AVANT PROPOS

Le territoire de la Polynésie française est très éloigné de l'hexagone et des autres collectivités d'outre-mer. Papeete, siège de la collectivité, se situe ainsi à près de 17 000 km de Paris, à 2 900 km des îles Wallis et Futuna et à 4 100 km de Nouméa.

Composé de cinq archipels - les archipels de la Société3(*), des Tuamotu, des Gambier, des Marquises et des Australes -, le territoire comprend 118 îles et s'étend sur près de 2 500 000 km2. Aussi 1 400 km séparent-ils les îles Marquises des îles du Vent.

Si les terres émergées polynésiennes ne correspondent qu'à la superficie d'un département métropolitain (soit environ 4 000 km2), la Polynésie française dispose toutefois d'une zone économique exclusive (ZEE) de 5 500 000 km2, qui représente près de la moitié de la ZEE française et couvre une surface supérieure à celle de l'Union européenne (4 200 000 km2).

Source : Syndicat pour la promotion des communes de la Polynésie française.

La population polynésienne, qui s'élevait à 278 786 habitants en 20224(*), est inégalement répartie sur l'ensemble du territoire, seules 76 des 118 îles du territoire étant peuplées. Compte tenu de leur spécificité géologique - des hautes îles montagneuses aux atolls inhabités car faiblement émergés -, 42 îles sont ainsi inhabitées.

88 % de la population se concentrent par ailleurs au sein de l'archipel de la Société (75 % sur les Îles-du-Vent, spécialement à Tahiti et Moorea, 13 % sur les Îles Sous-le-Vent) et 12 % résident dans les autres archipels (Marquises, Tuamotu, Gambier et Australes).

Répartition de la population de la Polynésie française

Source : Haut-commissariat de la Polynésie française.

Seules 20 des 48 communes de Polynésie française comptent une population qui dépasse 3 500 habitants, parfois répartis sur plusieurs îles.

Outre cette disparité notable entre les différents archipels, la population est au surplus inégalement répartie sur l'île de Tahiti, qui compte 191 532 habitants. En 2022, 71 % de la population de Tahiti vivait en effet dans la zone urbaine située au nord-est de l'île (Arue, Faa'a, Mahina, Paea, Papeete, Pirae, Punaauia). Le reste de l'île comporte à l'inverse des territoires faiblement peuplés.

La Polynésie française est, en outre, dotée d'une histoire et d'une culture propre d'une grande richesse qui la distinguent du reste de la France, qu'il s'agisse de l'hexagone ou des autres collectivités ultramarines.

*

Aussi le régime juridique et institutionnel de la Polynésie française est-il de longue date empreint de fortes particularités au sein de la République, afin d'épouser les spécificités géographiques, économiques et culturelles de ce vaste territoire.

De fait, la Polynésie française constitue aujourd'hui l'exemple le plus abouti de l'autonomie institutionnelle susceptible d'être conférée à une collectivité d'outre-mer en application de l'article 74 de la Constitution. Elle apparaît ainsi comme un « modèle » pour certains territoires en quête de compétences plus développées par rapport à l'État, notamment les collectivités guyanaise et antillaises, aujourd'hui régies par l'article 73 de la Constitution. Pourtant, à certains égards, la Polynésie apparaît comme un modèle « inachevé », qui appelle encore certains ajustements.

Alors que les dernières modifications statutaires sont intervenues en 2019, et que la dernière mission d'information menée par la commission des lois date de 20175(*), celle-ci a souhaité porter une attention particulière à ce territoire, marqué lors des élections territoriales de 2023 par une alternance au profit du parti indépendantiste, le Tavini huiraatira, désormais majoritaire à l'assemblée de la Polynésie française et dont le président de la collectivité et le gouvernement sont directement issus.

Pour ce faire, une délégation transpartisane de la commission des lois, conduite par son président, François-Noël Buffet6(*), s'est rendue en Polynésie française du 11 au 22 avril 2024, à la rencontre des élus du Pays et des communes, des représentants de l'État et de ses différentes administrations, ainsi que des acteurs socio-économiques.

Au terme de ces travaux, la commission des lois formule 22 recommandations, qui visent à mieux faire vivre l'autonomie de la Polynésie française et à permettre localement de mieux différencier l'exercice des compétences en fonction de la diversité des situations pour assurer une plus grande proximité de l'action publique.

