CONCLUSION GÉNÉRALE

Les élus locaux sont, au coeur de nos démocraties, des « engagés de la République et de la démocratie ». C'est pourquoi la délégation du Sénat aux collectivités territoriales, à l'écoute des territoires, entend créer les conditions propres à garantir l'efficacité de l'action des communes et, en particulier, de leur organe délibérant.

Cette efficacité, qui passe par des mesures fortes, doit se conjuguer à des initiatives visant à développer la démocratie implicative. À mi-chemin entre le modèle représentatif et l'orientation participative, cette forme démocratie, aujourd'hui insuffisamment développée, réunit le citoyen et ses élus dans une relation de proximité immédiate et les associe dans la recherche de solutions au niveau d'une rue, d'un ensemble d'habitations, d'un quartier, d'une commune... En impliquant l'habitant, l'élu l'amène à redevenir un citoyen engagé dans la vie de la Cité, dans un contexte national tourmenté, source d'inquiétudes et propice à la montée des extrêmes, comme l'ont illustré les dernières élections européennes et législatives.

Il y a urgence à agir afin de ne pas laisser la démagogie s'installer dans notre pays.

EXAMEN EN DÉLÉGATION

Lors de sa réunion du 3 octobre 2024, la délégation aux collectivités territoriales a autorisé la publication du présent rapport.

M. Rémy Pointereau, premier vice-président. - Mes chers collègues, je vous souhaite la bienvenue. J'ai le grand honneur, en cette rentrée parlementaire, de présider notre délégation. En effet, le 21 septembre dernier, notre chère présidente et collègue Françoise Gatel a été nommée au Gouvernement en tant que ministre déléguée auprès de la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat.

En raison de ce contexte très particulier et en tant que premier vice-président de la délégation chargé de l'évaluation et de la simplification des normes applicables aux collectivités locales, j'assure donc l'intérim jusqu'à la fin de la période de compatibilité le 22 octobre prochain. L'élection d'un nouveau président ou d'une nouvelle présidente pourra avoir lieu après cette date.

Le programme des travaux de la délégation reste inchangé jusqu'à la fin du mois d'octobre. Permettez-moi de vous en rappeler les rendez-vous les plus saillants.

Le 8 octobre prochain, à 13h00, nous examinerons le rapport d'information relatif à l'adaptation du bloc communal au vieillissement de la population, présenté par nos collègues Laurent Burgoa et Corinne Féret. Ensuite, sous réserve de l'ordre du jour de la séance publique et de vos disponibilités, je vous convie à 16h30 à l'audition de Boris Ravignon, maire de Charleville-Maizières, qui présentera les conclusions de son récent rapport sur le coût du millefeuille administratif.

Le 9 octobre à 8h00, nous aurons le plaisir d'accueillir, autour d'un petit déjeuner, notre collègue Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Ce sera l'occasion d'évoquer les conclusions et recommandations de son rapport d'information portant sur les solutions d'assurance pour les collectivités territoriales, mais aussi de savoir « à quelle sauce » seront mangées les collectivités dans le cadre du budget 2025.

Enfin, le 10 octobre, à 8h30, se tiendra une table-ronde sur le thème de l'intelligence artificielle, dans le cadre des travaux de nos collègues Pascale Gruny et Ghislaine Senée. Cette réunion est organisée conjointement avec la délégation à la prospective.

J'en viens à l'ordre du jour de nos travaux.

Mes chers collègues, après ses nombreux travaux sur le statut de l'élu local fin 2023, qui ont abouti à l'adoption à l'unanimité, le 7 mars 2024, de la proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local, notre délégation a lancé, début juin, une mission flash sur l'efficacité du fonctionnement des conseils municipaux.

En effet, les améliorations apportées par la loi relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, dite « Engagement et Proximité », ont, lors des élections municipales de 2020, produit des effets limités en raison de la persistance d'une crise de l'engagement local, qui touche particulièrement les communes rurales. Cette crise, multifactorielle - par exemple, le covid -, se traduit par une tendance à la baisse du nombre de candidats aux élections municipales et par une hausse continue du nombre de démissions en cours de mandat.

Comme nous en avons l'habitude à la délégation, nous avons constitué une mission transpartisane. Elle est composée de quatre rapporteurs :

- Françoise Gatel, présidente de notre délégation, qui est donc désormais ministre déléguée. Je signale à cet égard que le rapport d'information de la délégation était achevé au moment de sa nomination au Gouvernement, elle a donc souhaité le signer ; en revanche, conformément à la tradition républicaine, elle ne participe pas aux travaux parlementaires, quels qu'ils soient, pendant la période de compatibilité ;

- Nadine Bellurot ;

- Éric Kerrouche ;

- Didier Rambaud, qui ne peut être présent aujourd'hui pour des raisons personnelles.

Les travaux de la mission flash s'inscrivent dans un contexte marqué par plusieurs initiatives sénatoriales issues de divers groupes politiques du Sénat :

- la proposition de loi d'Éric Kerrouche, déposée le 20 mars 2024, visant à appliquer le scrutin de liste paritaire à toutes les communes ;

- la proposition de loi de Nadine Bellurot, déposée le
6 septembre 2024, ayant le même objet ;

- la proposition de loi de François Bonneau visant à réduire le nombre de conseillers municipaux dans les petites communes, ce dernier texte a été adopté par la commission des lois le 5 juin et sera examiné en séance le 9 octobre ;

- enfin, la proposition de loi d'Annick Billon visant à permettre l'élection du maire d'une commune nouvelle en cas de conseil municipal incomplet. Ce texte, également adopté par la commission des lois le 5 juin 2024, sera examiné le 15 octobre, conformément à la procédure de législation en commission.

La mission flash porte notamment sur un sujet très important, sur lequel j'ai moi-même évolué : faut-il étendre le scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants ? Je rappelle que ces communes représentent
71 % des communes françaises et 13 % de la population.

Ce changement de mode de scrutin aurait deux intérêts : d'une part, favoriser la cohésion des équipes municipales, en limitant le « tir aux pigeons » pour reprendre cette expression triviale, mais communément utilisée - cela concerne surtout le maire, qui se retrouve parfois le plus mal élu -, d'autre part, répondre aux exigences de parité et de cohérence des équipes municipales pour éviter la dislocation des conseils municipaux au bout de quelques mois.

Je note que la généralisation du scrutin proportionnel est consensuelle puisque l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) et, désormais, l'Association des maires ruraux de France (AMRF) soutiennent cette proposition.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Comme l'a indiqué Rémy Pointereau, la mission flash s'est articulée autour de deux questions.

En premier lieu, faut-il réduire l'effectif légal des conseils uniquement dans les communes de moins de 3 500 habitants ou pour toutes les strates démographiques ? La commission des lois a déjà adopté une proposition de loi réduisant le nombre de conseillers municipaux dans les communes de moins de 3 500 habitants, qui sera examinée dès la semaine prochaine en séance publique.

