EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 29 mai 2024 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu une communication de M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial et Mme Ghislaine Senée, rapporteure spéciale, sur le Fonds national de l'emploi - Formation (FNE-Formation).

M. Claude Raynal, président. - Nous allons à présent entendre une communication de M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial, et Mme Ghislaine Senée, rapporteure spéciale, de la mission « Travail et emploi », sur le Fonds national de l'emploi-Formation (FNE-Formation).

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - Le FNE-Formation est un dispositif ancien, aux origines modestes, qui a fait l'objet d'une métamorphose plutôt heureuse ces dernières années.

Créé en 1963, le FNE-Formation a été pensé comme un instrument permettant d'accompagner, par la formation, les reconversions professionnelles des salariés licenciés pour raisons économiques. Pour un observateur de 2024, la faible voilure de ce dispositif avant 2020 est surprenante : avec 4,2 millions d'euros en crédits de paiement (CP) en 2019, le FNE-Formation demeurait assez marginal, pour ainsi dire à l'état larvaire.

Dès avril 2020, toutefois, le FNE-Formation a été fortement mobilisé. Il l'a d'abord été pour financer des formations au bénéfice des salariés placés en activité partielle, afin de préserver voire d'étendre leurs compétences durant ces périodes d'inactivité forcée. En 2021 et en 2022, le FNE-Formation a continué d'être mobilisé, tout en étant progressivement réorienté.

Les conditions d'éligibilité des entreprises ont en effet été revues pour préparer la sortie de crise : dans le cadre du plan de relance puis du plan de réduction des tensions de recrutement, le FNE-Formation a été dirigé vers des entreprises recourant à l'activité partielle et à l'activité partielle de longue durée, ainsi qu'à des entreprises en difficulté, en mutation ou en reprise d'activité, quelle que soit leur taille.

Depuis 2023, le dispositif a ainsi été ouvert à toutes les entreprises qui souhaitent faire bénéficier leurs salariés de formations visant à préparer les grandes transitions - numérique, écologique et agricole -, ainsi qu'à la préparation de la Coupe du monde de rugby et des jeux Olympiques et Paralympiques. Le dispositif a ainsi achevé sa métamorphose.

Parallèlement, les crédits alloués au FNE-Formation ont considérablement augmenté. Après 4,2 millions d'euros en 2019, le fonds a bénéficié de l'ouverture de 223,1 millions d'euros en 2020, de 448,9 millions d'euros en 2021 et de 333 millions d'euros en 2022. En 2023, les montants alloués au dispositif ont connu une première baisse, cohérente au vu de la sortie de crise, et se sont établis à 141,9 millions d'euros. Ces moyens importants ont permis de financer plus d'un million et demi d'actions de formation entre 2020 et 2023.

Pour filer la métaphore, au sortir de sa chrysalide, le FNE-Formation a toutefois été percuté par le décret du 21 février 2024, qui, avec 1,1 milliard d'euros annulés sur la mission « Travail et emploi », a accentué cette tendance à la baisse des crédits. Alors que 273 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) étaient prévus en loi de finances initiale, seuls 96 millions d'euros seront effectivement alloués au FNE-Formation.

Pour ma part, je considère qu'il faut prendre acte de cette diminution. Dans le contexte actuel, qui appelle à une réduction urgente du déficit public, il ne me semble pas déraisonnable que la mission « Travail et emploi », dont les crédits ont fortement augmenté ces dernières années, participe à l'effort de réduction des dépenses.

Toutefois, je crois parler en mon nom et en celui de Ghislaine Senée en affirmant qu'au terme de ce contrôle, le FNE-Formation nous apparaît comme un dispositif utile. À nos yeux, réduire encore les crédits qui lui sont alloués reviendrait à le replacer dans l'état larvaire d'où la crise sanitaire l'avait tiré. Il serait dommage que, à peine sorti de son cocon, le FNE-Formation vive la vie d'un éphémère.

La première recommandation que nous émettons est donc de stabiliser les financements du FNE-Formation autour de leur niveau actuel.