I. L'AUTONOMIE, CLEF DU DÉVELOPPEMENT HARMONIEUX DU TERRITOIRE POLYNÉSIEN DANS LA RÉPUBLIQUE

La Polynésie française bénéficie d'un régime d'autonomie qui n'a cessé de croître depuis 1984. Pleinement justifié par les spécificités du territoire, il est la clef de son développement harmonieux dans la République.

A. UN RÉGIME D'AUTONOMIE TRÈS DÉVELOPPÉ, DE NATURE À ÉPOUSER LES SPÉCIFICITÉS DU TERRITOIRE

La loi n° 84-820 du 6 septembre 1984 affirme pour la première fois l'autonomie de la Polynésie française, « territoire d'outre-mer doté de l'autonomie interne dans le cadre de la République ». Des compétences propres lui sont reconnues, qui vont s'accroître ensuite continument par l'effet des lois du 12 juillet 1990 et du 20 février 1995, puis surtout de la loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996, qui octroie au territoire d'outre-mer de nouvelles compétences exclusives7(*) mais également des compétences partagées avec l'État8(*), y compris dans le domaine des relations internationales9(*).

Parachevant ce processus, la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004, modifiée en 200710(*), 201111(*) et 201912(*), dote la Polynésie française d'un régime d'autonomie en application de l'article 74 de la Constitution, fraîchement modifié par la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République, régime toujours en vigueur.

1. Une large autonomie permise par un statut ad hoc : la loi organique statutaire du 27 février 2004
a) Une compétence de principe des institutions du Pays

L'article 13 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 confère à la Polynésie française une compétence de droit commun pour toutes les affaires du territoire, en attribuant parallèlement à l'État comme aux communes des compétences d'attribution limitativement énumérées.

Il est donc loisible aux institutions du Pays d'adopter dans l'essentiel des matières, et tant dans le domaine de la loi que du règlement, des règles propres, applicables au territoire. Lorsqu'elles interviennent dans le domaine de la loi, ces règles sont qualifiées de « lois du pays », quoiqu'elles constituent des actes administratifs et demeurent soumises au contrôle juridictionnel du Conseil d'État.

La Polynésie française est en outre associée à la mise en oeuvre de certaines compétences de l'État, au premier rang desquelles les relations internationales, l'enseignement supérieur ou la recherche.

Des difficultés d'interprétation découlent cependant parfois de cet enchevêtrement des compétences du Pays, des communes de Polynésie et de l'État. Des dispositions organiques prévoient en conséquence des mécanismes qui permettent à la Polynésie française de clarifier voire de préserver ses compétences propres par rapport à celles de l'État.

Le président de la Polynésie française ou le président de l'assemblée de la Polynésie française peut ainsi saisir le tribunal administratif, à titre préventif, d'une demande d'avis relative à la répartition des compétences entre le Pays, l'État ou les communes, sur le domaine des « lois du pays » ou sur la répartition des compétences entre les institutions polynésiennes. Cette demande, transmise sans délai au Conseil d'État, permet ainsi de lever des incertitudes. En outre, un contrôle juridictionnel spécifique des lois du Pays est opéré par le Conseil d'État, qui est également de nature à lever certaines ambiguïtés dans la répartition et les conditions d'exercice des compétences respectives du Pays et de l'État.

Le Conseil constitutionnel peut, en outre, être saisi en application de l'article 12 de la loi organique pour constater un éventuel empiètement de l'État sur une compétence locale et permettre la modification et l'abrogation de la loi concernée par l'assemblée de la Polynésie française. Sur ce fondement, le Conseil a ainsi rendu 14 décisions depuis 2007, dont 13 depuis 2014 et 3 depuis 2017, consacrant le plus souvent la compétence du Pays.

b) Une compétence de l'État résiduelle
(1) Un périmètre de compétence limité à certaines matières régaliennes

L'article 14 de la loi organique n° 2004-192 détermine la compétence d'attribution - essentiellement dans le domaine régalien - de l'État en Polynésie française.

