C. UNE ÉNERGIE QUI RENFORCE NOTRE SOUVERAINETÉ ÉCONOMIQUE
La commission d'enquête de l'Assemblée Nationale visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la France de mars 2023 s'est particulièrement penchée sur cette question.
Ce rapport définit la souveraineté énergétique comme la capacité de l'État de prendre ses décisions en matière énergétique en ayant une liberté de choix : une capacité à faire, à agir dans un sens souhaité, à résister ou à s'adapter aux décisions qui pourraient être imposées par d'autres. Une perte de souveraineté se manifesterait alors par une limitation volontaire ou involontaire, interne ou externe, de ces possibilités d'action.
Le taux d'indépendance énergétique de la France expose le pays à plusieurs risques.
Le rapport de l'Assemblée nationale rappelle que « l'indépendance énergétique, au sens d'une autonomie complète de production, n'existe pas, elle est un mirage ». Aussi, il convient de raisonner en mesurant le « taux d'indépendance énergétique ». En dépit de débats techniques et méthodologiques sur cet outil, la commission conclut que le taux de la France s'élève à 44,2 % ce qui la place dans une position plutôt meilleure que la moyenne des pays européens.
Taux de dépendance énergétique par États membres de l'Union européenne en 2021
Lecture : le taux de dépendance aux importations mesure le rapport entre les importations nettes (importations déduction faite des exportations) et l'énergie brute disponible.
Source : Assemblée nationale268(*)
La vulnérabilité de la France provient du fait qu'elle consomme encore une très grande majorité d'énergies fossiles qui est quasi intégralement importée. Notre pays importe environ 60 % de l'énergie primaire qu'il consomme : essentiellement de produits pétroliers (de l'ordre de 40 %), de gaz fossile (de l'ordre de 20 %) et, marginalement, de charbon (moins de 1 %).
Or, les pays producteurs d'énergie fossile sont issus de zones politiques n'offrant pas toujours de grandes garanties de stabilité. S'agissant des produits pétroliers par exemple, les principaux fournisseurs de la France (avant la guerre en Ukraine) étaient l'Arabie saoudite, le Kazakhstan, la Russie, le Nigeria, et l'Algérie. Il s'agit désormais du Kazakhstan, des Etats-Unis, de l'Arabie saoudite, la Norvège et l'Algérie.
Par ailleurs, la facture énergétique nationale oscille ces dernières années entre 25 et 80 Mds avec un pic spectaculaire à 116 Mds en 2022 et dépend largement du niveau des prix des hydrocarbures. Comme nous l'avons vu, la facture des énergies fossiles constitue le premier poste du déficit commercial de la France et contribue ainsi au déficit commercial chronique de l'ordre de 10 à 20 Md€ (hors crise 2022). En miroir, dans son Bilan prévisionnel 2023, RTE a estimé que l'électrification des usages permettrait à elle seule de réduire de 5 à 10 milliards d'euros par an la facture énergétique de la France à l'horizon 2030-2035.
Évolution de la facture énergétique de la France 1970- 2022 en milliards d'euros
Source : SDES, Bilan énergétique 2023
L'exceptionnelle facture énergétique de 2022
La perte de disponibilité du parc nucléaire intérieur, liée aux problèmes de corrosion sous contrainte (voir infra), cumulée à une faible production hydraulique, liée aux faibles précipitations et à des stocks hydrauliques assez bas, ont massivement accentué ce déficit commercial en 2022
Alors que la France était structurellement exportatrice nette d'électricité depuis 1980, elle a été importatrice nette d'électricité en 2022, avec un solde de 16,5 TWh. De plus, ces achats réalisés pour répondre à la demande intérieure, l'ont été au moment où le prix de l'électricité était extrêmement haut.
À l'effet prix lié aux hausses des prix des énergies fossiles et électrique, c'est donc ajouté un effet volume lié aux importations d'électricité. La facture énergétique a donc atteint un sommet de 115 Md€ en 2022, soit une augmentation de 187 % en un an, selon les chiffres du SDES au Commissariat général au développement durable (CGDD).
Source : commission d'enquête
* 268 Rapport de la commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la France, mars 2024.