B. UN PATRIMOINE EN MAUVAIS ÉTAT, AVEC DU RAPIÉÇAGE BUDGÉTAIRE
1. Un patrimoine en mauvais état, qui continue à faire l'objet de mesures de restrictions budgétaires
a) Un patrimoine en mauvais état
D'après les réponses transmises par le ministère de l'Intérieur, la situation de l'immobilier de bureau de l'ATE est considérée, au regard du référentiel technique mis en place par la direction de l'immobilier de l'État (DIE), comme « peu satisfaisante / peu conforme ». En effet, la note moyenne obtenue par les différents bâtiments est de 12,2/20. Surtout, 16 % des bâtiments de l'ATE sont aujourd'hui considérés comme peu ou pas conformes au regard du référentiel de la DIE.
Ainsi, il ressort de ces différents éléments et des déplacements que la rapporteure spéciale a effectué sur le terrain, que le patrimoine immobilier de l'administration territoriale de l'État (ATE) est dans une situation préoccupante. En effet, les dépenses immobilières de l'ATE sont, d'après l'une des personnes auditionnées par la rapporteure spéciale, le « parent pauvre »30(*) des dépenses immobilières du ministère de l'Intérieur, au sein duquel l'immobilier est déjà dans une situation très dégradée31(*). Il a également été indiqué à plusieurs reprises que, singulièrement pour l'administration territoriale, « l'État se comporte comme un mauvais propriétaire. »
L'immobilier de l'ATE a ainsi accumulé une dette « grise » importante, alors que les emprises immobilières ont été insuffisamment entretenues au cours des dernières années. Loin de permettre de limiter la dépense publique, le sous-investissement immobilier est facteur de risques importants, et de coûts potentiellement décuplés pour l'État. Plusieurs rapports32(*) indiquent en effet que l'absence d'entretien régulier du patrimoine peut conduire à une dérive importante des coûts.
Par ailleurs, le patrimoine immobilier de l'ATE est insuffisamment connu et il n'existe pas de véritable cartographie des risques et des besoins immobiliers. Ainsi, d'après plusieurs personnes auditionnées par la rapporteure spéciale, les dépenses immobilières engagées sur le programme 354 ces dernières années visent prioritairement à répondre à l'urgence et ne sont pas suffisants pour effectuer des opérations de diagnostic ou d'anticipation. D'après la directrice du management de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur, Mme Fabienne Balussou, les services doivent prioriser les chantiers, alors qu'ils sont confrontés à un parc vieillissant.
Ce constat est pourtant déjà ancien : dans son référé en date du 5 novembre 2010 sur la gestion du parc immobilier des préfectures et des sous-préfectures, la Cour des comptes faisait déjà part de ses préoccupations concernant « l'absence de perspectives stratégiques et un relatif manque de réalisme budgétaire pour la rationalisation du parc immobilier des préfectures et des sous-préfectures ».
Dans un rapport d'avril 2022, l'inspection générale des finances et le conseil général de l'environnement et du développement durable indiquaient ainsi que « au niveau déconcentré, l'immobilier des administrations territoriales de l'État géré par les préfets est pour sa part progressivement devenu le parent pauvre de la politique immobilière. Malgré l'appui reconnu des missions régionales de la politique immobilière de l'État (MRPIE), les préfets de région sont confrontés à la dispersion des structures chargées des questions immobilières, à la raréfaction des compétences de maîtrise d'ouvrage et à la faiblesse des budgets consacrés à l'entretien du parc immobilier de l'État »33(*)
b) Un patrimoine insuffisamment connu et une problématique quant aux compétences immobilières
Concernant l'immobilier préfectoral, la Cour des comptes relève qu'il s'agit d'un « parc immobilier mal connu, aux usages divers, aux fonctions imbriquées et au statut singulier. Le parc immobilier préfectoral reste trop mal connu quant à son état général d'entretien et son évolution dans le temps [...] ce réseau [des sous-préfectures] reste plus mal connu encore que celui des préfectures »34(*)
Si la création des secrétariats généraux communs départementaux (SGCD) devait initialement contribuer à apporter des réponses à cette situation, il ressort que leurs compétences sont encore aujourd'hui insuffisantes et que des perspectives de professionnalisation demeurent : « l'hétérogénéité du parc, la méconnaissance qu'en ont les gestionnaires et la nécessité de développer une stratégie immobilière nécessitent de mettre en place des formations au bénéfice des agents de SGCD. Le ministère de l'intérieur souscrit à cette recommandation et précise que la prise en main du référentiel technique monte en puissance. La DIE indique pour sa part être disposée à apporter son concours en désignant un référentiel de l'immobilier ministériel au sein de chaque SGCD. » 35(*)
Pour la Cour des comptes, cette meilleure connaissance du parc préfectoral doit permettre de mieux le gérer au plan immobilier, en facilitant les arbitrages budgétaires en fonction des besoins. Ce constat est partagé par l'inspection générale des finances et le conseil général de l'environnement et du développement durable : « la connaissance lacunaire du parc immobilier et de son état de vétusté ne permet pas aux décideurs de faire des choix éclairés sur le niveau d'investissement nécessaire pour assurer le maintien en état du parc immobilier. » 36(*)
Le constat des lacunes dans la connaissance du parc doit être doublé par celui de réelles difficultés dans la mobilisation de compétences immobilières au niveau territorial.
