II. FAUT-IL ÉTENDRE LE SCRUTIN DE LISTE AUX COMMUNES DE MOINS DE 1 000 HABITANTS ?

1. La situation actuelle

L'architecture centrale du scrutin municipal français est issue de la loi n° 82-974 du 19 novembre 1982. Cette dernière a opéré une distinction entre les communes de moins de 3 500 habitants, dans lesquelles le scrutin majoritaire avec panachage était maintenu, et celles de plus de 3 500 habitants, dans lesquelles était mis en place un scrutin proportionnel de liste avec une prime majoritaire.

La loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 a ensuite abaissé le seuil du vote majoritaire de 3 500 à 1 000 habitants. A également été mis en place le « fléchage » permettant l'élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires, élus en même temps et dans les mêmes conditions que les conseillers municipaux ( art. L 273-6 du code électoral).

Comme l'illustre les deux schémas présentés en annexes 2 et 3, le système électoral municipal se caractérise par la coexistence de deux modes de scrutin très différents selon la strate démographique :

- dans les communes de moins de 1 000 habitants (71 % des communes), le scrutin est plurinominal majoritaire, avec possibilité de panachage : le candidat doit recueillir la majorité absolue des suffrages exprimés et un nombre de suffrages égal au quart de celui des électeurs inscrits pour être élu au premier tour. Au second tour, la majorité relative suffit ;

- dans les communes de plus de 1 000 habitants, le scrutin, même s'il est proportionnel, est empreint d'une logique majoritaire : en effet, la liste qui obtient la majorité absolue des suffrages exprimés obtient 50 % des sièges à pourvoir, les autres sièges étant ensuite répartis à la représentation proportionnelle entre toutes les listes - y compris celle majoritaire - ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés.

2. Des initiatives nombreuses tendant à étendre le scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants

Ces dernières années, nombreuses ont été les initiatives visant à étendre le scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants.

Citons en particulier, par ordre chronologique :

- l'amendement porté par Eric Kerrouche en octobre 2019, dans le cadre du projet de loi dit « engagement et proximité »21(*) ;

- la proposition de loi d'Éric Kerrouche et plusieurs de ses collègues, déposé au Sénat le 27 octobre 202122(*) ;

- la proposition de loi de la députée Elodie Jacquier-Laforge, adoptée par l'Assemblée nationale le 3 février 202223(*) ;

- la proposition de loi d'Éric Kerrouche et plusieurs de ses collègues, déposé au Sénat le 20 mars 202424(*) ;

- le rapport précité d'Eric Woerth (30 mai 2024) qui motive ainsi sa position : « Les modalités d'élections municipales dans les plus petites communes doivent être rénovées pour entrer dans le droit commun et se conformer à l'exigence de parité des conseils municipaux. Le scrutin de liste paritaire doit être ainsi appliqué dans l'ensemble des communes quelle que soit leur taille » (page 87) ;

- le rapport précité de la commission des lois du Sénat sur la proposition de loi de François Bonneau, rapport signé par
Nadine Bellurot qui met en avant « l'intérêt d'adopter rapidement une loi afin d'étendre le scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants » et ce « parallèlement à la baisse de l'effectif légal des conseils municipaux » ;

- la proposition de loi de Nadine Bellurot, déposée le 6 septembre 2024, visant à généraliser le scrutin de liste paritaire à l'ensemble des communes dans le cadre des élections municipales25(*).

3. Des objectifs partagés

Les initiatives susmentionnées proposent de généraliser le scrutin de liste à toutes les communes, sans distinction de taille. Les élections se dérouleraient ainsi au scrutin de liste paritaire par alternance, sans panachage possible. Toutes ces initiatives poursuivent trois objectifs 
principaux
: répondre aux exigences de parité, favoriser la cohésion des équipes municipales et mettre fin à des différences artificielles entre communes.

a) Répondre aux exigences de parité

L'article 1er de la notre Constitution dispose, depuis 1999, que « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives »26(*).

Si la législation en matière de parité s'est considérablement renforcée au cours des dernières décennies, elle comprend néanmoins encore des « angles morts », notamment au sein des communes de moins de 1 000 habitants, c'est-à-dire 71 % des communes françaises (qui représentent 13 % de la population).