Les matières relevant de la compétence de l'État

1° Nationalité ; droits civiques ; droit électoral ; droits civils, état et capacité des personnes, notamment actes de l'état civil, absence, mariage, divorce, filiation ; autorité parentale ; régimes matrimoniaux, successions et libéralités ;

2° Garantie des libertés publiques ; justice : organisation judiciaire, aide juridictionnelle, organisation de la profession d'avocat, à l'exclusion de toute autre profession juridique ou judiciaire, droit pénal, procédure pénale, commissions d'office, service public pénitentiaire, services et établissements d'accueil des mineurs délinquants sur décision judiciaire, procédure administrative contentieuse, frais de justice pénale et administrative (1) ;

3° Politique étrangère ;

4° Défense ; importation, commerce et exportation de matériel militaire, d'armes et de munitions de toutes catégories ; matières premières stratégiques telles qu'elles sont définies pour l'ensemble du territoire de la République, à l'exception des hydrocarbures liquides et gazeux ; liaisons et communications gouvernementales de défense ou de sécurité en matière de postes et télécommunications ;

5° Entrée et séjour des étrangers, à l'exception de l'accès au travail des étrangers ;

6° Sécurité et ordre publics, notamment maintien de l'ordre ; prohibitions à l'importation et à l'exportation qui relèvent de l'ordre public et des engagements internationaux ratifiés par la France ; réglementation des fréquences radioélectriques ; préparation des mesures de sauvegarde, élaboration et mise en oeuvre des plans opérationnels et des moyens de secours nécessaires pour faire face aux risques majeurs et aux catastrophes ; coordination et réquisition des moyens concourant à la sécurité civile ;

7° Monnaie ; crédit ; change ; Trésor ; marchés financiers ; obligations relatives à la lutte contre la circulation illicite et le blanchiment des capitaux ;

8° Autorisation d'exploitation des liaisons aériennes entre la Polynésie française et tout autre point situé sur le territoire de la République, à l'exception de la partie de ces liaisons située entre la Polynésie française et tout point d'escale situé en dehors du territoire national, sans préjudice des dispositions du 6° du I de l'article 21 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ; approbation des programmes d'exploitation et des tarifs correspondants ; police et sécurité concernant l'aviation civile ;

9° Police et sécurité de la circulation maritime ; surveillance de la pêche maritime ; sécurité de la navigation et coordination des moyens de secours en mer ; francisation des navires ; sécurité des navires d'une longueur de référence égale ou supérieure à 24 mètres, sous réserve des navires relevant de la compétence de la Polynésie française à la date d'entrée en vigueur de la loi organique n° 2019-706 du 5 juillet 2019 portant modification du statut d'autonomie de la Polynésie française et de tous les navires destinés au transport des passagers ; mise en oeuvre des ouvrages et installations aéroportuaires d'intérêt national ;

10° Règles relatives à l'administration, à l'organisation et aux compétences des communes, de leurs groupements et de leurs établissements publics ; coopération intercommunale ; contrôle des actes des communes, de leurs groupements et de leurs établissements publics ; régime comptable et financier et contrôle budgétaire de ces collectivités ; fonction publique communale ; domaine public communal ; dénombrement de la population ;

11° Fonction publique civile et militaire de l'État ; statut des autres agents publics de l'État ; domaine public et privé de l'État et de ses établissements publics ; marchés publics et délégations de service public de l'État et de ses établissements publics ;

12° Communication audiovisuelle ;

13° Enseignement universitaire ; recherche ; collation et délivrance des grades, titres et diplômes nationaux ; règles applicables aux personnels habilités des établissements d'enseignement privés liés par contrat à des collectivités publiques pour l'accomplissement de missions d'enseignement en ce qu'elles procèdent à l'extension à ces personnels des dispositions concernant les enseignants titulaires de l'enseignement public, y compris celles relatives aux conditions de service et de cessation d'activité, aux mesures sociales, aux possibilités de formation et aux mesures de promotion et d'avancement.

(2) Une compétence de l'État qui n'est pas exclusive de l'intervention du Pays

Cette compétence déjà restreinte de l'État est par ailleurs tempérée par deux éléments.

D'une part, selon le cas et en vertu de procédures spécifiques, l'assemblée de la Polynésie française ou le gouvernement de la Polynésie française doivent être consultés sur les projets d'actes (projets de loi, propositions de loi, projets d'ordonnances, projets de décret) qui intéressent spécifiquement la Polynésie française13(*).

