus en plus nombreux à être convoqués par ces structures internationales qui ne se limitent plus aux multinationales, mais intègrent aussi des PME et ETI.
À ces centrales internationales d'achat s'ajoutent des centrales de services commerciaux, qui se superposent à des services déjà payés au niveau national et peuvent s'apparenter à un droit d'entrée en négociations sans contrepartie économique réelle. Pour les rapporteurs, la progression des centrales d'achat s'explique par deux raisons :
· d'une part, les distributeurs considèrent que ceux qui n'ont pas recours aux centrales basées à l'étranger subissent un désavantage concurrentiel ;
· d'autre part, malgré l'affirmation par la loi du 30 mars 2023 (Egalim 3)2(*) du caractère d'ordre public des dispositions du cadre Egalim, applicables à tout produit commercialisé sur le territoire français, leurs pratiques ne sont pas systématiquement sanctionnées.
Les rapporteurs saluent l'initiative européenne visant à créer un cadre commun de régulation des pratiques des centrales et à renforcer la coopération des autorités de répression des fraudes. Dans l'attente, il est nécessaire de ne pas amoindrir la portée de ce qui a été voté en 2023 et de systématiser les sanctions. Même en présence de suites contentieuses, les montants des amendes sont provisionnés par les distributeurs, immobilisant de la trésorerie.
Sans attendre l'aboutissement du projet d'Egalim européen, les rapporteurs appellent le ministre à prononcer systématiquement des sanctions à l'encontre des centrales étrangères qui ne respectent pas le cadre défini par les lois Egalim. Ils exhortent les entreprises à faire preuve de responsabilité en adoptant une charte visant à exclure les produits à forte composante de MPA des négociations avec les centrales d'achat internationales. Ils préconisent que la DGCCRF transmette chaque année au Parlement les données relatives aux négociations effectuées en droit étranger.
III. EN AMONT COMME EN AVAL, AMÉLIORER SANS RIGIDIFIER
Les rapporteurs estiment contradictoire le procès en inefficacité des lois Egalim en parallèle d'une volonté de certains de l'étendre à tous les débouchés de l'agriculture. Plutôt qu'un grand soir des négociations commerciales, alors que les acteurs sont encore en phase d'appréhension de dispositifs votés en 2023 et aspirent à la stabilité juridique, ils préconisent de renforcer l'application des lois Egalim et d'en améliorer certains paramètres.
A. DANS LES NÉGOCIATIONS AMONT, CRÉER LES CONDITIONS DE LA « MARCHE EN AVANT » DU PRIX SANS COMPLEXIFIER LA NÉGOCIATION
Les rapporteurs mettent en garde contre la tentation de rigidifier les relations « amont », alors que la contractualisation est loin d'être généralisée. Bien sûr, il est souhaitable que le fournisseur de la grande distribution ait conclu son contrat avec l'amont agricole avant d'entrer en négociations avec les enseignes, afin de disposer du coût de la MPA et des indicateurs associés. Ce séquençage matérialise, en effet, la construction du prix « marche en avant ». Pour les rapporteurs, il est donc utile de rappeler ce séquençage qui est dans l'intérêt de toutes les parties, sans pour autant aller jusqu'à l'instauration d'une date-butoir « amont ».
Les rapporteurs recommandent que l'industriel mentionne, dans ses conditions générales de vente, les indicateurs utilisés à l'amont pour fixer le prix de la matière première agricole.
De nombreux acteurs auditionnés ont souligné que les acheteurs contestent parfois les indicateurs proposés par les producteurs pour chercher à imposer d'autres indicateurs, moins représentatifs de la réalité économique du producteur.
À l'heure actuelle, la proposition de contrat ou d'accord-cadre inclut obligatoirement un ou plusieurs indicateurs relatifs aux coûts pertinents de production en agriculture et à l'évolution de ces coûts, mais la formule de détermination ou de révision du prix finalement négocié inclut aussi d'autres indicateurs, avec une pondération librement déterminée par les parties.
Afin de sécuriser les producteurs face à la volatilité des prix des produits agricoles et alimentaires, les rapporteurs recommandent qu'un poids prépondérant soit donné aux indicateurs de coûts de production dans les formules de détermination et de révision du prix. Ils recommandent par ailleurs de systématiser le recours aux indicateurs de référence proposés par le producteur au sein des propositions de contrat ou d'accord-cadre.
B. FLUIDIFIER LES NÉGOCIATIONS AVAL
1) La pertinence d'une date butoir « aval »
Les rapporteurs estiment que le principe d'une date « butoir » annuelle de conclusion des conventions entre industriels et distributeurs ne doit pas être remis en cause. Elle est désormais ancrée dans les pratiques des professionnels, facteur de stabilité juridique.
Sous réserve de disposer d'un délai de prévenance suffisant pour ne pas revivre l'impréparation du cycle 2023-2024, un délai de négociation de deux mois, jusqu'à fin janvier, serait pertinent : la négociation est souvent bloquée pendant un mois avant de s'accélérer juste avant la date butoir. Raccourcir la négociation permettrait d'alléger les ressources qu'une entreprise dédSie, un quart de l'année, à ces négociations commerciales.
Les rapporteurs préconisent de préserver le principe d'une date butoir fixe tout en prévoyant - pour les cycles postérieurs à 2025 - des négociations plus courtes, closes le 1er février. Plus souple que l'inscription d'un seuil de chiffre d'affaires dans la loi, la pratique de négociation anticipée des TPE et PME, déjà formalisée au moyen de chartes avec la grande distribution, doit être encouragée pour les entreprises volontaires.
2) Des clauses de révision qui doivent être améliorées au service de la sanctuarisation de la matière première agricole
Depuis la loi Egalim 23(*), les contrats amont et aval incluent une clause de révision automatique du prix en fonction de la variation du coût de la matière première agricole (MPA). Malgré leur intérêt démontré lors des récentes variations du coût des matières premières, leur fonctionnement demeure insatisfaisant. D'après le médiateur des relations commerciales agricoles, elles ont été activées dans seulement 20 % des cas en 2023.
Pour les rapporteurs, leur principal défaut tient à ce qu'elles ne sont pas soumises au principe de non-discrimination et font parfois l'objet d'une « négociation dans la négociation » visant la fixation de seuils très élevés de déclenchement ou l'utilisation d'indicateurs non-représentatifs des prix d'achat réels des industriels.
Ces clauses de révision automatique du prix devraient figurer dans les conditions générales de vente de l'industriel afin d'être soumises au principe de non-discrimination et d'être incluses au socle unique de la négociation. En conséquence, la clause de renégociation automatique, source de confusion et peu utilisée, pourrait être remplacée par une clause tenant compte de l'évolution du coût des matières premières industrielles.
3) Une avancée notable concernant les pénalités logistiques qu'il faut poursuivre
Les acteurs auditionnés par le groupe de suivi sont unanimes sur l'avancée qu'ont représentée les lois Egalim 2 et Egalim 3 en matière d'encadrement des pénalités logistiques : les déductions d'office ont quasiment disparu et la part de pénalités infligées sans justification a diminué. Des progrès restent à accomplir concernant la preuve du préjudice, rarement apportée, et l'interprétation parfois divergente entre distributeurs et fournisseurs, de l'assiette des pénalités et du taux que nous avons fixé en 2023, qui est un plafond et non un forfait.
Les rapporteurs recommandent de préciser encore davantage les modalités d'application de l'encadrement des pénalités logistiques et de renforcer les contrôles de la preuve du préjudice.
4) L'expérimentation du préavis en l'absence d'un accord : de premiers bons résultats
Introduite par la loi Egalim 3, l'expérimentation de la possibilité pour le fournisseur d'appliquer un préavis de rupture en l'absence d'accord entre les parties à la date butoir a joué son rôle. Ce préavis permet de corriger partiellement le rapport de force qui permettait au distributeur de rompre la relation commerciale en l'absence d'accord à la date butoir. Ce préavis ne doit pas placer une partie dans une situation plus favorable qu'une entreprise ayant conclu sa convention dans les délais : le prix appliqué doit tenir compte des « conditions économiques du marché » : le médiateur (saisi d'une quinzaine de cas) a ainsi demandé aux parties de lui transmettre les prix pratiqués par les autres fournisseurs ou enseignes - ce qui n'a pas posé de difficultés.
Les rapporteurs saluent ces premiers bons résultats qui plaident pour une prolongation.
C. MIEUX ÉVALUER LE RELÈVEMENT DU SEUIL DE REVENTE À PERTE (SRP + 10 %)
Les rapporteurs déplorent l'absence d'évaluation du SRP + 10 %, prolongé par la loi ASAP de 20204(*) jusqu'au 15 avril 2025. Ils rappellent la circonspection du Sénat dès 2018 sur ce dispositif inflationniste, qui n'a pas démontré son effet « en cascade » sur la rémunération du producteur. Le rapport d'évaluation remis au Parlement en mai 2024 ne fait que constater l'impossibilité pour les distributeurs de rendre compte de l'usage de ce surplus de chiffre d'affaires après 2019. Malgré tout, les rapporteurs sont conscients des effets néfastes pour les agriculteurs d'une guerre des prix entraînée par la fin du SRP + 10 %, ce qui plaide pour sa prolongation.
Les rapporteurs demandent une évaluation des effets du dispositif, y compris sur les produits vendus sous MDD, préalable indispensable à une pérennisation.
Pendant du SRP + 10 %, l'expérimentation de l'encadrement des promotions a été prolongée jusqu'en 2026. Son extension à tous les produits de grande consommation a porté ses fruits et a permis, par exemple, une hausse du nombre de références en promotion ou le lancement de nouveaux produits sur des catégories habituellement très bataillées en promotion.
Les rapporteurs sont en faveur de la prolongation du dispositif au-delà de 2026. Ils mettent en garde contre le cagnottage, qui se développe en alternative aux promotions désormais encadrées sans avoir le même intérêt en termes de développement de volumes.
Enfin, les rapporteurs s'alertent de la hausse des dépenses publicitaires de la grande distribution ces dernières années : en 2023, les trois premiers annonceurs en France sont des distributeurs.
Les rapporteurs préconisent une évaluation des effets sur l'amont agricole de la publicité comparative portant sur les prix des denrées alimentaires et des possibilités d'encadrement.
RAPPORT
I. LES LOIS EGALIM FACE AU CONTEXTE DE VOLATILITÉ DES PRIX ET AU DÉCROCHAGE DE LA FERME FRANCE
A. UNE LOGIQUE EGALIM MISE À L'ÉPREUVE EN 2022 ET 2023 PAR LA VOLATILITÉ DES PRIX
Les trois derniers cycles de négociations commerciales entre industriels et distributeurs ont représenté une rupture avec la stabilité de la décennie de quasi-déflation des tarifs, postérieure à la loi de modernisation économique du 5 août 20085(*).
À la suite du cycle de négociations commerciales de 2021-2022, les tarifs « 3x nets »6(*) négociés à partir du 1er mars 2022 étaient en hausse de 3,5 % par rapport aux tarifs de l'année précédente. Ces tarifs ont rapidement été frappés d'obsolescence en raison de l'effet conjugué de la reprise économique mondiale, des événements climatiques extrêmes, du contexte international de repli commercial et de la guerre en Ukraine. De nouvelles négociations ont été ouvertes à partir d'avril 2022.
En 2023, le mécanisme inverse s'est produit :
- les négociations menées entre décembre 2022 et mars 2023 ont abouti à une hausse des tarifs, sans précédent, de 9 % en moyenne par rapport à l'année 2022. La demande des industriels, qui s'élevait à 14 % en moyenne, était justifiée par une explosion des coûts des matières premières industrielles, notamment ceux relatifs à l'énergie, au transport, aux emballages, au coût de la main d'oeuvre lié à la hausse du SMIC et à la pâte à papier. Selon l'Observatoire des négociations commerciales, en prenant en compte les hausses résultant du cycle de négociations de l'année précédente (3,5 %) et des revalorisations intermédiaires intervenues entre mars et novembre 2022, la hausse des tarifs a atteint 16 % entre mars 2022 et mars 2023 ;
- ces hausses ont rapidement été remises en cause par le ralentissement de l'inflation7(*), notamment au niveau des cours mondiaux de certaines matières premières. Le Gouvernement a donc appelé à la réouverture des négociations à l'été 2023. Dès avril 2023, le ministre de l'économie a appelé les plus grands industriels à s'inscrire dans une perspective volontaire de renégociation infra-annuelle pour revoir les prix à la baisse. Les plus grandes associations d'industriels de l'agroalimentaire se sont ainsi engagées à inviter les 75 plus grands industriels parmi leurs adhérents à rouvrir ces négociations dès lors qu'ils remplissaient certaines conditions - avoir vu le prix de cession de leurs produits augmenter de plus de 10 % dans les conventions signées au 1er mars 2023 et avoir connu une baisse du coût de l'un de leurs intrants de plus de 20 % depuis le 1er mars 2023. Néanmoins, peu d'industriels semblent avoir renégocié dans ce cadre, faute de remplir les critères. Quelques-uns ont renégocié leurs tarifs sur une base volontaire tandis que d'autres ont consenti à de nouvelles promotions.
Le Gouvernement a ensuite déposé un projet de loi visant à avancer les négociations pour obtenir des baisses de prix un mois plus tôt que prévu - le 1er février au lieu du 1er mars 2024. Ce texte a été promulgué le 17 novembre 20238(*).
Tous les acteurs auditionnés par le groupe de suivi ont fait le constat d'un climat de négociations particulièrement délétère au cours de ce cycle 2023-2024.
Selon eux, il a été caractérisé par le retour du rapport de force « pur et dur » : la pression déflationniste du Gouvernement de l'époque a conforté les demandes de baisses de tarifs des distributeurs. Pour les rapporteurs, la méthode illustrée en 2023-2024, partant du prix aval en déflation pour obtenir le tarif de l'industriel, est aux antipodes de la logique Egalim qui construit le prix « marche en avant » afin de préserver la rémunération de l'amont agricole.
