B. DES ROUTES DU TRAFIC QUI CHANGENT CONSTAMMENT

Air, terre, mer : toutes les voies sont exploitées pour le convoyage des drogues, jusqu'aux procédés les plus incongrus (trafiquants embarqués dans des conteneurs, semi-submersibles capables de traverser l'Atlantique...). Ce constat témoigne de l'extrême adaptabilité des trafiquants, explorée plus avant dans la section suivante : ils sont en mesure, lorsqu'une route est bloquée par l'action des forces de sécurité, de trouver avec une grande rapidité d'autres routes pour poursuivre le trafic. Les documents obtenus par la commission d'enquête attestent même des efforts fournis par les trafiquants pour contourner les restrictions de circulation mises en place pendant la crise sanitaire de 2020, recourant à la sous-traitance et à des voies d'accès routier secondaire pour éviter les contrôles qui visaient, en Europe, à assurer le respect de la consigne, appliquée par de nombreux pays, de confinement et d'interdiction (ou de limitation) des déplacements44(*).

Bref, pour les trafiquants, la situation est simple : chaque porte qui se ferme trouve pour contrepartie une fenêtre qui s'ouvre - par négligence des États ou, s'il le faut, par la force.

1. Tours et détours de la cocaïne

Les chiffres communiqués à la commission d'enquête lors de son déplacement au port d'Anvers-Bruges le démontrent : la « blanche » est mobile et son pays de provenance lorsqu'elle arrive en Europe n'est que rarement son pays de production.

C'est ainsi que, parmi les saisies de cocaïne faites en 2023 la police fédérale belge à Anvers, 48 % proviennent de l'Équateur (dont il convient de rappeler que, bien que niché entre les deux principaux producteurs que sont la Colombie et le Pérou, il n'est pas lui-même un grand producteur de coca mais abrite, du fait des défaillances des institutions, des groupes criminels sud-américains et albanais), 18 % du Sierra Leone (ce chiffre étant notamment lié à une seule saisie d'importance, qui elle-même témoigne probablement de plusieurs acheminements de moindre importance préalablement tentés, et réussis, pour « tester » l'attitude des douanes belges face aux cargaisons en provenance du pays), 6 % du Brésil, 4 % de la Colombie, et 3 % de la République dominicaine, le reste des États d'origine identifiés ayant des « scores » compris entre 1 % et 2 %.

Ces chiffres montrent que les trafiquants n'expédient pas directement les stupéfiants depuis leurs pays de production, mais qu'ils les envoient vers des États perçus comme faillis ou complaisants pour qu'ils soient, depuis ces plateformes, exportés vers les zones de consommation.

Les trafiquants continuent d'exploiter toutes les voies possibles pour faire passer les frontières à la cocaïne, qui est l'un des produits les plus rentables du « secteur ». Ils disposent pour ce faire de moyens « assez conséquents : sous-marins de poche (Pacifique, Caraïbes), petits avions (du Pérou vers la Bolivie) et même avions moyens courriers »45(*) et font preuve d'une remarquable adaptabilité dans la gestion des routes, contournant les mesures d'entrave que la coopération internationale ou certaines autorités nationales tentent de mettre en oeuvre pour faire obstacle à l'arrivée de la cocaïne sur leur territoire : ainsi, « la coopération entre les États latino-américains et les États-Unis, ainsi que les moyens conséquents mis en place par ces derniers, a rendu plus difficile le transport de la drogue par les voies terrestres traditionnelles (Colombie, Amérique centrale, Mexique). Même si le Mexique reste l'interface principale pour la cocaïne à destination des États-Unis, les flux passent de plus en plus au sud du continent »46(*). Certains États, dotés de frontières poreuses et étendues, pauvres et donc dépourvus de moyens pour en assurer la surveillance, sont prisés des narcotrafiquants qui profitent, par ailleurs, de chaque crise politique interne pour trouver une voie de passage - ils tirent en particulier profit des difficultés récurrentes en Haïti et au Venezuela, et de la déstabilisation des institutions qu'elles impliquent, pour faciliter l'acheminement de la drogue vers ses zones de vente.

