D. DES RÈGLES DE DROIT QUI LAISSENT OUVERTES DES FAILLES DONT PROFITENT LES NARCOTRAFIQUANTS

Les travaux de la commission d'enquête ont permis de repérer des failles juridiques qui sont autant de fragilités facilitatrices pour les narcotrafiquants.

1. Une procédure pénale trop favorable aux trafiquants ?

La plupart de ces failles concernent la procédure pénale. Elles portent sur :

· l'exposition des méthodes d'intervention des services répressifs les plus sensibles aux trafiquants, grâce à une utilisation dévoyée du principe du contradictoire. Lorsqu'elles deviennent suffisamment connues des délinquants, à l'instar des écoutes téléphoniques, ces techniques sont contournées par différents procédés ;

· le périmètre incomplet des règles dérogatoires applicables aux infractions de la criminalité organisée, qui ne peuvent pas être utilisées pour certaines infractions qui y sont pourtant connexes, à l'instar des infractions applicables à des règlements de compte (violences graves en réunion ou avec arme, etc.) ou de la corruption liée au narcotrafic ;

· le caractère inabouti de la spécialisation et de la professionnalisation de la chaîne pénale en matière de criminalité organisée, situation problématique compte tenu de la très grande complexité de ces affaires et des risques élevés de pressions qui peuvent s'exercer sur les jurés populaires ;

· l'utilisation dolosive de certaines règles du code de procédure pénale, c'est-à-dire l'emploi de stratagèmes par une minorité d'avocats de la défense qui suscitent délibérément des irrégularités de procédure via le recours à divers procédés déloyaux.

2. La poursuite du narcotrafic en prison

Notre système d'incarcération ne prévoit pas, en tant que tel, un traitement spécifique pour les narcotrafiquants de haut vol afin de les empêcher de continuer à gérer leur trafic en prison ; ils profitent aujourd'hui de la présence massive de téléphones portables en prison et des imperfections des dispositifs de « brouillage ».

Sur ce sujet, la commission d'enquête déplore l'insuffisance des informations qui lui ont été transmises, laissant sans réponse plusieurs questions : arrive-t-il que l'administration pénitentiaire tolère la présence de téléphones portables pour ménager ses relations avec les riverains, pour pouvoir écouter les conversations de détenus restés en lien avec leurs complices, voire pour « acheter la paix civile » ? Comment expliquer que le brouillage ne paraisse pas complètement opérationnel dans des établissements pourtant équipés de matériels fixes ? Il est urgent que la lumière soit faite sur ces sujets et que l'incarcération redevienne capable de mettre les narcotrafiquants hors d'état de nuire.

3. Une corruption difficile à détecter comme à réprimer

La commission d'enquête estime que l'un des phénomènes les plus préoccupants qu'il lui ait été donné de constater au cours de ses travaux est la montée en puissance de la corruption, véritable venin dont le Gouvernement ne semble pas avoir encore pris la mesure : cette évolution - face à laquelle certains préfèrent fermer les yeux - est à la fois sous-estimée, le décompte des faits de corruption étant incomplet, et mal documentée, le risque corruptif n'étant pas encore pris en compte par les administrations dites « généralistes », pourtant largement exposées. En dépit d'une prise de conscience récente des services répressifs (police, gendarmerie et douanes), la France a accumulé un préoccupant retard dans la prise en charge du risque de compromission de ses agents publics et privés, laissant le champ encore trop libre aux trafiquants et à leurs affidés.

Les thèmes associés à ce dossier

Partager cette page