L'une des principales difficultés, revenue à de nombreuses reprises lors des échanges de la rapporteure spéciale avec les différents services, concerne la maîtrise d'ouvrage. Sur ce sujet, les services de l'État territorial ont très nettement perdu en compétence au cours de la dernière décennie, alors même que les besoins sont aujourd'hui très importants au regard de l'impératif de transition énergétique. Alors que les directions départementales des territoires (DDT) avaient une mission historique de maîtrise d'ouvrage au sein de l'État territorial, cette mission a progressivement disparu, et ne demeure que de façon ponctuelle dans certains territoires.
En effet, comme le relève l'inspection générale des finances et le conseil général de l'environnement et du développement durable « les services territoriaux du ministère de la transition écologique se sont progressivement désengagés de la conduite de projets immobiliers complexes, laissant un vide qui n'a pas été comblé. » 37(*)
Cette situation résulte du double effet de la transformation des missions du ministère de la transition écologique et de la réduction des effectifs dans les territoires.
En effet, « après des années de retrait progressif de l'ingénierie publique, le Gouvernement a diffusé en février 2016, une instruction relative au retrait de l'activité de conduite d'opérations au sein des services déconcentrés du ministère du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité. Cette instruction définit les modalités de désengagement des missions de conduite d'opération sur le volet bâtiment pour les services déconcentrés, tout en rappelant le maintien du rôle d'appui et de référent technique de ces services auprès des préfets dans le cadre de la politique de gestion du patrimoine immobilier de l'État. Elle précise que "toutes les conduites d'opérations de construction réhabilitation, rénovation lourde sont concernées par ce désengagement, quel que soit le ministère commanditaire, y compris pour le propre compte du ministère" » 38(*).
Il apparaît par conséquent nécessaire de mener une politique ambitieuse pour renforcer la capacité de maîtrise d'ouvrage de l'État dans l'ensemble des territoires.
Cette question est en partie traitée par le projet de mise en place d'une foncière (cf. infra). Il n'en demeure pas moins indispensable que l'ensemble des services de l'État dans les territoires aient accès à une maîtrise d'ouvrage publique et la rapporteure spéciale partage le constat de l'inspection générale des finances et le conseil général de l'environnement et du développement durable : la mutualisation des compétences déjà présentes dans les territoires doit être renforcée.