Les demandes des fournisseurs s'établissaient à + 4,5 % en moyenne, avec des demandes de hausses particulièrement importantes sur des produits comme les huiles, le chocolat, le café, la biscuiterie, les boissons sucrées et les sauces. Les contre-propositions des distributeurs étaient principalement en déflation pour l'ensemble des catégories (- 3,5 % en moyenne) et pour une grande majorité de fournisseurs. À l'issue des négociations, l'évolution globale des tarifs convenus était de + 0,08 %, selon la DGCCRF. Les industriels et les distributeurs auditionnés par le groupe de suivi ont, quant à eux, rapporté des tarifs négociés globalement, en moyenne entre - 1 % et + 1 %.
Au total, il ne semble pas que ces négociations anticipées aient entraîné des baisses de prix significatives : en mars 2024, l'inflation à un mois était de - 0,2 % sur les produits de grande consommation frais et libre-service, au sein des grandes surfaces alimentaires, soit un niveau comparable à celui constaté les six mois précédents9(*).
Les rapporteurs tirent de ces trois cycles de négociations commerciales atypiques que le cadre issu des lois Egalim, tel qu'appliqué actuellement, n'est pas adapté à la période de volatilité des prix récente. Ils mettent en garde contre le renversement de la logique Egalim en 2024, où la pression déflationniste tout au bout de la chaîne agricole a remis en cause le principe de construction du prix « marche en avant ».
B. UN DÉCROCHAGE PRÉOCCUPANT DES MARQUES NATIONALES DE LA FERME FRANCE DANS LES RAYONS
Les rapporteurs s'alarment du décrochage des marques nationales de la ferme France, propos sous-jacent à de nombreuses auditions menées. Ce décrochage se matérialise bien évidemment par la réduction de l'excédent commercial de l'agroalimentaire qui, bien que tiré vers le haut par les performances à l'export de nos vins et spiritueux, est passé de 12 milliards d'euros en 2011 à 6,5 milliards en 2023.
Il se manifeste aussi dans les rayons de la grande distribution. Les rapporteurs ont été alertés par une progression des produits d'origine « Union européenne », notamment en raison de la guerre des prix et du contexte de tensions sur le pouvoir d'achat où les consommateurs plébiscitent le prix le plus bas.
Cette guerre des prix se fait souvent au détriment des produits de marques nationales. Ce constat s'inscrit dans la lignée des constats du groupe de suivi depuis 2018, au gré des différentes lois Egalim. C'est d'ailleurs sous l'impulsion de la commission des affaires économiques que la loi du 30 mars 2023 (« Egalim 3 »)10(*) a soumis les produits vendus sous « marques de distributeur » (MDD) au principe de non-négociabilité de la matière première agricole à partir du 1er avril 202311(*).
Après plusieurs années de retrait12(*), la part de marché des produits sous MDD progresse dans le contexte d'inflation et de tensions sur le pouvoir d'achat. En 2023, leur part de marché est de 34 % en valeur. Le groupe de suivi a été alerté à plusieurs reprises sur le recul de la consommation en 2023 qui a plus fortement fragilisé les marques nationales que les MDD. Si ces dernières se sont globalement stabilisées, les produits premiers prix, qui représentent 2 % du marché, ont quant à eux connu une hausse de volume de près de 17 % !
Certains acteurs auditionnés l'ont expliqué par une décorrélation entre la hausse du prix de vente en rayon de certains produits et la hausse de tarif consentie à l'industriel, permettant au distributeur de compenser des baisses de prix de produits MDD, notamment dans le cadre du « panier anti-inflation ».
Si le distributeur reste maître de sa stratégie commerciale, il n'est pas acceptable que les industriels aient été désignés comme responsables de la dégradation du pouvoir d'achat des Français si, sur certains produits, les évolutions de leurs tarifs ne reflétaient pas toujours celles des prix en rayon.
Les rapporteurs constatent une dynamique de baisse de l'inflation des produits « premiers prix » et des produits vendus sous MDD entre mars 2023 (respectivement + 21,1 % et + 19,3 % d'inflation sur un an) et mai 2023 (respectivement + 18,2 % et + 16 % sur un an). À l'inverse, l'inflation sur les produits de marques nationales augmente légèrement entre mars 2023 et mai 2023 (de + 14,7 % à + 15,1 % sur un an).
Cette période correspond à celle de l'opération du « trimestre anti-inflation » : à partir de mi-mars 2023, le Gouvernement a lancé une opération dans le cadre de laquelle les distributeurs se sont engagés à mener un effort de modération tarifaire sur un nombre élevé de références librement choisies par eux correspondant à des produits de première nécessité, des produits alimentaires et des produits du quotidien. Selon des estimations réalisées en mars, la quasi-totalité des produits concernés relevait de marque distributeur (MDD) ou de premiers prix13(*). Selon la DGCCRF, entre le 15 mars et fin avril, le prix total du panier constitué de l'ensemble des produits proposés a baissé d'environ 13 %14(*).
La question de la progression des MDD au détriment des marques nationales n'est pas sans incidence sur l'origine des matières premières : chaque fournisseur est libre de répondre aux appels d'offres internationaux des distributeurs pour leurs produits en MDD, le critère le plus important étant le prix. Cette guerre des prix, qui peut désavantager les matières premières agricoles françaises, rejoint les doutes formulés dès l'examen de la première loi Egalim par le Sénat sur la stratégie de « montée en gamme », considérée pendant des années comme le principal horizon de l'agriculture française. Les rapporteurs en voient aussi pour preuve les objectifs non atteints d'approvisionnement de la restauration collective publique en produits biologiques et sous signe d'identification de la qualité et de l'origine, alors même que nous ne disposons pas d'objectifs ni de suivi concernant les produits d'origine France, la mention de l'origine au sein des appels d'offres étant proscrite par le code de la commande publique.
II. LES LOIS « EGALIM » SOUFFRENT D'UN DÉFICIT D'APPLICATION, VOIRE DE CONTOURNEMENTS
A. LA CONTRACTUALISATION ÉCRITE ET LES INDICATEURS SONT LOIN D'ÊTRE GÉNÉRALISÉS
La contractualisation amont, entre producteurs et acheteurs est un volet structurant du dispositif Egalim, destiné à mieux préserver la rémunération des agriculteurs.
Selon les chiffres transmis par la DGCCRF, le nombre de contrôles effectués sur l'amont agricole a augmenté de 75 % entre 2022 et 2023. Ils ont notamment porté sur la présence d'un contrat écrit, pour les filières pour lesquelles elle est obligatoire - notamment les filières animales, les filières laitières et quelques appellations viticoles.
1. En principe obligatoire, la contractualisation écrite n'est pas suffisamment appliquée à l'amont agricole
Les rapporteurs déplorent que la contractualisation écrite, généralisée par la loi dite « Egalim 2 » de 202115(*), soit faiblement appliquée et ait peu progressé depuis. Au sein des filières qui sont légalement soumises à l'obligation, c'est-à-dire la quasi-totalité des productions animales, la contractualisation est peu développée - hormis pour la filière laitière où elle est historiquement plus ancrée, depuis 2011.
Dans la filière bovine, où elle a été généralisée à partir de 2022, le taux de contractualisation déclaré en volume entre les abattoirs et leur apporteur est passé de seulement 17 % à 2022 à 25 % fin 2023, selon l'observatoire de la contractualisation bovine mis en place par l'interprofession, Interbev.
La DGCCRF constate également que les 175 contrôles menés en 2023 ont fait ressortir de nombreux manquements avec une insuffisante application de la loi, notamment l'absence de proposition de contrat émanant du producteur agricole ou de son groupement à son acheteur. Ces constats ont justifié l'inflexion apportée à l'orientation « pédagogique » mise en oeuvre lors des premières années d'application de la loi compte tenu de la fragilité du secteur. Ainsi en 2024, 4 injonctions ont été prononcées sur la base de constats de 2023 à l'égard d'acheteurs de taille significative concernant des défauts de contractualisation et deux avertissements ont été adressés à des professionnels au titre des manquements constatés en 2023 dans les filières bovines.
2. Des indicateurs de référence peu généralisés malgré leur intérêt
D'après de nombreux acteurs auditionnés, les indicateurs ont entraîné un « avant » et un « après » Egalim en ce qui concerne les dialogues entre les organisations de producteurs et les entreprises, car ils fournissent une base de discussion ainsi qu'un référentiel fiable et objectif.
Néanmoins, de nombreux indicateurs ne sont pas publiés par les interprofessions, parfois faute d'accord entre les acteurs. Ainsi, pour les vaches laitières, les brebis de réforme, pour certains animaux reproducteurs, certains vins, le lait de vache bio, les productions céréalières bio ou de nombreux fruits et légumes, il n'existe pas d'indicateur de référence émis par l'interprofession.
L'absence de ces indicateurs peut avoir un impact sur les clauses de révision automatique qui sont, en vertu de la loi Egalim 2, obligatoirement intégrées dans les contrats conclus entre fournisseurs et distributeurs. La formule de révision inclut des indicateurs, dont obligatoirement des indicateurs relatifs aux coûts de production en agriculture lorsque l'acquisition de la matière première agricole fait l'objet d'un contrat écrit16(*).
Les rapporteurs enjoignent les interprofessions à prendre leurs responsabilités pour publier ces indicateurs de référence.
B. À L'AVAL, UN RÉCENT AFFAIBLISSEMENT DE LA SANCTUARISATION DE LA MATIÈRE PREMIÈRE AGRICOLE, PILIER D'EGALIM
En 2023-2024, les rapporteurs ont constaté que des hausses du coût des matières premières, notamment agricoles ont parfois abouti à... des baisses de tarifs octroyés par les distributeurs aux industriels ! Il s'agit d'une sanctuarisation artificielle de la matière première agricole (MPA) où la négociation se reporte sur d'autres postes de coûts, comme ceux des matières premières industrielles, du transport ou du travail en raison de la hausse du SMIC.
La sanctuarisation de la matière première agricole est en effet inopérante si la négociation se reporte, de fait, sur les matières premières industrielles : la matière première agricole représente rarement plus de 50 % du tarif, même pour un produit très peu transformé tel que le lait ; elle représente même moins de 15 % du tarif de produits ultra-transformés. La majeure partie du tarif reste donc négociable.
Source : Ilec
Contrairement à l'an passé, les conclusions de l'Observatoire des négociations commerciales confirment que la hausse moyenne de MPA déclarée par les industriels n'a pas été couverte par la hausse des tarifs en 2023-2024. L'Ilec a indiqué au groupe de suivi noter une baisse de 20 points du taux de sanctuarisation de la MPA de ses adhérents, tandis que d'autres fédérations d'industriels auditionnées font état d'évolutions de tarifs en deçà de la hausse de la « part MPA ».
De même, si les industriels opérant en lien avec des filières agricoles situées en France bénéficient d'une meilleure prise en compte de leurs besoins liés à la MPA, ils souffrent d'une prise en compte bien moindre des autres postes de coûts. Cela a abouti, en 2023-2024, à une prise en compte totale des coûts de production moins satisfaisante pour l'agroalimentaire français.
Une enquête a été lancée début mars 2024 par la DGCCRF afin de vérifier le respect de la sanctuarisation de la MPA. Dans le cadre de celle-ci, des tiers indépendants, dans le cadre de l'option 3 de transparence, ont produit des attestations avec « observations », montrant leur impossibilité de certifier que le prix de l'année n est au moins égal à celui de l'année précédente majoré de la hausse imputable au coût de la matière première agricole. Dans certains cas, certaines enseignes ont demandé aux fournisseurs d'acter par écrit que ces attestations avec observations ne remettaient pas les accords en cause.
C. LES CENTRALES D'ACHAT INTERNATIONALES POURSUIVENT LEURS CONTOURNEMENTS MALGRÉ LA LOI DESCROZAILLE
La multiplication des centrales d'achat basées à l'étranger depuis 2016 va au-delà d'un objectif de mutualisation des achats à l'échelle européenne : ces centrales sont devenues le moyen de contourner les obligations liées aux lois Egalim votées depuis 2018, voire parfois le support de pratiques commerciales abusives. Elles se contentent de négocier les contrats et ne réalisent aucun acte d'achat correspondant à des flux de marchandises.
Plusieurs centrales d'achat ont été sanctionnées pour non-respect du formalisme du contrat en vertu des lois Egalim - notamment pour non-respect de la « date-butoir » de clôture des conventions, fixée habituellement au 1er mars, mais au 15 janvier 2024 ou au 31 janvier 2024 lors du dernier cycle de négociations conformément à la loi du 17 novembre 202317(*). En août 2020, une amende administrative de 6,34 millions d'euros a ainsi été infligée à la centrale Eurelec pour non-respect de la date-butoir du 1er mars. Elle a demandé l'annulation de cette amende, demande rejetée par le tribunal administratif de Paris le 23 juin 2022. Eurelec a fait appel.
La loi du 17 novembre 2023 a relevé de 1 million d'euros à 5 millions d'euros le montant de l'amende en cas d'absence de conclusion de la convention à la date butoir. Or début 2024, deux centrales d'achats négociant avec les plus gros fournisseurs français en vue de commercialiser des produits sur le territoire français se sont affranchies de la date butoir. Des pré-amendes ont été envoyées par la DGCCRF à ces deux centrales entre février et mai 2024. La centrale Eurelec a notamment été sanctionnée en août dernier à hauteur de 38 millions d'euros.
Selon différentes données obtenues par le groupe de suivi, environ 20 % en valeur et jusqu'à 50 % en volume des produits commercialisés par la grande distribution en France pourraient être négociés à l'étranger. Les industriels auditionnés par le groupe de suivi indiquent qu'ils sont de plus en plus nombreux à être convoqués à la table des négociations avec ces structures internationales qui ne se limitent plus aux multinationales, mais intègrent aussi des PME et ETI.