Cette exigence de stabilité ne s'arrête toutefois pas là. Stabilisé dans son montant, le FNE-Formation gagnerait également à être stabilisé dans le temps.

Jusqu'en 2020, le FNE-Formation était administré par les services déconcentrés de l'État. Toutefois, au début de la crise sanitaire, la gestion du dispositif a été déléguée par un système de conventionnement aux opérateurs de compétences, les Opco. À ce jour, onze Opco gérés par les partenaires sociaux représentent les branches professionnelles et les entreprises d'un même secteur d'activité. Cette délégation de gestion, qui permet aux branches de déterminer paritairement leurs priorités de formation, a malheureusement aussi pour conséquence de retarder l'exécution du dispositif.

En effet, les conventions entre l'État et les Opco sont trop souvent signées tardivement dans l'année, ce qui empêche le déploiement du dispositif. Par exemple, en 2023, les conventions ont été signées au début du mois d'août. Sans surprise, ces délais empêchent les Opco de mobiliser les crédits du FNE-Formation, ce qui suscite l'incompréhension des entreprises. Les conventions ayant été signées aussi tardivement, aucune formation n'a pu être financée en temps utile avant le début de la Coupe du monde de rugby qui avait lieu en septembre, alors même qu'il s'agissait de l'une des priorités ! Cette situation paradoxale a toutes les chances de se reproduire cette année avec les jeux Olympiques et Paralympiques si le conventionnement entre l'État et les Opco intervient aussi tardivement. Surtout, ce sont les projets de formation dont les salariés des entreprises bénéficient qui pâtissent de ces effets de stop and go.

C'est pourquoi nous appelons à ce que le FNE-Formation fasse l'objet, entre l'État et les Opco, d'un conventionnement pluriannuel, au moins tous les deux ans. Nous avons conscience qu'un tel conventionnement serait d'une portée juridique limitée en raison du principe d'annualité budgétaire, mais il permettrait sans doute de considérablement simplifier les procédures de mise à disposition des crédits aux Opco et de fluidifier la gestion du dispositif. Les retards d'ouverture des enveloppes en seraient certainement réduits.

Notre première recommandation est donc de stabiliser le FNE-Formation, dans ses montants et dans le temps. Notre deuxième recommandation vise, quant à elle, à faire face à la diminution des crédits qui s'est accentuée en 2024. Nous proposons, lorsque cela est possible, de varier les sources de financement et de cofinancement.

En effet, le FNE-Formation ne permet qu'une prise en charge partielle des coûts de formation des entreprises. Ce principe, qui découle du droit européen, permet au FNE-Formation de financer 70 % du coût des formations pour les petites entreprises, 60 % de ce coût pour les entreprises de taille moyenne, et 50 % pour les grandes entreprises. Le reste à charge doit provenir de fonds privés, soit par l'employeur lui-même, soit par la mobilisation de fonds conventionnels issus des contributions supplémentaires décidées par les branches professionnelles.

Certains Opco ont d'ores et déjà recours aux contributions volontaires ou conventionnelles des entreprises pour compléter les financements. C'est pourquoi nous recommandons, là où un accord est possible au sein des branches, de mobiliser davantage les fonds conventionnels en complément des crédits du FNE-Formation.

Enfin, les entreprises de moins de 50 salariés, qui peuvent bénéficier de la mutualisation de la contribution unique à la formation professionnelle et à l'apprentissage (Cufpa), pourraient mobiliser en priorité ces fonds qui leur sont spécifiquement dédiés.

Nous recommandons donc également de varier les sources de financement.

Mme Ghislaine Senée, rapporteure spéciale. - Je rejoins Emmanuel Capus sur de nombreux points, mais je souhaite apporter quelques précisions supplémentaires. À nos yeux, le FNE-Formation est un dispositif pertinent, qui a désormais trouvé sa place et sa raison d'être.