Ainsi, comme le souligne leur rapport : « afin de répondre aux difficultés structurelles des administrations territoriales de l'État pour la conduite de leurs opérations immobilières et pour la gestion technique de leur patrimoine, une mutualisation des ressources existantes devrait être envisagée, qui permettrait d'atteindre la taille critique nécessaire pour générer des gains d'efficience, pour renforcer les compétences et la robustesse des équipes et pour gérer un plan de charge permettant d'absorber les pics et les ralentissements de charge et pour professionnaliser la gestion technique du patrimoine. »39(*)
Effectifs dédiés à la maîtrise d'ouvrage
Effectifs |
Implantations |
|
L'agence publique pour l'immobilier de la justice |
137 |
Siège au Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne) et une antenne en Guadeloupe |
L'établissement public d'aménagement universitaire de la région Île de France |
69 |
Siège à Paris |
Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture |
125 |
Siège à Paris |
Bureau immobilier et maîtrise d'ouvrage du secrétariat général des ministères économiques et financiers |
68 |
Six antennes (Lyon, Marseille, Nantes, Noisy, Strasbourg, Toulouse) |
Directions immobilières des secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'intérieur (SGAMI) |
571 |
Sept antennes (Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Metz, Paris, Rennes) |
Directions interrégionales du secrétariat général du ministère de la Justice |
115 |
Neuf antennes (Aix-en-Provence, Bordeaux, Dijon, Lille, Lyon, Nancy, Savigny, Rennes, Toulouse) |
Services immobiliers des rectorats |
160 |
Ingénieurs régionaux de l'équipement |
Total |
1 245 |
Source : Immobilier de l'État : une nouvelle architecture pour professionnaliser, avril 2022, Inspection générale des finances et conseil général de l'environnement et du développement durable
Alors que le rapport de l'inspection générale des finances et le conseil général de l'environnement et du développement durable recommande la création d'une agence de la maîtrise d'ouvrage de l'État, la rapporteure spéciale considère que cette évolution pourrait, à terme, s'inscrire dans le cadre de la création d'une foncière (cf. infra).
En tout état de cause, il est indispensable que la compétence de maîtrise d'ouvrage soit disponible pour accompagner les principaux chantiers de l'administration territoriale de l'État : il est nécessaire que l'État, lorsqu'il est donneur d'ordre pour des chantiers complexes et onéreux, soit en capacité de disposer d'un interlocuteur compétent.
Recommandation n° 4 : renforcer la maîtrise d'ouvrage de l'État, notamment en permettant la mobilisation des compétences au-delà des périmètres ministériels (direction de l'immobilier de l'État).
c) Des coupes budgétaires qui se poursuivent, à rebours des grands défis de l'administration territoriale de l'État
Pour la mission « Administration générale et territoriale de l'État », le décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits à hauteur de 10 milliards d'euros a donné lieu à l'annulation de 170,5 millions d'euros, dont 65,9 millions d'euros pour le programme 354 « Administration territoriale de l'État ». Les crédits annulés sont de deux natures : 21,2 millions d'euros de masse salariale et 44,7 millions d'euros de crédits de fonctionnement et d'investissement, dont 30,2 millions d'euros portant sur la réserve de précaution.
La programmation des opérations immobilières a en conséquence été revue, en identifiant les opérations qui n'avaient pas encore été lancées, afin que celles-ci soient décalées. Alors qu'elle comptait 138 opérations représentant 36 millions d'euros en crédits de paiement en début d'année, l'exécution de 29 opérations a été décalée à 2025, permettant de dégager 7 millions d'euros de CP sur le total notifié en début d'année.
De plus, l'enveloppe consacrée chaque année aux travaux d'entretien courant du parc immobilier, fixée depuis 2023 à 10 millions d'euros, a été réduite de moitié.
Cette situation appelle deux remarques de la rapporteure spéciale, concernant d'une part les annulations de crédits effectués par le Gouvernement, et d'autre part, les conséquences concrètes de cette annulation pour la fonction immobilière de l'administration territoriale de l'État.
D'abord, il convient de relever que les annulations actées par l'exécutif en février dernier sont intervenues sans vision ni stratégie. Il en a donc résulté une érosion des moyens atteignant largement l'investissement et l'entretien du parc immobilier.
Sur un budget d'opérations de 36 millions d'euros, ce sont ainsi près de 20 % des crédits qui ont été annulés, tandis que les travaux d'entretien courant ont vu leur enveloppe fondre de moitié. Cette situation n'est pas satisfaisante : faute d'avoir mis en oeuvre une stratégie de finances publiques claire, le choix de l'exécutif a été de rogner sur des dépenses dont l'urgence n'est pourtant plus à démontrer.
Surtout, il ressort des éléments transmis que les opérations en question sont seulement remises à 2025, de sorte que « l'économie » réalisée n'est que temporaire. Surtout, elle ne tient pas toujours compte des coûts induits par les retards de chantier.
Ainsi, lors de son déplacement en Haute-Corse, la rapporteure spéciale a pu constater que les reports de chantiers pouvaient être générateurs de coûts en cascade : accentuation de la contamination à l'amiante, poursuite du paiement des loyers externes, problématiques liées à l'éclatement des sites etc. Elle ne peut par conséquent que déplorer que les crédits soient reportés à 2025, alors même que localement, les services semblaient prêts à lancer ce chantier avant la fin de l'année.