À ces centrales internationales d'achat s'ajoutent des centrales de services. Ces services se superposent aux services déjà négociés au niveau national, mais ne sont pas, contrairement à ces derniers et en méconnaissance de la loi, pris en compte dans la construction du tarif de l'industriel, voire sont fictifs : ainsi Agecore, centrale d'Intermarché, a été assignée en 2021 à hauteur de 150 millions d'euros,18(*) car elle facturait des services à faible impact commercial qui n'étaient pas demandés par les industriels, mais constituaient en réalité un « droit d'entrée » en négociations, sans contrepartie économique réelle. En janvier 2022, l'enseigne Intermarché a également fait l'objet d'une amende administrative d'un montant de 19,2 millions d'euros pour les pratiques de cette même centrale de services pour ne pas avoir fait figurer les services internationaux fournis dans les conventions signées avec ses fournisseurs français.
Plusieurs distributeurs ont contesté la compétence des autorités françaises pour les sanctionner ainsi que celle du juge français, malgré l'affirmation par la loi du 30 mars 2023 du caractère d'ordre public des dispositions du code de commerce relatives aux négociations commerciales, introduites par les lois Egalim. Ainsi, Eurelec et d'autres entités du mouvement E.Leclerc, assignées par le ministre de l'économie devant le tribunal de commerce de Paris en juillet 2019 pour déséquilibre significatif à hauteur de 117 millions, ont contesté la compétence du juge français, retardant ainsi le démarrage des débats au fond. La compétence du juge français a été confirmée par la cour d'appel en février 2024. De même, l'entité belge d'Intermarché a soulevé une exception d'incompétence à la suite de son assignation en 2021 pour les pratiques d'Agecore. Enfin, Eurelec a engagé plusieurs procédures devant les juridictions belges visant à interdire tout acte d'enquête de la DGCCRF visant Eurelec, ses membres et même ses fournisseurs établis en France.
Pour les rapporteurs, la progression des centrales d'achat s'explique par deux raisons :
- d'une part, les distributeurs considèrent que ceux qui n'ont pas recours aux centrales basées à l'étranger subissent un désavantage concurrentiel : ainsi, en septembre dernier, Intermarché a finalement rejoint la centrale Everest via Aura Retail (Intermarché, Auchan, Casino).
- d'autre part, malgré l'affirmation par la loi Descrozaille en 2023 du caractère d'ordre public des dispositions du cadre Egalim, applicables à tout produit commercialisé sur le territoire français, leurs pratiques ne sont pas systématiquement sanctionnées. Les suites contentieuses et les conflits de compétences ayant abouti à un arrêt de la cour de justice européenne en 2022 semblent avoir renforcé la prudence des autorités. C'est d'autant plus regrettable que les sommes auxquelles sont condamnés les distributeurs sont provisionnées, occasionnant des pertes en trésorerie, même en présence de suites contentieuses.
III. 20 RECOMMANDATIONS POUR AMÉLIORER SANS RIGIDIFIER LES RELATIONS COMMERCIALES EN AMONT COMME EN AVAL
Les rapporteurs estiment contradictoire le procès en inefficacité des lois Egalim en parallèle d'une volonté de certains de l'étendre à tous les débouchés de l'agriculture. Plutôt qu'un « grand soir des négociations commerciales », alors que les acteurs sont encore en phase d'appréhension des dispositions votées il y a moins de deux ans et aspirent à de la stabilité juridique, les rapporteurs préconisent plutôt de renforcer l'application des lois Egalim et d'en améliorer certains paramètres.
A. DANS LES NÉGOCIATIONS AMONT, CRÉER LES CONDITIONS DE LA « MARCHE EN AVANT » DU PRIX SANS COMPLEXIFIER LA NÉGOCIATION
1. Généraliser la contractualisation amont
À l'heure actuelle, outre une application lacunaire, de nombreuses filières sont exemptées, par voie règlementaire, de l'obligation de contractualisation écrite - notamment les productions végétales comme les céréales, le riz, le lin et le chanvre, les oléo protéagineux, les fruits et légumes, certains vins, plantes et les produits de l'apiculture19(*).
Néanmoins, certaines d'entre elles ont récemment indiqué être volontaires pour entrer dans le champ de la contractualisation écrite obligatoire.
En effet, la pression commerciale peut fragiliser les producteurs opérant dans certaines de ces filières qui sont fortement atomisées et soumises aux aléas climatiques avec une forte pression commerciale en raison d'une demande très concentrée.
Les rapporteurs accueillent positivement les demandes de filières volontaires pour entrer dans le champ de la contractualisation écrite obligatoire. Ils préconisent à ce titre de réexaminer la liste des filières exonérées au niveau règlementaire, de même que le seuil de chiffre d'affaires d'exemption, notamment via un seuil par acheteur ou relation d'affaires.
Plus globalement, pour soutenir l'application de la contractualisation écrite, les rapporteurs appellent les interprofessions à poursuivre les efforts de mise en place d'outils et d'actions d'accompagnement des opérateurs à la contractualisation. Ils saluent, en outre, la mise en place d'un observatoire de la contractualisation par la filière bovine qui permet de suivre la contractualisation avec des données chiffrées.
Alors que le volet « sanctions » lié à l'obligation de contractualisation écrite n'a été mis en oeuvre que récemment, depuis fin 2023, les rapporteurs recommandent de poursuivre et renforcer les efforts d'accompagnement et de sensibilisation des interprofessions tout en rendant publics les enseignements des contrôles de la DGGCRF à la suite de ses contrôles.
2. Renforcer le poids des indicateurs
En ce qui concerne les indicateurs, de nombreux acteurs auditionnés ont souligné que, contrairement à l'intention du législateur, les acheteurs contestent parfois les indicateurs proposés par les producteurs au sein des propositions de contrats ou contrats-cadres pour chercher à imposer d'autres indicateurs, parfois privés et payants.
Or un principe fondamental des lois Egalim est que la proposition de contrat ou d'accord-cadre est à la main du producteur qui en maîtrise la négociation des principaux éléments.
Les rapporteurs estiment essentiel de systématiser le recours aux indicateurs de référence lorsqu'ils ont été proposés par le producteur au sein des propositions de contrat ou d'accord-cadre.
Aujourd'hui, le contrat ou l'accord-cadre résultant de la négociation inclut « un ou plusieurs indicateurs relatifs aux coûts pertinents de production en agriculture et à l'évolution de ces coûts », présent au sein de la proposition de contrat ou d'accord-cadre et qui fait donc office de socle unique de la négociation. Néanmoins, la pondération des indicateurs au sein de la formule de détermination ou de révision du prix est librement déterminée par les parties qui y intègrent, outre les indicateurs relatifs aux coûts de production, des indicateurs relatifs aux prix de marché, des indicateurs relatifs aux quantités, à la composition, à la qualité, à l'origine et à la traçabilité des produits.
Dès lors, afin de sécuriser les producteurs face à la volatilité des prix des produits agricoles et alimentaires, un poids prépondérant pourrait être donné aux indicateurs de coûts de production dans les formules de détermination et de révision du prix.
Ces recommandations vont de pair avec celles appelant des interprofessions à publier les indicateurs de référence.
3. Gare à la rigidification des relations contractuelles
Les rapporteurs mettent en garde contre la tentation de rigidifier à outrance les relations « amont », entre les producteurs et leur premier acheteur. Pour eux, une date butoir « amont » produirait cet écueil, de même qu'un prix plancher.
Bien sûr, il est souhaitable que le fournisseur de la grande distribution ait conclu son contrat avec l'amont agricole avant d'entrer en négociations avec les enseignes, afin de disposer du coût de la MPA et des indicateurs associés. Le principe selon lequel le contrat amont doit être conclu avant l'envoi des conditions générales de vente (CGV) des industriels aux distributeurs matérialise, en effet, la construction du prix « marche en avant ». Pour les rapporteurs, il est donc utile de rappeler ce séquençage qui est dans l'intérêt de toutes les parties, sans pour autant aller jusqu'à l'instauration d'une date-butoir dans un contexte où la contractualisation écrite est loin d'être généralisée.
Les rapporteurs souhaitent que l'intérêt du séquençage de la négociation, de l'amont vers l'aval, soit rappelé. Néanmoins, plutôt qu'une date-butoir amont, les rapporteurs sont favorables à la mention, au sein des CGV envoyées par l'industriel au distributeur, des indicateurs qui ont été utilisés pour déterminer le prix de la MPA à l'amont.
B. DANS LES NÉGOCIATIONS AVAL, DES DISPOSITIFS À AMÉLIORER POUR FLUIDIFIER LES RELATIONS
1. La pertinence d'une date butoir « aval »
Les rapporteurs estiment que le principe d'une date « butoir » annuelle de conclusion des conventions entre industriels et distributeurs ne doit pas être remis en cause. Des négociations « flottantes » placeraient selon eux les industriels dans un rapport de force déséquilibré à l'égard de la grande distribution. La date butoir est désormais ancrée dans les pratiques des professionnels, facteur de stabilité juridique. Tous les acteurs auditionnés par le groupe de suivi sont pour son maintien.
Ils ne sont néanmoins pas opposés à une modification paramétrique, sous réserve de disposer d'un délai de prévenance suffisant pour s'organiser afin de ne pas revivre l'impréparation du cycle de négociations de 2023-2024 lorsque le Gouvernement a souhaité, en octobre 2023, avancer la date butoir des négociations. C'est ce court délai de prévenance, conjugué à la pression déflationniste exercée par le Gouvernement de l'époque à l'encontre des distributeurs qui a généré des mécontentements parmi les enseignes et les industriels.
Dans des conditions d'application normales, les acteurs auditionnés par le groupe de suivi lui ont indiqué qu'une négociation de deux mois serait pertinente : à l'heure actuelle, la négociation est souvent bloquée pendant un mois pour s'accélérer juste avant la date butoir. Cela permettrait en outre d'alléger les ressources qu'une entreprise dédie, un quart de l'année, à ces négociations commerciales.
À des fins de simplicité, ils estiment aussi que cette date doit être la même pour tout le monde. Les négociations 2024 ont fait office d'expérimentation : or les PME qui ont conclu leurs contrats au 15 janvier n'ont pas été mieux traitées que les autres - c'est même l'inverse. Pour les PME qui le veulent, la négociation anticipée, avant les grands groupes, peut déjà être formalisée au moyen de chartes avec la grande distribution : cela doit être poursuivi pour celles qui le souhaitent. Une formalisation de ces pratiques au moyen de chartes doit être privilégiée à l'inscription, plus rigide, d'un seuil de chiffre d'affaires au sein de la loi.
Les rapporteurs préconisent donc de préserver le principe d'une date butoir fixe, sans différenciation selon la taille des entreprises, tout en prévoyant - pour les cycles postérieurs à 2025 - des négociations plus courtes, closes le 1er février. La pratique de négociation des TPE et PME avant les grands groupes, déjà formalisée au moyen de chartes avec la grande distribution, doit être encouragée pour les entreprises volontaires.
2. Améliorer l'effectivité de la sanctuarisation de la matière première agricole
Les rapporteurs estiment que l'amoindrissement de la sanctuarisation de la matière première agricole constaté en 2024 devrait entraîner un renforcement des contrôles de la DGCCRF, au-delà du formalisme du contrat, sur l'économie de ce dernier. Ils appellent à ce que les résultats des enquêtes sur la sanctuarisation de la matière première agricole soient portés à la connaissance du Parlement et publiés.
En outre, depuis la loi Egalim 2 de 2021, les contrats amont et aval incluent une clause de révision automatique du prix en fonction de la variation du coût de la matière première agricole (MPA).
Malgré leur intérêt démontré lors des épisodes récents de variations importantes du coût des matières premières, le fonctionnement de ces clauses demeure insatisfaisant. Elles n'ont d'ailleurs pas empêché les renégociations en marge des contrats en 2022 et 2023. Selon la DGCCRF, certaines clauses ont fonctionné et ont permis d'aboutir à des baisses dès juin 2023 sous l'impulsion du ministère de l'économie concernant des produits à forte composante agricole, par exemple, dans les secteurs de la charcuterie et de la panification. D'après le médiateur des relations commerciales agricoles, elles ont été activées dans seulement 20 % des cas en 2023.
En 2024, l'analyse par la DGCCRF de plus de 1 400 contrats a montré que 85 % des contrats prévoient une clause de révision automatique du prix conformément à la loi Egalim 2. En général, l'absence de clause n'est pas une anomalie et s'explique par l'absence d'indicateurs pertinents, le statut de grossiste du fournisseur ou le fait qu'en raison de la nature des produits le prix est négocié de gré à gré de façon hebdomadaire (c'est par exemple le cas de la viande destinée au rayon boucheries traditionnel par exemple).
Pour les rapporteurs, leur principal défaut tient à ce qu'elles ne sont pas soumises au principe de non-discrimination et font parfois l'objet d'une « négociation dans la négociation » visant la fixation de seuils très élevés de déclenchement ou l'utilisation d'indicateurs non représentatifs des prix d'achat réels des industriels.
Pourtant, selon eux, ces clauses de révision du prix ont démontré leur intérêt et produisent les effets attendus lorsque leur construction reflète bien les modalités d'approvisionnement en MPA ainsi que le cycle de production de l'industriel.
Les rapporteurs estiment que les clauses de révision automatique du prix en fonction de l'évolution de la matière première agricole devraient figurer dans les CGV de l'industriel, au même titre que la part de matière première agricole pour la détermination du tarif. La présence de cette clause dans les CGV de l'industriel l'inclurait ainsi dans le « socle unique » de la négociation.