En second lieu, faut-il étendre le scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants ?

Dans le cadre de cette mission flash, la délégation a confié à l'institut CSA la réalisation, au mois de juin 2024, d'une enquête téléphonique auprès de 500 élus municipaux dans les communes de moins de 3 500 habitants. Beaucoup d'entre vous ont d'ailleurs assisté, le 9 juillet dernier, à la présentation par l'institut des résultats de l'enquête. Ceux-ci confortent les préconisations de cette mission.

Aujourd'hui, les conseillers municipaux sont répartis par
strates : ainsi, la première strate concerne les communes de moins de 100 habitants, la deuxième celles dont la population est comprise entre 100 et 499 habitants. Ces deux strates représentent plus de la moitié des communes
françaises - 18 000 sur 34 000.

Ces communes peuvent faire l'objet d'un aménagement depuis la loi « Engagement et Proximité » : le conseil municipal est « réputé complet » même s'il compte deux conseillers de moins que l'effectif légal. Cet assouplissement, issu d'un amendement sénatorial, permet aux communes rurales de constituer plus aisément leur conseil municipal.

En 2020, les communes ont rencontré des difficultés pour constituer les équipes municipales. L'enquête CSA confirme d'ailleurs que plus de la moitié des élus interrogés disent avoir rencontré des difficultés à réunir des candidatures pour ces élections. D'ailleurs, 86 % de ces élus mettent en avant un manque de motivation et de disponibilité des candidats. Un peu plus d'un cinquième des élus mettent également en lumière des difficultés liées à la parité.

Ces difficultés de mobilisation semblent s'aggraver par rapport à 2014. Ainsi, en 2020, 345 communes ne disposaient pas d'un conseil municipal complet, faute de candidats en nombre suffisant, contre 228 communes en 2014, soit une augmentation de 51 %. Par conséquent, la crise de l'engagement local persiste, voire s'accentue.

Par ailleurs, les démissions de maires sont nombreuses et ont atteint un niveau sans précédent : au 31 janvier 2024, 1 424 maires élus en 2020 ont ainsi démissionné de leur mandat, soit plus de 4 % des maires.

Il est donc essentiel de répondre aux causes profondes de la crise de l'engagement local, notamment via la mise en place d'un véritable statut de l'élu local. Cela suppose une réflexion sur les conditions d'exercice avant, pendant et après le mandat. Il faut également favoriser l'engagement des élus et inciter nos concitoyens à aller voter.

Le Sénat a adopté en première lecture, le 7 mars 2024, à l'unanimité, la proposition de loi tendant à instaurer un véritable statut de l'élu local afin d'améliorer les conditions d'exercice du mandat local et de sécuriser le parcours des élus locaux. Nous appelons de nos voeux un examen rapide de ce texte par l'Assemblée nationale.

C'est pourquoi notre recommandation n° 1 fait de la création d'un statut de l'élu local un prérequis et une priorité absolue. Sans statut, il sera impossible de créer une dynamique pour inciter nos concitoyens à devenir conseillers municipaux.

Le 5 juin 2024, la commission des lois du Sénat a adopté, avec modifications, la proposition de loi déposée par François Bonneau visant à réduire le nombre de conseillers municipaux dans les communes de moins de 500 habitants. Sur mon initiative, en ma qualité de rapporteure du texte, la commission des lois a adopté plusieurs amendements visant à étendre la baisse de l'effectif légal proposée à l'ensemble des communes de moins de 3 500 habitants, à maintenir l'effectif légal actuel des conseils municipaux des communes de moins de 100 habitants - soit un conseil municipal composé de sept conseillers, mais « réputé complet » à cinq conseillers -, à rétablir la disposition relative au conseil municipal « réputé complet », à la fois pour les communes de moins de 100 habitants et pour celles de 100 à 500 habitants.

Les auditions menées par la mission flash comme l'enquête CSA ont confirmé que ces évolutions allaient dans le bon sens, sous réserve d'un aménagement sur lequel nous reviendrons.

Nous insistons sur un point : la réduction de l'effectif légal des conseils municipaux est uniquement liée à des considérations tirées de la recherche d'une plus grande efficacité et d'une véritable dynamique des conseils municipaux. En aucun cas, cette réduction ne répond à un objectif financier, puisque les deux tiers des élus sont actuellement bénévoles.

Par ailleurs, si des difficultés ont pu apparaître pour la constitution de conseils municipaux complets lors des élections municipales dans les communes de moins de 3 500 habitants, tel n'est pas le cas pour les communes des strates supérieures. Une réduction de l'effectif légal ne correspond donc pas à un besoin exprimé par ces dernières. Une telle baisse pourrait même emporter plusieurs inconvénients. Ainsi, elle tarirait le vivier des personnes sur lesquelles les maires ont besoin de s'appuyer pour assurer une gestion municipale efficace ; elle rendrait plus délicate l'association progressive des plus jeunes conseillers municipaux ; elle aboutirait enfin à réduire le nombre des élus chargés d'animer l'opposition municipale.

En revanche, dans les grandes villes, la réduction du nombre de conseillers municipaux n'est pas souhaitée, car ces communes ont besoin d'une représentation plurielle.

La recommandation n° 2 vise donc à réduire le nombre de conseillers municipaux dans les communes de 100 à 3 499 habitants, mais pas au-delà.

Comme nous l'avons rappelé, un régime dérogatoire existe pour les communes de moins de 500 habitants, grâce au principe du conseil municipal « réputé complet ».

L'enquête CSA souligne que 61 % des élus des communes de 500 à 999 habitants sont favorables à une extension de ce régime dérogatoire afin de trouver plus facilement des candidats aux élections municipales. Nos auditions ont fait apparaître une telle demande, qui est aussi liée au scrutin de liste.

La recommandation n° 3 consiste donc à étendre le régime dérogatoire actuel aux communes entre 500 et 999 habitants, même si
cette strate n'est pas aujourd'hui distincte au sein de la strate
de 500 à 1 499 habitants.

J'en viens au nombre d'adjoints au maire. Aujourd'hui, il est plafonné à 30 % de l'effectif légal du conseil municipal. Réduire l'effectif légal du conseil municipal aurait pour effet, sans autre modification, de faire perdre un adjoint aux communes concernées. En outre, cela aurait pour conséquence négative de diminuer le montant de l'enveloppe indemnitaire globale. Nous avons souhaité maintenir le nombre des adjoints. L'irrecevabilité financière de l'article 40 de la Constitution nous empêche d'amender la proposition de loi de François Bonneau. Pour autant, le Gouvernement précédent s'était engagé à lever ses difficultés. Nous espérons qu'un accueil aussi favorable sera accordé par le nouveau Gouvernement pour conserver cette enveloppe globale et le nombre d'adjoints au maire.