En effet, depuis la loi précitée du 17 mai 2013, la parité avec obligation d'alternance stricte homme/femme ne s'applique qu'aux communes de plus de 1 000 habitants.

Le tableau ci-dessous souligne ainsi que le pourcentage de femmes parmi les conseillers municipaux est proche de 50 % dans les communes de plus de 1 000 habitants. Ce même pourcentage est en revanche plus faible (entre 33,1 % et 40,4 %) pour les communes démographiquement moins importantes.

Pourcentage de femmes dans les conseils municipaux depuis le renouvellement de 2020

Source : Direction générale des Collectivités locales (DGCL), au 15 janvier 2021, à partir des données du Répertoire national des élus

Au total, à l'issue des dernières élections municipales de 2020, les femmes représentent en moyenne 42,4 % des conseillers municipaux, toutes strates confondues. Uniformiser les modes de scrutin conduira mécaniquement à faire progresser ce pourcentage et à l'amener à un pourcentage proche de 50 %.

b) Garantir la cohésion de l'équipe municipale autour d'un projet

Les initiatives susmentionnées, proposant de généraliser le scrutin de liste à toutes les communes, poursuivent un deuxième objectif : garantir la cohésion de l'équipe municipale autour d'un projet.

En effet, comme le souligne l'exposé des motifs de la proposition de loi précitée de notre collègue Éric Kerrouche, le mode de scrutin majoritaire avec panachage, actuellement applicable aux communes de moins de 1 000 habitants, présente de nombreux inconvénients.

Certes, le panachage, c'est-à-dire la faculté d'ajouter ou de supprimer des candidats, est censé être une liberté laissée aux électeurs qui permet de gagner en représentativité. Toutefois, ce sont celles et ceux qui prennent les décisions les plus difficiles, par exemple en matière d'urbanisme, qui peuvent être sanctionnés par une logique de « tir aux pigeons », selon l'expression triviale couramment utilisée.

À l'inverse, le scrutin de liste aboutit à une dépersonnalisation relative du vote et, surtout, permet de se prononcer avant tout sur un projet plutôt que pour des individus. Cet argument prend encore plus de poids dans un contexte marqué par des rapports de plus en plus tendus entre citoyens et élus. Le scrutin proportionnel garantit ainsi la cohésion de l'équipe municipale. Ce scrutin favorise ainsi l'engagement local par la création d'une « dynamique démocratique » autour d'un projet de territoire.

c) Mettre fin à des différences artificielles entre communes

Enfin - et c'est le troisième objectif mis en avant par les partisans de l'uniformisation électorale - appliquer le scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants permettrait d'uniformiser et de simplifier les modes de scrutins, alors qu'il est difficile de justifier que la différence de traitement résulte d'une différence objective de situation entre les communes, selon qu'elles comptent plus ou moins de 1 000 habitants. Appliquer le scrutin de liste à toutes les communes reviendrait à supprimer une frontière inutile entre les communes, frontière qui participe actuellement de l'idée d'une différence de degré, sinon de nature, entre communes.

De la même façon, l'application du scrutin de liste paritaire à toutes les communes présenterait l'avantage d'unifier le mode de désignation des conseillers communautaires.

4. Étudier l'impact de cette extension sur les élections partielles et sur la corrélation maire/conseiller communautaire
a) L'impact sur les élections partielles complémentaires

La généralisation du scrutin de liste conduirait à supprimer les élections partielles complémentaires27(*), c'est-à-dire les élections organisées pour renouveler une partie du conseil municipal afin de le compléter. En effet, ces élections complémentaires ne concernent actuellement que les conseillers municipaux désignés au scrutin majoritaire, dans les communes de moins de 1 000 habitants. Ces élections complémentaires se produisent notamment lorsque le conseil municipal a perdu au moins le tiers de ses membres, quelle que soit la cause des vacances28(*), ou qu'il compte moins de 5 membres
(art. L. 258 du code électoral). Dans les autres cas, le siège demeure vacant.

À l'inverse, dans les communes de plus de 1 000 habitants, le renouvellement du conseil municipal est nécessairement intégral.