Plus largement, les projets reportés concernent notamment des opérations de désamiantage, d'isolation, de réfection des toitures à la suite d'infiltrations, autant d'opérations qui doivent impérativement être menées. Ainsi, le Gouvernement fait le choix de remplacer le déficit par de la « dette grise » : loin d'améliorer la situation des finances publiques, ces choix conduisent à exposer à davantage de risques la puissance publique, pour un résultat qui pourrait bien être défavorable à l'État à la fin des fins.
De plus, comme le relevait l'inspection générale de l'administration en 2015, les retards dans l'entretien normal des bâtiments se traduisent « par une dégradation physique des bâtiments liée à une maintenance insuffisante, notamment pour sa composante préventive. Or, l'entretien qui n'est pas réalisé à temps coûte beaucoup plus cher une fois que les désordres sont apparus »40(*).
2. Une multiplication de vecteurs budgétaires dans un contexte d'insuffisance des financements
a) Des financements multiples et illisibles...
Les travaux de suivi des financements des dépenses immobilières de l'administration territoriale de l'État mettent en évidence une multiplicité de vecteurs de financement, dont les modalités d'emploi ne sont pas strictement définies.
Ainsi, les tableaux transmis par le ministère de l'intérieur montrent que ces dépenses sont couvertes par l'intervention d'au moins neuf programmes budgétaires depuis 2017 :
- les anciens programmes 307 « Administration territoriale », 333 « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées », fusionnés à partir de 2020 au sein du programme 354 « Administration territoriale de l'État », chargé des dépenses immobilières des préfectures et des dépenses de l'occupant des DDI et des DR de l'ATE. En 2023, ce programme a représenté 335 millions d'euros de CP de dépenses immobilières pour l'ATE ;
- le programme 723 « Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l'État » qui finance plusieurs postes de dépenses, à l'exception des fluides et des loyers. Ainsi, si les dépenses d'entretien lourd sont en principe le coeur des dépenses du programme, on note que des dépenses d'entretien courant sont régulièrement réalisées sur ce programme. En 2023, 106 millions d'euros de CP de dépenses immobilières de l'ATE ont été couvertes par ce programme ;
- le programme 348 initialement dédié à la « Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants » et désormais à la « Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs » contribue également de manière importante à soutenir l'immobilier du programme. Il visait au 31 décembre 2023, 35 projets de rénovations de cités administratives, pour un montant total de 956 millions d'euros. Ces montants concernent donc en partie les directions du périmètre ATE, qui a bénéficié de 168 millions d'euros de CP en 2023 ;
- le programme 349 « Fonds pour la transformation de l'action publique » de la mission « Transformation publique » a également contribué à certaines dépenses des préfectures, des DDI et des DDR du périmètre ATE. En 2023, ce sont ainsi un peu plus de 6,3 millions d'euros de CP de dépenses immobilières (essentiellement de l'entretien courant), qui ont été financés sur ce programme ;
- les programmes 362 « Écologie » et 363 « Compétitivité » de la mission « Plan de relance » ont également contribué de façon très importante au financement des opérations immobilières du périmètre ATE, soit plus de 150 millions d'euros de CP en 2023 ;
- enfin, le programme 724 « Opérations immobilières déconcentrées » a été supprimé en 2017 et portait jusqu'alors une partie des crédits du périmètre ATE.
Financement des dépenses immobilières de l'administration territoriale de l'État de 2017 à 2023
(en CP, en millions d'euros)
Préfectures
Directions départementales
interministérielles
et des directions régionales
(en CP, en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le ministère de l'intérieur
La multiplication des supports budgétaires fait l'objet de critiques de la part de l'inspection générale des finances et du conseil général de l'environnement et du développement durable : : « l'architecture budgétaire actuelle traduit la dispersion des crédits dédiés au financement des dépenses immobilières, avec une lisibilité limitée pour les décideurs et pour le Parlement. » 41(*)
La rapporteure spéciale ne peut que partager cette analyse : la présence de multiples vecteurs budgétaires, qui s'accompagne de l'intervention de nombreux acteurs, dont les périmètres d'intervention ne sont pas clairement définis, nuit à la fois à la capacité de pilotage des projets et au déploiement d'une réelle stratégie immobilière, qui s'inscrit dans la durée. La complexité des modalités de financement conduit les gestionnaires à « partir à la chasse aux financements ».