La recommandation n° 4 a donc pour objet de maintenir le nombre actuel d'adjoints dans les conseils municipaux.

Il faut également sécuriser la période transitoire des communes nouvelles. Je rappelle que le Sénat propose régulièrement des avancées visant à renforcer l'attractivité des communes nouvelles, notamment à améliorer l'efficacité de leur conseil municipal. Notre délégation a ainsi adopté, le
28 juin 2023, un rapport d'information intitulé « Commune nouvelle : soutenir le projet d'un destin commun », signé par Françoise Gatel et Éric Kerrouche. Nous proposons de conserver l'évolution graduelle de l'effectif légal des conseils municipaux des communes nouvelles, tout en apportant une amélioration en cas de vacance d'un tiers des membres du conseil municipal. L'effectif légal des conseils municipaux des communes nouvelles est composé :

- de l'ensemble des conseillers municipaux des anciennes communes à compter de sa création et jusqu'au premier renouvellement du conseil municipal ;

- puis d'un nombre de conseillers municipaux égal à l'effectif prévu pour une commune appartenant à la strate démographique immédiatement supérieure après le premier renouvellement du conseil municipal ;

- et enfin de l'effectif de droit commun, après le deuxième renouvellement général des conseils municipaux. Ainsi, si une commune nouvelle est créée en 2024, en 2026, elle sera incluse dans la strate supérieure du nombre de conseillers ; c'est seulement en 2032 qu'elle entrera dans le droit commun. Nous avons souhaité conserver cette évolution graduelle et ne pas modifier les règles.

À noter que la proposition de loi d'Annick Billon, qui sera examinée en séance publique le 15 octobre prochain, permet de combler un « trou dans la raquette », puisqu'elle entend couvrir le cas du maire ou d'un adjoint qui démissionne ou décède après la première réunion du conseil municipal de la commune nouvelle. En effet, en de telles circonstances et en l'état actuel du droit, la commune nouvelle bascule dans la strate supérieure, ce qui représente souvent une chute brutale du nombre de conseillers municipaux.

Nous souhaitons conserver l'économie générale des règles transitoires applicables aux communes nouvelles, mais recommandons une amélioration pour résoudre cette difficulté. Actuellement, si un siège de conseiller municipal devient vacant pour quelque cause que ce soit, il le demeure jusqu'au prochain renouvellement de la commune nouvelle. En revanche, si cette vacance concerne plus du tiers du conseil municipal, le Conseil d'État considère que l'on ne peut pas faire appel aux suivants de liste et qu'il convient alors d'organiser de nouvelles élections municipales intégrales, ce qui a pour effet de faire basculer le conseil de la commune nouvelle dans la règle de l'effectif de la strate immédiatement supérieure. C'est l'autre trou dans la raquette. Nous souhaitons éviter cette bascule et accompagner encore ces communes nouvelles. Nous recommandons donc d'ouvrir la possibilité de faire appel aux suivants de liste.

La recommandation n° 5 a donc pour objet de sécuriser l'évolution graduelle de l'effectif légal des conseils municipaux des communes nouvelles.

Pour résumer nos propositions, nous souhaitons réduire le nombre de conseillers municipaux dans les communes de moins de 3 500 habitants. Dans les communes de moins de 1 000 habitants, les conseils municipaux sont « réputés complets ». Par ailleurs, nous essayons de répondre aux difficultés des communes nouvelles en sécurisant le dispositif pour éviter que le conseil municipal ne bascule trop vite dans la strate supérieure.

M. Éric Kerrouche, rapporteur. - L'autre sujet de cette mission flash concerne le scrutin de liste. Faut-il l'étendre aux communes de moins
de 1 000 habitants ?

Actuellement, deux modes de scrutin existent : dans les communes de plus de 1 000 habitants, le scrutin est proportionnel mais avec une prime majoritaire ; dans les communes de moins de 1 000 habitants, le scrutin est plurinominal majoritaire, avec possibilité de panachage. À bien des égards, le scrutin plurinominal est une survivance historique. Alors que le scrutin des communes les plus importantes a régulièrement évolué - 1965, 1983... -, tel n'est pas le cas du scrutin plurinominal, quand bien même on l'aurait corrigé de ses exotismes les plus saillants - par exemple, être élu alors que l'on n'est pas candidat.

Ces dernières années, de nombreuses initiatives ont cherché à revenir sur ce mode de scrutin et à étendre le scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants.

La transformation du mode de scrutin vise trois objectifs
principaux : premièrement, répondre aux exigences de parité ; deuxièmement, favoriser la cohésion des équipes municipales ; troisièmement, mettre fin à des différences artificielles entre communes. Il convient donc d'unifier le mode de scrutin des communes, puisque celles-ci exercent les mêmes compétences et vivent les mêmes situations.

Notre premier objectif est de répondre aux exigences de parité. Si la législation en matière de parité s'est renforcée au cours des dernières décennies, elle ne s'applique pas aux communes de moins de 1 000 habitants. La parité n'y est pas atteinte, même si l'on constate que la proportion des maires femmes est plus importante dans les communes de moins de 500 habitants que dans des strates plus importantes de population. Seul l'encadrement par les textes permet la parité ; les élections départementales l'ont montré.

L'extension du scrutin de liste a pour deuxième objectif de garantir la cohésion de l'équipe municipale autour d'un projet partagé et discuté en amont. Cette dynamique est favorable à la commune, quelle que soit sa taille.

Il s'agit aussi, ce faisant, de lutter contre la pratique du « tir aux pigeons », à un moment où l'agressivité contre les élus, notamment contre le maire ou l'élu en charge de l'urbanisme, croît. Nous le savons, certains maires vivent assez mal cette agressivité. Passer de l'individuel au collectif limitera la pression, car l'équipe municipale sera solidaire du projet ou des décisions prises. Le scrutin proportionnel favorise aussi l'engagement local par la création d'une « dynamique démocratique » autour d'un projet de territoire.

Enfin, et c'est le troisième objectif, il s'agit de mettre fin à des différences artificielles entre communes. Toutes les communes ont les mêmes compétences, quand bien même elles ne les exerceraient pas de la même façon et avec les mêmes moyens. On postule que l'uniformisation offrira aux citoyens une plus grande intelligibilité des règles.

Dernière conséquence, mais pas des moindres, contrairement à la situation actuelle, les maires seraient élus au conseil communautaire au suffrage universel direct, ce qui n'est pas le cas actuellement. Cela leur conférera une plus grande légitimité.