D'autre part, la Polynésie française est habilitée, en application de l'article 31 de la loi organique statutaire, à participer à l'exercice de certaines compétences de l'État. Dans cinq catégories de matières, des « lois du pays » ou des arrêtés du conseil des ministres de la Polynésie peuvent ainsi être adoptés selon une procédure d'approbation faisant intervenir un décret du Premier ministre.

Matières dans lesquelles le Pays peut participer
à l'exercice des compétences de l'État

1° État et capacité des personnes, autorité parentale, régimes matrimoniaux, successions et libéralités ;

2° Recherche et constatation des infractions ; dispositions de droit pénal en matière de jeux de hasard ;

3° Entrée et séjour des étrangers, à l'exception de l'exercice du droit d'asile, de l'éloignement des étrangers et de la circulation des citoyens de l'Union européenne ;

4° Communication audiovisuelle ;

5° Services financiers des établissements postaux.

En outre, diverses dispositions viennent encadrer les conditions de mise en oeuvre par l'État de ses compétences.

- Les compétences en matière de sécurité

La Polynésie française peut ainsi participer à l'exercice des missions de police relevant de l'État. Des fonctionnaires titulaires des cadres territoriaux sont à cette fin nommés par le président de la Polynésie française après agrément du haut-commissaire de la République et du procureur de la République. Ils doivent également prêter serment devant le tribunal de première instance et sont ensuite placés sous l'autorité du commandant de la gendarmerie ou du directeur de la sécurité publique14(*).

Le haut-commissaire de la République doit en outre informer le président de la Polynésie française des mesures prises en matière de maintien de l'ordre et de sécurité intérieure - et l'associer à la préparation et à la mise en oeuvre des mesures adoptées en matière de sécurité civile15(*).

Le ministre chargé de l'outre-mer ou le haut-commissaire de la République a par ailleurs l'obligation de consulter le conseil des ministres de la Polynésie française quant à la coordination et la réquisition des moyens concourant à la sécurité civile ; il en va de même pour la préparation des plans opérationnels de secours établis pour faire face aux risques majeurs et aux catastrophes16(*).

L'exécutif polynésien doit quant à lui transmettre au haut-commissaire de la République les autorisations ou déclarations adoptées au titre de la réglementation des installations classées pour la protection de l'environnement en raison des dangers ou inconvénients qu'elles peuvent présenter notamment pour la sécurité17(*).

- Les compétences en matière pénale

La Polynésie française dispose également de compétences qui lui permettent de concourir à la politique pénale. Ainsi, elle peut assortir de peines d'amende, y compris forfaitaires, les infractions aux « lois du pays », dès lors qu'elles respectent la classification des contraventions et délits et n'excèdent pas le maximum prévu pour les infractions de même nature18(*). Le Pays peut également prévoir des peines d'emprisonnement pour des infractions aux « lois du pays », à condition que sa délibération soit préalablement homologuée par la loi19(*). Il peut aussi édicter des contraventions de grande voirie pour préserver le domaine public affecté à la collectivité, dans la limite des lois et règlements applicables en la matière20(*).

Au-delà, le statut organique habilite les institutions de la Polynésie française à participer, sous le contrôle de l'État, à l'exercice de certaines de ses compétences, parmi lesquelles figurent la recherche et la constatation des infractions, les dispositions de droit pénal en matière de jeux de hasard et l'entrée et le séjour des étrangers sur le territoire - à l'exception de l'exercice du droit d'asile, de l'éloignement des étrangers et de la circulation des citoyens de l'Union européenne21(*).

- Les compétences en matière de politique étrangère

Enfin, si la politique étrangère relève de la compétence de l'État, et quoique les engagements internationaux de la France soient applicables de plein droit en Polynésie française, la loi organique ménage une place singulière aux autorités de la Polynésie française en la matière.

La Polynésie française peut ainsi disposer de représentations auprès notamment de tout État reconnu par la République française, de tout organisme international auquel cette dernière appartient ou de tout organisme international du Pacifique22(*).

Les autorités de la République peuvent de surcroît autoriser la Polynésie française à être membre, membre associé ou observateur auprès d'organisations internationales ; elle l'est actuellement de 26 organisations ou initiatives régionales, dont le Forum des Îles du Pacifique (FIP) et la Communauté du Pacifique (CPS)23(*).

