ANNEXES :

ÉTAT D'APPLICATION DES RECOMMANDATIONS DE LA MISSION D'INFORMATION DU SÉNAT SUR LES INFLUENCES ÉTATIQUES EXTRA-EUROPÉENNES DANS LE MONDE UNIVERSITAIRE ET ACADÉMIQUE FRANÇAIS ET LEURS INCIDENCES

La mission d'information du Sénat sur les influences étatiques extra-européennes dans le monde universitaire et académique français et leurs incidences434(*) a formulé 23 recommandations.

À la demande de la commission d'enquête, le secrétariat général du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et du ministère des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques a produit un document synthétisant l'état d'application de ces recommandations.

Ce document est reproduit ci-après

RAPPORT DE L'OCDE « RENFORCER LA TRANSPARENCE ET L'INTÉGRITÉ DES ACTIVITÉS D'INFLUENCE ÉTRANGÈRE EN FRANCE » : SYNTHÈSE ET COMPARAISON DES DISPOSITIFS EXISTANTS

Synthèse du rapport de l'OCDE « Renforcer la transparence et l'intégrité des activités d'influence étrangère en France »

Dans son rapport « Renforcer la transparence et l'intégrité des activités d'influence étrangère en France : un outil pour lutter contre les risques d'ingérence étrangère », l'OCDE analyse les différents outils disponibles face au risque croissant d'influences étrangères, à partir notamment des politiques conduites par les États-Unis, l'Australie, le Canada, l'Union européenne et le Royaume Uni.

En premier lieu, le rapport privilégie la transparence comme levier d'action pour contrer de telles ingérences : de fait, la France, grâce à la loi « Sapin II »435(*), renforcée en octobre 2023 par l'entrée en vigueur des nouvelles lignes directrices de la HATVP436(*), fait partie du club restreint au sein de l'OCDE des pays ayant mis en place un répertoire des représentants d'intérêts. Cependant, ce dispositif, conçu pour les activités de lobbying, n'est pas pleinement adapté aux opérations d'influences étrangères qu'il ne couvre que partiellement.

En conséquence, le rapport préconise la mise en place d'un cadre législatif et institutionnel dédié permettant l'enregistrement des activités d'influence étrangère, dont les grandes lignes pourraient être dessinées comme suit.

S'agissant des acteurs et activités concernés :

- une large couverture, englobant notamment les éventuels intermédiaires ou mandants étrangers, est recommandée afin d'éviter toute « zone grise » ;

- une liste précise des activités visées, prenant en compte les influences non seulement sur les processus décisionnels, mais aussi sur le débat public, apparaît indispensable ;

- une liste des exemptions « légitimes » devra être établie afin de garantir les libertés fondamentales et de préserver les relations d'État à État : ainsi le dispositif ne s'appliquerait pas aux activités diplomatiques, gouvernementales, de conseil juridique et de représentation en justice ; cependant le rapport ne juge pas opportun d'exclure les organisations cultuelles.

S'agissant des cibles concernées, le rapport préconise d'inclure :

- les partis politiques et les candidats aux élections ;

- parmi les décisions et processus démocratiques visés, les positions de politique étrangère et les processus électoraux ;

- la promotion de l'image, des politiques publiques, des relations extérieures d'un pays étranger ou d'un parti politique étranger.

S'agissant des obligations de transparence pour les activités d'influence étrangère, le futur cadre légal définirait :

- un délai d'enregistrement raisonnable pour les obligations déclaratives (à titre indicatif ce délai est de 10 jours aux États-Unis) comme prérequis à l'exercice de toute activité d'influence ;

- la périodicité (de préférence semestrielle) de la mise à jour des déclarations, qui devront identifier avec précision les objectifs de l'activité concernée ;

- un régime de déclaration différencié (« palier renforcé ») pour les mandants étrangers et puissances étrangères identifiés comme menaçant les intérêts de la Nation.

Pour garantir le respect de ces obligations de transparence, le dispositif préconisé préciserait le régime des sanctions, et notamment :

- la liste détaillée des infractions pouvant donner lieu à sanctions ;

- un protocole d'envoi de notifications préalables à l'application des sanctions, suivant une approche progressive ;

- un panel gradué de sanctions pouvant aller des sanctions administratives pécuniaires jusqu'à des sanctions pénales -et suffisamment importantes pour produire un effet dissuasif437(*).

Le rapport estime que l'entité la plus efficiente pour mettre en oeuvre un tel dispositif serait la HATVP, dans le cadre d'un registre distinct de celui des représentations d'intérêts ; il souligne cependant que son succès serait conditionné par la mise à disposition des moyens humains et financiers nécessaires à l'accomplissement de cette mission supplémentaire.

En second lieu, le rapport insiste sur la nécessité de renforcer les standards d'intégrité applicables aux activités d'influence étrangères, en promouvant une « culture d'intégrité » chez les responsables publics. Ceci impliquerait :

- pour les responsables publics, une obligation déontologique de vérifier l'inscription de l'influenceur étranger sur le registre ad hoc ;

- un contrôle renforcé (qui serait exercé par la HAVTP) des carrières professionnelles des anciens responsables publics au sein d'entités étrangères, de préférence pendant une période supérieure à 3 ans.