Nous nous sommes demandé si, avec le scrutin de liste généralisé, il y aurait plus d'élections partielles en cours de mandat. Vous connaissez la règle en scrutin de liste : dès qu'un poste de conseil municipal est vacant, il est fait appel au suivant de liste. Lorsque la liste est épuisée, la commune doit organiser de nouvelles élections afin de renouveler l'ensemble du conseil municipal. Dans une approche pragmatique, nous formulons deux propositions. La première proposition consiste à conserver la règle du
« +2 » : la loi a prévu que les listes doivent comporter deux candidats de plus que le nombre de sièges à pourvoir dans le conseil municipal. Cette faculté est importante dans la mesure où la majorité des communes de moins de 1 000 habitants n'auront probablement qu'une seule liste. En effet, le dépôt d'une liste unique a concerné, en 2020, plus de la moitié des communes dont la population est comprise entre 1 000 et 1 499 habitants. La seconde proposition revient créer la règle du « -2 » : c'est notre recommandation n° 3. Ainsi, les conseils municipaux de onze seront « réputés complets » à neuf.

Je précise par ailleurs que l'ensemble des associations que nous avons rencontrées (AMF, AMRF, Intercommunalités de France) sont favorables l'extension du scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants.

Nous nous réjouissons de la future progression de la parité dans les effectifs des conseils municipaux, qui sera mécaniquement consécutive à cette évolution. Des craintes sur la possibilité de la parité ont surgi ici ou là, mais elles ne nous paraissent pas fondées. En effet, la baisse de l'effectif légal facilitera nécessairement la constitution des listes paritaires. Par ailleurs, le passé nous enseigne que ces réserves n'ont pas lieu d'être : le déficit d'engagement des femmes a souvent été invoqué lors des différentes étapes législatives ayant conduit à la parité, notamment en 2013 ; force est toutefois de constater qu'il ne s'est pas ensuite confirmé sur le terrain. Les femmes représentent aujourd'hui 22,3 % des maires des communes de moins de 100 habitants et 21,4 % des communes comprises entre 100 et 199 habitants. Ce pourcentage est nettement supérieur à celui qui est observé dans des strates de communes supérieures. La question de la mise en pratique de cette recommandation ne se pose donc pas vraiment.

En revanche, nous nous sommes interrogés sur les risques constitutionnels de la généralisation du scrutin de liste, au motif que celle-ci pourrait être regardée par le Conseil constitutionnel comme une atteinte aux expressions pluralistes des opinions.

Il nous semble que notre travail répond aux interrogations qui pourraient être soulevées à cet égard par le Conseil constitutionnel.

En effet, par définition, le mode de scrutin proportionnel est la condition de la représentativité : créer une liste, c'est forcément rassembler des gens différents, qui plus est dans les petites communes. Le système proportionnel est aussi une expression de la pluralité.

Par ailleurs, d'autres principes sont importants en matière de mode de scrutin, en particulier l'intelligibilité et l'accessibilité de la loi. Nous considérons que le scrutin de liste est une simplification par rapport au modèle actuel de vote dans les communes de moins de 1 000 habitants, lequel est pour le moins exotique.

Cette uniformisation rétablit également une forme d'égalité devant le suffrage. Tous les citoyens français seront traités de la même façon dans le cadre des élections municipales, puisque le mode de scrutin sera identique dans toutes les communes, de la plus petite à la plus grande.

En outre, la généralisation du scrutin de liste favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, conformément à l'objectif constitutionnel.

Enfin, la réduction du nombre de conseillers municipaux devrait rendre plus aisée la constitution de listes dans les communes de moins de 1 000 habitants.

Ainsi, la recommandation n° 6 a pour objectif d'étendre le scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants.

Vous l'avez compris, nous avons pour ambition de trouver des solutions ponctuelles à des situations de terrain.

Telle est la logique également de notre recommandation n° 7, dont l'objet est de faciliter le remplacement d'un adjoint dans les communes de moins de 500 habitants. Actuellement, dans les communes de plus de 1 000 habitants, en cas de vacance d'un ou plusieurs adjoints, ceux-ci « sont choisis parmi les conseillers de même sexe que ceux auxquels ils sont appelés à succéder ». Nous proposons d'assouplir cette règle pour les communes de moins de 500 habitants, afin de pouvoir remplacer plus facilement un adjoint en cas de vacance du siège.

Vous le constatez, mes chers collègues, nous proposons à la fois des solutions conjoncturelles de bon sens et des solutions structurelles qui nous semblent pouvoir améliorer le fonctionnement de notre démocratie locale.

M. Rémy Pointereau, premier vice-président. - Je pose une seule question avant de laisser la parole à mes collègues.

Modifier le nombre de conseillers municipaux peut-il avoir une incidence sur le nombre de délégués sénatoriaux ?

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - La commission des lois a fait le nécessaire. Elle a amendé la proposition de loi de François Bonneau afin que le corps électoral des Sénateurs ne change pas.

M. Olivier Paccaud. - Merci de ces travaux qui veulent répondre à une problématique réelle.

Je suis élu du département de l'Oise, qui compte 680 communes, dont 500 de moins de 1 000 habitants. Comme vous l'avez souligné, en 2026, le renouvellement du conseil municipal ne sera pas forcément facile.

Vous proposez de baisser le nombre de conseillers municipaux. D'accord, mais pourquoi obligatoirement ? Dans certaines communes, les conseils municipaux n'ont aucune difficulté à atteindre le nombre de conseillers requis. Rendre cette disposition obligatoire signifie virer des gens et se priver de bonnes volontés. Dans notre République, c'est incompréhensible !

C'est pourquoi je proposerai, dans le cadre de la proposition de loi de François Bonneau, un amendement visant à garder de la souplesse et à laisser cette faculté aux conseils municipaux pour lesquels ce serait pertinent. Si un conseil municipal a quinze volontaires, il serait dommage qu'il ne puisse tous les garder !

Nous sommes champions du monde de la démocratie locale grâce à ce maillage de 500 000 élus de terrain. Au risque d'exagérer et de paraître caricatural, il me semble que supprimer des élus serait antirépublicain et antidémocratique.

Par ailleurs, il me semble pertinent que cela relève d'une décision à l'échelon local et qu'il n'y ait pas de toise nationale. Il faudrait qu'une commune puisse, via une délibération, décider du nombre de conseillers municipaux.

Je crois à l'intelligence du terrain et surtout à la souveraineté municipale.

J'en viens à l'extension du scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants. Les élus de ces communes, dans mon département de l'Oise, n'y sont pas favorables, et je partage leur opinion. Il n'est pas souhaitable, au nom de l'unification, de plaquer le système d'une commune de 60 000 habitants sur une commune de 102 habitants.

Gouy-les-Groseillers, la plus petite commune de l'Oise, ne dispose ni d'adjoint au sport ni d'adjoint à la culture, et les habitants s'en portent très bien.

On invoque la parité comme principal argument, cela s'entend. Le système du binôme est parfait pour la faire progresser. Je note avec beaucoup d'intérêt que les villes de moins de 1 000 habitants sont celles où il y a le plus de maires femmes ; comme quoi, le nombre restreint d'habitants n'empêche pas les femmes d'accéder aux responsabilités.