Les chercheurs Nacer Lalam et David Weinberger47(*) constataient, dès 2012, qu'environ 20 % de la cocaïne était acheminée vers les États-Unis par la voie aérienne légère ; ils rappelaient que ce phénomène, loin d'être récent, s'était développé dès les années 1970 avec « la mise en place d'un véritable pont aérien entre les pays producteurs et consommateurs ». Faisant face à un durcissement des contrôles sur les espaces aériens des pays andins en 1995, les trafiquants se sont tournés vers les voies maritimes mais ont su regagner les airs dès le tournant des années 2000, en réaction au développement de l'action antidrogue en mer, pour se déporter vers un espace aérien vénézuélien moins régulé, où peuvent aisément voler des « avionnettes ». Cette voie n'a été que redynamisée par la construction du « mur 2 » entre les États-Unis et le Mexique, avec le recours aux ultralégers, aux petits avions de tourisme et même aux ULM et aux drones : « le U.S. Customs Border Protection (CBP) déclarait avoir détecté 223 ultralégers en 2011, soit deux fois plus qu'en 2009 »48(*), témoignant de l'extrême souplesse des trafiquants dans le choix des routes perçues comme les plus favorables - et donc comme les plus rentables.

Ainsi les cartographies du trafic mondial doivent-elles être régulièrement mises à jour pour tenir compte de ces mutations incessantes, soulignant le caractère véritablement tentaculaire du trafic.

La meilleure illustration de ce constat est la route transatlantique de la cocaïne, l'une des plus importantes au monde. Elle a pris une ampleur particulière lorsque les producteurs sud-américains, face à la saturation du marché américain, se sont tournés vers l'Europe (voir plus haut). En réalité, il n'existe pas une route unique mais une multiplicité de chemins qui se reconfigurent en permanence, illustrant l'extrême souplesse des trafiquants et leur capacité d'anticipation : trois exemples permettent de l'illustrer concrètement.

La carte ci-dessous, qui figure dans une fiche de synthèse rédigée par le Centre opérationnel de la fonction garde-côtes et a été établie sur la base de données recueillies par l'ONUDC, met en évidence les principales routes de la cocaïne, sur la base des saisies réalisées entre 2015 et 2019.

Principaux flux de cocaïne identifiés entre 2015 et 2019

Source : ONUDC/COFGC

a) Un reroutage massif : la voie africaine

L'image ci-après, réalisée à partir de données publiées en 2021, met particulièrement en évidence l'émergence du continent africain comme zone de transit par les trois voies : les airs (via l'Afrique du Sud), la mer (avec le transbordement sur des bateaux « filles » dans le golfe de Guinée), et la terre, en remontant à travers le Sahel jusqu'au Maroc et en Libye.

Source : Europol, Serious and organized crime threat assessment (2021)

Cette importance de l'Afrique est confirmée par les données les plus récentes publiées par l'ONUDC sur son site, sur la base des saisies déclarées par les États membres :

Source : ONUDC

La montée en puissance de la route africaine est également attestée par de nombreux observateurs et par les données du Centre opérationnel d'analyse du renseignement maritime pour les stupéfiants (MAOC-N), qui montrent que le nombre de navires naviguant dans la zone et considérés comme transportant de la drogue (qui ne font pas nécessairement l'objet d'une visite) a très fortement augmenté depuis 201949(*).

Ces données sont enfin confirmées par les saisies à terre : deux saisies de 4 et 5 tonnes à Montevideo (Uruguay) dans des bateaux en partance pour Lomé (Togo) et Cotonou (Bénin) en 2019, et deux saisies de 10 et 7 tonnes à Anvers en provenance de Freetown (Sierra Leone), tout récemment50(*). Dans les ports du Bénin et de Côte-d'Ivoire, les saisies sont régulières.

Les trafiquants ont plusieurs manières de procéder : soit par transbordement au large des côtes dans des bateaux « filles », parfois dans des pirogues de pêche non immatriculées qui ensuite remontent jusqu'aux Canaries par cabotage, soit par débarquement du conteneur dans un port africain, où il est ensuite repris par un bateau à destination de l'Europe. Enfin, une route terrestre, mal connue, remonte vers l'Afrique du Nord en passant par le Sahel, région traversée par de nombreux trafics.