En conséquence, ils préconisent de supprimer l'obligation d'insérer dans les contrats une clause de renégociation automatique du prix, obligation qui peut être source de confusion pour les plus petites entreprises, d'autant plus que cette clause n'est que très peu utilisée. À la place, une clause prenant en compte l'évolution des coûts des matières premières industrielles, qui ne sont que trop peu répercutés, serait souhaitable.
3. Une avancée notable concernant les pénalités logistiques qu'il faut poursuivre
Les deux dernières lois Egalim de 2021 et de 2023 ont apporté des avancées concrètes en matière d'encadrement des pénalités logistiques.
Dès 2023, des améliorations concernant la réduction des déductions d'office des pénalités de la facture ont été constatées, en lien avec l'application de la loi Egalim 2 qui prohibe ces pratiques. Selon la DGCCRF, les enseignes ont également mis à jour leurs conditions logistiques pour tenir compte des dispositions issues de la loi Egalim 2. En 2024, 82 % des fournisseurs interrogés par la DGCCRF mi-2024 n'en avaient pas constaté au cours de l'année passée. La part de pénalités infligées sans justification a également diminué.
Néanmoins, la preuve du manquement (fait générateur de la pénalité) et du préjudice justifiant une pénalité logistique reste insuffisante. Selon la DGCCRF, 50 % des fournisseurs constatent des insuffisances en matière de communication de la preuve du manquement ou du préjudice.
La loi du 30 mars 2023 a encore renforcé l'encadrement des pénalités logistiques en les plafonnant à 2 % de la valeur des produits relevant de la catégorie de produits au sein de laquelle a été constaté le manquement. Selon la DGCCRF, les conventions logistiques ont été mises à jour à la suite de l'entrée en vigueur de la loi pour 60 % des industriels interrogés. 73 % d'entre eux indiquent que le plafond de 2 % du montant des pénalités est respecté par les enseignes.
En outre, des divergences d'interprétations demeurent entre distributeurs et fournisseurs concernant la « catégorie de produits », qui fait office d'assiette des pénalités. Plusieurs industriels ont signalé que la notion de « catégorie de produits », à laquelle s'applique le plafond de 2 %, est exagérément source d'interprétation dans le but d'augmenter artificiellement l'assiette des pénalités.
À ce sujet, les rapporteurs rappellent que le taux de 2 % fixé par le législateur est bien un plafond et non un forfait, et qu'il doit être proportionné.
Les rapporteurs recommandent de préciser les modalités d'application des pénalités logistiques, à l'aune des enseignements des contrôles de la DGCCRF pour aller au bout de l'intention du législateur formulée en 2021 et 2023.
4. L'expérimentation du préavis en l'absence d'un accord : de premiers bons résultats
Introduite par l'article 9 de la loi du 30 mars 2023, l'expérimentation de la possibilité pour le fournisseur d'appliquer un préavis de rupture en l'absence d'accord entre les parties à la date butoir des négociations a joué son rôle en 2024.
Contrairement aux critiques formulées par ses détracteurs, ce préavis n'est pas une prolongation des négociations ni un avantage indu donné au fournisseur : il permet de corriger partiellement le rapport de force qui permettait auparavant au distributeur de rompre la relation commerciale en l'absence d'accord à la date butoir. Le principe est d'ailleurs que les conditions du préavis ne doivent pas placer une partie dans une situation plus favorable par rapport aux entreprises ayant conclu leur convention annuelle dans le délai légal. Comme le prévoit la loi, le prix appliqué pendant la durée du préavis doit tenir compte des « conditions économiques du marché » : pour l'application de ce principe, le médiateur (qui a été saisi d'une quinzaine de cas en 2024) a demandé aux parties de lui communiquer, à son seul usage, les prix pratiqués par les autres fournisseurs ou les autres enseignes - ce qui n'a pas posé de difficulté.
Les rapporteurs saluent cette lecture de la règle fixée par la loi de 2023 qui semble avoir donné de bons résultats malgré les nombreuses critiques formulées à son égard. Le cas échéant, ils appellent donc à une prolongation du dispositif au-delà de 2026.
C. MIEUX DOCUMENTER LES EFFETS DE LA GUERRE DES PRIX SUR LA VALORISATION DE LA MATIÈRE PREMIÈRE AGRICOLE FRANÇAISE
1. Mieux évaluer le relèvement du seuil de revente à perte
Les rapporteurs déplorent l'absence d'évaluation de l'expérimentation du relèvement du seuil de revente à perte (SRP + 10 %), prolongée par la loi dite « ASAP » de 2020 jusqu'au 15 avril 202520(*).
Ils rappellent la circonspection du Sénat dès 2018 sur ce dispositif inflationniste, qui n'a pas démontré son effet bénéfique « en cascade » sur la rémunération du producteur. Le rapport qui devait être transmis au Parlement le 1er octobre dernier sur l'utilisation du surplus de chiffre d'affaires engendré par la mise en oeuvre du SRP + 10 % n'a été remis qu'en mai 2024 et, surtout, ne fait que constater l'impossibilité pour les distributeurs de rendre compte de l'usage qui a été fait de ce surplus de chiffre d'affaires pour les années ultérieures à 2019. Néanmoins, les rapporteurs sont conscients des effets assurément néfastes pour les agriculteurs d'une guerre des prix entraînée par la fin du SRP + 10 %.
Les rapporteurs alertent donc sur la nécessité de diligenter une véritable évaluation du dispositif pour mieux documenter ses effets, y compris sur les produits vendus sous MDD, avant d'envisager une pérennisation. L'évaluation du SRP + 10 % doit également être intégrée au sein d'une réflexion plus globale sur la logique d'Egalim puisque le dispositif puise sa justification dans la sanctuarisation de la matière première agricole.
Pendant du SRP + 10 %, l'expérimentation de l'encadrement des promotions à 34 % en valeur et 25 % en volume a été prolongée jusqu'au 15 avril 2026. Les auditions menées par les rapporteurs soulignent d'ores et déjà les effets positifs de l'extension de cet encadrement à tous les produits de grande consommation, à partir du 30 mars 2024 : parmi eux, la hausse du nombre de références en promotions ou le lancement de nouveaux produits sur des catégories habituellement très bataillées en promotions.
Les rapporteurs se positionnent donc en faveur du maintien du dispositif et de sa prolongation au-delà de 2026. Ils mettent en garde contre le cagnottage, qui semble se développer en alternative aux promotions désormais encadrées sans avoir le même intérêt pour les industriels en termes de développement de volumes.
2. Renforcer notre information sur l'origine et le prix des produits vendus en grande distribution
À la suite à leur préoccupation quant au décrochage des marques nationales de la ferme France dans les rayons, les rapporteurs souhaitent améliorer le suivi des prix et de l'origine des produits vendus sous MDD et de marques nationales dans la grande distribution. À la connaissance du groupe de suivi, aucune étude officielle n'existe actuellement concernant l'origine de ces produits.
Les chiffres, anciens, de l'observatoire de l'origine France d'Olivier Dauvers de novembre 2015 montraient que les marques nationales étaient mieux-disantes que les MDD et plus encore que les premiers prix concernant l'origine France : par exemple, 63 % des produits de marques nationales de l'échantillon annonçaient une origine française de leur matière première contre seulement 39 % pour les produits sous MDD et 14 % pour les produits premiers prix21(*).
À ce titre, les rapporteurs préconisent l'instauration d'un observatoire des produits de grande consommation vendus sous MDD afin de suivre non seulement l'évolution de leurs prix, mais aussi de leur origine par rapport aux produits de marques nationales.
3. Évaluer les effets de la publicité comparative portant sur les prix des denrées alimentaires
Enfin, les rapporteurs s'alertent des effets de la hausse des dépenses publicitaires en matière alimentaire de la grande distribution ces dernières années : en 2023, les trois premiers annonceurs en France sont des distributeurs. En 2011, soit il y a plus de dix ans, les trois premiers annonceurs français étaient des industriels ou des entreprises des télécommunications.
Les rapporteurs préconisent une évaluation des effets, sur l'amont agricole, de la publicité comparative portant sur les prix des denrées alimentaires ainsi que des possibilités de l'encadrer en conformité avec le droit européen.
D. MIEUX ENCADRER LES PRATIQUES DES CENTRALES D'ACHATS INTERNATIONALES
Les rapporteurs saluent l'initiative européenne en cours visant à créer un cadre commun de régulation des pratiques des centrales et à renforcer la coopération des autorités de répression des fraudes. Dans l'attente, il est nécessaire d'affirmer le caractère de loi de police des dispositions votées en mars 2023.
Tout en soulignant l'importance de l'aboutissement du projet d'« Egalim européen » et la coopération entre les autorités de répression des fraudes, les rapporteurs estiment que le ministre devrait systématiquement prononcer des sanctions envers les centrales étrangères qui ne respectent pas le cadre issu des lois « Egalim ».
Ils appellent aussi à la responsabilité des entreprises et préconisent la conclusion d'une charte de bonnes pratiques des industriels et des distributeurs les enjoignant à exclure les produits à forte composante de MPA des négociations menées avec des centrales d'achat internationales.
Ils recommandent la transmission chaque année par la DGCCRF au Parlement des données relatives aux négociations menées en droit étranger afin de disposer de données fiables en valeur et en volume.
LISTE DES RECOMMANDATIONS
Axe 1 : renforcer la construction « marche en avant » du prix en fonction des réalités économiques du monde agricole
Recommandation n° 1 : Généraliser la publication des indicateurs de référence par les interprofessions.
Recommandation n° 2 : Systématiser le recours aux indicateurs de référence lorsqu'ils sont proposés par le producteur au sein des propositions de contrat ou d'accord-cadre.
Recommandation n° 3 : Donner une place prépondérante aux indicateurs de coûts de production au sein des formules de détermination et de révision du prix.
Recommandation n° 4 : Mentionner au sein des conditions générales de vente (CGV) envoyées par l'industriel au distributeur les indicateurs qui ont été utilisés pour déterminer le prix de la MPA à l'amont.
Axe 2 : renforcer l'application de la contractualisation écrite amont
Recommandation n° 5 : Renforcer l'accompagnement des interprofessions en matière de contractualisation.
Recommandation n° 6 : Établir et rendre public un bilan annuel des contrôles de la contractualisation présentant les principaux enseignements tirés pour assurer le suivi de la contractualisation.
Recommandation n° 7 : Réexaminer les seuils règlementaires d'exclusion de l'obligation de contractualisation ainsi que les exemptions règlementaires de certaines filières agricoles volontaires.
Axe 3 : fluidifier les relations commerciales aval au service de la sanctuarisation de la matière première agricole
Recommandation n° 8 : Pour les cycles de négociations commerciales postérieurs à 2024-2025 : conserver le principe d'une date butoir fixe, sans différenciation selon la taille des entreprises, tout en prévoyant des négociations plus courtes, closes le 1er février.
Recommandation n° 9 : Au-delà du formalisme des relations commerciales, renforcer les contrôles de la DGCCRF concernant l'économie du contrat, au service du respect de la sanctuarisation de la matière première agricole.
Recommandation n° 10 : Intégrer la clause de révision automatique du prix en fonction de l'évolution du coût de la MPA dans les conditions générales de vente de l'industriel, afin qu'elle constitue le socle unique de la négociation et que lui soit appliqué le principe de non-discrimination. En conséquence, remplacer la clause de renégociation, source de confusion et peu utilisée, par une clause tenant compte de l'évolution du coût des matières premières industrielles.
Recommandation n° 11 : Préciser encore davantage l'assiette des pénalités logistiques, renforcer les contrôles sur la fourniture de la preuve et rappeler que le taux de 2 % est un plafond.
Recommandation n° 12 : D'ici 2026, dresser le bilan de l'expérimentation du préavis prévu par l'article 9 de la loi du 30 mars 2023 et envisager sa prolongation ou sa pérennisation.
Axe 4 : mieux documenter les effets de la guerre des prix sur la valorisation de la matière première agricole française
Recommandation n° 13 : Évaluer le SRP + 10 % et prolonger (et non pérenniser) l'expérimentation.
Recommandation n° 14 : Prolonger l'encadrement des promotions des produits de grande consommation tout en portant attention au développement du cagnottage.
Recommandation n° 15 : Créer un observatoire de suivi des prix et de l'origine des produits vendus sous marque de distributeur par rapport aux produits de marques nationales.
Recommandation n° 16 : Évaluer les effets de la publicité comparative concernant les prix des denrées alimentaires sur la rémunération de l'amont agricole et envisager son encadrement en conformité avec le droit européen.
Axe 5 : mieux réguler les pratiques des centrales d'achat et de services à l'échelle européenne
Recommandation n° 17 : Demander au ministre de prononcer systématiquement des sanctions à l'encontre des centrales d'achat basées à l'étranger qui ne respectent pas le cadre des lois Egalim.
Recommandation n° 18 : Établir une charte entre distributeurs et industriels visant à exclure les produits à forte composante de matière première agricole des négociations menées avec des centrales d'achat internationales.
Recommandation n° 19 : Demander à la DGCCRF de transmettre chaque année au Parlement les données relatives à la part de produits commercialisés en France dont les négociations sont effectuées à l'étranger.
Recommandation n° 20 : Faire aboutir le projet d'« Egalim européen ».
EXAMEN EN COMMISSION
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous passons à présent au rapport de Daniel Gremillet et Anne-Catherine Loisier au nom du groupe de suivi des lois Egalim.
M. Daniel Gremillet, rapporteur du groupe de suivi. - Le groupe de suivi dont Anne-Catherine Loisier et moi-même sommes rapporteurs a été créé dans la foulée de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (Egalim 1). Il s'agissait d'évaluer la mise en oeuvre de ce texte. Trois lois Egalim et six ans plus tard, nous sommes toujours là : c'est peu dire que notre groupe de suivi s'inscrit dans le temps long. Chaque année, nous menons un travail d'évaluation du déroulement des négociations commerciales et de l'application des lois Egalim, de l'amont à l'aval de la chaîne de valeur agricole. Depuis mars 2024, nous avons mené 22 auditions.