Source : commission d'enquête d'après les données de l'OCDE

Tableau comparatif de différents dispositifs existants au sein de l'OCDE

 

Foreign Agents

Registration Act

(« FARA »)

Etats-Unis

Foreign Influence Transparency Scheme (« FITS »)

Australie

Foreign Influence

Registration Scheme

(« FIRS »)

Royaume Uni

Proposition de directive

du Parlement européen

et du Conseil

Définition de l'« Ingérence/influence étrangère »

« Ingérence étrangère » : actions malignes menées par des gouvernements ou acteurs étrangers visant à semer la discorde, à manipuler le discours public, à discréditer le système électoral, à biaiser l'élaboration des politiques ou à perturber les marchés dans le but de saper les intérêts des EU et de leurs alliés.

« Influence étrangère malveillante » : effort hostile entrepris par le Gouvernement d'un pays étranger, sur ses instructions, en son nom ou avec son soutien substantiel, dans le but d'influencer, par des moyens manifestes ou secrets, les politiques ou activités des gouvernements central ou locaux, les élections, ou l'opinion publique.

« Ingérence étrangère » : activités menées par une puissance étrangère ou en son nom, impliquant une tentative de s'immiscer secrètement et de manière inappropriée dans la société pour faire avancer ses objectifs stratégiques, politiques, militaires, sociaux ou économiques, affectant négativement les particuliers, l'information, l'infrastructure des gouvernements, l'industrie, le monde universitaire, les médias et les communautés.

Palier « Influence politique » : communications destinées aux décideurs de haut niveau, candidats aux élections, parlementaires et fonctionnaires, ainsi qu'au public quand la source de l'information n'est pas établie, ou versement d'argent, en vue d'influencer la vie publique britannique, les élections ou décisions politiques.

Palier « renforcé » : activités d'influence politique présentant un risque pour la sécurité nationale.

Lorsque le Ministre de l'Intérieur l'estime nécessaire, il peut désigner comme relevant du niveau renforcé une puissance étrangère ou entité contrôlée par une puissance étrangère, afin de protéger la sécurité ou les intérêts du RU. L'utilisation de ce pouvoir est soumise à l'approbation du Parlement.

« Ingérence étrangère » : ingérence illégitime d'une puissance étrangère dans les processus démocratiques et politiques de l'UE et des États membres, comprenant :

- de l'intérieur l'ingérence secrète ou coercitive, dans le système politique ou gouvernemental (politiciens et fonctionnaires),

- ou, de l'extérieur, l'influence sur le système politique (lobbying, corruption, espionnage, cyber-attaques),

- ou l'influence manipulatrice des opinions publiques par des campagnes de désinformation et de manipulation en ligne.

Date

1938

2018

2023

2023

Acteurs couverts

« Foreign principal » (mandant étranger) :

- Gouvernement étranger

- Parti politique étranger

- Personne physique ou morale en dehors des EU

- Association, société, organisation... organisé selon les lois d`un pays étranger ou ayant son principal lieu d'activité dans un pays étranger.

« Foreign agent » (agent étranger) :

- Toute personne, association, société... agissant en qualité d'agent, de représentant, d'employé ou de serviteur d'un mandant étranger, ou agissant sur ordre d'un mandant étranger ou d'une personne directement ou indirectement contrôlée ou financée en tout ou partie par un mandant étranger, ET qui, directement ou indirectement, exerce des activités politiques, agit en tant que conseiller ou consultant, sollicite ou recueille un financement, pour ce mandant étranger, ou représente ses intérêts auprès d'une agence ou d'un fonctionnaire du Gouvernement

- Toute personne, association, société... qui accepte ou prétend agir en tant qu'agent d'un mandant étranger.

- Gouvernement étranger (incluant tous niveaux de gouvernement y compris local), ou organisme qui lui est rattaché

- Organisation politique étrangère

- Entreprise détenue à plus de 15 % du capital social ou des droits de votes, ou dépendant d'un gouvernement étranger ; ou entité contrôlée par un gouvernement étranger

- Personne liée à un Gouvernement étranger exerçant un contrôle sur sa personne.

Toute personne au service d'un mandant étranger ou ayant conclu un accord avec elle doit s'enregistrer comme agent d'influence.

« Foreign power » (puissance étrangère) : chef d'État, Gouvernement ou partie de Gouvernement, agence, autorité, ou parti politique au pouvoir, d'un pays étranger.

« Entité d'un pays tiers » :

- Pays non membre de l'UE

- ou « prestataire de services de représentation d'intérêts »

- ou « sous-traitant ».

Décisions et responsables publics couverts

- Représentation d'intérêt d'un mandant étranger auprès d'une agence ou d'un fonctionnaire du Gouvernement

- ou toute activité politique en vue d'influencer une agence, un fonctionnaire du Gouvernement ou toute ou partie du public, en matière de politique intérieure ou étrangère.

Activités visant à influencer :

- Élections

- Décisions politiques

- Processus législatif

- Décisions réglementaires

- Marchés publics

- Octroi de subventions.