Avec la généralisation du scrutin de liste, seules subsisteraient donc des élections partielles intégrales, mais uniquement s'il n'est pas possible de faire appel au « suivant de liste » (c'est-à-dire lorsque la liste est épuisée). En effet, l'article L. 270 du code électoral précise ainsi que « le candidat venant sur une liste immédiatement après le dernier élu est appelé à remplacer le conseiller municipal dont le siège devient vacant pour quelque cause que ce soit ». Lorsque la liste est épuisée et qu'il ne peut plus être fait appel au suivant de liste, une élection partielle intégrale est organisée afin de renouveler le conseil municipal dans son ensemble. Afin d'éviter la multiplication d'élections intégrales, le législateur a prévu que les listes doivent comporter au moins autant de candidats que de sièges à pourvoir, et au plus deux candidats supplémentaires (article L. 260 du code électoral). Cette faculté est importante dans la mesure où, selon toute vraisemblance, la majorité des communes de moins de 1 000 habitants n'auront qu'une seule liste. En effet, l'AMF a relevé, lors de son audition, que le dépôt d'une liste unique a concerné, en 2020, plus de la moitié des communes dont la population est comprise entre
1 000 et 1 499 habitants.

Prenons l'exemple :

- d'une commune de 800 habitants ;

- dont l'effectif légal serait donc demain de 11 conseillers (au lieu de 15) ;

- dont le conseil municipal serait issu d'une liste unique qui comporterait autant de candidats que de sièges à pourvoir (sans candidat supplémentaire donc).

Dans cet exemple, en cas de vacance d'un siège, la commune serait tenue d'organiser de nouvelles élections tendant à renouveler intégralement le conseil municipal.

Ce cas illustre :

- d'une part, la nécessité de faire usage de la faculté de prévoir des candidats supplémentaires (donc un nombre de candidats supérieur à celui de l'effectif légal du conseil municipal) ;

- d'autre part, la pertinence de la recommandation n° 5 précitée. En effet, cette dernière permet aux conseils municipaux dont la population est comprise entre 500 et 1 000 habitants, d'être « réputés complets » lorsqu'ils comprennent 9 conseillers (au lieu de 11). Cette souplesse pourrait donc éviter l'organisation d'élections municipales en cours de mandat.

b) L'impact sur la corrélation maire / conseiller communautaire dans les communes qui ne disposent que d'un seul conseiller communautaire

Vos rapporteurs ont souhaité également étudier si l'extension du scrutin du liste pourrait avoir un impact sur la corrélation maire / conseiller communautaire dans les communes qui ne disposent que d'un seul conseiller communautaire.

Rappelons, tout d'abord, que la QPC Salbris 2014 a conduit de nombreuses petites communes à n'avoir qu'un seul représentant au sein de l'EPCI, surtout au sein des plus grands d'entre eux.

Quelles sont les règles actuellement applicables aux communes de moins de 1 000 habitants et qui n'ont qu'un seul représentant au sein de l'EPCI ?

En principe, c'est le maire qui sera le seul représentant de la commune au sein de l'intercommunalité en application de l'article L. 273-11 du code électoral. En effet, le siège est occupé dans l'ordre du tableau du conseil municipal fixé par l'article L. 2121-1 du CGCT, c'est-à-dire par le maire. Autrement dit, la désignation des conseillers communautaires suivant l'ordre du tableau établi à la suite des élections municipales garantit au maire d'être, s'il le souhaite, membre de l'organe délibérant de l'EPCI.

Cette garantit existe désormais également pour ses successeurs. En effet, l'article 2 de la loi dite « engagement et proximité » a complété cet article L. 273-11 du code électoral : « Lors de l'élection du maire, les conseillers communautaires de la commune concernée sont à nouveau désignés selon les modalités prévues au premier alinéa ». Avant le vote de cette disposition, un maire pouvait démissionner de ses fonctions sans renoncer à son mandat de conseiller communautaire. Le nouveau maire ne pouvait donc pas siéger au sein de l'EPCI, ce qui pouvait conduire à des difficultés relationnelles entre l'EPCI et la commune en question, surtout lorsque les communes ne disposaient que d'un représentant au sein de l'EPCI et que celui-ci, c'est-à-dire l'ancien maire, n'appartenait plus à la majorité municipale.

