CONCLUSION GÉNÉRALE
Au fond, si la marque employeur rencontre un intérêt aussi récent que certain dans le monde des collectivités territoriales, c'est qu'elle entre en résonnance avec un enjeu essentiel à l'échelle de la fonction publique territoriale : redonner du sens à la mission. Ce sens conditionne l'engagement, la motivation et la prise d'initiative au quotidien de la part des agents, qui font vivre nos services publics locaux.
Aussi, bien loin de se réduire à un phénomène de mode, la stratégie de la marque employeur doit être interprétée pour ce qu'elle est vraiment : l'opportunité de réfléchir en profondeur à l'identité de la collectivité et de revisiter la relation collectivité employeuse / agent territorial. Les attentes des nouvelles générations arrivant sur le marché de l'emploi y invitaient déjà ; les tensions actuelles sur le marché du travail ne soulignent que plus encore l'intérêt de développer une marque employeur pour travailler à l'attractivité des postes offerts par la collectivité.
Pour autant, chacun a bien conscience que cette stratégie ne peut, à elle seule, résoudre toutes les difficultés auxquelles sont confrontées les collectivités territoriales en termes de recrutement, de fidélisation et de progression de carrière de leurs agents. À cet égard, la mise en place d'une marque employeur ne représente bien évidemment qu'un élément de réponse parmi d'autres. Cette réponse se caractérise toutefois par une particularité fort appréciable : elle ne dépend en effet ni de l'adoption de mesures législatives ni de la publication de règlements. Elle repose uniquement sur la volonté de faire de la collectivité, de ses élus et de ses équipes administratives. Or, on sait que cette « volonté de faire » dans la collectivité rime la plupart du temps avec la « volonté de fer » animant les élus locaux. Puisse donc cette boîte à outils fournie par le présent rapport être utile à se poser les bonnes questions en première approche de tout projet par les élus et leurs équipes.
EXAMEN EN DÉLÉGATION
Jeudi 28 mars 2024
Présidence de Madame Françoise Gatel, présidente
Examen du rapport relatif à la marque employeur des collectivités territoriales
Mme Françoise Gatel, Présidente. - Nous allons examiner ce matin les conclusions de la mission d'information menées par nos trois collègues, Catherine Di Folco, Cédric Vial et Jérôme Durain sur la marque employeur. Jérôme Durain est excusé, puisqu'il est retenu par la commission d'enquête sur le narcotrafic qu'il préside.
Cette mission a conduit un travail très important autour de l'attractivité de la fonction publique territoriale. Nous constatons en effet un certain désintérêt pour les métiers de la fonction publique, quel que soit la branche. Cette tendance est renforcée par le changement sociétal très fort du rapport au travail.
Vous avez engagé, il y a plusieurs mois, cette étude sur l'attractivité. Je vous laisserai présenter vos angles d'attaque. Je rappelle que le premier volet de vos travaux relatif aux secrétaires de mairie a abouti à une loi. Cette loi participe, comme celle sur la protection des élus, de l'apport important du Sénat pour sécuriser l'engagement des élus.
J'étais en réunion hier avec des élus alsaciens. Partout, on constate les mêmes difficultés des élus et leur crainte de ne pas être accompagnés par un personnel compétent face à la complexité normative et à la responsabilité qui est la leur. Cette responsabilité est d'autant plus grande que nos concitoyens se comportent parfois en consommateurs. Chers collègues, vous avez la parole.
Mme Catherine Di Folco, co-rapporteure. - Vous l'avez dit, madame la Présidente, ce rapport est l'aboutissement d'un long travail sur l'attractivité de la fonction publique, et notamment de la fonction publique territoriale. Le premier volet a été présenté en juin 2023. Il portait sur le sujet prégnant des secrétaires de mairie qui a fait couler beaucoup d'encre. À cet égard, je voudrais remercier notre collègue Céline Brulin, qui a la première mis un coup de projecteur sur cette thématique grâce à sa proposition de loi. Nous l'avions votée ici à l'unanimité au Sénat. Cependant, ce texte n'a pas prospéré, puisque le gouvernement n'a pas souhaité l'inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Par opportunisme, un collègue du groupe présidentiel a redéposé une proposition de loi et celle-ci a pu aller jusqu'au bout. On s'en satisfait, puisque les mesures que nous avions introduites dans la proposition de loi Brulin y ont été reprises. Je remercie donc Céline Brulin d'avoir amorcé le travail qui s'est concrétisé par cette loi du 30 décembre 2023 revalorisant le métier de secrétaire de mairie.
C'est aujourd'hui le second volet de notre mission que nous vous présentons. Il traite d'un outil éveillant l'intérêt d'un nombre croissant de collectivités territoriales : la marque employeur. En avril 2023, nous avions, ici même, lancé cette réflexion par une table ronde qui nous avait permis de découvrir la marque « Den-breizh », chère au coeur des centres de gestion bretons.