Le président de la Polynésie française peut par ailleurs conduire les négociations d'accords internationaux dans les domaines de compétence du Pays et, si les autorités de la République les lui confient, dans les domaines de compétence de l'État24(*).

En outre, l'État associe les représentants de la collectivité aux initiatives de la France dans l'espace pacifique. Lors de son déplacement officiel au Vanuatu et en Papouasie Nouvelle-Guinée en juillet 2023, le Président de la République a ainsi pleinement associé le président de la Polynésie française, Moetai Brotherson, aux discussions conduites avec les autorités de ces pays.

2. Un accompagnement majeur de l'État au profit du territoire

Malgré l'étroitesse des compétences quotidiennes exercées par l'État en Polynésie française, celui-ci n'assure pas moins un accompagnement majeur du territoire, en donnant en particulier aux institutions locales des moyens financiers et d'ingénierie importants.

Au total, les dépenses de l'État en Polynésie française représentent ainsi, chaque année, environ 200 Mds CFP (soit environ 1,7 Md €). Ainsi, en 2023, elles ont représenté, selon les chiffres communiqués par les services du haut-commissariat à la mission d'information, 210,3 Mds CFP - soit 1,764 Md € -, en hausse de 5 % par rapport à 2022.

Ces sommes permettent non seulement aux services de l'État d'exercer leurs missions mais également de financer l'exercice de certaines compétences des collectivités polynésiennes - qu'il s'agisse du Pays ou des communes.

a) L'engagement financier au soutien des compétences du Pays

L'État accompagne financièrement le Pays dans l'exercice de ses compétences propres, ce qui permet à ce dernier, en plus du levier fiscal et parafiscal dont il dispose, de disposer de près de 900 M€ de financements chaque année.

Les principaux postes de concours financier de l'État pour l'exercice des compétences du Pays pour 2023

Éducation nationale, jeunesse et vie associative 

603,9 M€

Dotation globale d'autonomie 

90,6 M€

Concours contractualisés pour le financement des investissement prioritaires (3IF) 

40,2 M€

Emploi outre-mer (RSMA, chantiers de développement) 

43,6 M€

Contrat de projet et contrat de développement et de transformation - Pays 

24,3 M€

Source : Haut-commissariat de la Polynésie française.

Comme l'a souligné le haut-commissaire de la République en Polynésie française, Éric Spitz, lors de son entretien avec la mission, la quasi-totalité des compétences exercées par les institutions de la Polynésie font l'objet d'un cofinancement de la part de l'État, qui peut aller de 25 % jusqu'à 200 % pour certains projets ou politiques publiques.

Le premier poste de concours financier de l'État, qui représente les deux tiers en volume, concerne l'éducation nationale, dans la mesure où, si la compétence relative à l'enseignement primaire et secondaire relève du Pays, la rémunération des enseignants est, quant à elle, entièrement prise en charge par l'État.

La fermeture du centre d'expérimentation du Pacifique (CEP) liée à la cessation complète des essais nucléaires en Polynésie française décidée en 1995 a par ailleurs conduit l'État à compenser via des dotations spécifiques les pertes économiques en résultant pour le territoire, l'activité du CEP générant jusqu'à cette date environ 70 % du PIB de la Polynésie. Après avoir évolué à trois reprises, le périmètre des dotations est désormais stabilisé depuis 2019.

De ce fait, la collectivité de Polynésie française bénéficie de la dotation globale d'autonomie (DGA), libre d'emploi, transformée en 2019 en un prélèvement sur recette, d'un montant annuel d'environ 90 M€. S'y ajoute la dotation au titre du troisième instrument financier, dite « 3IF », d'un montant fixé en loi de finances initiale pour 2024 à 51,31 M€ en autorisations d'engagement et 45,17 M€ en crédits de paiement, destinée à financer les investissements prioritaires de la Polynésie française, notamment pour l'amélioration de la desserte routière, maritime et aéroportuaire.