Le maire peut toutefois, à sa demande et au vu des circonstances locales, se faire représenter temporairement par un « conseiller communautaire suppléant » qui sera, en pratique, le premier adjoint29(*). En effet, dans sa rédaction issue de la loi « engagement et proximité », l'article L. 5211-6 du CGCT dispose que « lorsqu'une commune ne dispose que d'un seul conseiller communautaire, le conseiller municipal appelé à le remplacer en application de l'article L. 273-10 ou du I de l'article L. 273-12 exerce les fonctions de conseiller communautaire suppléant et peut participer avec voix délibérative aux réunions de l'organe délibérant en cas d'absence du conseiller titulaire dès lors que ce dernier en a avisé le président de l'établissement public ». Ainsi, une forme de suppléance est assurée pour les communes ne disposant que d'un seul conseiller communautaire pour les représenter au sein d'un EPCI à fiscalité propre et leur éviter en cas d'absence temporaire de n'avoir comme seule possibilité d'expression et de suffrage que la possibilité de donner pouvoir au représentant d'une autre commune. En effet, pour les communes qui ont plus d'un siège au sein de l'EPCI (et qui n'ont donc pas de suppléant) un conseiller communautaire empêché d'assister à une séance pourra toujours donner à un collègue de son choix un pouvoir écrit de voter en son nom.

Vos rapporteurs ont souhaité examiner si cette règle pourrait évoluer avec l'extension du scrutin proportionnel aux communes de moins de 1 000 habitants. Il s'avère qu'en application de la règle du fléchage, la tête de liste aux élections municipales sera également tête de liste aux élections communautaires. En effet, conformément à l'article L. 273-9 du code électoral, « tous les candidats présentés dans le premier quart de la liste des candidats aux sièges de conseiller communautaire doivent figurer, de la même manière et dans le même ordre, en tête de la liste des candidats au conseil municipal ». Le maire, qui est, dans l'immense majorité des cas, tête de liste, pourra donc continuer, dans les communes de moins de 1 000 habitants, à siéger, s'il le souhaite, au sein de l'EPCI.

5. Les recommandations de la mission
a) Étendre le scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants

Vos rapporteurs souscrivent pleinement aux trois principaux objectifs mis en avant par les initiatives précitées tendant à uniformiser les modes de scrutin.

Ils ont pu observer, lors des auditions, que les deux principales associations concernées, à savoir l'AMF et l'association des maires ruraux de France (AMRF), sont également favorables à cette uniformisation des règles électorales « au premier habitant ».

S'agissant du premier objectif mentionné plus haut (« répondre aux exigences de parité »), vos rapporteurs se réjouissent de la future progression des femmes dans les effectifs des conseils municipaux, conformément aux souhaits légitimes exprimés par la délégation du Sénat aux droits des femmes30(*). En outre, l'application généralisée du scrutin aurait d'autres conséquences en matière de parité.

En premier lieu, elle étendrait à toutes les communes les règles de parité pour les fonctions d'adjoint au maire. En effet, l'article L. 2122-7-2 du CGCT, issu de l'article 29 de la loi « engagement et proximité », dispose que « dans les communes de 1 000 habitants et plus, les adjoints sont élus au scrutin de liste à la majorité absolue, sans panachage ni vote préférentiel. La liste est composée alternativement d'un candidat de chaque sexe ». Cette alternance stricte, issue d'un amendement porté par notre collègue Eric Kerrouche31(*), serait donc étendue aux communes de moins de 1 000 habitants. Vos rapporteurs notent toutefois que cette extension, si elle se justifie par l'impératif d'uniformisation des règles électorales, est également considérée par certains élus comme une contrainte inutile.

En deuxième lieu, l'uniformisation des modes de scrutin conduirait à renforcer la parité au sein des EPCI et donc au sein de leur bureau32(*), en raison du système généralisé du « fléchage paritaire ». Rappelons en outre qu'actuellement, afin d'appliquer les règles de parité, le siège vacant d'une commune de plus de 1 000 habitants doit être pourvu par un élu municipal de même sexe et issu de la même liste. À défaut, le siège reste vacant jusqu'à la fin du mandat. La loi du 26 juin 202333(*), portée par Françoise Gatel, a introduit un assouplissement à cette règle afin de concilier de façon plus équilibrée les principes de parité et de représentation des communes au sein des intercommunalités. Ainsi, dans le cas où un conseiller communautaire ne peut pas être remplacé par une personne du même sexe, le siège ne demeure pas vacant : le conseiller est alors remplacé par un autre élu « sans tenir compte de son sexe » (article 273-10 du code électoral). Ces règles seraient donc étendues aux communes de moins de 1 000 habitants.