La route africaine a émergé après 2005, date à laquelle les saisies de cocaïne ont véritablement augmenté. D'abord surtout aérien51(*), ce trafic emprunte désormais majoritairement les voies maritimes (porte-conteneurs). D'après une note de 2016 transmise par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et s'appuyant sur le Rapport sur les drogues de 2015, « entre un quart et deux tiers de la cocaïne d'Amérique du Sud transite vers l'Europe via l'Ouest africain et certains des États côtiers corrompus »52(*).

Pourquoi cette nouvelle route africaine, qui implique des coûts beaucoup plus élevés liés au transbordement, au temps de transport, à la corruption, etc. ? Cette route reste moins surveillée que la route transatlantique directe, et les bateaux en provenance des ports africains sont moins ciblés que ceux qui viennent d'Amérique du Sud53(*). Surtout, les États africains du Golfe de Guinée, notamment la Guinée-Bissau et la Guinée-Conakry54(*), auraient assuré une protection directe aux bateaux arrivant chargés de cocaïne depuis le Brésil55(*), ce qui permettait de sécuriser les envois vers l'Europe. Enfin, la capacité portuaire de cette région a fortement augmenté depuis les années 2000, résultat de son intégration croissante dans l'économie mondiale.

L'émergence de la route de l'Afrique de l'Ouest illustre ainsi la très forte adaptabilité des trafiquants, capables de saisir au plus vite les opportunités présentées par les évolutions du commerce mondial et la situation politique dans une aire géographique donnée.

b) L'émergence d'une voie de rebond turque

Autre exemple de réorientation rapide : l'émergence, toujours constatée sur la base des saisies, d'une « route » turque de la cocaïne.

La Turquie est traditionnellement une voie de passage du trafic d'héroïne et de méthamphétamine depuis l'Afghanistan ou l'Asie du Sud-Est vers l'Europe. Mais l'on constate depuis plusieurs années une augmentation régulière des saisies de cocaïne, à la fois au départ, avec la saisine de 2,3 tonnes par les autorités péruviennes dans un bateau en partance pour la Turquie, et à l'arrivée, principalement dans les ports d'Izmir (mer Égée) et de Mersin (Méditerranée)56(*). La route turque est manifestement une réaction au resserrement des contrôles dans les ports d'Europe du Nord : ainsi, alors que les saisies sont toujours au plus haut sur cette façade, les trafiquants explorent déjà des routes alternatives.

Pour ce faire, les organisations criminelles ont également exploité les routes préexistantes du trafic d'héroïne et de méthamphétamine vers l'Europe de l'Ouest : « l'existence de réseaux logistiques maîtrisés par les organisations criminelles turques et balkaniques, et déjà utilisés pour le trafic d'héroïne, facilite sa réexpédition vers l'Europe, via la route des Balkans ou les liaisons maritimes avec d'autres ports méditerranéens »57(*).

c) Le vecteur aérien : comment un assèchement au Suriname produit une inondation en Guyane

L'une des voies privilégiées pour le trafic aérien du continent américain vers l'Europe était le Suriname, ancienne colonie néerlandaise, grâce aux liaisons aériennes fréquentes avec les Pays-Bas. Mais tout a changé lorsque les contrôles ont été renforcés à l'aéroport d'Amsterdam : « On a assisté à un report du trafic du Suriname à la Guyane à la suite de la mise en place, notamment à l'aéroport d'Amsterdam Schiphol, d'un nouveau dispositif très puissant de contrôle par scanner des passagers et des biens »58(*).

En effet, la frontière entre le Suriname, débouché naturel de la drogue produite en Colombie, et la Guyane, matérialisée par le fleuve Maroni, est particulièrement poreuse, une seule vedette de police patrouillant sur le fleuve59(*). Le trafic qui empruntait la route Paramaribo-Schiphol s'est donc déporté vers la route Cayenne-Orly, l'aéroport d'Orly ne bénéficiant pas - pour le moment - des mêmes équipements. La conséquence a été une véritable saturation de l'aéroport de Cayenne par des « mules » transportant la drogue dans leurs bagages, voire in corpore.