De même, l'intervention de l'État dans de nombreuses politiques sectorielles (éducation, agriculture, culture, environnement, énergie) en Polynésie française est contractualisé par une convention-cadre, le contrat de développement et de transformation (CDT), complétée de conventions sectorielles, avec un principe de financement d'actions à part égale entre l'État et la Polynésie française. Le CDT 2021-2023 a ainsi prévu le versement global de 83 M€ sur la période, à partir du programme budgétaire 123 « conditions de vie outre-mer ».

Dans le cadre du nouveau CDT, signé le 10 juin 2024 et portant sur la période 2024-2027, l'engagement de l'État au titre du même programme, atteindra 89,35 M€. Complété par les financements issus d'autres programmes budgétaires, ce montant atteindra 99,46 M€ pour la période.

Financements apportés par l'État dans le cadre du contrat de développement et de transformation 2024-2027 (volet « Pays »)

Conditions de vie outre-mer (programme 123)

89 350 674 €

Culture

595 000 €

Enseignement supérieur

2 600 000 €

Recherche innovation

704 000 €

Agence nationale pour le sport

1 000 000 €

Ademe (énergie circulaire)

3 075 906 €

Ademe (énergie renouvelable)

2 137 494 €

Total

99 463 074 €

Source : CDT 2024-2027.

Compte tenu du principe de parité du financement État-Pays, 199 M€ seront ainsi mobilisés pour la réalisation d'investissements dans trois domaines que les deux parties ont jugé prioritaires pour le développement de la Polynésie française : le logement social, la santé et le sport, en vue de la préparation des Jeux du Pacifique qui se tiendront en juillet 2027 à Tahiti. Dans ce cadre, la participation de l'État s'élèvera, par principe, à 50 % du coût global TTC des opérations relevant de la maîtrise d'ouvrage du Pays.

b) L'engagement financier au soutien des compétences des communes

L'accompagnement financier de l'État au profit des communes polynésiennes atteint chaque année 121 M€.

Les principaux postes de concours financier de l'État pour l'exercice des compétences des communes pour 2023

Dotation globale de fonctionnement 

85,5 M€

Dotation territoriale pour l'investissement des communes et fonds intercommunal de péréquation 

15,9 M€

Dotation d'équipement des territoires ruraux 

3,9 M€

Programme « Abris de survie » 

1,9 M€

Contrat de projets et contrat de développement et de transformation - communes 

4 M€

Source : Haut-commissariat de la Polynésie française.

La dotation globale de fonctionnement versée aux communes, d'environ 85 M€ chaque année, atteint 33 000 CFP (soit 276,6 €) par habitant en Polynésie, contre seulement 19 000 CFP (159,25 €) en métropole, ce qui souligne l'intensité particulière de l'engagement de la République en leur faveur, mais qui est pleinement justifiée par leur situation.

Les communes bénéficient également d'une dotation territoriale d'investissement (DITC) d'un montant arrêté en loi de finances initiale pour 2024 de 9,05 M€ en autorisations d'engagement et crédits de paiement.

En outre, si les dispositifs financiers de l'État en soutien à l'investissement sont par principe conditionnés à ce que le maître d'ouvrage assure une participation minimale de 20 % et à ce que le montant d'aides publiques ne dépasse pas 80 % du montant hors taxe du projet25(*), par dérogation, certaines modalités de co-financement de l'État en Polynésie conduisent à financer des projets à un taux supérieur à ce maximum de 80 % d'aides publiques et prenant en compte le montant TTC des opérations dans l'assiette de financement et non un montant hors taxes.

Tel est le cas, comme l'ont indiqué les services du haut-commissariat, du fonds intercommunal de péréquation (FIP).

Ce fonds, bien qu'alimenté majoritairement (plus de 90 %) par un prélèvement sur les droits, taxes et impôts perçus au profit du budget général de la Polynésie française, bénéficie d'un versement de l'État sous la forme de la dotation territoriale pour l'investissement des communes (DTIC - article L. 2573-54-1 du CGCT) et d'une quote-part fixe (article 9 de la loi n° 2004-19326(*)).

Les catégories d'opérations éligibles et les taux d'intervention maximum pour les investissements du FIP, dont ceux relevant de la DTIC (article R. 2573-58-1 CGCT) sont déterminés par les membres du comité des finances locales au sein duquel les représentants de l'État ne sont pas majoritaires (8 sur 22 membres dont 10 maires, 2 représentants de la Polynésie française et 2 membres de l'assemblée de Polynésie française).