Afin de comprendre les enjeux gravitants autour de la marque employeur, il convient de replacer cette innovation dans le contexte plus général de la dégradation objective, que l'on peut regretter, de l'attractivité de la fonction publique territoriale. Nous rentrerons ensuite dans le détail de ce nouvel outil, qui mérite assurément l'attention.
La présidente l'a dit tout à l'heure, beaucoup de collectivités peinent à recruter, et ce dans de nombreux secteurs. La perte d'attractivité frappe toutes les fonctions publiques, pas uniquement la territoriale. Le phénomène est bien documenté. Avec mes collègues, nous avons en mémoire l'audition d'une consultante déplorant que la majorité des cadres de la fonction publique rencontrent des difficultés de recrutement.
Tout d'abord, il y a l'arrivée de nouvelles générations sur le marché du travail ; elles ont un autre regard que celui qu'on pouvait avoir autrefois sur la fonction publique. C'est un retournement qui s'est opéré, au point que ce qui était auparavant perçu comme un avantage devient un inconvénient. Souvenez-vous, c'était finalement un aboutissement que de rentrer dans la fonction publique. Autrefois, les parents étaient fiers lorsque leur enfant décrochait un poste dans la fonction publique. Aujourd'hui, la situation s'est inversée. La stabilité de l'emploi devient un repoussoir pour des jeunes diplômés. Conscients de leur valeur marchande, ces derniers ont envie de se faire remarquer que ce soit dans le public ou dans le privé.
Il y a aussi le filtre du concours qui constitue un facteur supplémentaire de désamour. La procédure du concours est jugée longue, complexe, archaïque et très concurrentielle. Finalement, on se rend compte qu'elle rebute de plus en plus de candidats. Tout le monde a également en tête l'aspect salarial qui n'est pas du tout négligeable. A poste similaire, les filières de la fonction publique sont beaucoup moins rémunératrices que le secteur privé. Si cela concerne les trois versants de la fonction publique, le secteur le plus touché par cet aspect, c'est bien la fonction publique territoriale. Vous le savez, 75 % des fonctionnaires de la territoriale relèvent de la catégorie C et donc ils ne sont souvent pas bien loin du SMIC.
Et puis, il y a le management qui est perçu comme trop hiérarchique. On retrouve dans ce registre de reproches les attributs souvent attachés à la bureaucratie : le manque de souplesse interne, le côté déresponsabilisant de l'organisation, l'esprit d'initiative contrecarré par le poids des procédures et les niveaux de validation. Or, sur le marché de l'emploi, près d'un candidat sur deux cite le critère de la bonne entente avec le management parmi les critères déterminants dans le choix du poste. Il me semble quand même que le développement des formations pour les managers devrait permettre une amélioration dans ce domaine.
Dans ce paysage d'emploi de la fonction publique qui n'est guère réjouissant, certains traits spécifiques à la territoriale alourdissent encore plus la barque. Cela est d'autant plus dommageable que les métiers de la territoriale sont pourtant ancrés dans le concret, porteurs de sens et implantés dans un territoire. Ces fonctions peuvent donc parfaitement convenir aux aspirations professionnelles de ceux voulant travailler en mode projet, désireux d'une chaîne hiérarchique courte ou attirés par la digitalisation et l'innovation.
Hélas, la filière d'emploi de la territoriale souffre d'être trop méconnue. On le sait tous, les métiers de la territoriale sont méconnus, et pourtant ils sont nombreux. On ne connaît pas les possibilités de recrutement et on ne connaît pas non plus les possibilités de mobilité. À titre d'illustration, une partie des demandeurs d'emploi continue de croire que le rôle des agents se limite à l'accueil en mairie ou à l'entretien de la voie publique. Lorsque l'on rentre dans une mairie, on voit les agents. Lorsqu'on circule sur la voie publique, on voit les agents qui nettoient, mais il y a tellement d'autres métiers. En réalité, on se rend compte que la territoriale ne dispose pas d'une vitrine médiatique permettant de bien cerner ses métiers, au contraire de la fonction publique d'État, dont la visibilité est assurée par des reportages, des documentaires, des films et des séries mettant en scène les forces de l'ordre, les enseignants, les magistrats. On a tous en mémoire ces spots publicitaires ou les séries policières montrant le fonctionnement des commissariats, etc... Le degré de méconnaissance est tel qu'un sondage commandé par la direction interministérielle de la transformation publique révèle que 10 % des répondants croyaient qu'il faut être élu pour exercer dans la fonction publique territoriale, tandis que 26 % pensaient qu'il faut résider dans la commune où se trouve le poste. Il y a vraiment une très grande méconnaissance. Force est de constater que l'information diffusée dans le cursus scolaire ne permet pas de redresser cette distorsion et que l'enseignement supérieur met surtout en avant les concours de la fonction publique d'État. Je crois que la territoriale a bien pris conscience de ce retard et que, de plus en plus, il est question de participer à des forums d'étudiants. Je suis persuadée que ce genre d'initiatives fera connaître les métiers.