Face au renforcement de la réponse douanière à Cayenne60(*), les trafiquants ont immédiatement recherché une voie de contournement par les Antilles : « au lieu de prendre le vol direct Cayenne-Paris Orly, ils passent par la Guadeloupe ou la Martinique, en espérant attirer moins l'attention et contourner le bouclier mis en place. Les avions à destination des Antilles sont en effet contrôlés d'une manière moins systématique », a expliqué le directeur général de la police nationale, Frédéric Veaux, à la commission61(*). Yves Le Clair, procureur de la République près le tribunal judiciaire de Cayenne, confirme : « Nous avons effectué deux essais de “contrôle 100 %” sur deux vols “Fort-de-France”. Sur 150 passagers, nous avons identifié 10 mules, à chaque fois. Il existe donc bien des filières qui essaient de procéder à un contournement »62(*).

2. Le cannabis : le périple du « kif »

Le cannabis (dont la variété traditionnelle, aujourd'hui supplantée par des variétés hybrides, est appelée le « kif ») est, comparé à la cocaïne, un marché de la proximité. Le produit est acheminé au plus près de sa zone de production (ainsi, hors de l'Europe, la résine libanaise s'écoute principalement vers le Proche et le Moyen-Orient), comme en atteste le schéma ci-après issu d'une note de 2018 transmise au rapporteur par la direction générale de la police nationale.

La même note relevait que, par exception, « le produit peut de façon marginale être transporté en dehors de sa région de production, sur de longues distances, avant d'atteindre le ou les pays de consommation. Le marché de la résine libanaise n'est ainsi pas uniquement limité aux pays du Proche et Moyen-Orient, comme l'illustre la saisie le 31 mai 2017, par le service des douanes du port de Beyrouth de 487 kg de haschich d'abord destinés à la Tanzanie (Afrique de l'Est), l'expéditeur avait ensuite modifié sa destination vers le Canada ». Une partie des résines afghane et marocaine est de même destinée au marché de l'Amérique du Nord, et notamment au marché canadien.

Source : Direction générale de la police nationale (DGPN)

Pour l'Europe, l'approvisionnement continue de provenir à titre principal du Maroc, toutes les voies de passage existantes étant exploitées. Sans que cette liste soit exhaustive, la note précitée de 2018 fait état de multiples modes de transport :

· par porte-conteneurs, avec notamment une liaison entre Tanger d'une part et Rotterdam et Anvers de l'autre, mais aussi avec le « Morocco express » qui permet de rallier Marseille ;

· par ferries (transport de véhicules particuliers, d'ensembles routiers, de bus réguliers et cars de touristes), l'Espagne ne se trouvant qu'à une heure du nord du Maroc ;

· par embarcations semi-rigides (aussi appelées « gommes ») : chaque embarcation, dotée d'un puissant moteur, peut mener un véritable « go fast maritime », jour comme de nuit, avec une capacité estimée à 2 à 3 tonnes de résine par voyage ;

· par bateaux de pêches et de plaisance, notamment par le biais de doubles fonds ;

· par aéronefs légers (autogires et hélicoptères) ou narcovuelos selon la terminologie espagnole.

3. Les autres produits : des stupéfiants no border

Le constat d'extrême adaptabilité, développé ci-avant pour la cocaïne et le cannabis, vaut aussi pour les autres produits. À titre d'illustration, on en citera deux : l'héroïne et les drogues de synthèse.