Cette année, les spécificités du contexte nous ont appelés à formuler des propositions d'évolutions du cadre issu des lois Egalim.
D'abord, nous sortons d'une période de forte inflation des coûts des matières premières agricoles et industrielles qui a fortement impacté les relations entre producteurs, industriels et distributeurs.
Cette année a aussi été marquée par une contestation agricole, symptomatique d'une lassitude voire d'un découragement d'agriculteurs qui ne parviennent pas à se rémunérer correctement.
Enfin, les tensions sur le pouvoir d'achat de nos concitoyens persistent, ce qui conforte les enseignes de la grande distribution dans leur « guerre des prix » dommageable à notre « ferme France ».
Je le rappelle, l'objectif des lois Egalim était de construire le prix de vente des produits alimentaires dans la grande distribution en partant de l'amont agricole, pour protéger la rémunération du producteur. Tout au long de la chaîne de valeur, le prix de la matière première agricole (MPA) est sanctuarisé. C'est ce qu'on appelle la construction du prix « marche en avant ».
Depuis 2022, notre groupe de suivi observe que ces lois Egalim sont assez inadaptées au contexte de volatilité des prix. Elles ont été pensées dans le contexte de stabilité des prix que nous avons connue pendant plus d'une décennie.
À l'inverse, dans un contexte inflationniste, la loi Egalim intervient avec retard pour soutenir le revenu agricole : les hausses de coûts subies par les agriculteurs ne sont répercutées qu'a posteriori auprès de leurs acheteurs. En période inflationniste, l'agriculteur « court toujours » après les hausses, notamment lorsque les indicateurs utilisés pour construire les prix sont actualisés, eux aussi, en décalage - celui-ci pouvant parfois aller jusqu'à deux ans.
En 2022, nous en avons vu les conséquences sur l'aval agricole : les tarifs négociés au 1er mars entre industriels et distributeurs ont été rendus caducs par la forte inflation consécutive à l'invasion de l'Ukraine. De nouvelles négociations ont eu lieu à l'été afin de faire passer des hausses.
L'année 2023 nous a confirmé l'inadaptation des lois Egalim au contexte de volatilité. Le mécanisme inverse de 2022 s'est produit : le Gouvernement de l'époque a souhaité utiliser les négociations commerciales comme outil « anti-inflation ». Il a demandé l'avancement des négociations commerciales pour obtenir des baisses de prix un mois plus tôt que prévu. Tous les acteurs que nous avons auditionnés ont fait état d'un climat de négociation particulièrement délétère au cours de ce cycle 2023-2024, caractérisé par le retour du rapport de force « pur et dur ». En effet, le Gouvernement a mis une forte pression sur les distributeurs pour obtenir des baisses de prix. C'est exactement l'inverse de la logique Egalim : on est partis du prix de vente au consommateur pour négocier le tarif avec les industriels et donc, in fine, rémunérer l'agriculteur.
Ce renversement de la logique Egalim a conduit à amoindrir la sanctuarisation de la MPA. Cette année, nous avons en effet constaté que des hausses du coût des matières premières agricoles ont pu entraîner... des baisses de tarifs ! Comment l'expliquer dès lors que le coût de la MPA est désormais sanctuarisé ? Par l'absence totale de prise en compte du coût des matières premières industrielles (MPI) comme l'énergie ou le transport ! On a donc eu affaire à une sanctuarisation totalement artificielle de la MPA. En 2022, la sanctuarisation avait été mieux respectée. Entre les négociations de 2022 et celles de 2023, l'institut de liaison des entreprises de consommation (Ilec) nous a indiqué que le taux de sanctuarisation de la MPA au sein des tarifs de ses adhérents avait chuté de 20 points ! De manière générale, nos industriels aboutissent en France à une prise en compte des coûts certes meilleure au niveau de la MPA, mais bien moindre sur les autres postes de coûts comme l'énergie, l'emballage, les transports ou les salaires. Au total, la prise en compte de leurs coûts globaux de production est moins bonne que pour les industriels travaillant avec des filières étrangères. Finalement, cela se fait au détriment de l'amont agricole...
En effet, les travaux de notre groupe de suivi dressent en sous-jacent le constat d'un décrochage de la « ferme France » dans les rayons. Je ne vais pas m'étendre sur la réduction progressive de notre excédent commercial en matière agricole, passé de 12 milliards en 2011 à 6 milliards en 2023. Au niveau plus « micro », au sein des rayons de nos grandes surfaces, il faut prêter attention à la progression des produits « d'origine Union européenne (UE) ». Comme nous l'avons constaté avec ma collègue rapporteure, le petit logo « France » pour indiquer l'origine des matières est désormais parfois remplacé par un logo « UE » (Union européenne). Cela concerne notamment les produits vendus sous « marques de distributeur ». Nos marques nationales sont moins substituables, ont une identité forte et des relations avec leurs fournisseurs établies de longue date au sein d'un territoire.
Les produits vendus sous marque de distributeur (MDD) représentent plus de 34 % en valeur des produits commercialisés en grande distribution. Et d'ici 2026, leur part pourrait atteindre 40 %, compte tenu des objectifs récemment affichés par Carrefour ou Intermarché, pour ne citer qu'eux ! Or les distributeurs passent des appels d'offres internationaux pour leurs produits de MDD : dans un contexte de guerre des prix, cela ne se fait pas au bénéfice de l'origine France. Il ne s'agit pas de critiquer les MDD dans l'absolu, mais plutôt de nous faire réfléchir : si le critère du prix bas prime pour le consommateur comme pour le distributeur, au détriment de la « ferme France », cela pose question sur les orientations prises il y a quelques années sur la montée en gamme de l'agriculture française. Il ne faut pas l'oublier, en 2018, la première loi Egalim a fixé des objectifs ambitieux d'approvisionnement de la restauration collective publique en produits bios qui sont très loin d'être atteints six ans plus tard : on parle de 6 à 7 % de produits bios, contre un objectif à 20 % en 2022.
Nous préconisons donc de mieux suivre l'origine de ces produits de MDD grâce à un observatoire dédié. Il faut bien évidemment suivre aussi l'évolution de leur prix. En 2023, l'inflation a généré un recul de la consommation de 3,5 % en volume qui a pénalisé beaucoup plus les produits de marque nationale que les produits sous MDD, qui se sont stabilisés. On l'a vu - les médias en ont beaucoup parlé -, les « paniers anti-inflation » étaient composés à 100 % de produits MDD. Certains industriels auditionnés nous ont rapporté, sur certains produits, une décorrélation entre la hausse du prix de vente en rayon et la hausse de tarif qui leur avait été consentie. Selon certains, c'était un moyen pour le distributeur de compenser des baisses de prix sur les MDD par des hausses de prix sur les marques nationales. Entre mars et mai 2023, l'inflation sur les MDD était sur une trajectoire de baisse tandis que l'inflation sur les produits de marque nationale continuait de remonter. Bien sûr, le distributeur est maître de sa stratégie commerciale, mais il n'est pas acceptable que les industriels aient été désignés comme responsables de la dégradation du pouvoir d'achat des Français, alors même que les évolutions de leurs tarifs ne reflétaient pas toujours celles des prix en rayon.
Je vous rappelle que le Sénat a été à l'origine de l'extension de la sanctuarisation de la matière première agricole aux produits vendus sous MDD - elle était avant réservée uniquement aux produits de marques nationales.
Voilà pour le contexte, qui n'est guère réjouissant. Une chose est sûre, les lois Egalim n'ont pas empêché le décrochage de notre « ferme France ». En quelque sorte, nous sommes tout doucement en train de perdre pied. Cela ne signifie pas que tout est à jeter.
À ce sujet, plusieurs acteurs que nous avons auditionnés adoptaient un discours que nous estimons contradictoire : on ne peut pas à la fois critiquer Egalim, lui faire un procès en inefficacité et, en même temps, réclamer son extension à tous les débouchés de l'agroalimentaire. Ce n'est pas cohérent. Nous estimons qu'il faut d'abord mieux appliquer les lois Egalim que nous avons votées en 2018, 2021 et 2023, mieux évaluer leurs dispositifs et améliorer ce qui peut l'être. C'est le sens de nos recommandations.
Je laisse la parole à Anne-Catherine Loisier qui va vous présenter le détail de notre diagnostic sur l'application des dernières lois Egalim et nos recommandations.
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure du groupe de suivi. - Les deux principales faiblesses du cadre Egalim tiennent à son application lacunaire - notamment la contractualisation amont - ainsi qu'aux trop nombreux contournements délibérés - notamment ceux opérés par les centrales internationales d'achat et de services. D'autres mécanismes fonctionnent déjà bien, mais pourraient être améliorés. Rappelons que certains dispositifs ne sont applicables que depuis moins d'un an. Il faut l'avouer, les mécanismes prévus par la loi en matière de relations commerciales sont complexes ! Les acteurs de l'amont comme de l'aval aspirent aujourd'hui à de la stabilité juridique. Loin de détricoter la logique Egalim, nous proposons de mieux l'appliquer, de l'améliorer et surtout de mieux l'évaluer.
La contractualisation écrite, généralisée par la loi n° 2021-1357 du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs (loi Egalim 2), est faiblement appliquée - comme le relèvent souvent les agriculteurs. Elle n'est véritablement ancrée que dans la filière laitière alors que la quasi-totalité des filières animales y sont soumises. Dans la filière bovine, le taux de contractualisation est passé de seulement 17 % en 2022 à 25 % en 2023. Nous appelons les interprofessions à poursuivre leurs efforts d'accompagnement et de suivi. Nous appelons aussi la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) à partager les résultats des contrôles pour dresser un état des lieux de la contractualisation. Enfin, plusieurs filières ont exprimé récemment leur souhait d'entrer dans le champ de la contractualisation obligatoire alors qu'elles en sont aujourd'hui exemptées. Nous préconisons de réexaminer la liste, assez longue, des exemptions.
Autre sujet dont l'application est lacunaire : les indicateurs de référence. Leur intérêt est unanimement salué : ils fournissent une base de discussion fiable et objective pour les discussions entre organisations de producteurs et entreprises. Mais de nombreux indicateurs ne sont tout simplement pas publiés par les interprofessions, faute d'accord entre les acteurs. Nous appelons les interprofessions à la responsabilité à ce sujet. S'il n'y a pas d'indicateurs de référence, ni le Sénat ni la loi ne pourront régler ce point : le risque est que les acteurs cherchent à imposer des indicateurs qui ne sont pas représentatifs des structures de coût. Enfin, afin de sécuriser les producteurs face à la volatilité des prix - cela a souvent été demandé -un poids prépondérant pourrait être donné aux indicateurs de coût de production dans les formules de détermination et de révision du prix. Cependant, il est essentiel que ces indicateurs soient mis en place de manière sérieuse et approfondie, avec une évaluation par l'ensemble des acteurs des interprofessions.
Au-delà de l'application imparfaite d'Egalim, nous souhaitons souligner les contournements malheureusement délibérés des centrales d'achat basées à l'étranger. Elles sont aussi parfois le support de pratiques commerciales abusives. Les chiffres que nous avons collectés ne sont pas unanimes - ce qui témoigne de l'opacité des pratiques et notamment de la difficulté à obtenir des informations fiables sur ces secteurs d'activité -, mais environ 20 % en valeur et 50 % en volume des produits commercialisés par la grande distribution pourraient être négociés à l'étranger. Ces centrales ne se limitent plus aux multinationales, mais intègrent désormais des PME et des ETI.
Les centrales de services se développent aussi. Le problème est que certains services commerciaux - ristournes, opérations publicitaires ciblées, rangements en rayon, etc -ne sont pas pris en compte dans la construction du tarif, se superposent à des services déjà payés au niveau national par les entreprises, voire sont fictifs et s'apparentent à un droit d'entrée en négociations sans contrepartie économique réelle. Les centrales d'achats sont donc aujourd'hui un lieu où se négocie une grande partie du plan d'affaires.
L'essor de ces centrales d'achat comme de services s'explique par deux raisons principales. D'une part, les distributeurs considèrent que ceux qui n'y ont pas recours subissent un désavantage concurrentiel : en septembre dernier, Intermarché a rejoint la centrale Everest aux côtés d'Auchan et de Casino. Nous avons d'ailleurs vraiment l'impression que ceux qui n'ont pas de centrale d'achats internationale sont en situation de difficultés dans la guerre des prix que se livrent les grands distributeurs. D'autre part, même si la loi n° 2023-221 du 30 mars 2023 tendant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs a affirmé le caractère d'ordre public du cadre Egalim, applicable à tout produit commercialisé en France, les pratiques des distributeurs ne sont pas systématiquement sanctionnées. Il semblerait que les autorités aient adopté une position de prudence, à la suite de contentieux et de conflits de compétences au niveau européen. C'est regrettable, car cela affaiblit la portée de ce que nous avions voté en mars 2023. Certes un « Egalim européen » permettrait de réguler ces pratiques dans un cadre commun et de renforcer la coopération des autorités nationales, mais nous sommes conscients que cela ne pourra advenir qu'à moyen terme. Il faut d'ores et déjà que le ministre prononce systématiquement des sanctions. Nous appelons aussi à la responsabilité des entreprises et recommandons la conclusion d'une charte des industriels et des distributeurs visant à exclure les produits à forte composante de MPA des négociations internationales. Il s'agit là peut-être d'un voeu pieux, néanmoins nous observons chez certains de nos voisins européens une bonne entente et de bonnes pratiques entre industriels et distributeurs. Il serait souhaitable qu'il en soit de même en France, et ce dans l'intérêt de nos agriculteurs. Enfin, pour en finir avec l'opacité actuelle, nous demandons la transmission par la DGCCRF de données relatives à la part des produits dont les négociations sont menées en droit étranger.