Je conviens qu'il mérite d'être stabilisé pour garantir une visibilité aux Opco et aux entreprises. À titre personnel, j'estime toutefois qu'au vu de son efficacité, il n'aurait pas dû faire l'objet d'une telle cure d'austérité. En effet, notre rapport tend à démontrer que le « coût unitaire » du FNE-Formation est bien inférieur à ce qu'il peut être pour plusieurs dispositifs similaires. Ainsi, le coût moyen d'une action de formation financée par le FNE-Formation est de 907 euros ; ce coût est une fois et demie supérieur pour une action de formation financée par le compte personnel de formation (CPF), atteignant 1 467 euros, et trente-deux fois supérieur pour une action financée par le dispositif dit « Transco », à hauteur de 28 056 euros.

Je m'interroge donc sur la pertinence d'une coupe budgétaire sur un dispositif dont l'efficacité est démontrée. Je comprends la nécessité de réduire la voilure du dispositif en raison des contraintes budgétaires, même si nous combattons cette idée lorsque nous examinons les projets de loi de finances, mais je ne peux que regretter qu'il soit amputé de presque deux tiers de son budget...

Je rappelle également que le FNE-Formation a été réorienté en 2023 vers le financement de formations visant à accompagner les entreprises face aux grandes transitions dans les domaines écologique, agricole et numérique, mais aussi du point de vue démographique, c'est-à-dire pour les métiers liés à la petite enfance et au grand âge. Je juge pertinent le choix de ces priorités qui sont à mon sens vitales pour faire face aux enjeux que l'avenir nous réserve.

Je précise enfin que la proposition de mobiliser davantage les fonds conventionnels a été fraîchement accueillie par les Opco. En effet, les contributions des entreprises à la formation ne bénéficient pas toujours à ceux qui les acquittent. Ainsi, la Cufpa est due par l'ensemble des entreprises, mais ne bénéficie qu'à celles de moins de 50 salariés. Or les entreprises de plus de 50 salariés n'acceptent que difficilement de payer une contribution dont elles ne bénéficient pas. Les PME, qui comptent entre 50 et 250 salariés, sont mises à contribution alors qu'elles ont plus de difficultés à financer la compétence de leurs salariés. Nous recommandons donc à la fois de mobiliser davantage les contributions conventionnelles et d'orienter les plus petites entreprises, éligibles à la mutualisation de la Cufpa, vers les fonds qui leur sont réservés. Les marges de manoeuvre ainsi dégagées pourraient bénéficier aux PME de plus de 50 salariés. Cet équilibre est essentiel pour assurer l'acceptabilité d'efforts supplémentaires.

J'en viens à notre troisième et dernière recommandation. Emmanuel Capus vous a déjà indiqué que nous proposions d'une part de stabiliser le FNE-Formation et d'autre part de varier les sources de financement, c'est-à-dire de mobiliser des ressources complémentaires ou alternatives à ce dispositif. Nous recommandons enfin de cibler le FNE-Formation vers les formations et les publics prioritaires.

En effet, l'un des constats les plus saillants de notre rapport est que les dispositifs de formation professionnelle n'atteignent qu'inégalement les salariés qui devraient, à notre sens, en bénéficier en priorité. Or force est de constater que ces publics ne bénéficient pas toujours en priorité du FNE-Formation.

Je pense notamment aux petites et moyennes entreprises, particulièrement celles qui comptent entre 50 et 250 salariés. Entre 2020 et 2023, leur proportion d'entreprises de moins de 250 salariés a décru parmi les bénéficiaires, passant de 62,2 % à 57,5 %, alors que la part des entreprises de plus de 250 salariés a augmenté, passant de 37,8 % à 42,6 %.

De même, les catégories socioprofessionnelles les plus qualifiées sont surreprésentées, au détriment des travailleurs les moins qualifiés. Les ingénieurs et les cadres représentent 36,3 % des bénéficiaires en 2023, alors que la proportion d'ouvriers non qualifiés, fortement en baisse, est passée de 11,1 % en 2021 à 4,1 % en 2023.

Depuis 2020, la part des femmes bénéficiant d'une formation financée par le FNE-Formation est également en baisse : les femmes représentaient 44 % des stagiaires en 2020, contre seulement 34,2 % en 2023. Nous émettons l'hypothèse que ce décrochage s'explique par la fin du recours massif à l'activité partielle, qui constituait une opportunité inédite pour les femmes d'avoir accès à la formation. Ce faible taux de féminisation interroge, l'égal accès des femmes et des hommes à la formation professionnelle étant un objectif auquel nous souscrivons tous.