Si nous étendions le scrutin de liste, nous risquerions de nous priver de bonnes volontés et surtout de femmes. Cela serait particulièrement préjudiciable à une commune comme celle de Bulles, à côté de
Clermont-de-l'Oise, où le maire et les trois premiers adjoints sont des femmes. Notez que nous serions aussi privés de certains hommes...

J'insiste, imposer une règle très stricte de liste dans les communes de moins de 1 000 habitants risque d'engendrer des problèmes de constitution de liste. Or, beaucoup de petites communes peinent à trouver des candidats.

Sachez que, à Brasseuse, le conseil municipal est composé en toute légalité de quatre membres de la même famille : ce n'est plus un conseil municipal, mais un conseil familial ! Bref, il faut toucher d'une main tremblante à ces problématiques.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - J'entends ce que dit notre collègue Paccaud. Nous connaissons tous, autour de cette table, des communes auxquelles nous ne pourrions pas appliquer nos propositions. Toutefois, les représentants de l'AMF que nous avons entendus au cours de nos travaux ont été très clairs : il faut réduire le nombre de conseillers municipaux et étendre le scrutin de liste.

Je pense qu'il n'est pas possible de définir un nombre de conseillers à la carte.

M. Olivier Paccaud. - Cela se pratique déjà !

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Certes, mais il existe un cadre légal pour toutes les communes de la même strate. Vos suggestions, monsieur Paccaud, se heurteraient forcément à la Constitution : le droit électoral doit être le même pour tous sur l'ensemble du territoire.

Il existe déjà des souplesses en ce qui concerne le « réputé complet » et la possibilité, dans le cadre du scrutin de liste, de prévoir deux conseillers supplémentaires.

M. Fabien Genet. - La souplesse, c'est le conseiller démissionnaire !

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Une chose est sûre, l'égalité devant le suffrage doit primer.

M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Lors de toutes les élections, le
Conseil constitutionnel veille à la proportionnalité entre la démographie et la représentation. Évincer la logique démographique conduit à créer un décalage entre les communes sur une base qui n'est pas objective.

Manifestement, une tendance se dessine pour passer progressivement au scrutin de liste, car, comme l'ont confirmé les différentes personnes que nous avons entendues, cela sécurise un peu plus les élus. Voilà qui répondra pour partie aux préoccupations de notre collègue Paccaud, mais qui ne résoudra pas toutes les difficultés.

Une chose est sûre, on est élu pour un projet, et non pas les uns à côté des autres. Pour notre part, nous souhaitons que les conseillers municipaux aient la volonté de travailler ensemble dès le départ. Justement, les souplesses évoquées par Nadine Bellurot sécuriseront les évolutions annoncées.

Mme Sonia de La Provôté. - Le manque d'engagement des maires pose problème, singulièrement dans les petites communes. Aussi, toutes les solutions qui apportent de la simplicité et permettent de rassurer ceux qui veulent s'engager sont les bienvenues par les temps qui courent, même s'il ne faut pas s'attendre à un miracle - en effet, la question de l'engagement dépasse le simple cadre technique des élections municipales.

Je comprends tout à fait les inquiétudes de notre collègue Paccaud : à un moment donné, il faut faire des choix. L'unification du mode de fonctionnement électoral ne peut que simplifier le modus operandi.

La parité est toujours un sujet. En la matière, il y a les inquiets, d'une part, et ceux qui pensent qu'elle ne pose aucun problème, d'autre part. Or ces derniers sont de plus en plus nombreux. Je me souviens encore de ceux qui, en 2001, criaient « Panique à bord ! » face aux listes « chabadabada » dans les grandes villes.

Toutefois, les choses ont fini par se faire et la parité n'est plus une difficulté aujourd'hui ; elle est même essentielle au fonctionnement des équipes municipales et reflète les aspirations des citoyens. De toute manière, les évolutions démographiques et sociologiques dans les communes rurales poussent à adopter cette attitude vis-à-vis de l'élection.

Concernant les effectifs des conseils municipaux, ce rapport d'information apporte les éléments de souplesse nécessaires.

L'intérêt du scrutin de liste réside dans le fait que les personnes élues se connaissent et travaillent ensemble autour d'un programme défini. C'est là le ferment d'une cohésion réelle.

Le « tir aux pigeons » ne fonctionne pas toujours ; il crée plutôt les conditions d'un grand dysfonctionnement quand le maire n'est pas celui qui était prévu ou que l'équipe ne s'entend pas et n'a aucune conviction commune.

Les communes nouvelles, qui maillent en nombre mon département, sont un sujet auquel je suis très sensible. Selon le nombre de communes historiques, les considérations ne sont pas du tout les mêmes. D'ailleurs, je pense qu'il est nécessaire de préciser dans le rapport d'information que l'on se réfère bien à la liste de la commune historique, l'intérêt étant de maintenir un équilibre territorial.

M. Bernard Delcros. - Je me réjouis de ce rapport d'information qui touche au coeur de la vie des communes rurales. Je suis favorable à la fois à la baisse du nombre de conseillers municipaux et à l'extension du scrutin de liste.

Je restais réservé sur le fait que l'on impose un effectif de
cinq conseillers dans les communes de moins de 100 habitants : en effet, l'équipe est très vite réduite en cas d'absence d'un conseiller. Dès lors, je me félicite que vous ayez opté pour un effectif de sept conseillers pour ces communes.

Du reste, je ne crois pas qu'il faille laisser le conseil municipal décider du nombre de conseillers, car cela peut donner lieu à des calculs locaux problématiques.

M. Olivier Paccaud. - Expérimentation et décentralisation ! Si l'on n'expérimente pas, on n'arrivera à rien...

M. Bernard Delcros. - Cela fait longtemps que je suis favorable au scrutin de liste pour toutes les communes, surtout que cela peut pousser un habitant à candidater au poste de maire, en particulier dans les petites communes. Les scrutins avec panachage, eux, compliquent les choses et rendent le résultat de l'élection incertain.

Je constate que les propositions formulées dans ce rapport d'information n'affectent pas le nombre de grands électeurs pour les élections sénatoriales. Comment y êtes-vous parvenus ? Avez-vous révisé le nombre de conseillers municipaux ?

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Cela a été décidé en commission des lois.

M. Bernard Delcros. - Du reste, je m'interroge sur la compatibilité du scrutin de liste avec le « réputé complet » dans les communes de moins de 500 habitants. Lorsque l'on présente une liste, est-il obligatoire de présenter un nombre minimum de candidats ?

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Nous proposons que dans les communes comprises entre 100 et 499 habitants, la liste déposée soit réputée complète à sept, alors que l'effectif légal est de neuf dans cette strate démographique.