Les taux d'intervention sont établis sur le montant TTC et non sur le montant HT. Pour certaines catégories, il est prévu des taux d'intervention supérieurs à 80 % : c'est notamment le cas des constructions scolaires du 1er degré (95 %) ou d'acquisition de nouvelles sirènes d'alerte des populations en cas d'événements majeurs (100 %). Certaines de ces opérations (exclusivement des constructions scolaires) sont parfois identifiées comme financées spécifiquement au titre de la DTIC. À titre d'exemple, l'opération DTIC - Travaux de construction de l'école primaire de Faanui, programmée en 2020 et soldée en 2023, a été financée à hauteur de 95 %, correspondant à un montant de subvention de 3,130 M€.

S'agissant des investissements communaux, la convention annexée au CDT 2021-2023 prévoyait des taux d'intervention maximum de l'État et de la Polynésie française pouvant aller de 80 % à 95 %du montant HT de l'opération en fonction de la population des communes, dans le cadre d'opération relevant des services publics environnementaux (AEP, assainissement et déchets). Ainsi, la commune de Pirae a pu bénéficier en 2023 d'une subvention de 915 960,82 € à hauteur de 85 % du montant TTC de l'opération « Rénovation du réseau d'adduction d'eau potable - tranche 3 », subventionnée par l'État à hauteur de 42,5 % du montant TTC et par la Polynésie française à hauteur de 42,5 % du montant TTC.

Sur un dispositif similaire impliquant un financement paritaire de l'État et de la Polynésie française, la convention relative à des bâtiments publics pouvant servir d'abris de survie dans l'archipel des Tuamotu en cas de survenance d'un évènement météorologique majeur sur la période 2021-2025, prévoit le financement d'opérations sous maîtrise d'oeuvre communale avec un montant d'aide publique à hauteur de 95 % du montant TTC des opérations (47,5 % État, 47,5 % Pays) et une participation de la commune à hauteur de 5 % du montant TTC. À titre d'exemple, les travaux de constructions de la maire de Kauehi sur la commune de Fakarava sont financés dans le cadre de cette convention à hauteur de 95 %, pour un montant d'aide publique de 2,428M€ sur un montant total d'opération de 2,556 M€.

Dans le cadre du CDT 2024-2027, l'État s'engage à apporter 29,78 M€ pour accompagner les communes dans leurs investissements dans le champ de leurs compétences environnementales : l'assainissement des eaux usées ; l'alimentation en eau potable ; la gestion des déchets. À cela s'ajoute une contribution spécifique de 10 M€ apportée par l'Office français de la biodiversité (OFB) dans ces mêmes domaines. Au total, avec la mobilisation financière du Pays - également à hauteur de 29,78 M€ -, les communes de Polynésie pourront mobiliser 70 M€ sur trois ans pour leurs projets environnementaux.

c) L'aide à l'ingénierie publique

L'aide de l'État se matérialise également par une aide à l'ingénierie au profit des projets menés en diverses parties du territoire polynésien, pour le compte des communes.

Devant la mission, le haut-commissaire en Polynésie française a expliqué cette situation par un déficit de l'ingénierie privée, cette dernière se concentrant pour l'essentiel sur les îles de Tahiti et Moorea et refusant souvent les missions dans les îles plus éloignées, jugées insuffisamment rentables.

Ainsi, par le biais de la direction de l'ingénierie publique du haut-commissariat, l'État apporte son concours technique au travers des missions d'ingénierie publique en complémentarité des autres intervenants et dans les domaines les plus complexes et stratégiques. Les subdivisions administratives de l'État et la direction des interventions de l'État du haut-commissariat assistent également les communes dans le montage des dossiers de demandes de subvention sur différents dispositifs de financement de droit commun.

Selon les services du haut-commissariat, le déficit constaté au niveau technique se retrouve également, et de façon particulièrement prégnante, sur le suivi et la gestion des opérations financées. Sur ce plan, l'Agence française de développement (AFD) étudie le financement, au titre du fonds outre-mer (FOM), du renforcement de la capacité de communes éloignées, dans les archipels des Australes et des Tuamotu.

Ces dispositifs permettent ainsi d'accompagner notamment les communes dans la réalisation de projets locaux essentiels pour les populations locales.