Nous pouvons toutefois constater une augmentation de la part des plus âgés parmi les bénéficiaires du FNE-Formation. Leur proportion a augmenté de 6 points entre 2020 et 2023. Cela s'explique par la récente réorientation du FNE-Formation qui cible les bénéficiaires seniors, dont nous connaissons les difficultés sur le marché du travail.

Dans ce contexte, il nous paraît donc souhaitable de mieux cibler les fonds du FNE-Formation sur les formations et les publics prioritaires. Ainsi, les formations en lien avec la transition écologique pourraient, en fonction des secteurs d'activité, être particulièrement encouragées. Surtout, afin de cibler des crédits de plus en plus rares vers ceux qui en ont le plus besoin, il est possible, comme le pratique aujourd'hui l'opérateur de compétences pour la coopération agricole, l'agriculture, la pêche, l'industrie agroalimentaire et les territoires (Ocapiat), de moduler le taux de prise en charge en fonction des publics concernés par les formations. Ainsi, le conseil d'administration paritaire d'Ocapiat a introduit une modulation favorable aux seniors. Par exemple, le taux de prise en charge pour une entreprise moyenne est de 60 % si ce sont des seniors qui bénéficient de la formation, mais de seulement 50 % si ce public n'en bénéficie pas. Les entreprises sont ainsi financièrement incitées à faire que des salariés jugés prioritaires par la puissance publique puissent bénéficier de ces formations.

La modulation des taux de prise en charge paraît en tout état de cause une piste intéressante pour mieux cibler le FNE-Formation tout en tenant compte de la raréfaction des deniers publics. Elle apparaît même plutôt efficace, puisque la part des seniors parmi les bénéficiaires du FNE-Formation a augmenté depuis la mise en place de cette modulation selon les données d'Ocapiat.

En conclusion, pour reprendre la métaphore zoologique de mon collègue, la mue du FNE-Formation nous apparaît plutôt réussie. Nos trois propositions - stabiliser, varier, cibler - visent à adapter ce dispositif au retour de la contrainte budgétaire, afin que sa peau neuve ne soit pas le premier trophée de la baisse des dépenses publiques.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Le FNE-Formation a connu une amélioration. La formation constitue un vrai sujet en raison de l'évolution de la pyramide des âges. Les études comparatives établissent que nous souffrons d'un problème de productivité et, pour faire face à la forte modification tendancielle de la démographie, il faudra absolument améliorer la formation tout au long de la vie.

Je remarque que les deux rapporteurs spéciaux convergent en ce qui concerne la montée en compétence et un meilleur ciblage des aides. Il me semble que la clé se situe sur ces points : les jeunes peu qualifiés entrant dans le monde du travail doivent tout de suite monter en compétence mais des entreprises peuvent être amenées à se poser la question d'embaucher des collaborateurs ayant autour de 50 ans. Les choses évoluent dans le secteur agricole, mais c'est également en raison de l'effondrement du nombre des exploitants.

Ce rapport démontre qu'il est utile de disposer de données budgétaires et financières objectives. Le montant de ces aides est faible, mais il est nécessaire d'accorder des moyens à la formation dans les parcours professionnels. Ce qui compte, c'est d'améliorer la formation, les compétences et la motivation. Logiquement, si l'on améliore la formation et la qualification, les rémunérations seront meilleures, ainsi que les retraites.

M. Marc Laménie. - Je remercie les rapporteurs spéciaux de leur travail. Vous avez cité divers organismes de formation, mais avez-vous une idée du nombre d'équivalents temps plein (ETP) que cela représente à l'échelon national, et de leur répartition dans les territoires ?

Les grandes régions ont également une compétence en matière de formation. L'Union européenne intervient aussi en la matière. Y a-t-il des interactions financières entre l'État et ces acteurs ?