Mme Céline Brulin. - Je suis partagée sur les propositions formulées. S'il existe un réel problème à recruter des conseillers municipaux, en particulier dans les petites communes, c'est d'abord parce que les mandats sont difficiles à exercer - et la baisse du nombre de conseillers, à terme, n'arrangera rien à la situation de ceux qui restent en fonction.

J'ai interrogé les maires de mon département sur ce sujet. Certains m'ont dit qu'il y avait sans doute des choses plus importantes à faire au Sénat en ce moment, quand d'autres ont fait part de leurs inquiétudes, surtout dans un contexte marqué par la mise à l'index des collectivités, prétendument responsables du dérapage budgétaire. Un rapport de la Cour des comptes suggère en effet de supprimer 100 000 emplois dans les collectivités et le rapport d'Éric Woerth, « Décentralisation : le temps de la confiance », propose de supprimer 100 000 élus municipaux.

La perte de vocation est liée soit à une perte de sens, soit aux difficultés de pouvoir agir dans nos communes.

S'il était moins difficile, par le passé, de trouver des volontaires, c'est parce que l'on voyait davantage le sens qu'il y avait à s'engager pour la commune, avec des moyens, des idées dans lesquels se projeter. La réflexion autour du nombre de conseillers est pertinente, mais, loin de résoudre ces difficultés, elle pourrait nous engager dans un cercle vicieux.

Je suis sensible, sur le scrutin de liste, au fait que l'équipe se présente autour d'un projet - je ne développe pas sur la parité, dont les arguments sont connus. J'apprécie l'« aller-vers » évoqué par Éric Kerrouche. Certains élus m'ont indiqué que, leur commune passant dans la strate supérieure à 1 000 habitants, donc au scrutin de liste, il leur faudrait remercier certains conseillers municipaux. Ce n'est pas idéal vu la crise du recrutement...

Pour terminer, je me fais l'écho d'une demande de stabilité des communes. De nouveau, et comme dans toutes les crises, ce sont elles qui tiennent le pays. Dans les prochains mois, les nerfs des élus locaux risquent d'être à nouveau mis à vif. Bousculer les choses à deux ans des renouvellements de 2026 n'est pas leur rendre service.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - En effet, baisser le nombre de conseillers doit être vu sous le prisme non pas financier, mais de l'engagement. Les instances nationales de l'AMF et de l'AMRF demandent que ce soit effectif avant les prochaines municipales, tout en conservant un dispositif souple - notamment avec la possibilité, selon les strates, de réduire ou augmenter le nombre de conseillers de deux.

Sonia de La Provôté l'a dit, nous devons penser nos propositions globalement, dans le sens d'un environnement propice à l'engagement. Le travail n'est jamais terminé.

La baisse du nombre de conseillers municipaux est une aide supplémentaire à l'engagement dans les mois qui viennent, avec la perspective d'un scrutin de liste dans les communes de moins de 1 000 habitants. Mettre tout cela en musique, Éric Kerrouche l'a rappelé, n'est pas un aboutissement, mais s'inscrit dans la facilitation des conditions de l'engagement. Ne pouvoir candidater qu'au sein d'une liste porteuse d'un projet commun incitera selon moi davantage de personnes à s'engager par rapport à une démarche solitaire, sans envie de faire ensemble. Or, faire ensemble, en ce moment, est une bonne chose. Réduire le nombre de conseillers - avec les souplesses que nous prévoyons - ne diminuera pas la volonté de s'engager et de faire réussir sa commune.

M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Comme le dit Bernard Delcros, dans les communes de moins de 1 000 habitants, les équipes sont parfois bancales.

Une commune de moins de 100 habitants est représentée par
sept conseillers, contre un maximum de soixante-neuf pour une commune de plus de 300 000 habitants. Il y a donc déjà bien une représentation importante à l'échelon local.

Y aurait-il mieux à faire au Sénat, demande-t-on ? C'est justement à nous d'agir sur ce sujet, pour aider les maires !

Sur la temporalité, je ne sais pas s'il y a un bon moment pour modifier un scrutin, mais nous avons encore une fenêtre d'opportunité pour ce faire - après, ce sera trop tard.

J'entends l'argument de la stabilité, mais nous proposons précisément un cadre stable, compréhensible, que les élus prendront immédiatement en main et bénéfique du point de vue de la gestion de la liste, de la parité et du projet.

Mme Ghislaine Senée. - La création d'un statut de l'élu est, pour le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires (GEST), une priorité absolue. Je suis de plus en plus convaincue que le scrutin de liste bénéficiera aux petites communes. Alors que rayer des personnes relève parfois du « tir aux pigeons », cela apporterait de l'inclusivité.

Mais le pluralisme m'importe, alors qu'il est parfois difficile d'atteindre deux listes.

En revanche, nous restons convaincus qu'agir sur le nombre de conseillers municipaux n'est pas la bonne réponse. On parle de crise des vocations, mais il s'agit plutôt d'une crise de l'engagement : nous sommes dans un monde qui nous pressurise de plus en plus, avec de moins en moins de temps pour s'engager pour la commune.

Se pose aussi la question du fonctionnement des collectivités. Le manque de transparence décourage des citoyens de s'engager lorsqu'ils n'ont pas un grand-père ou un enfant au conseil municipal... Alors qu'on parle de les supprimer, nous avons au contraire besoin de ces 100 000 élus, qui s'engagent bénévolement pour le compte des communes, lesquelles sont les plus à même d'agir pour l'intérêt général. En pleine crise politique, la meilleure réponse pour redonner du crédit à la parole politique passe par l'élu local. Nous sommes donc opposés à la recommandation n° 2 sur la réduction de l'effectif légal des conseils municipaux.

Entre 100 et 499 habitants, on comptera neuf élus. Nous avons une difficulté pour les communes comprises entre 500 et 1 000 habitants, non soumises au scrutin de liste aujourd'hui : comment faire pour que leurs conseils municipaux soient « réputés complets » ?

M. Thierry Cozic. - Ce travail de fond est dans l'air du temps ; la crise de l'engagement inquiète pour le renouvellement de 2026.

La recommandation n° 2 porte sur la réduction du nombre de conseillers des communes allant jusqu'à 3 499 habitants, mais pas au-delà. Or nous sommes soumis aux effets de seuil. Ainsi, pour les communes ayant entre 5 000 et 9 999 habitants, surtout celles qui sont proches du seuil minimal, je constate la difficulté, dans mon département, à présenter des listes complètes. Là où j'étais maire, il n'y a qu'une seule liste depuis quatre renouvellements, les listes opposées ne pouvant se constituer faute de candidats. Pourquoi donc se limiter aux communes de 3 499 habitants, alors que la crise de l'engagement croît ?

M. Bernard Buis. - J'étais initialement sceptique, mais ma réflexion a évolué. Après avoir rencontré les élus de nombreuses communes, dans l'ensemble, l'avis est très favorable à ces propositions, qui doivent être prises ensemble.