Par ailleurs, vos rapporteurs entendent dissiper certaines inquiétudes s'agissant de l'extension du scrutin de liste aux conseils municipaux. En effet, l'enquête menée par le CSA souligne, dans les communes de moins de 1 000 habitants, un certain scepticisme des élus quant au caractère réaliste de cette extension.

Source : enquête CSA - juin 2024

En premier lieu, la question a été posée dans le cadre de l'effectif légal actuel des conseils municipaux. Or, conjuguée à la réduction de cet effectif et au maintien de la dérogation du conseil municipal « réputé complet », l'extension du scrutin de liste devrait largement répondre aux préoccupations des élus.

Au-delà ces préoccupations, la mission a souhaité évaluer le risque constitutionnel parfois évoqué concernant la généralisation du scrutin de liste, au motif qu'elle pourrait être regardée par le Conseil constitutionnel comme une atteinte aux expressions pluralistes des opinions, garanties par l'article 4 de la Constitution.

Sous réserve d'une analyse plus approfondie de la commission des Lois du Sénat, la mission observe que plusieurs éléments militent, au contraire, en faveur d'une conformité aux règles et principes
constitutionnels :

- en premier lieu, une liste électorale a, par principe, vocation à intégrer l'exigence du pluralisme des opinions locales ;

- en deuxième lieu, l'extension du scrutin de liste, en simplifiant les règles électorales, concourt à l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi (cf. décision n° 99-421 DC du
16 décembre 1999) ;

- en troisième lieu, cette uniformisation rétablit également une forme d'égalité devant le suffrage, laquelle résulte à la fois du troisième alinéa de l'article 3 de la Constitution (le suffrage « est toujours universel, égal et secret ») et de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui dispose que la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse (cf. décision n° 2020-849 QPC du 17 juin 2020) ;

- en quatrième lieu, la généralisation du scrutin de liste favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, conformément à l'objectif assigné au législateur par la Constitution en son article 1er (cf supra) ;

- enfin, la réduction du nombre de conseillers municipaux devrait rendre plus aisée la constitution de listes dans les communes de moins de 1 000 habitants.

Rappelons, sur ces deux derniers points, que le Conseil constitutionnel s'était prononcé, en 2013, sur l'extension du scrutin de liste aux communes comportant entre 1 000 et 3 499 habitants34(*). Les requérants soutenaient que cette extension rendrait « excessivement difficile la composition de listes dans les communes dont la population est égale ou légèrement supérieure à 1 000 habitants ; qu'il en résulterait une atteinte inconstitutionnelle à la liberté de choix de l'électeur et au principe constitutionnel de pluralisme des courants d'idées et d'opinions ». Le Conseil constitutionnel avait toutefois validé le choix du législateur, au motif que ce dernier avait entendu favoriser, dans les communes comprises dans cette extension, l'égal accès des femmes et des hommes à ces mandats et que le seuil de population retenu ainsi que le nombre de conseillers municipaux limitaient les éventuelles difficultés à composer des listes répondant à l'exigence de parité. La réduction du nombre de conseillers municipaux dans les communes de moins de 1 000 habitants permet donc de limiter le risque de censure constitutionnelle.

En deuxième lieu, de nombreux élus des communes de moins de 1 000 habitants craignent de ne pas trouver des femmes candidates en nombre suffisant. Vos rapporteurs estiment ces craintes largement infondées et ce pour trois raisons :

- la baisse de l'effectif légal facilitera la constitution des listes paritaires ;

- le fait que l'effectif légal correspond à un chiffre impair donne un peu de souplesse dans la répartition homme / femme ;

- le déficit d'engagement des femmes a souvent été invoqué lors des différentes étapes législatives ayant conduit à la parité, notamment en 2013. Force est toutefois de constater qu'il ne s'est pas ensuite confirmé sur le terrain. On peut d'ailleurs noter que les femmes représentent aujourd'hui 22,3 % des maires des communes de moins de 100 habitants et 21,4 % des communes comprises entre 100 et 199 habitants. Ce pourcentage est nettement supérieur à celui observé dans des strates de communes supérieures : il est de 16,9 % dans les communes de 5 000 à 9 999 habitants par exemple. Le discours consistant à dire « on n'arrivera pas à mettre en place la parité » doit donc être fortement relativisé. D'ailleurs l'enquête CSA révèle que les femmes sont davantage confiantes que les hommes sur cette question d'engagement et de mobilisation.