M. Grégory Blanc. - L'État impose parfois aux entreprises des charges nouvelles, par exemple en ce qui concerne la dématérialisation des facturations. Le poids de cette mesure n'est pas le même pour une très petite entreprise (TPE) que pour une plus grande entreprise. Tous les ans, lors de l'examen du projet de loi de finances, le calendrier est reporté. Cela fait écho à la question de la formation au sein des entreprises, qui doivent absorber les nouvelles techniques liées à la numérisation.

Je partage l'idée qu'il est nécessaire de moduler les taux de prise en charge des formations en fonction de la taille des entreprises. Mais je m'interroge devant celle de recourir à des financements alternatifs reposant sur les seules entreprises pour répondre à une demande de l'État : celui-ci devrait entièrement prendre en charge les contraintes relatives aux larges changements liés à la dématérialisation qu'il impose.

Mme Florence Blatrix Contat. - Le récent rapport de McKinsey Un nouveau futur pour le travail prévoit que le développement de l'intelligence artificielle (IA) générative pourrait conduire à l'automatisation d'environ 27 % des heures de travail d'ici à 2030, et jusqu'à 45 % d'ici à 2035. Cette révolution considérable touchera tous les travailleurs, qui pour partie seront contraints d'occuper de nouvelles fonctions. La montée en compétence des travailleurs sera la clé dans ce changement, tout en sachant que les salariés les moins qualifiés, qui occupent des fonctions de production, administratives ou commerciales, seront les plus exposés. Nous avons besoin d'investir davantage dans la formation : nous risquons sinon de devoir faire face à un déficit de croissance et à des problèmes sociaux. Le sujet est structurel : ces évolutions sont-elles anticipées ? On peut s'inquiéter de la baisse des montants du fonds.

M. Michel Canévet. - Je m'étonne de la forte baisse des crédits consommés ces dernières années. En 2023, l'écart entre les 172 millions d'euros de crédits engagés et les 27 millions d'euros de crédits consommés est considérable. Quelles en sont les raisons, en plus de la signature tardive des conventions ? Comment se passe la répartition des crédits entre les différents Opco ? Ne faudrait-il pas davantage cibler les entreprises bénéficiaires, en concentrant les aides sur les entreprises comptant entre 50 et 250 salariés, pour être sûr de diriger ces aides vers ceux qui ont besoin ? Enfin, comment se fait-il que la part des femmes ayant bénéficié d'une formation diminue aussi fortement ?

M. Victorin Lurel. - Je félicite les rapporteurs spéciaux de la clarté de leur exposé. Toutefois, je reste dubitatif : 177 millions d'euros de crédits sont supprimés sur un total de 271 millions d'euros, et les rapporteurs demandent de stabiliser ces crédits au niveau de 96 millions d'euros. Je me trompe peut-être, d'autant que depuis peu les Opco ont la possibilité de moduler les aides, mais dans ma circonscription, de nombreux salariés n'arrivent pas à boucler les plans de financement et doivent s'adresser à des financeurs alternatifs, auprès de la région ou des chambres consulaires. Maintenir ces fonds au niveau prévu par le décret du 21 février 2024 me semble une proposition austéritaire qui ne répond pas aux nécessités de l'économie.

Quels sont ces financements alternatifs ? Quel est le pouvoir de modulation des Opco ? Comment est évalué le fonctionnement des Opco ? Comment réduire l'assiette des coûts éligibles à la prise en charge par le FNE-Formation ? Les salariés souffrent beaucoup. Comment mieux évaluer ce dispositif, notamment dans l'agriculture et pour les petites entreprises ?

Mme Vanina Paoli-Gagin. - Emmanuel Capus a raison de demander de rationaliser les dépenses de la mission « Travail et emploi ». Il avait fait une proposition en ce sens lors de l'examen du dernier projet de loi de finances.

Vous avez évoqué les secteurs stratégiques pour la formation et les activités liées aux transitions écologique et démographique, notamment les métiers de l'aide à la personne. Ces secteurs nécessitent d'importantes dépenses d'investissement. Avez-vous recueilli des données pour mesurer l'opportunité économique de ces domaines et les mettre en regard des coûts supplémentaires induits ?

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - M. le rapporteur général et moi-même partageons la même vision : il est nécessaire d'améliorer la qualification professionnelle au fil de la vie et d'accompagner la montée en compétence.