J'apprécie la non-diminution du nombre de conseillers pour les communes de moins de 100 habitants. Je partage l'avis de
Bernard Delcros : tomber de neuf à sept conseillers avait été mal vécu ; passer à cinq aurait été difficile, car privant des habitants de la possibilité de s'intéresser à la vie communale.

Le scrutin de liste évitera ce que l'on voit souvent : des adjoints rayés, ce qui crée une mauvaise ambiance alors que des conseillers municipaux peu présents sont parfois mieux réélus, voire revendiquent la fonction de maire alors qu'ils ne sont pas en capacité de l'assumer.

Sur la parité au niveau des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), ne faut-il pas envisager une évolution ? Les petites communes, jusqu'à présent, ont des difficultés à envoyer des femmes. Une réflexion s'impose alors que les postes sont souvent trustés par des hommes dans les petites communautés de communes.

Mme Pascale Gruny. - Le « réputé complet » est bienvenu.

Sur la parité, je suis présente au Sénat du fait de la parité obligatoire, et cela m'agace... En Espagne, il n'y a pas eu besoin d'une telle obligation. Bernard Buis parle de la parité au niveau des EPCI : quel dommage d'en arriver là ! Je suis d'accord avec Olivier Paccaud et je suis choquée que certaines villes aient subi des amendes pour des raisons de parité, car il n'y avait pas assez d'hommes !

Je ne suis pas une grande féministe, mais la richesse, c'est de ne pas être tous issus du même moule. Ainsi, l'arrivée d'un regard féminin dans les conseils municipaux a fait avancer les choses. Hommes et femmes sont différents : cela importe ! Dommage qu'il faille instaurer des obligations.

Je rejoins Céline Brulin sur la question de l'engagement. Les associations portent énormément de projets en France, dans le domaine du handicap par exemple.

Plus la commune est petite, plus on voit le poids qui repose sur le maire. Dans mon département de l'Aisne, on compte 798 communes, peuplées parfois de dix-neuf habitants ! Dans une grande ville, on voit les adjoints, mais, dans une petite commune, c'est le maire qui fait tout.

Ghislaine Senée parle du manque de temps. Dans certaines communes, on n'a pas forcément de travail. Mais dans le monde d'aujourd'hui, on s'enferme le plus possible chez soi, on télétravaille si on a du travail. Il s'agit de ne surtout pas donner du temps aux autres...

Le scrutin de liste, c'est très bien, mais la population adore barrer des noms. En outre, quel projet peut-on avoir dans une petite commune ?

Enfin, avec les maires que je rencontre, nous passons toujours beaucoup de temps à parler des problèmes de voisinage et de chiens qu'on laisse promener. Si vous avez une solution, je suis preneuse !

Mme Corinne Féret. - Ce rapport est extrêmement intéressant. Vous avez consulté et écouté les élus et les associations pour faire évoluer nos réflexions.

Dans le Calvados, 72 % de communes ont moins de
1 000 habitants ; contre toute attente, il s'agit donc bien d'un département rural. On constate dans ces communes de nombreuses démissions de conseillers municipaux ou de maires. Il faut donc organiser des élections partielles complémentaires.

Je souscris tout à fait à vos propositions, notamment sur le scrutin de liste, car cela permet de faire équipe et crée un autre état d'esprit. On ne se présentera plus uniquement par intérêt personnel, comme cela arrive parfois, mais on sera candidat au sein d'une équipe parce qu'un projet nous motive, quelle que soit la taille de la commune. Bien plus, cela peut inciter des habitants à être candidats et le maire se sentira alors entouré de conseillers qui vont dans le même sens.

Selon moi, il s'agit d'une mesure rassurante qui peut être une réponse à la question que nous nous posons tous : quid de 2026 ? Y aura-t-il suffisamment de candidats ?

Sur la parité, les lois successives ont fait que les femmes ont toute leur place dans bon nombre de collectivités locales. Sans elles, rien n'aurait changé. J'en veux pour preuve la situation dans les EPCI : aujourd'hui, la parité n'y existe pas, car elle n'est pas obligatoire. Il faut donc continuer cette réflexion et forcer un peu les choses.

Avant, dans les plus petites communes, on se demandait comment trouver des femmes pour les scrutins de liste ; aujourd'hui, cette question ne se pose plus. Cette obligation a permis une évolution des mentalités et un plus fort engagement des femmes. Parfois, il faut donc en passer par là.

M. Fabien Genet. - Comme d'autres, je suis toujours très réservé à l'idée qu'en supprimant des élus locaux les choses s'amélioreraient. Envoyer un tel message - je pense au rapport Woerth - est très néfaste. Au regard de l'état de la société, tout ce qui peut renforcer les liens entre les citoyens à quelque niveau que ce soit est bienvenu. La réduction du nombre des élus locaux, encore plus quand cette idée émane du Sénat, ne me semble pas aller de soi.

Par ailleurs, on crie peut-être avant même d'avoir mal. On ne sait pas encore ce qui se passera en 2026 ! On sait tous ce qu'il en est des
déclarations : les positions peuvent changer même au dernier moment et un maire qui, en milieu de mandat, annonce qu'il ne se représentera pas peut changer d'avis. Il en est de même pour nous, Sénateurs...

Je reviens sur les interrogations légitimes sur les démissions. Il faut comprendre que, pour notre société moderne, ce mandat de six ans est sans doute devenu assez long, ce qui conduit les gens, pour des raisons personnelles ou professionnelles, à ne pas tenir leur engagement durant cette période. Là encore, il n'est qu'à voir ce qui se passe ici même : la semaine dernière, certains de nos collègues ont trouvé d'autres opportunités professionnelles et ont quitté le Sénat pour servir le pays autrement !

La diminution du nombre de conseillers municipaux risque d'entraîner une perte de souplesse. Dans certaines communes, les conseils municipaux ne sont plus complets ; pour autant, le conseil municipal fonctionne. Si l'on réduit trop le nombre de conseillers municipaux, la collégialité deviendra épineuse. C'est pour cela que je suis opposé à la réduction du nombre de conseillers municipaux dans les plus petites communes : imaginez ce qui se passera s'ils ne sont que cinq et que deux d'entre eux démissionnent, ils ne seront plus que trois. Il faut donc conserver un nombre de conseillers importants, afin de pouvoir absorber les départs éventuels.

Enfin, il y a tout de même un éléphant dans la pièce : c'est le fait intercommunal et les transferts de compétences. Quel sens cela a-t-il de s'engager dans un conseil municipal quand de plus en plus de décisions sont prises à l'échelon de la communauté de communes ?

