D. MAINTENIR UN NIVEAU DE VIGILANCE ÉLEVÉ À L'ÉGARD DES ENJEUX LIÉS AU FINANCEMENT DES CULTES

Comme cela a été montré plus haut (voir Deuxième partie, III, E), le financement étranger des cultes est soumis à une obligation déclarative depuis la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République dite (loi CRPR)414(*), dont le bilan est jugé plutôt satisfaisant. Le régime de financement des écoles privées hors contrat a également été renforcé.

Cependant, il est impératif que les services de renseignement, en particulier la DGSI et Tracfin, ne baissent pas la garde, compte tenu du risque important d'ingérence étrangère, en particulier d'inspiration islamiste.

Plusieurs pistes peuvent être envisagées pour consolider le dispositif.

Premièrement, le système déclaratif pourrait être affiné, notamment de façon à être en mesure de déterminer la nationalité du financeur (outre son pays d'origine) ou si le financeur est un État.

Cependant, d'après plusieurs acteurs spécialisés auditionnés par le rapporteur, les dernières traces de financement étatique de mosquées, notamment en provenance de l'Arabie Saoudite et du Qatar, datent de 2019, soit avant même l'adoption de la loi CRPR.

Ce constat n'exclut pas de maintenir une vigilance sur les financements privés, qui peuvent être assortis de buts politiques.

En outre, comme cela a été relevé supra, la délégation parlementaire au renseignement415(*), dans un rapport récent, a identifié plusieurs points de vulnérabilités dans le régime juridique issu de la loi CRPR :

- son dispositif relatif à l'obligation de déclaration d'intention d'aliéner les locaux cultuels au profit de personnes étrangères ne prend pas en compte les terrains non bâtis. Or, selon la DPR, « de nombreuses associations poursuivent des projets d'acquisition de terrains afin d'y construire des centres culturels ou des mosquées ». Pour combler cette lacune, une solution pourrait consister à modifier les documents nécessaires à l'instruction d'un permis de construire d'un lieu de culte et d'inclure dans les documents exigés le plan de financement y afférent, comme l'a proposé le sénateur Hervé Maurey dans un rapport publié le 17 mars 2015416(*) ;

- cette loi n'aborderait pas la question de la transparence financière des dons et l'appel à la générosité du public, même s'il doit à cet égard être souligné à cet égard que la réforme du régime applicable aux cagnottes en ligne (voir Deuxième partie, III, E) répond au moins en partie à cet enjeu. Il convient cependant à cet égard d'aller plus loin en supprimant la limite aux prérogatives de contrôle de Tracfin qui reste posée en l'état du droit à l'article L. 561-2-3 du code monétaire et financier. Une mesure en ce sens a récemment été adoptée par le Sénat à l'initiative de Nathalie Goulet dans le cadre de l'examen en première lecture de la proposition de loi instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste417(*) ;

- cette loi ne prévoit pas de dispositif spécifique pour contrecarrer le recours excessif aux sociétés civiles immobilières pour financer et soutenir les associations exerçant le culte. Or, si la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État précise que ces associations peuvent détenir des biens immobiliers lorsque cette détention est en lien avec leur objectif social, il apparaît selon la DPR que nombre d'associations cultuelles ne peuvent justifier d'un tel lien. Il convient à cet égard de renforcer les obligations financières des associations, en leur imposant de détailler, dans le cadre de l'état séparé annexé à leur compte annuel qu'elles doivent tenir en application de l'article 4-2 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat, les parts de sociétés civiles immobilières cédées par un État étranger, par une personne morale étrangère ou par tout dispositif juridique de droit étranger. Là encore, une mesure en ce sens a récemment été adoptée par le Sénat à l'initiative de Nathalie Goulet dans le cadre de l'examen en première lecture de la même proposition de loi instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes.

Comme cela a également été évoqué dans le présent rapport, (voir Première partie, III), une mission sur l'islamisme politique et la mouvance des Frères musulmans a été confié en mai 2024 par les ministres de l'intérieur et des affaires étrangères à deux hauts fonctionnaires, l'ambassadeur François Gouyette et le préfet Pascal Courtade. Cette mission, qui doit faire un état des lieux de la menace, en particulier à l'aune du risque d'ingérence étrangère, pourrait être amenée à découvrir de nouveaux points de fuite dans le dispositif.

Recommandation n° 40 :  Combler les lacunes du cadre juridique issu de la loi du 24 août 2021 confortant les principes de la République en matière de contrôle du financement étranger des cultes.

IV. TROISIÈME CERCLE : POSER COLLECTIVEMENT LES FONDATIONS D'UNE VÉRITABLE RÉSILIENCE DE LA SOCIÉTÉ


* 414 Loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République.

* 415 Rapport public n° 1454 (Assemblée nationale seizième législature) / n° 810 - (Sénat 2022-2023) fait au nom de la délégation parlementaire au renseignement, relatif à l'activité de la délégation parlementaire au renseignement pour l'année 2022-2023, déposé le 29 juin 2023.

* 416 Rapport d'information n° 345 (2014-2015) fait par Hervé Maurey au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat sur le financement des lieux de culte, déposé le 17 mars 2015.

* 417 Amendement n° 11 déposé sur le texte de la commission n° 259 (2023-2024) au stade de la première lecture au Sénat et intégré à l'article 8 ter du texte n° 59 (2023-2024) adopté par le Sénat le 30 janvier 2024.

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