Je développerai maintenant le reste de nos recommandations.
? l'amont, nous souhaitons éviter toute rigidification des relations entre les producteurs et leur acheteur alors même que la contractualisation écrite est loin d'être généralisée. Bien sûr, il est souhaitable que le fournisseur de la grande distribution ait conclu son contrat avec l'amont agricole avant d'entrer en négociations avec les enseignes, afin de disposer du coût de la MPA et des indicateurs associés. Ce séquençage matérialise la construction du prix « marche en avant » du dispositif Egalim. Pour la concrétiser, nous préconisons que l'industriel mentionne dans ses conditions générales de vente (CGV) les indicateurs utilisés à l'amont pour déterminer le prix de la MPA. Cela permettra une traçabilité des indicateurs et donc un meilleur appui pour la sanctuarisation de la MPA.
Passons maintenant à nos propositions concernant les négociations de l'aval agricole.
Principal jalon des négociations commerciales, la date « butoir » annuelle de conclusion des conventions entre industriels et les distributeurs ne doit pas être remise en cause. Elle est désormais bien ancrée dans les pratiques. Tous les acteurs auditionnés par notre groupe de suivi sont favorables à son maintien. Ils ne sont pas opposés à une modification paramétrique sous réserve de disposer d'un délai de prévenance suffisant pour s'organiser et ne pas revivre l'impréparation du cycle 2023-2024. Dans des conditions d'application normales, un délai de négociation de deux mois, de décembre à fin janvier au lieu de fin février, est plus pertinent : la négociation est souvent bloquée pendant un mois avant de s'accélérer avant la date butoir. Raccourcir la négociation d'un mois permettrait d'alléger les ressources qu'une entreprise y dédie, un quart de l'année. À des fins de simplicité, il nous semble important que cette date soit la même pour tout le monde. L'année dernière, nous avions eu un grand débat sur ce sujet. Les négociations de 2024 ont fait office d'expérimentation : or les PME qui ont conclu leurs contrats au 15 janvier n'en ont pas tiré un bénéfice majeur. Pour les PME qui le veulent, la négociation anticipée - avant les grands groupes - est déjà formalisée notamment au moyen de chartes avec la grande distribution : cela doit être poursuivi pour celles qui le souhaitent, mais il n'est pas pour autant nécessaire de rendre obligatoire cette négociation anticipée avec un seuil de chiffre d'affaires dans la loi. Nous préconisons donc de conserver une date butoir fixe, sans différenciation de la taille des entreprises, tout en prévoyant, pour les cycles postérieurs à 2025, des négociations plus courtes, s'achevant le 1er février.
Au sein des contrats aval, il existe un sujet récurrent : les clauses de révision automatique du prix en fonction de l'évolution de la MPA, rendues obligatoires par la loi Egalim 2. La période de volatilité des prix que nous venons de connaître a montré leur intérêt, mais, si elles avaient fonctionné de manière satisfaisante, nous n'aurions pas assisté à des renégociations en cours d'année. D'après le médiateur des relations commerciales, elles ont été activées dans seulement 20 % des cas en 2023. Leur principal défaut est qu'elles font l'objet d'une « négociation dans la négociation » visant des seuils souvent élevés de déclenchement ou l'utilisation d'indicateurs non-représentatifs des prix d'achat réels des industriels. Nous préconisons donc qu'elles figurent au sein des CGV de l'industriel afin d'être soumises à un principe de non-discrimination et incluses au « socle unique » de la négociation. En conséquence, l'obligation d'insérer une clause de « renégociation » - peu utilisée et source de confusion avec la clause de révision - pourrait être remplacée par une clause prenant en compte l'évolution du coût des MPI comme l'énergie et le transport.
De manière générale, en ce qui concerne le contenu du contrat aval, nous constatons que la DGCRF s'en tient à des contrôles du formalisme du contrat - par exemple le respect des dates butoirs. Mais ce qui pêche aujourd'hui concerne l'économie du contrat : on l'a vu cette année avec la sanctuarisation parfois relative de la MPA. Or la DGCRF devrait être en capacité de contrôler et de sanctionner cela.
En matière de points positifs, j'évoquerai une avancée notable dans l'encadrement des pénalités logistiques. Les déductions d'office des pénalités de la facture ont quasiment disparu. Il reste des progrès à accomplir concernant la preuve du préjudice - nécessaire pour que la pénalité s'applique - et l'interprétation, parfois divergente entre distributeurs et fournisseurs, de l'assiette des pénalités et du taux que nous avions fixé à 2 % en 2023, qui est un plafond et non un forfait.
Enfin, nous déplorons l'absence d'évaluation du relèvement du seuil de revente à perte (SRP + 10 %). Dès 2018, le Sénat avait émis des doutes sur ce dispositif par nature inflationniste, qui n'a pas démontré son effet bénéfique « en cascade » - le « ruissellement » - sur la rémunération du producteur. Le rapport d'évaluation remis en mai dernier aux présidents des commissions des affaires économiques - soit bien en retard par rapport à la date initialement prévue de septembre 2023 - ne nous dit rien ; il ne fait que constater l'impossibilité pour les distributeurs de rendre compte de l'usage de ce surplus de chiffre d'affaires depuis 2019. Selon différentes estimations, ce dernier représenterait de 600 à 800 millions d'euros par an depuis 2019, ce qui représente un total de plusieurs milliards d'euros. Nous demandons donc qu'une véritable évaluation soit faite de ce dispositif qui arrive à échéance en 2025. Bien sûr, sa suppression inquiète un certain nombre d'acteurs - notamment les agriculteurs - qui craignent un effet boomerang et un renforcement de la guerre des prix des distributeurs. Il n'empêche, nous ne pouvons pas nous contenter d'une absence de chiffres. C'est pour cette raison que nous préconisons une prolongation et non une pérennisation du dispositif : il est en effet essentiel d'avoir, dans notre travail de contrôle de législateur, une évaluation effective et chiffrée de l'usage du SRP + 10 %.
À l'inverse, l'extension de l'encadrement des promotions à tous les produits de grande consommation a porté ses fruits. Nous sommes donc favorables à sa prolongation au-delà de 2026. Il faut cependant être vigilant au cagnottage largement développé par les distributeurs sous forme notamment de bons de fidélité en alternative aux promotions encadrées. Il n'a pas le même intérêt pour l'industriel en termes de développement des volumes.
Enfin, nous sommes préoccupés par l'explosion, ces dernières années, de la publicité comparative sur le prix des denrées alimentaires. Aujourd'hui, les plus grands annonceurs médias sont les distributeurs - devenus très offensifs grâce à des budgets communication très conséquents -, ce qui nous amène à nous interroger sur l'utilisation du SRP + 10 %. Nous souhaitons rester vigilants et approfondir la question des effets de cette publicité comparative, notamment sur la valorisation de la MPA, ainsi que sur les possibilités de l'encadrer.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Je tiens à remercier les deux rapporteurs pour leur immense travail, entamé en février 2024, qui n'a pas pu être présenté en juin en raison de la dissolution de l'Assemblée nationale. Cependant, vous avez mentionné que le délai supplémentaire vous a permis de poursuivre les auditions et d'enrichir encore le rapport que vous nous présentez aujourd'hui.
M. Jean-Claude Tissot. - Je remercie les rapporteurs pour leur présentation.
Pour toutes les lois Egalim, nous constatons les mêmes difficultés d'application, d'appréhension, d'analyse et d'amélioration. Vos propositions nous semblent judicieuses et nous les voterons.
Tout d'abord, il me paraît essentiel de créer un observatoire des prix des MDD en raison de l'inflation. Sans outil approprié, nous continuerons à fonctionner de la même manière qu'aujourd'hui.
Par ailleurs, je me permets de rappeler que nous avions déjà fait, l'année dernière, le constat que les centrales d'achat détournent la règle de notre pays en passant par l'international. Il est nécessaire que la DGCCRF partage les éléments en sa possession de sorte que nous puissions modifier la loi Egalim.
Je constate que vous n'avez pas abordé la difficulté que rencontrent les collectivités territoriales pour appliquer cette loi. Contraintes notamment de servir une part de produits biologiques dans les cantines, elles sont aujourd'hui confrontées à un problème d'approvisionnement plus important que lors de l'entrée en vigueur d'Egalim 1 en raison du nombre important de déconventionnements. Peut-être faudrait-il adapter la loi et ajouter ce point dans vos propositions ?
Pour ma part, je pense que la conclusion d'une charte des industriels et des distributeurs est un voeu pieux.
J'en viens à présent aux négociations commerciales : nous n'étions pas d'accord l'année dernière sur l'idée de dates butoirs en fonction du chiffre d'affaires, mais force est de constater que les plus petites entreprises ne seront pas pénalisées dans les négociations si nous retenons votre proposition d'une seule date butoir et de l'inscription d'une clause de révision dans les CGV de l'industriel. Il me semble judicieux de continuer à tester ce mode opératoire pendant une année encore.
S'agissant de la volatilité des prix, il sera peut-être difficile de déclencher la clause de révision. Quel coût de MPI sera l'élément déclencheur ? S'agira-t-il prioritairement de l'énergie ?
Par ailleurs, vous soulignez une avancée notable en matière de pénalités logistiques. Or j'ai découvert qu'une palette entière pouvait être refusée au motif qu'une seule bouteille n'est pas en conformité. Est-il possible de réviser ce dispositif ?
Enfin, j'adhère - nous adhérons - complètement au principe de prolonger et non pérenniser le dispositif SRP + 10 %.
M. Gérard Lahellec. - Je tiens à remercier nos rapporteurs pour leur travail et aussi parce qu'ils ont rappelé les spécificités du contexte et du climat pour cette année en matière d'application des lois Egalim. Un véritable chantier nous attend puisqu'une loi Egalim 4 est en préparation : les recommandations formulées sont donc utiles. Il est également important d'avoir rappelé le déphasage important entre la mise en oeuvre de la loi et l'évolution du contexte : cela pèse sur le réel.
Je constate que les lois Egalim ont produit plus d'effets vers l'aval - pour les consommateurs et les distributeurs - que pour les producteurs : la question du retour de la valeur ajoutée à la « ferme » reste donc entière. ? cela s'ajoutent évidemment les pratiques des centrales d'achat. Il me semble important de souligner que la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (LME) produit un effet qui ne sert pas la cause du retour de la valeur ajoutée au lieu où celle-ci est produite, singulièrement s'agissant des denrées alimentaires.
Telles sont les quelques observations que m'inspire votre rapport : elles ne retirent rien à la pertinence de vos recommandations.
M. Franck Montaugé. - Je remercie nos rapporteurs pour leurs propositions utiles.
Il me semble important de constater - et je pense que nous serons d'accord sur ce point - qu'en matière de revenu agricole, les choses ne progressent pas de manière suffisamment rapide et significative. Les manifestations qui se déroulent actuellement dans le pays en sont la preuve et montrent toute l'importance de ce sujet.
Je tiens à rappeler qu'en juin 2016, le Sénat avait adopté à l'unanimité la proposition de loi visant à mettre en place des outils de gestion des risques en agriculture présentée par Henri Cabanel et moi-même. Cette proposition de loi vise à mettre en place un fonds de stabilisation des revenus agricoles dans les conditions fixées par le règlement européen du 17 décembre 2013 relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER). La question d'un revenu décent pour tous les agriculteurs en France se pose en effet et le fonds de stabilisation des revenus agricoles proposé permettrait d'y répondre en partie, sans remettre en question le dispositif Egalim actuel et à venir : les deux dispositifs sont tout à fait complémentaires et cette complémentarité me semble nécessaire. J'invite ceux qui n'étaient pas membres de notre commission à l'époque à prendre connaissance de ce texte qui comporte une dizaine d'articles, impliquant - sans les obliger - tant le FEADER que les collectivités territoriales et visant à garantir un revenu minimum.
La question du revenu agricole et de l'agriculture en général doit rester une grande cause nationale. Elle me semble tout à fait conciliable avec les évolutions de la loi Egalim telles que vous les proposez. Nous voterons vos recommandations.
M. Henri Cabanel. - Je souscris entièrement au propos de notre collègue Franck Montaugé.
Je tiens à remercier nos deux rapporteurs pour leur travail sur les lois Egalim. Je constate que les craintes qu'ils avaient exprimées au début se sont avérées assez justifiées au fil du temps.
Pour mémoire, la loi Egalim et les États généraux de l'alimentation visaient bien sûr à donner un revenu aux agriculteurs, mais aussi à éviter la guerre des prix. Force est de constater que nous en sommes encore loin puisque les centrales d'achat internationales contournent la loi française.
L'idée d'une loi Egalim européenne est séduisante, mais il est difficile de prédire quand nous y parviendrons.
La loi Egalim n'est d'ailleurs pas une fin en soi. En amont, il est essentiel que les filières mettent en place des stratégies pour assurer un revenu aux agriculteurs. Certaines - comme la viticulture - refusent cette loi : en effet, tous les vignobles n'y sont pas favorables, car bénéficier de certaines garanties sur les prix ne les assure pas de vendre leurs vins.
Nous sommes d'accord avec vos propositions et nous continuerons à travailler avec vous, comme j'ai moi-même pu le faire lors de nombreuses auditions.
