N° 133

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 13 novembre 2024

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport (1) sur les contrats d'objectifs et de moyens 2024-2028
des
sociétés de l'audiovisuel public,

Par M. Cédric VIAL,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon, président ; MM. Jérémy Bacchi, Max Brisson, Yan Chantrel, Mme Laure Darcos, MM. Bernard Fialaire, Jacques Grosperrin, Martin Lévrier, Mmes Monique de Marco, Marie-Pierre Monier, M. Michel Savin, vice-présidents ; Mmes Colombe Brossel, Else Joseph, M. Pierre-Antoine Levi, Mme Anne Ventalon, secrétaires ; Mmes Marie-Jeanne Bellamy, Catherine Belrhiti, Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, M. Christian Bruyen, Mmes Samantha Cazebonne, Mireille Conte Jaubert, Evelyne Corbière Naminzo, Karine Daniel, Sabine Drexler, M. Aymeric Durox, Mmes Agnès Evren, Béatrice Gosselin, MM. Jean Hingray, Patrick Kanner, Claude Kern, Mikaele Kulimoetoke, Mme Sonia de La Provôté, MM. Ahmed Laouedj, Michel Laugier, Jean-Jacques Lozach, Mmes Virginie Lucot Avril, Pauline Martin, Catherine Morin-Desailly, Mathilde Ollivier, MM. Pierre Ouzoulias, Jean-Gérard Paumier, Maurice Perrion, Stéphane Piednoir, Mme Sylvie Robert, MM. David Ros, Pierre-Jean Verzelen, Cédric Vial, Adel Ziane.

AVANT-PROPOS

En application de l'article 53 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, le Premier ministre a saisi le Président du Sénat des projets de contrats d'objectifs et de moyens (COM) de quatre sociétés de l'audiovisuel public pour la période 2024-2028 : France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'Institut national de l'audiovisuel (INA).

L'article 53 de la loi de 1986 prévoit la conclusion de COM entre l'État et cinq entités de l'audiovisuel public. Le projet de COM d'Arte France suit toutefois une temporalité spécifique puisqu'il découle du projet de groupe de la chaîne franco-allemande. Il sera la traduction, pour la partie française, du projet de groupe adopté le 9 octobre 2024 par l'assemblée générale du groupement européen d'intérêt économique (GEIE) d'Arte pour la période 2025-2028. Ce projet de COM doit être transmis prochainement au Parlement.

Si la loi prévoit l'obligation de conclure des COM, elle ne prévoit aucune sanction si l'État manque à cette obligation ou ne respecte par les termes du document. C'est ainsi que les projets de COM des quatre sociétés précitées n'entreront en vigueur qu'à l'issue de leur première année théorique d'application. L'expérience a montré, par ailleurs, que ces COM étaient peu contraignants et qu'ils ne permettaient pas à l'État de mettre en oeuvre une véritable vision stratégique. La commission l'a regretté dans les avis défavorables qu'elle a rendus sur les projets de COM pour la période 2020-2022 puis sur les avenants qui ont prolongé ces COM sur l'exercice 2023.

L'article 5 de la proposition de loi relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle, adoptée par le Sénat le 13 juin 2023, réécrit l'article 53 précité pour substituer aux COM des conventions stratégiques pluriannuelles. Une seule convention serait conclue, dans ce cadre, entre l'État et la holding France Médias, regroupant France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'INA.

Dans l'attente de cette réforme indispensable de la gouvernance de l'audiovisuel public, suspendue par la dissolution de l'Assemblée nationale, le rapporteur juge que les projets de COM transmis en juin au Parlement ont désormais perdu tout crédibilité. Avant même leur entrée en vigueur, leur trajectoire financière est déjà obsolète. Ces COM sont un exercice uchronique dont il n'est pas possible de se satisfaire. Afin de tenir compte des incertitudes budgétaires et de la nécessité de réformer en profondeur la gouvernance de l'audiovisuel public, le rapporteur suggère l'élaboration, dans des délais resserrés, de COM d'une durée de trois ans (2024-2026).

Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable aux projets de contrats d'objectifs et de moyens des sociétés de l'audiovisuel public pour la période 2024-2028.