Exemples récents d'accompagnement des collectivités
par les services du Haut-commissariat

Nature du projet

Collectivité bénéficiaire

Montant

Construction d'un préau pour l'école communale de l'île de Rapa

Commune de Rapa (archipel des Australes)

12 000 €

AMO pour la distribution en eau potable sur l'île de Rapa

Commune de Rapa (archipel des Australes)

42 000 €

AMO - mission de conduite d'opération pour la mise en oeuvre du Plan Municipal de Gestion des Déchets (PMGD).

Commune de Ua Huka (archipel des Marquises)

44 000 €

Source : Haut-commissariat de la Polynésie française.

Par ailleurs, en plus de conseils ou de formations dispensés auprès des agents communaux, l'État participe à des actions de formation et de sensibilisation auprès de différents publics (élus locaux, grand public) ainsi qu'aux réflexions conduites par le Pays pour lever certains obstacles d'ordre réglementaire.


* 3 Qui comprend les îles du Vent, dont Tahiti, et les îles sous le Vent.

* 4 Selon l'Institut de la statistique de la Polynésie française.

* 5 Rapport d'information n° 165 (2017-2018), «  La Polynésie française : allier autonomie dans la République et subsidiarité dans la collectivité », de Catherine Troendlé et Mathieu Darnaud, déposé le 13 décembre 2017.

* 6 Outre François-Noël Buffet (alors président de la commission des lois Les Républicains - Rhône, nommé ministre des outre-mer le 21 septembre 2024), la délégation était constituée de : Nadine Bellurot (Les Républicains - Indre), Guy Benarroche (Écologiste, solidarité et territoires - Bouches-du-Rhône), Jérôme Durain (Socialiste écologiste et républicain - Saône-et-Loire) et Philippe Bonnecarrère (alors sénateur Union centriste - Tarn, élu député le 7 juillet 2024).

* 7 Les communications, à l'exception des liaisons gouvernementales et de défense ; l'approbation des programmes d'exploitation des vols internationaux ayant pour seule escale en France le territoire de la Polynésie française ; la délivrance des autorisations correspondantes et l'agrément des tarifs aériens internationaux ; le placement des fonds libres de la collectivité en valeurs d'État ou garanties par l'État.

* 8 L'organisation de filières de formation et des services de recherche ; la création d'une société de production et de diffusion d'émissions ; la réglementation relative à la sécurité civile ; la détermination des conditions dans lesquelles les loteries ou autres jeux de hasard peuvent être offerts au public.

* 9 L'État peut ainsi conférer pouvoir au président de négocier et signer des accords dans le domaine de compétence de l'État ou du territoire avec des États, territoires ou organismes régionaux du Pacifique. Le président peut également signer des arrangements administratifs et des accords de coopération décentralisée.

* 10 Loi organique n° 2007-1719 du 7 décembre 2007 tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française.

* 11 Loi organique n° 2011-918 du 1er août 2011 relative au fonctionnement des institutions de la Polynésie française.

* 12 Loi organique n° 2019-706 du 5 juillet 2019 portant modification du statut d'autonomie de la Polynésie française.

* 13 Voir notamment les articles 9 et 10 de la loi organique n° 2004-192.

* 14 Article 34 de la loi organique n° 2004-192.

* 15 Article 68 de la loi organique.

* 16 Article 97 de la loi organique.

* 17 Article 171 de la loi organique.

* 18 Article 20 de la loi organique.

* 19 Article 21 de la loi organique.

* 20 Article 22 de la loi organique.

* 21 Article 31 de la loi organique.

* 22 Article 15 de la loi organique.

* 23 Article 42 de la loi organique.

* 24 Articles 38 et 39 de la loi organique.

* 25 C'est notamment le cas de la DETR (article R. 2334-27 du CGCT), du FEI (article 1er du décret n° 2009-1776), du fonds vert et du FTE.

* 26 Loi du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française. Aux termes de cet article : « L'État contribue aux ressources des communes de la Polynésie française à concurrence de deux quinzièmes du montant de la quote-part versée en 1993 par la Polynésie française au fonds intercommunal de péréquation, dans les conditions prévues chaque année par la loi de finances.

« Cette contribution évolue comme la dotation globale de fonctionnement allouée aux communes à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi. »

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