M. Laurent Duplomb. - Je tiens tout d'abord à féliciter les rapporteurs pour leur assiduité depuis plusieurs années. Avec eux, aux grandes heures du macronisme rugissant, nous avions combattu l'idée que la première loi Egalim pouvait régler la question des prix des agriculteurs par le ruissellement : sans pompe, cela ne fonctionne pas de l'aval vers l'amont ! En bon paysan et avec bon sens, je ne comprenais pas cette stratégie et je constate que l'avenir m'a donné raison. Pour autant, tout n'est pas à jeter dans la loi Egalim. Pour preuve, et comme l'indique Anne-Catherine Loisier, il faudrait creuser davantage la problématique du lait : c'est certainement la filière où la loi Egalim a été la plus performante. Aujourd'hui, le groupe Lactalis a prévu de réduire la collecte de lait et il est obligé de recourir à une communication tonitruante pour justifier le plan social qui va toucher les éleveurs français. Il se voit aujourd'hui contraint de payer aux producteurs de lait des sommes qu'il avait pour habitude de garder, afin d'être au même prix que les coopératives. Celles-ci ont d'ailleurs toujours joué un rôle de locomotive des prix, notamment grâce à la loi Egalim. Tandis que le président-directeur général du groupe, M. Emmanuel Besnier, rechigne à verser les 100 millions d'euros promis pour calmer la colère des agriculteurs qui s'est exprimée en début d'année, des centaines d'éleveurs sont aujourd'hui très inquiets pour leur avenir, en particulier dans l'Est de la France. Je tiens à dénoncer ce projet sur lequel Lactalis communique très peu et qui risque de complexifier fortement la situation.
Par ailleurs, je suis heureux d'entendre que, finalement, des avancées ont été réalisées en matière de pénalités logistiques - la martingale des Grandes et moyennes surfaces (GMS) habituées à contourner les règles dans le but de pressuriser les fournisseurs par des moyens pas toujours recommandables.
S'agissant du SRP + 10 %, si nous ne parvenons pas à l'évaluer, nous pourrions considérer qu'il se situe entre 700 millions et 1 milliard d'euros, voire un peu plus. Cela correspond à la réalité. La création du SRP + 10 % a engendré une hausse de 10 % du prix de tous les produits alimentaires ; par conséquent, il a été financé par les Français alors qu'il devait constituer le ruissellement nécessaire vers l'amont agricole. En revanche, si les centrales d'achat se déportent à l'étranger pour échapper aux règles fixées par Egalim, en quoi est-il utile de donner aux distributeurs 700 millions à 1 milliard d'euros pour améliorer leurs pratiques vis-à-vis des fournisseurs et des paysans et pourquoi les Français devraient-ils financer cela ?
En matière de pénalités logistiques, je tiens à préciser qu'il est interdit de prononcer une sanction à l'encontre d'un fournisseur si rien ne peut lui être reproché. Nous avions déjà dénoncé ce type de pratique.
Vous avez raison de continuer à creuser tous les sujets. La pire des choses serait d'oublier. Oublier, c'est risquer d'accepter un changement de pratiques qui peut sembler pertinent au début, mais qui peut s'avérer contre-productif. Je vous invite à analyser les coopératives laitières pour mieux comprendre les tenants et les aboutissants de la situation actuelle et leur mode de fonctionnement. Ce type d'entreprise a redonné ses lettres de noblesse à la coopération, censée faire évoluer le prix de sorte que chacun y retrouve son intérêt.
M. Daniel Salmon. - Lors des quelques auditions auxquelles j'ai participé, j'ai pu mesurer la difficulté de la tâche : les réponses aux questions pourtant très précises des rapporteurs étaient souvent très évasives, j'avais parfois l'impression d'assister à un jeu de poker menteur entre les industriels et la grande distribution. Il est difficile de savoir ce qu'il se passe réellement.
Je salue votre travail et je partage vos préconisations.
Néanmoins, il serait utile de préciser notamment la définition du prix abusivement bas et celle de la construction de l'indicateur du coût de production.
En outre, en matière de dates butoirs, les négociations commerciales ne semblent effectivement pas avoir porté les fruits attendus : peut-être faudrait-il attendre encore un peu pour juger du résultat dans la mesure où aucune tendance nette ne se dégage pour l'instant ?
Que pensez-vous d'un « tunnel de prix » ? Cette pratique utilisée dans la filière laitière permet d'assurer un revenu décent au producteur et d'intervenir lorsque les conditions sont défavorables, au moyen d'une baisse de la production. C'est donc une forme de régulation.
Enfin, je relève une divergence dans nos points de vue : elle concerne la montée en gamme. Celle-ci me semble indispensable pour garantir une nourriture de qualité. C'est une question de santé publique et surtout de protection de nos marchés intérieurs. Pour parvenir à cette montée en gamme, il faut attaquer, comme vous l'avez précisé, les plateformes établies à l'étranger qui permettent de contourner complètement la loi Egalim.
M. Bernard Buis. - Je remercie les rapporteurs pour le travail fourni tout au long de cette année et les axes de proposition documentés qu'ils nous ont présentés.
Je tiens à souligner combien le prononcé systématique des sanctions est essentiel pour marquer les esprits et en finir avec le sentiment d'impunité qui règne aujourd'hui. Si nous y parvenons, nous aurons bien avancé.
M. Laurent Duplomb. - Je souhaite m'opposer à ce que vient de dire notre collègue Daniel Salmon. Il n'est pas sérieux de promouvoir une montée en gamme sans s'intéresser aux évolutions du marché !
Pendant 30 ans, j'ai contribué en tant que producteur de lait à l'installation et au soutien des agriculteurs bio : aujourd'hui, j'en ai assez !
Pendant 20 ans, j'ai accepté le prix du lait qu'avait fixé ma coopérative de manière à verser 100 euros de plus aux agriculteurs bio. Leur lait était alors mélangé à celui que je produisais et recueilli dans une même citerne, car les coûts étaient trop élevés pour assurer des collectes distinctes. En outre, le lait bio n'était pas mis en vente, car la consommation n'était pas en adéquation avec la production. À l'époque, je trouvais normal de contribuer pour le développement d'une nouvelle activité. Or, ces dix dernières années, 50 % du lait bio a été déclassé pour devenir du lait conventionnel, car la demande n'était pas en adéquation avec la production. Ainsi, pendant 20 ans, un certain prix a été payé parce qu'il était plus facile de collecter deux types de lait en les mélangeant et, à présent, le prix payé tient compte des deux collectes séparées, mais une partie du lait bio est finalement mélangé au lait conventionnel. En termes d'empreinte carbone, j'imagine que c'est catastrophique !
Aujourd'hui, je suis las d'entendre des discours truffés de contre-vérités ! Tout produit doit correspondre à la réalité des besoins de consommation. Faire de l'agriculture une posture politique, proposer à des fins démagogiques des produits qui ne sont pas consommés et expliquer ce qu'il faudrait faire finit par être contre-productif !
Lactalis dit très clairement que si les producteurs bio ne se « déconventionnent » pas, ils ne seront plus collectés.
Pendant combien de temps allons-nous persévérer dans ce dogme ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Voilà qui est dit. Nos rapporteurs vont apporter un peu d'apaisement.
M. Olivier Rietmann. - Je souhaite rebondir sur le propos de notre collègue Laurent Duplomb pour évoquer la situation de la volaille, car elle est aujourd'hui particulièrement préoccupante : plus de 50 % de la volaille consommée est importée. Les États généraux de l'alimentation ont impulsé très fortement une montée en gamme dans ce secteur, délaissant complètement la production de volaille sanitairement et qualitativement irréprochable, mais plutôt de premier prix. Contraint de choisir entre la montée en gamme et son porte-monnaie, le consommateur a opté pour la solution la moins chère - ce qui est compréhensible - et achète de la volaille importée !
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. - Je remercie Jean-Claude Tissot pour ses remarques que je vais compléter.
Le présent rapport porte exclusivement sur le titre Ier de la loi Egalim 1, consacré à l'amélioration de l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire. Or celle loi traite en effet d'autres sujets : le titre II porte sur une alimentation saine, de qualité, durable, accessible à tous et respectueuse du bien-être animal ; le titre III concerne des mesures de simplification dans le domaine agricole.
Compte tenu de l'actualité, nous n'avons pas eu le temps de nous intéresser au volet cantines et restauration hors domicile. Cependant, un débat est en cours pour étendre Egalim à la restauration privée et ce sera notre sujet à venir.
Je suis d'accord sur le fait que depuis la première loi Egalim, nous avons un temps de retard sur les acteurs qui, eux, renouvellent très rapidement leurs pratiques : les distributeurs ont développé des centrales d'achat et de services, et il est difficile de savoir ce qui y est négocié. Or, comme il s'agit de plans d'affaires, les conséquences peuvent être lourdes pour les opérateurs malgré l'amélioration de la gestion des pénalités logistiques.
Par ailleurs, il est important de noter que deux principes prévalent en matière de pénalités : la preuve et la proportionnalité. La pénalité doit en effet être proportionnelle au préjudice subi. Cependant, nous avons des difficultés à nous assurer que ces deux éléments de la définition de la pénalité sont bien respectés. Il nous faut approfondir ce sujet.
J'en viens à présent aux clauses de révision. Lorsque ces dispositifs ont été introduits dans la loi Egalim 2, nous nous intéressions exclusivement à la MPA, en prenant appui sur les seuls indicateurs de coût de production initiaux. Il ne faut pas en rester là, car les industriels récupèrent sur les MPI et ne prennent pas en compte les hausses d'énergie et de transport que subissent les producteurs. En fait, tous les acteurs - fournisseurs, industriels et producteurs - sont en difficulté parce que l'ensemble de leurs charges n'est pas pris en compte. On en revient au débat de la première loi Egalim : le revenu des agriculteurs ne dépend pas que des prix : si les charges sont élevées, le compte n'y est pas ! La faiblesse de la loi Egalim réside dans le fait qu'elle n'aborde que le prix, ignorant tous les éléments de fragilité qui se sont développés entretemps.
Enfin, s'agissant des effets induits de la LME, nous sommes tous conscients que, dès son entrée en vigueur, cette loi qui porte en substance la guerre des prix et les publicités comparatives a orienté la stratégie et la posture des différents acteurs, notamment celle des distributeurs.
M. Daniel Gremillet, rapporteur du groupe de suivi. - Je voudrais remercier celles et ceux qui ont pu se rendre disponibles pour nos auditions, puisqu'elles étaient ouvertes. Certains ont pu constater qu'il n'était pas toujours aisé d'obtenir des réponses à nos questions pourtant très précises.
Tout d'abord, comme nous l'avions souligné dès le début de nos travaux, quel que soit le secteur et cela vaut aussi pour une famille, un revenu se calcule toujours en tenant compte des charges.
Par ailleurs - et c'est la première fois que nous le faisons de manière aussi claire, nous tenons à vous alerter sur le fait que la loi Egalim peut s'avérer dangereuse pour l'agriculture française : en effet, le contexte n'est plus national, mais européen, et l'agriculture française n'est pas seule en Europe. Or l'idée de la montée en gamme a fait oublier la compétitivité de la ferme France qui, rappelons-le, est composée à la fois d'agriculteurs et d'entreprises. Certaines gammes de produits ne sont plus fabriquées en France, en termes de matières premières agricoles, et parfois même plus du tout par l'industrie française, d'où le remplacement du logo « France » par le logo « UE ». Il s'agit d'une lame de fond et c'est très inquiétant. Je pense que nous devrions avoir pour ambition que l'agriculture française soit en capacité de répondre à toutes les attentes des consommateurs français, tant en termes de types de consommation que de gammes. N'oublions pas que pour faire vivre les campagnes, les marchés doivent être au rendez-vous !
J'en viens à une autre tendance qui devrait nous alerter. Certes, notre volonté de réglementer a abouti puisque les pénalités logistiques ont été intégrées dans la loi et c'est une bonne chose. En revanche, depuis la première loi Egalim, de nombreuses centrales d'achat se sont formées. Elles sont aujourd'hui en position dominante tandis que nous avons toujours un temps de retard.
S'agissant du prix tunnel, il faudrait tout d'abord que les interprofessions produisent des indicateurs plus rapidement : en effet, malgré nos demandes réitérées, nous manquons d'indicateurs dynamiques et, pour certains produits, les données remontent à un an, voire deux ans. Tout peut être écrit dans une loi, mais, si les bons chiffres n'arrivent pas au bon moment, le résultat n'est pas celui escompté. Par ailleurs, les agriculteurs devraient s'engager davantage en matière de contractualisation : force est de constater que la situation n'a pas beaucoup avancé depuis Egalim 1, comme le rappelait notre collègue Henri Cabanel.
Il me semble aussi que sortir du schéma franco-français - si vous nous y autorisez, madame la présidente - pour observer la situation dans d'autres pays, par exemple en matière de contrats et d'achats, pourrait s'avérer judicieux. En Allemagne, le prix du lait payé au producteur, sans loi Egalim, est le même à l'euro près que le prix français et il est même plus élevé que celui-ci - en ce moment même - rapporté au mois. Et si je reprends les prix au moment de la crise, le différentiel s'élevait à 100, voire 150 euros de plus dans certains pays comme l'Irlande, l'Allemagne et les Pays-Bas, et ce toujours sans loi Egalim.
S'agissant de l'agriculture biologique, je souhaite apporter un peu d'apaisement. Je connais des producteurs bio qui sont mieux rémunérés lorsque leurs produits - lait ou viande - sont vendus en tant que produits issus de l'agriculture conventionnelle. Pour autant, ils ne décident pas d'abandonner leur certification bio. Cela me paraît tout à fait compatible et montre qu'il ne s'agit pas d'un problème de déconventionnement. Je pense qu'il est positif de retrouver sur nos territoires une certaine liberté d'entreprendre et de schéma de production. Ne mettons pas le secteur bio en situation de fragilité, car la compétitivité s'intensifie sur ce marché au sein de l'Union européenne !
Concernant les collectivités, un certain nombre d'auditions ont eu lieu, mais nous n'abordons pas ce sujet dans le rapport par crainte d'être incomplets, car il est complexe. Nous le traiterons bien sûr prochainement. Nous avons d'ores et déjà pu constater que les communes, les départements et les régions consacrent beaucoup d'énergie, de temps et de moyens pour appliquer la loi Egalim. Peut-être serait-il judicieux de réfléchir à une simplification en proposant par exemple le recours à des produits issus du territoire ? Nous avons prévu de travailler sur les autres titres des lois Egalim comme l'a rappelé Anne-Catherine Loisier.