Recommandation n° 5 : simplifier les modalités de financement des dépenses immobilières de l'administration territoriale de l'État, en limitant le nombre de vecteurs budgétaires (direction de l'évaluation de la performance, de l'achat, des finances et de l'immobilier, direction du budget et direction de l'immobilier de l'État).
b) ... qui apportent néanmoins des bouffées d'oxygène à un parc immobilier en crise
Les crédits de la mission « Plan de relance » et ceux de du programme 348 « Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs » ont néanmoins permis de retrouver des marges de manoeuvre pour mener certaines opérations indispensables pour les bâtiments de l'ATE, et ont offert des leviers aux gestionnaires du programme 354 pour encourager les regroupements de services et déployer des projets de rénovation énergétique.
Concernant la mission « Plan de relance », au total, ce sont 554 projets qui ont été retenus sur la totalité du périmètre ATE, pour un montant total de 2,7 milliards d'euros. La logique d'appel à projets de ce plan a surtout profité à des porteurs de projets qui disposaient d'opérations « prêtes à engager », et, comme le déplore le ministère de l'intérieur dans ses réponses au questionnaire de la rapporteure spéciale « parfois au détriment des planifications de long terme, notamment les opérations inscrites dans les schémas directeurs ». Néanmoins, cette situation s'explique en partie par la nécessité de débloquer rapidement les crédits, afin de satisfaire l'objectif de relance de l'économie.
Le fichier des projets soutenus par le programme 362 « Écologie » fait apparaître une très grande diversité de situations.
Pour l'administration territoriale de l'État, ce sont 11 projets de plus de 10 millions qui ont été financés sur cette enveloppe :
- la rénovation lourde de la direction régionale et interdépartementale de l'environnement, de l'aménagement et des transports à Paris pour 57 millions d'euros ;
- la rénovation de la cité administrative de Metz, pour 53 millions d'euros ;
- la réhabilitation complète de la direction régionale de l'économie, de l'emploi du travail et des solidarités (DREETS) de Seine-Saint-Denis, pour 47 millions d'euros ;
- la rénovation d'un site multi-occupant à Evry-Courcouronnes, pour 22,7 millions d'euros ;
- la rénovation du site de la Direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL) et de la direction de l'économie, de l'emploi du travail et des solidarités (DETS) pour un total de 20,7 millions d'euros à Saint-Denis de la Réunion ;
- la rénovation d'un site multi-occupant à Remire-Montjoly, en Guyanne, pour un montant total de 18,6 millions d'euros ;
- plusieurs autres rénovations importantes, à Nevers, Montauban, Valence, Montpellier, Dunkerque, pour un total de 68 millions d'euros.
Par ailleurs, 36 projets de plus d'un million d'euros ont également été financés par le programme 362, essentiellement des opérations de rénovation et réhabilitation lourde.
Enfin, l'essentiel des crédits (84 %) du programme ont servi à financer une multitude d'opérations de moins d'un million d'euros qui sont, aux dires des personnes auditionnées, des opérations trop coûteuses pour être financées sur les dépenses immobilières courantes, mais pas assez significatives pour justifier un portage administratif ou politique. Ainsi, le programme a financé des opérations de changements de systèmes de chauffage, de « relamping », de gros entretien réparation ou encore d'isolation des combles...
Répartition par montant des
opérations financées
au titre du programme 362
Source : commission des finances, d'après les données de la direction de l'immobilier de l'État
Par ailleurs, les crédits du programme 348, initialement dédié à la « Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants » et désormais à la « Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs », ont permis la réalisation de chantiers immobiliers de grande ampleur, et d'atteindre des objectifs ambitieux en termes de densification des espaces et d'amélioration de la performance énergétique des bâtiments.
En déplacement à la préfecture et à la cité administrative de Strasbourg, la rapporteure spéciale a pu constater certaines difficultés opérationnelles dans la réalisation du chantier, opération d'une très grande ampleur pour laquelle le prestataire ne semble pas répondre de manière pleinement satisfaisante au cahier des charges. Il n'en demeure pas moins qu'au-delà des difficultés locales, inhérentes à la matière immobilière, le programme 348 a bien permis d'améliorer considérablement la situation d'une partie des bâtiments des administrations déconcentrées.