On l'entend souvent : beaucoup de maires se demandent s'ils ne devront pas fusionner leur commune avec la commune voisine. Par conséquent, il ne faut pas trop réduire le nombre de conseillers municipaux si un nouveau mouvement de création de communes nouvelles doit advenir. En effet, quand deux communes s'engagent dans une fusion, il faut que celles-ci aient l'assurance qu'elles seront suffisamment représentées dans la nouvelle entité. Peut-être faut-il également anticiper ces mouvements à venir.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Nous sommes bien obligés de constater que la réduction du nombre de conseillers municipaux s'amplifie. En 2020, 345 communes n'avaient pas de conseil municipal, faute de candidats, contre 228 en 2014. De la même façon, nous constatons une importante mécanique de démissions. C'est une réalité chiffrée. L'AMF et l'AMRF s'accordent également pour dire qu'il faut apporter des réponses à cette baisse de l'engagement.

Sans dire qu'elle résoudra tout, cette proposition est une réponse pour éviter des difficultés en 2026. Cela va de pair avec le statut de l'élu : il faut aussi accompagner les élus, hommes ou femmes, qui décident d'arrêter de travailler et qui se heurtent à une baisse du nombre de conseillers municipaux.

Il faut aussi de la souplesse. C'est ce que permet le scrutin de liste, puisque les listes peuvent comporter deux candidats de plus que le nombre de sièges à pourvoir dans le conseil municipal. C'est donc tout sauf un couperet. Le conseil municipal peut tourner à « -2 » en cas de difficultés, mais le scrutin de liste permet aussi le « +2 ». Il ne s'agit pas de donner le signal qu'en diminuant le nombre de conseillers municipaux on acte le moindre engagement de nos élus. Bien au contraire, on veut favoriser un engagement réel et positif.

Aujourd'hui, on demande aux Français de voter et de s'engager, mais, dans les communes de moins de 1 000 habitants, on leur demande de rayer des noms ! Certes, ils peuvent rajouter des noms, mais il faut remplacer cette démarche négative par une démarche positive. Il faut que ces communes entrent dans le droit commun.

Le seuil de 3 500 habitants est celui qui nous est apparu au cours des auditions et des rencontres. Dans les communes de 100 habitants, une liste représente 13 % de la population, pour autant que l'ensemble des habitants soient majeurs, contre 0,01 % pour les communes de 40 000 habitants. Par conséquent, l'effort pèse beaucoup moins dans les grandes communes que dans les petites. Il s'agit donc d'aider ces dernières en diminuant le nombre de conseillers municipaux.

Nous avons cherché des mesures équilibrées et nous avons souhaité, par ces propositions qui se conjuguent, renforcer l'engagement. Et ce n'est pas paradoxal de dire que nous diminuons le nombre de conseillers municipaux parce que nous voulons plus d'engagement. Nous recréerons une dynamique dont nous aurons à nous satisfaire dans les années à venir. Certes, d'autres paramètres entrent en ligne de compte, par exemple les restrictions budgétaires. Reste que l'on peut être d'accord sur les aménagements à engager.

M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Le rapport propose des solutions praticables. Si le scrutin pour les communes de moins de 1 000 habitants peut être une évolution importante, cette proposition est assortie de souplesses avec le « plus deux / moins deux ». Cette règle facilitera la composition des listes électorales. Concernant le nombre de démissions des maires, il est comparable chez les maires à ce qui s'est passé sous le précédent mandat ; en revanche, les démissions des élus locaux des conseils municipaux ont connu une accélération très forte entre les deux mandats 2014 - 2020 et après. Des investigations ont commencé à être menées, notamment par mon laboratoire de recherche : on observe que les élus démissionnent avant tout pour des dissensions personnelles, ce qui prouve qu'il y a un problème d'équipes. Sur la parité dans les EPCI, je vous informe qu'on vient de réaliser une enquête sur les exécutifs intercommunaux, dont les résultats sont surprenants. Nous constatons qu'il y a un vrai problème de parité dans les EPCI qu'il faut résoudre. Seuls 12,5 % de femmes sont présidentes d'EPCI. Autre
difficulté : l'absence de parité dans les exécutifs des EPCI. J'avais proposé, dans le cadre de la loi « engagement et proximité » une parité totale dans le bureau ou, à défaut, une parité « miroir » dans le bureau (principe de proportionnalité entre le bureau des EPCI et le conseil communautaire). Toutefois, aucune de ces deux propositions n'a encore abouti. C'est la dernière résistance dans ce qu'on peut qualifier de pouvoir local. D'où, d'ailleurs, la réponse indirecte que nous apportons avec cette proposition, parce que mécaniquement il y aura une meilleure représentation féminine dans les communes de moins de
1000 habitants. La parité va ainsi mécaniquement progresser au sein des conseils communautaires.

Mme Céline Brulin. - En écho à ce que vient d'indiquer
Éric Kerrouche, la question centrale est, selon moi, la suivante : est-ce que les EPCI sont des collectivités de plein exercice ou est-ce que c'est une coopération intercommunale où chaque commune désigne librement ses
représentants ? Mon choix va plutôt vers la deuxième solution. Mais on ne peut pas penser la parité dans les EPCI en dehors de la nature qu'on veut donner à ces derniers.

M. Daniel Gueret. - Poser la question de la parité dans les intercommunalités nous conduira tout droit à poser la question du mode d'élection des intercommunalités. Ainsi, si l'on veut aujourd'hui appliquer la parité aux conseils communautaires, il faudra prévoir, et c'est un autre débat, que les intercommunalités sont élues au suffrage universel direct. Et cette évolution signerait naturellement la mort des communes.

M. Rémy Pointereau, premier vice-président. - Je partage votre point de vue.

M. Daniel Gueret. - J'insiste là-dessus car il y aura des conséquences et je rejoins ce que Céline Brulin disait : pour moi une intercommunalité est plus un groupement d'intérêts économiques qu'une communauté de plein exercice aujourd'hui.

M. Rémy Pointereau, premier vice-président. - Bien. Alors nous allons procéder à l'adoption des recommandations et l'autorisation
de publier le rapport. Nous avons quelques délégations. Jean Pierre Vogel a donné délégation à Nadine Bellurot. Cédric Vial à
Laurent Somon mais il n'est pas là. Jean Claude Anglars à Muriel Jourda mais
elle est partie. Max Brisson à Fabien Genet. Catherine Di Folco à
Pascale Gruny. Laurent Burgoa à Daniel Gueret. Et Sylviane Noël à moi-même. Donc nous allons procéder au vote. Quels sont ceux qui sont favorables à l'adoption des recommandations ? Et à la publication du rapport ? Ceux qui s'abstiennent ? Trois abstentions. Les votes contre ? Aucun. Je vous remercie.

Le rapport est adopté et sa publication autorisée. Les recommandations sont adoptées.

La délégation adopte le rapport d'information et en autorise la publication.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Merci beaucoup de votre écoute et nos échanges.

M. Rémy Pointereau, premier vice-président. - Merci beaucoup pour votre rapport qui était très intéressant. À la semaine prochaine.

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