Enfin, comme notre collègue Bernard Buis, je suis favorable à un prononcé systématique des sanctions et cela figure dans nos recommandations. Jusqu'à présent, la DGCCRF nous avait semblé plutôt timide en la matière, mais il semble qu'un cap supérieur a été franchi récemment puisque le nombre de sanctions et de pénalités augmente. Il me paraît nécessaire de renforcer les contrôles et de prononcer des pénalités dès lors qu'une anomalie est constatée.
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure du groupe de suivi. - Je souhaite apporter deux compléments.
Le sujet des marges des MPI était difficile à appréhender dans les phases précédentes, car la loi Egalim se concentre sur la MPA. Il s'agit donc d'une question de rééquilibrage. Nous proposons de remplacer la clause de renégociation par une clause tenant compte de l'évolution du coût des MPI. S'agissant de la procédure, il faudra rajouter un élément relatif aux MPI et surtout pas se concentrer uniquement sur la MPA.
Concernant le SRP + 10 %, nous avons eu un débat important il y a deux ans. Je suis convaincue qu'il est de notre responsabilité de législateur d'éclaircir ce point. Cela représente des milliards et nous ne pouvons pas continuer à verser ces sommes sans nous assurer que l'objectif fixé est atteint. Il est donc crucial que nous approfondissions ce sujet. J'ose suggérer que la commission se dote de pouvoirs d'enquête, car il est souvent difficile d'obtenir des données, notamment en raison des centrales d'achat à l'étranger. Nous devons réfléchir à la manière de nous procurer ces chiffres.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous allons procéder au vote sur ce rapport et sur les recommandations formulées afin de permettre sa publication.
Les recommandations sont adoptées.
La commission adopte le rapport à l'unanimité et en autorise la publication.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Mardi 6 février 2024
- Fédération des entreprises et entrepreneurs de France (FEEF) : M. Léonard PRUNIER, président, et Mme Diane AUBERT, directrice des affaires publiques.
- Association des entreprises de produits alimentaires élaborés (Adepale) : MM. Jérôme FOUCAULT, président, Frédéric ORIOL, administrateur et président du syndicat des entreprises du traiteur frais, et Nicolas PENANHOAT, directeur des affaires économiques.
- La Coopération agricole : MM. Dominique CHARGÉ, président, et Thibault BUSSONNIÈRE, directeur adjoint en charge des affaires publiques.
Mardi 12 mars 2024
- Association nationale des industries alimentaires (Ania) : MM. Jean-Philippe ANDRÉ, président, et Simon FOUCAULT, directeur des affaires publiques.
- Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire : M. Thierry DAHAN, médiateur des relations commerciales agricoles.
Mardi 19 mars 2024
- Fédération du commerce et de la distribution (FCD) : Mme Layla RAHHOU, directrice des affaires publiques, M. Hugues BEYLER, directeur agriculture, et Mme Sophie AMOROS, responsable des affaires publiques et communication.
- Institut de liaison des entreprises de consommation (Ilec) : MM. Richard PANQUIAULT, président-directeur général, Daniel DIOT, secrétaire général, et Antoine QUENTIN, délégué général.
Mardi 2 avril 2024
- Audition commune de la Fédération des entreprises de la beauté (FEBEA) et de la Fédération de l'hygiène et de l'entretien responsable (FHER) :
· FEBEA : Mme Olivia GUERNIER, directrice des affaires publiques et de la communication, et M. Xavier GUEANT, directeur juridique et conformité.
· FHER : Mme Virginie D'ENFERT, déléguée générale, et M. François-Xavier APOSTOLLO, directeur général de Briochin.
- Groupement Les Mousquetaires : MM. Frédéric THUILLIER, directeur des affaires publiques, Nicolas RAYNAL, directeur des affaires publiques territoriales, et Gilles ROTA, directeur juridique commerce et distribution.
- Centre national interprofessionnel de l'économie laitière (Cniel) : Mme Caroline HELLEINSEN ERRANT, directrice générale, et M. Jean-Marc CHAUMET, directeur économie.
Mercredi 3 avril 2024
- Confédération des grossistes de France (CGF) : M. Pierre PERROY, directeur des affaires économiques et fiscales, Mme Kristelle HOURQUES, directrice des affaires publiques, et M. Jacques-Olivier BOUDIN, président de la commission Économie.
- Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes (Interbev) : M. Emmanuel BERNARD, président de la section ovine, et Mme Louison CAMUS, responsable juridique et des relations publiques.
Mardi 9 avril 2024
- Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) : M. Thomas PILLOT, chef du service Protection des consommateurs et régulation des marchés, et Mme Carla DEVEILLE FONTINHA, sous-directrice Droit de la concurrence, droit de la consommation et affaires juridiques.
- Lidl France : M. François BLUET, directeur juridique et compliance, M. Luc VERGEZ-PASCAL, chef de projets affaires publiques.
- Cour des comptes : Mme Catherine PERRIN, magistrat, M. Mathieu MOSLONKA-LEFEBVRE, M. Hervé BOULLANGER, magistrat.
Lundi 10 juin 2024
- Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC) : Mme Emmanuelle ROUXEL et M. Julien MAULAVÉ, commissaires aux comptes.
Mardi 5 novembre 2024
- Association nationale des industries alimentaires (Ania) : M. Maxime COSTILHES, directeur général, Mme Marie BUISSON, responsable juridique, M. Miloud BENAOUDA, vice-président.
- La Coopération agricole : M. Dominique CHARGÉ, président, M. Thibault BUSSONIERE, directeur adjoint communication et relations extérieures, en charge des affaires publiques.
Mercredi 6 novembre 2024
- Institut de liaison des entreprises de consommation (Ilec) : MM. Nicolas FACON, président-directeur général, et Daniel DIOT, secrétaire général.
- Groupement Les Mousquetaires : MM. Nicolas RAYNAL, directeur des affaires publiques territoriales, et Luka LEFORT, coordinateur des relations agricoles.
Mardi 12 novembre 2024
- Fédération des entreprises et entrepreneurs de France (FEEF) : M. Léonard PRUNIER, président, et Mme Diane AUBERT, directrice des affaires publiques.
Jeudi 14 novembre 2024
- Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire : MM. Aurélien De La NOUE, conseiller économie, industries agro-alimentaires, EGalim, foncier et outremer, et Pierre REBEYROL, adjoint au sous-directeur Compétitivité à la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises.
TABLEAU DE MISE EN OEUVRE ET DE SUIVI
N° |
Proposition |
Acteurs concernés |
Calendrier prévisionnel |
Support(s) |
1 |
Généraliser la publication des indicateurs de référence par les interprofessions. |
Interprofessions |
2025 |
Publication des indicateurs de référence |
2 |
Systématiser le recours aux indicateurs de référence proposés par le producteur au sein des propositions de contrat ou d'accords-cadres. |
Ministère de l'agriculture, Parlement, Interprofessions |
2025 |
Modification de l'article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime |
3 |
Donner une place prépondérante aux indicateurs de coûts de production au sein des formules de détermination et de révision du prix. |
Ministère de l'agriculture, Parlement |
2025 |
Modification de l'article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime |
4 |
Mentionner au sein des conditions générales de vente (CGV) envoyées par l'industriel au distributeur les indicateurs qui ont été utilisés pour déterminer le prix de la matière première agricole à l'amont. |
Ministère de l'agriculture, Ministère de l'économie, Parlement |
2025 |
Modification de l'article L. 443-8 du code de commerce |
5 |
Renforcer l'accompagnement des interprofessions en matière de contractualisation. |
Interprofessions |
Dès que possible |
Appui et sensibilisation des opérateurs |
6 |
Établir et rendre public un bilan annuel des contrôles de la contractualisation présentant les principaux enseignements tirés pour assurer le suivi de la contractualisation. |
Ministère de l'économie |
2025 |
Publication d'un bilan annuel des contrôles |
7 |
Réexaminer les seuils règlementaires d'exclusion de l'obligation de contractualisation ainsi que les exemptions règlementaires de certaines filières agricoles volontaires. |
Ministère de l'agriculture |
2025 |
Modification du décret n° 2022-1668 |
8 |
Pour les cycles de négociations commerciales postérieurs à 2024-2025 : conserver le principe d'une date butoir fixe, sans différenciation selon la taille des entreprises, tout en prévoyant des négociations plus courtes, closes le 1er février. |
Ministère de l'économie, Parlement |
Après les négociations commerciales 2025 |
Modification du titre IV du code de commerce |
9 |
Au-delà du formalisme, renforcer les contrôles de la DGCCRF concernant l'économie du contrat. |
Ministère de l'économie |
2025 |
Contrôles |
10 |
Intégrer la clause de révision automatique du prix en fonction de l'évolution du coût de la MPA dans les conditions générales de vente de l'industriel, afin qu'elle constitue le socle unique de la négociation et que lui soit appliquée le principe de non-discrimination. En conséquence, remplacer la clause de renégociation, source de confusion et peu utilisée, par une clause tenant compte de l'évolution du coût des matières premières industrielles. |
Ministère de l'économie, Parlement |
2025 |
Modification de l'article L. 443-8 du code de commerce |
11 |
Préciser encore davantage l'assiette des pénalités logistiques, renforcer les contrôles sur la fourniture de la preuve du préjudice et rappeler que le taux de 2 % est un plafond. |
Ministère de l'économie |
2025 |
Lignes directrices |
12 |
D'ici 2026, dresser le bilan de l'expérimentation du préavis de rupture prévu par l'article 9 de la loi du 30 mars 2023 et envisager sa prolongation ou sa pérennisation. |
Ministère de l'économie, Médiateur des relations commerciales agricoles |
D'ici 2026 |
Rapport transmis au Parlement |
13 |
Évaluer le SRP + 10 % et proroger (et non pérenniser) l'expérimentation. |
Ministère de l'économie, Parlement |
D'ici le 15 avril 2025. |
Évaluation du dispositif et modification de l'article 125 de la loi dite ASAP |
14 |
Prolonger l'encadrement des promotions des produits de grande consommation tout en portant attention au développement du cagnottage. |
Ministère de l'économie, Parlement |
D'ici le 15 avril 2026 |
Évaluation du dispositif et modification de l'article 125 de la loi dite ASAP |
15 |
Créer un observatoire de suivi des produits et de l'origine des produits vendus sous MDD. |
Ministère de l'économie |
2025 |
Structure existante |
126 |
Évaluer les effets de la publicité comparative concernant les prix des denrées alimentaires sur la rémunération de l'amont agricole et envisager son encadrement en conformité avec le droit européen. |
Ministère de l'économie |
2025 |
Rapport transmis au Parlement |
17 |
Demander au ministre de prononcer systématiquement des sanctions à l'encontre des centrales d'achat basées à l'étranger qui ne respectent pas le cadre des lois Egalim. |
Ministère de l'économie |
Dès que possible |
Sanctions |
18 |
Établir une charte entre distributeurs et industriels visant à exclure les produits à forte composante de matière première agricole des négociations menées avec des centrales d'achat internationales. |
Fédérations d'industriels et de distributeurs |
Dès que possible |
Charte |
19 |
Demander à la DGCCRF de transmettre chaque année au Parlement les données relatives à la part de produits commercialisés en France dont les négociations sont effectuées à l'étranger. |
Ministère de l'économie |
2025 |
Données transmises au Parlement |
20 |
Faire aboutir le projet d'« Egalim européen ». |
Union européenne |
Moyen-terme |
Règlement ou directive |
* 1 Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.
* 2 Loi n° 2023-221 du 30 mars 2023 tendant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs.
* 3 Loi n° 2021-1357 du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs.
* 4 Loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique.
* 5 Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.
* 6 Prix du tarif diminué des ristournes et rabais du fournisseur et du montant des prestations commerciales facturées par l'acheteur.
* 7 De + 5,6 % sur un an en mars 2023, l'inflation générale est passée à + 4,5 % en juin 2023 et + 4,3 % en juillet 2023. L'inflation alimentaire dans la grande distribution est quant à elle passée de 15,9 % sur un an en mars 2023 à 14,4 % en juin 2023 et 13,1 % en juillet.
* 8 Loi n° 2023-1041 du 17 novembre 2023 portant mesures d'urgence pour lutter contre l'inflation concernant les produits de grande consommation.
* 9 Baromètre inflation Circana-LSA de mars 2024.
* 10 Loi n° 2023-221 du 30 mars 2023 tendant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs.
* 11 Amendements 6 rect. bis, 15 rect. bis et 42 de MM. Gremillet et Duplomb et de Mme Loisier, rapporteurs.
* 12 La part de marché des produits vendus sous MDD est passée de 34,6 % en 2014 à 31,9 % en 2021.
* 13 Éditions Dauvers : https://www.olivierdauvers.fr/2023/03/27/exclu-ce-quil-y-a-dans-les-paniers-anti-inflation/
* 14 DGCCRF : https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/trimestre-anti-inflation-la-dgccrf-mobilisee-pour-surveiller-lefficacite-du-dispositif-0
* 15 Loi n° 2021-1357 du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs.
* 16 Article L. 443-8 du code de commerce.
* 17Loi n° 2023-1041 du 17 novembre 2023 portant mesures d'urgence pour lutter contre l'inflation concernant les produits de grande consommation.
* 18 Assignation de l'enseigne Intermarché pour des pratiques commerciales abusives, communiqué de presse du ministère de l'économie 19 février 2021.
* 19 Décret n° 2022-1668 du 26 décembre 2022.
* 20 Article 125 de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique.
* 21https://www.olivierdauvers.fr/wp-content/uploads/2015/11/DGC-LObservatoire-Origine-France.pdf