L'exemple de la rénovation de la cité administrative de Charleville Mézière
La cité administrative de Charleville-Mézières est considérée par la Direction de l'immobilier de l'État comme une rénovation exemplaire. Celle-ci est située dans un immeuble de 4 274 m² de surface utile brute, datant de la seconde moitié du 19e siècle.
Le chantier, livré en juillet 2023, a permis la rénovation énergétique du bâtiment, par un aménagement des combles et leur isolation, le remplacement des menuiseries extérieures, et des travaux sur le système de chauffage.
Ces travaux ont permis 34 % d'économies d'énergie : il s'agit d'un gain environnemental avec utilisation de matériaux biosourcés et plus respectueux de l'environnement (revêtement de sol en linoléum, menuiserie en bois avec label PEFC...)
Le projet a également permis de libérer des surfaces et d'améliorer les conditions d'accueil du public et de travail des agents (accès au rez-de-chaussée du public, gestion et sécurisation des flux, meilleur confort thermique, retrait partiel d'amiante), tout en préservant la dimension patrimoniale dans un secteur préservé.
Les entreprises auxquelles l'État a eu recours sont ardennaises et marnaises.
Source : rapport annuel 2023 de la direction de l'immobilier de l'État
Ainsi, ce sont environ 600 000 m² qui ont été concernés par la première vague en 2019 (67 % de gains énergétiques, soit 40 millions d'euros par an économisés). Il convient de relever que les cités administratives n'accueillent pas uniquement des directions de l'ATE, loin s'en faut.
Malgré les apports incontestables du programme 348, il n'en constitue pas moins un programme d'une ampleur limitée au regard des enjeux du patrimoine de l'État territorial. Si les quelques projets emblématiques peuvent avoir servi de laboratoire pour les services de l'État, afin d'identifier les difficultés et les potentielles solutions, l'urgence est désormais au changement d'échelle. Comme l'indique la Cour des comptes dans un rapport de 2023, « au regard des objectifs de rationalisation et de réponse au changement climatique, des résultat décevants avec pour conséquence une mise aux normes et un « mur d'investissement » à franchir dans les vingt prochaines années. »42(*)
* 30 Le terme est issu du rapport Immobilier de l'État : une nouvelle architecture pour professionnaliser, avril 2022, Inspection générale des finances et Conseil général de l'environnement et du développement durable, p. 1.
* 31 C'est l'un des principaux constats de l'Audit relatif aux investissements immobiliers du ministère de l'intérieur, mené en 2 mars 2022 par l'Inspection générale de l'Administration, l'inspection générale de la police nationale, l'inspection générale de la gendarmerie nationale et l'inspection générale de la sécurité intérieure.
* 32 Dont, notamment, le rapport Immobilier de l'État : une nouvelle architecture pour professionnaliser, avril 2022, Inspection générale des finances et Conseil général de l'environnement et du développement durable, et l'Audit relatif aux investissements immobiliers du ministère de l'intérieur, mené en 2 mars 2022 par l'Inspection générale de l'Administration, l'inspection générale de la police nationale, l'inspection générale de la gendarmerie nationale et l'inspection générale de la sécurité intérieure.
* 33 Immobilier de l'État : une nouvelle architecture pour professionnaliser, avril 2022, Inspection générale des finances et Conseil général de l'environnement et du développement durable, p. 1.
* 34 La gestion de l'immobilier préfectoral, janvier 2023, Cour des comptes, p. 5.
* 35 La gestion de l'immobilier préfectoral, janvier 2023, Cour des comptes, p. 5.
* 36 Immobilier de l'État : une nouvelle architecture pour professionnaliser, avril 2022, Inspection générale des finances et Conseil général de l'environnement et du développement durable, p. 35.
* 37 Ibid, p. 14.
* 38 Ibid, p. 35.
* 39 Ibid, p. 43.
* 40 Cité par la Cour des comptes dans La gestion de l'immobilier préfectoral, janvier 2023, Cour des comptes, p. 57.
* 41 Immobilier de l'État : une nouvelle architecture pour professionnaliser, avril 2022, Inspection générale des finances et Conseil général de l'environnement et du développement durable, p. 39.
* 42 La politique immobilière de l'État, une réforme nécessaire pour aborder les enjeux à venir, décembre 2023, Cour des comptes, communication au comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale, p. 7.