I. UN CONSENSUS AUTOUR DES GRANDES ORIENTATIONS DU SERVICE PUBLIC DE L'AUDIOVISUEL

A. DES OBJECTIFS PARTAGÉS CONFIRMANT LES STRATÉGIES DES ENTREPRISES

Les objectifs des projets de COM 2024-2028 s'inscrivent dans la continuité des orientations stratégiques définies par les précédents COM. Ces COM 2024-2028 prévoient notamment la poursuite de la transformation numérique, un renforcement de la place de l'information, des priorités données à la proximité et à la conquête du jeune public, ainsi qu'une offre culturelle diversifiée, adaptée à chaque antenne.

La transformation numérique est une priorité pour toutes les entreprises afin de répondre à l'évolution des usages. Toutefois, comme le souligne l'Arcom dans son avis du 24 juillet 2024 sur les projets de COM, la mise en place d'une plateforme commune à l'ensemble du service public n'est qu'insuffisamment évoquée alors que cette approche est suivie dans la plupart des pays de l'Union européenne.

L'information est devenue l'un des piliers de l'offre linéaire (avec le sport). La rationalisation de l'information produite au niveau national et la lutte contre la désinformation sont des priorités. Au plan local, le service public développe une offre de proximité en rapprochant les moyens existants. Au plan international, le groupe en charge de l'audiovisuel extérieur (France Médias Monde) est en première ligne dans la bataille de l'information.

La proximité est un atout que le service public de l'audiovisuel doit mettre davantage en valeur pour promouvoir une approche décentralisée et diversifiée, tant en matière d'information que de culture, de sport, etc. C'est l'objet du rapprochement entre France 3 et France Bleu autour de la marque « ICI » qui doit se décliner à la télévision, à la radio et sur supports numériques et se traduire par l'élaboration d'un schéma immobilier commun. La proximité concerne également l'outre-mer. Après la suppression de la chaîne France Ô, France Télévisions a pris 25 engagements à ce titre dans le cadre d'un « pacte de visibilité ».

La conquête des publics jeunes est un défi majeur. L'âge moyen des téléspectateurs de France 2 est de 62 ans. Les nouvelles générations utilisent massivement les outils numériques : formats vidéo courts, streaming, réseaux sociaux. Si les enfants consomment encore les programmes linéaires qui leur sont dédiés, les jeunes délaissent le visionnage d'émissions en linéaire sur un téléviseur commun à l'ensemble du foyer. L'offre doit s'adapter à ces nouveaux usages, afin d'attirer un public jeune vers des formats qualitatifs. Les coopérations avec l'éducation nationale (Lumni) ont vocation à être renforcées. En outre, pour limiter l'addiction aux écrans, le média audio (Radio France) a un rôle particulier à jouer.

L'accès de tous à la culture et le financement de la création sont au coeur des missions du service public de l'audiovisuel. Les nouveaux COM renouvellent l'ambition du service public dans ce domaine. France Télévisions s'engage à financer la création audiovisuelle à hauteur de 440 M€ annuels et le cinéma à hauteur de 80 M€ annuels. Radio France joue un rôle particulier pour promouvoir la diversité de l'offre musicale. L'INA est le média patrimonial, ayant pour mission de sauvegarder le patrimoine audiovisuel français.

Les médias de service public sont confrontés à des défis communs, résultant de la transformation progressive du paysage audiovisuel depuis deux décennies. Si chaque société occupe une place particulière, la plupart des orientations sont partagées par l'ensemble des acteurs. Or les objectifs et indicateurs demeurent cloisonnés par société. Contrairement aux précédents COM, les projets de COM 2024-2028 ne comportent pas de partie commune à toutes les entreprises.

Les synergies sont abordées a minima, l'accent étant principalement mis sur le projet ICI. Ces coopérations ne sont pas abordées dans leur dimension structurelle, alors que leur mise en oeuvre nécessite de revoir l'organisation des sociétés pour redéfinir la stratégie, accélérer les rapprochements et optimiser la répartition des moyens.

Pour le rapporteur, ces COM, reflètent, comme les précédents, les projets séparés de chaque entreprise plutôt que la vision stratégique de leur actionnaire commun.

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