L'héroïne circule depuis deux zones : le « croissant d'or », principale zone de production (Afghanistan, Iran, Pakistan) et le « triangle d'or », lui aussi dynamique (Birmanie, Thaïlande, Laos, Vietnam), son point d'arrivée restant le même - à savoir les grands ports européens comme Anvers, Rotterdam ou Le Havre, des ports de plaisance ou des zones côtières sans infrastructures. Selon les éléments recueillis par la commission d'enquête, les stupéfiants empruntent :

· pour le Croissant d'or, une route méridionale via la côte de Makran (Iran, Pakistan) à destination des côtes de la péninsule arabique et de l'Afrique de l'Est ; la drogue est ensuite acheminée par le nord (canal de Suez, Égypte) ou par le sud (Afrique australe). La Turquie constitue une zone de transit en pleine expansion ; les saisies d'héroïne y augmentent rapidement, suggérant que le pays n'est plus seulement une zone de rebond. Une route dite « des Balkans » s'est également développée depuis l'Afghanistan avec un « couloir » passant par la Bulgarie, la Serbie et la Bosnie-Herzégovine. Des routes alternatives existent via le Caucase du Sud où les saisies, là encore, se multiplient ;

· depuis le Triangle d'or, une route africaine (Mozambique) avant une traversée de la Méditerranée. Cette route, qui constitue un itinéraire bis relativement ancien, tend à se diversifier et à toucher de nouveaux pays, vraisemblablement à la faveur d'une consommation locale en croissance continue et des liens entre certains groupes criminels d'Afrique de l'Est et le Pakistan.

S'agissant des drogues de synthèse, la situation est plus complexe encore : produits chimiques sans extraction de principes actifs de plantes, ces drogues peuvent en théorie être produites partout sur le globe. Reposant sur une grande variété de précurseurs chimiques que se procurent les criminels en contournant les réglementations nationales et internationales, la production à grande échelle suppose de disposer de laboratoires sophistiqués qui semblent, en Europe, être aux mains de petits groupes peu nombreux et interconnectés.

Ceux-ci s'appuient, pour des productions hors de leurs bases belge et néerlandaise, sur des trafiquants des pays d'accueil (c'est par exemple le cas en Pologne). S'ils font partie des leaders incontestables du marché des amphétamines63(*), les trafiquants européens ne sont pour autant pas en monopole : l'Asie du Sud-Est, l'Afrique de l'Ouest, l'Iran et même l'Afghanistan64(*) constituent les zones de production de méthamphétamine, et la Chine - qui, jusqu'à présent, n'avait que peu d'impact sur le continent européen - s'affirme de plus en plus comme un producteur majeur avec une appétence particulière, et déjà évoquée supra, pour des cannabidoïdes de synthèse en plein essor.

Comme le résume une note de la DGPN dont la commission d'enquête a eu connaissance, et comme l'illustre le schéma ci-dessous issu du même document, « les flux mondiaux se sont élargis à toutes les sous-régions qui constituaient autrefois des marchés indépendants »65(*).

Source : Direction générale de la police nationale (DGPN), 2018

?

On pourrait multiplier les exemples de reconfiguration des routes de la drogue, que ce soit pour le cannabis, la cocaïne, l'héroïne ou les produits de synthèse. Elles mettent en évidence plusieurs réalités inquiétantes pour les forces de sécurité et nos sociétés dans leur ensemble :

· les organisations criminelles sont en mesure, dans un contexte international, d'identifier rapidement le « ventre mou », le point faible d'une architecture de sécurité (l'Afrique de l'Ouest, la Guyane de manière temporaire) pour y faire prospérer leur trafic ;

· elles ont pleinement profité des possibilités offertes par la mondialisation des échanges, en particulier par la multiplication des lignes aériennes et maritimes et l'équipement des ports ;

· les mesures prises dans un pays (le renforcement des contrôles à l'aéroport de Schiphol) ne bloquent pas le trafic mais le reportent sur une autre zone, ce qui rend indispensables la coordination et la coopération internationales ;

· les saisies - qui, comme l'a indiqué un policier à la commission au cours d'un déplacement, « sont inscrites en pertes et profits dans [le] business plan [des trafiquants] » - sont moins un coup d'arrêt porté au trafic qu'un indicateur des routes qu'il emprunte ; en d'autres termes, les forces de l'ordre, dont la commission a pu constater l'implication sans faille, ont bien souvent un temps de retard sur les trafiquants.