Recommandation n° 6 : étendre le scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants

b) Faciliter le remplacement d'un adjoint dans les communes de moins de 500 habitants

Actuellement, dans les communes de plus de 1 000 habitants, en cas de vacance d'un ou plusieurs adjoints, ceux-ci « sont choisis parmi les conseillers de même sexe que ceux auxquels ils sont appelés à succéder. » ( article L2122-7-2 du CGCT). Cette disposition, issue d'un amendement de l'Assemblée nationale dans le cadre de l'examen du projet de loi « engagement et proximité », vise à garantir le maintien de la parité parmi les adjoints au maire en cas de vacance, consécutive, par exemple, à une démission.

Vos rapporteurs estiment nécessaires d'assouplir cette règle pour les communes de moins de 500 habitants. Ces dernières, si elles étaient soumises à la réduction susmentionnée de l'effectif légal, pourraient désigner, au maximum, deux adjoints, soit un homme et une femme. L'application de l'article L. 2122-7-2 précité conduirait à ce qu'un adjoint démissionnaire soit remplacé par un adjoint de même sexe. Vos rapporteurs proposent de ne pas appliquer cette règle, inutilement contraignante, aux communes de moins de 500 habitants, et ce afin de faciliter le remplacement d'un adjoint en cas de vacance du siège.

Recommandation n° 7 : faciliter le remplacement d'un adjoint dans les communes de moins de 500 habitants


* 21 https://www.senat.fr/amendements/2019-2020/13/Amdt_399.html

* 22 https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl21-116.html

* 23 https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl21-451.html

* 24 https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl23-444.html

* 25 Texte n° 752 (2023-2024) : https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl23-752.html

* 26 Loi constitutionnelle n°99-569 du 8 juillet 1999 constitutionnelle relative à l'égalité entre les femmes et les hommes.

* 27 Toute élection intervenant en dehors du renouvellement général est qualifiée d'élection partielle. Une élection partielle, organisée pour renouveler une partie du conseil municipal afin de le compléter, est appelée « élection partielle complémentaire ». Une élection partielle, organisée pour renouveler le conseil municipal dans son ensemble, est appelée « élection partielle intégrale ».

* 28 Dans les communes de moins de 1 000 habitants, le renouvellement intégral concerne, lui, des hypothèses plus rares : la démission collective du conseil municipal, l'annulation des opérations électorales dans la commune ou la dissolution du conseil municipal.

* 29 Dans les communes de moins de 1 000 habitants, le suppléant est le premier membre du conseil municipal n'exerçant pas de mandat de conseiller communautaire et qui le suit dans l'ordre du tableau (art L. 273-12 du code électoral).

* 30 Voir la recommandation n° 64 du rapport « Femmes et ruralités : en finir avec les zones blanches de l'égalité » ; Rapport d'information n° 60 (2021-2022), déposé le
14 octobre 2021 -
https://www.senat.fr/notice-rapport/2021/r21-060-1-notice.html

* 31 https://www.senat.fr/amendements/2019-2020/13/Amdt_528.html. Auparavant, le CGCT obligeait seulement à ce que l'écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne soit pas supérieur à un, ce qui autorisait à placer tous les hommes en première moitié de liste et les femmes en seconde moitié, et réciproquement.

* 32 Rappelons, sur ce point, que le Sénat avait adopté, dans le cadre du projet de loi « engagement et proximité », un amendement visant à assurer que la proportion de femmes et d'hommes au sein du bureau des EPCI soit au moins équivalente à celle constatée au sein de l'organe délibérant. La rapporteure Françoise Gatel avait toutefois souligné qu'il s'agissait d'un amendement de compromis, dans la mesure où la véritable parité ne pourrait exister que lorsque toutes les élections municipales se feraient au scrutin de liste. Cet amendement n'a pas prospéré dans le cours de la navette.

* 33 Loi n° 2023-506 du 26 juin 2023 tendant à garantir la continuité de la représentation des communes au sein des conseils communautaires.

* 34 https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2013/2013667DC.htm, considérants 44 à 47.

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