Activités d'influence politique, menées directement ou indirectement, dans le cadre d'un accord, impliquant des instructions. 

Activités visant à influencer l'élaboration, la formulation ou la mise en oeuvre d'une politique, la législation ou un processus de décision publique.

Activités couvertes

- Activités politiques dans l'intérêt d'un mandant étranger

- Activités de conseil en relation publiques, consultant politique, publicité, services d'information pour un mandant étranger

- Recueil, prêt ou versement d'argent ou objets de valeur

- Représentation d'intérêt auprès d'une agence ou d'un fonctionnaire du Gouvernement.

- Lobbying parlementaire

- Lobbying politique général

- Toute activité de communication afin d'exercer une influence politique

- Toute activité de décaissement pour le compte d'un mandant étranger.

Dans le but d'influencer une élection, un référendum, une décision politique, un parti politique, un parlementaire (y compris nord-irlandais, gallois ou écossais :

- Communication destinée à un haut fonctionnaire ou homme politique, communication publique

- Fourniture d'argent ou de biens.

- « Activité de représentation d'intérêt » : activité d'influence via l'organisation de réunions, événements, auditions parlementaires, campagnes de communication, mise sur pied de réseaux, élaboration de documents d'orientation, d'amendements législatifs, d'enquête d'opinion...

- « Service de représentation d'intérêt », contre rémunération.

Exemptions

- Activités diplomatiques et consulaires

- Fonctionnaires de Gouvernements étrangers (hors conseillers en relation publiques, consultants politique, agents de publicité, services d'information)

- Collecte de fonds à fins humanitaires

- Activités de représentation juridique

- Activités religieuses, scolaires, académiques, artistiques ou scientifiques

- Activités privées non politiques

- Certains agents enregistrés dans le cadre du Lobbying Disclosure Act.

- Assistance humanitaire ; organismes de bienfaisance

- Conseil ou représentation juridique

- Parlementaires

- Activités diplomatiques et consulaires

- Fonctionnaires des nations Unies

- Religion

- Employés d'un Gouvernement étranger

- Fins artistiques

- Activités commerciales ou d'entreprise, organismes représentatifs de l'industrie

- Diverses catégories.

- Personnes agissant dans le cadre d'un accord auquel le RU ou la république d'Irlande est partie ; personnes agissant en leur qualité officielle

- Activités diplomatiques et consulaires (+ membres de la famille)

- Activités de représentation juridique

- Éditeurs de presse.

- Activités diplomatiques et consulaires

- Activités de conseil juridique

- Activités auxiliaires, sans influence directe.

Régime de divulgation

Initial (déclaration sous 10 jours) : Identité, description des activités, transmission de tout document mis en circulation aux EU, montants.

Signalement de toute modification sous 10 jours.

Déclaration complémentaire tous les 6 mois.

Informations mises en ligne sur une base de données publiques https://fara.gov/search.html .

Initial : description de l'activité, nature de la relation avec le mandant étranger, montants.

Ajouts et correctifs sous 14 jours.

Palier « Influence politique » (déclaration sous 28 jours) : Description, objectifs, activités.

« Palier renforcé » : en sus, le secrétaire d'État peut demander l'enregistrement des accords conclus et de toutes les activités exercées au RU.

Initial : Identité, montants, description de l'activité.

Communication chaque année des ajouts et modifications.

Sanctions maximales

10 000 USD

Et 5 ans d'emprisonnement.

5 ans d'emprisonnement.

2 ans d'emprisonnement

5 ans pour le « niveau renforcé ».

Pas de sanctions pénales.

1% du CA annuel mondial pour ls entreprises.

1% du budget du dernier exercice clos pour les autres entités juridiques.

1000 € pour les personnes physiques.

Divers

« Unité FARA » dédiée, chargée de l'administration et de l'application du FARA.

Le procureur général doit transmettre tous les 6 mois un rapport au Congrès sur l'administration du FARA.

Obligations spécifiques pendant les élections : vérification des informations, déclaration des financements.

Le Gouvernement peut restreindre les activités enregistrées si le mandant étranger est en niveau « renforcé ».

L'enregistrement se fait dans le pays d'origine et non dans le pays cible.

Les États-membres ne sont pas autorisés à fixer des règles ou sanctions plus strictes (art.4)

Source : commission d'enquête d'après les données de l'OCDE


* 434 Rapport d'information n° 873 (2020-2021) fait par André Gattolin au nom de la mission d'information du Sénat sur les influences étatiques extra-européennes dans le monde universitaire et académique français et leurs incidences, déposé le 29 septembre 2021.

* 435 Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

* 436 Les cabinets de conseil ou d'avocats doivent maintenant déclarer si leurs activités, en tout ou partie, ont été menées pour le compte de tiers (y compris d'États étrangers).

* 437 La proposition de la Commission européenne dans le cadre de son paquet de défense de la démocratie ne prévoit que des sanctions administratives pécuniaires limitées à 1000 € pour les personnes physiques et 1% du chiffre d'affaires annuel pour les entités juridiques, ce qui est jugé insuffisant.

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