Monsieur Laménie, tout d'abord, je ne connais pas le nombre d'ETP employés dans les Opco. Ensuite, je vous rappelle que les conseils régionaux n'interviennent plus dans ce domaine. Enfin, le plan de relance a investi dans la formation, à l'aide d'un montant de 800 millions d'euros issu de financements européens.

Monsieur Grégory Blanc, l'exemple de la dématérialisation de la facturation est la parfaite illustration du nécessaire accompagnement par l'État des TPE dans la transition numérique au travers du FNE-Formation. Toutefois, le droit européen ne permet pas une prise en charge totale par l'État de tels financements.

Madame Blatrix Contat, nous souhaitons moduler le dispositif, afin que les salariés les moins qualifiés soient davantage pris en compte, car ce ne sont pas forcément ceux qui demandent le plus de formations, contrairement aux cadres des grandes entreprises, lesquels sont surreprésentés. Selon nous, une telle priorisation est nécessaire.

Monsieur Canévet, les 256 millions d'euros de crédits sont répartis entre les Opco par les services du ministère du travail, en fonction du nombre de salariés concernés, du poids des secteurs d'activité et de la demande. Le faible taux d'exécution des crédits en 2023 est dû à l'exceptionnelle tardiveté de la signature des conventions durant cet exercice.

Nous préconisons de verser les aides aux entreprises de moins de 250 salariés en priorité, car nombre de grandes entreprises demandent à bénéficier de ce dispositif.

Monsieur Lurel, si ma collègue rapporteure spéciale souscrit à votre analyse, ce n'est pas le cas de la commission, qui pourrait légitimement souhaiter revenir à un montant pré-covid de 4,2 millions d'euros pour le FNE-Formation ! Aussi, nous avons trouvé un consensus pour stabiliser les crédits du fonds à hauteur de 96 millions d'euros. Les représentants des Opco nous ont alertés : à moins de 90 millions d'euros, ils n'auraient plus les moyens de travailler et le FNE-Formation disparaîtrait.

Madame Paoli-Gagin, nous ne disposons pas de données relatives aux activités liées aux transitions écologique et démographique. Grâce à la formation, les métiers du secteur médico-social peuvent s'y adapter, et cela montre que le FNE-Formation peut apporter beaucoup à notre économie et à notre population.

Mme Ghislaine Senée, rapporteure spéciale. - Malheureusement, l'État a décidé de couper le budget du FNE-Formation sans passer par un projet de loi de finances rectificative (PLFR). Nous avons à tout le moins essayé de stabiliser le budget des Opco à 96 millions d'euros ; ce qui n'est pas satisfaisant. Aussi, nous mènerons la bataille lors du prochain PLF !

Les différentes branches travaillent en coopération et sont très solidaires, cela m'a impressionnée.

Le champ de la compétence des salariés ne doit pas être abandonné. Il faut accompagner les salariés confrontés aux évolutions technologiques, liées notamment à l'intelligence artificielle.

Les branches ont conscience de la nécessité d'anticiper l'accompagnement des salariés dans ces transitions, qui sont parfois subies. Les évolutions sont très rapides et il faut s'y adapter ; il n'y a pas d'effets d'aubaine. Il convient d'aider en priorité les entreprises qui comptent entre 50 et 250 salariés, car elles ont peu de moyens.

En règle générale, ce sont les femmes qui ont le plus recouru à l'activité partielle. Cela a créé un appel d'air au moment du covid, mais l'activité partielle diminuant, les femmes sont moins présentes dans les formations.

Je suis convaincue de la nécessité d'un tel dispositif : la compétence doit être accompagnée au sein des entreprises, en raison des nouvelles pratiques agricoles ou numériques, et des évolutions sociologiques : à 30 ans ou à 40 ans, certains salariés décident d'opter pour un autre parcours de vie et ont besoin d'être formés pour pouvoir satisfaire leurs aspirations.

La commission a adopté les recommandations des rapporteurs spéciaux et autorisé la publication de leur communication sous la forme d'un rapport d'information.

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