* 44 Lors de son audition du 10 avril 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer Gérald Darmanin soulignait plus largement qu'« on compte 900 % de conteneurs de plus sur les mers du monde depuis huit ans. Qui peut penser que ce qui est valable pour les chaînes hi-fi, les bananes ou la production de melons ne le serait pas pour la drogue, qui emprunte en premier lieu le vecteur maritime ? ».

* 45 « Lutte contre le narcotrafic », note de 2015 établie en vue d'un séminaire à Bogotá et transmise au rapporteur par la Direction générale des relations internationales et stratégiques (DGRIS) du ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

* 46 Ibid.

* 47 Nacer Lalam et David Weinbeger, « Le trafic de stupéfiants à partir des aérodromes secondaires non surveillés et plateformes de circonstance », décembre 2012, document transmis par l'IHEMI.

* 48 Ibid.

* 49 Ce point est développé plus avant, dans la section du rapport consacrée à la coopération internationale.

* 50 Chiffres présentés par l'attaché douanier régional pour l'Afrique de l'Ouest lors de son audition par le président et le rapporteur le 24 janvier 2024.

* 51 L'affaire dite Air Cocaïne a marqué le début d'une prise de conscience de l'ampleur du trafic dans cet espace : un Boeing 727 avait été retrouvé abandonné au Mali, en plein désert ; il avait transporté plusieurs tonnes de cocaïne en provenance du Venezuela.

* 52 Note « Trafic de drogue en Afrique de l'Ouest » du Centre d'analyse, de prévision et de stratégie transmise au rapporteur par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

* 53 Au vu des quantités de conteneurs qui arrivent chaque année dans les grands ports d'Europe du Nord, seuls 2 % environ peuvent être contrôlés. Les douaniers ciblent donc, pour ces contrôles, les lignes maritimes et les produits jugés les plus à risque.

* 54 Les fils des présidents de ces deux pays, Malam Bacai et Lansana Conté, ont tous deux été arrêtés et mis en examen pour trafic de cocaïne, respectivement en 2009 et en 2022.

* 55 Corentin Cohen, « La lutte contre le trafic de drogue via l'Atlantique Sud vers l'Afrique de l'Ouest. Comment convaincre le Brésil d'agir davantage ? », 2018, DGRIS/Networks of researchers in international affairs (NORIA).

* 56 Informations fournies par le service de sécurité intérieure (SSI) de l'ambassade de France en Turquie à une demande écrite de la commission d'enquête.

* 57 Ofast, État de la menace liée au trafic de stupéfiants 2023.

* 58 Nacer Lalam, chercheur spécialiste du narcotrafic, lors de la table ronde de chercheurs du 12 décembre 2023.

* 59 Frédéric Ploquin, reporter et documentariste, lors de la table ronde de journalistes du 18 décembre 2023 : « Les trafiquants se sont rendu compte qu'il était très simple de passer la drogue en France. [...] Je me suis rendu sur place pour mon dernier documentaire. Une vedette de police patrouille sur le fleuve ; dès qu'elle sort, des sonnettes s'activent et plus personne ne bouge. On mesure l'immensité du problème, avec des centaines de pirogues qui empruntent le fleuve et un bateau pour le surveiller... »

* 60 Ce point sera détaillé dans une section de la deuxième partie consacrée aux outre-mer.

* 61 Audition du 27 novembre 2023.

* 62 Audition du 18 décembre 2023.

* 63 Selon une note datée de 2018 et transmise au rapporteur par la DGPN « Drogues de synthèse de type amphétamine - production et routes », la production domestique européenne « est suffisante pour alimenter un trafic intra-européen de grande ampleur mais aussi d'importantes exportations vers tous les autres continents ».

* 64 Selon une note datée de septembre 2022 et transmise par la DGPN (« Le trafic de stupéfiants afghan, une activité criminelle à l'épreuve du pouvoir taliban »), ce trafic serait toléré par les Talibans, au contraire de celui de l'héroïne.

* 65 Note « Drogues de synthèse de type amphétamine - production et routes » précitée.

Les thèmes associés à ce dossier

Partager cette page