Ce qu'on appelle aussi l'expérience candidat est un facteur nuisant à l'attractivité de la territoriale. Sur bien des aspects, le cheminement d'un candidat pour intégrer une structure territoriale reste perfectible. Les offres d'emploi font certes l'objet d'une obligation de publicité lors d'une vacance de poste. Il arrive cependant très fréquemment que le poste en question soit déjà pourvu en interne. Ce biais conduit parfois des candidats extérieurs à ne même plus déposer leur candidature, afin d'éviter une perte de temps inutile. Concernant les fiches de poste, les candidats souhaitent également davantage de transparence sur les prérequis. Est-ce que ce poste est bien accessible aux contractuels, par exemple ? Dans le cas où le poste est ouvert en priorité aux fonctionnaires, quels sont les concours privilégiés ? Lesquels peuvent être équivalents ? Il faut le reconnaître, les collectivités locales publient des offres de postes avec des descriptions qui sont souvent peu attrayantes ou peu éclairantes. Que font concrètement un rédacteur et un attaché ? L'information est bien souvent trop juridique pour être comprise par des personnes qui ne sont pas dans la fonction publique.
Il convient toutefois de relativiser quelque peu ce jugement d'ensemble assez pessimiste. En pratique, les collectivités territoriales ne sont pas toutes égales face aux difficultés de recrutement. Leur attractivité varie en fonction de leur taille, mais aussi de leur localisation géographique. Dans une petite commune rurale, les recrutements sont souvent plus difficiles en raison de l'éloignement ou du risque d'isolement. Les petites collectivités offrent moins de perspectives de déroulement de carrière. Elles proposent des métiers exigeant de la polyvalence. On l'a vu avec le métier des secrétaires de mairie. En outre, c'est important, l'emploi du conjoint y est également parfois beaucoup plus difficile. Les familles regardent également les filières pour les études des enfants. Dans une grande agglomération, c'est un frein d'une autre nature qui joue : le coût de la vie, qui peut être très élevé. Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, on a beaucoup d'agents de catégorie C dans la fonction publique territoriale, qui sont souvent rémunérés au SMIC. En matière de localisation, certaines zones géographiques sont plus prisées que d'autres. La proximité de la mer, un climat favorable, une bonne desserte en transport font par exemple de l'Ouest et du Sud de la France des territoires disposant d'atouts supplémentaires lorsqu'il s'agit de séduire les candidats.
Au total, selon le baromètre de la marque employeur du secteur public établi par la Gazette des communes, les trois types de collectivités les plus attractives sont les conseils départementaux, les métropoles et les communes de 500 à 5 000 habitants. À contrario, les trois catégories de collectivités ou d'établissements les moins attractifs sont les communes de moins de 500 habitants, les centres de gestion, sans doute parce qu'on ne sait pas du tout ce qui se passe dans ces centres, et les services départementaux d'incendie et de secours.
M. Cédric Vial, co-rapporteur. - Dans le contexte qui vient d'être décrit, la question est de savoir ce que peut apporter une marque employeur.
D'abord, à quoi renvoie exactement ce terme sibyllin pour les non-initiés ? La marque employeur correspond à un ensemble d'outils et de stratégies de communication et de marketing permettant à la fois de valoriser un employeur auprès de candidats potentiels, mais aussi de fidéliser et de conserver les talents. Elle se construit à partir de l'image de la collectivité en tant qu'employeur et de sa réputation, mais aussi de sa capacité à fournir un environnement de travail correspondant aux attentes.
À cet égard, je crois nécessaire de souligner un point très important dans le contexte actuel de guerre des talents et de tensions sur le marché du travail. La logique de recrutement tend à s'inverser. Il faut en avoir conscience. Les employeurs doivent désormais s'efforcer de séduire les candidats et de devenir des employeurs de choix.
La marque employeur peut y aider, à condition que la collectivité s'astreigne à un travail de fond afin de définir précisément sa culture et son identité, ainsi que les pratiques professionnelles susceptibles d'être valorisées. L'un des meilleurs exemples à cet égard dans le secteur public correspond probablement à la marque employeur de l'armée de terre qui innove en permanence pour recruter les candidats.
La marque employeur permet de contrecarrer les idées reçues, altérant l'image des fonctionnaires. Face aux critiques portant sur l'organisation prétendument désuète, les déficiences en management ou encore le peu de responsabilisation, les collectivités territoriales ont tout à gagner à faire découvrir la variété et la réalité des emplois qu'elles offrent. Des vidéos de témoignages des agents de la collectivité sont souvent des supports appréciés par les candidats potentiels, ce que pratique le Sénat par exemple. En effet, qui de mieux pour parler de la diversité des métiers que ceux qui les exercent ? Il s'agit pour les collectivités de mettre en avant et de diffuser à grande échelle leurs nombreux atouts. Elles peuvent valoriser leur mission de service public, leur proximité avec les administrés, leur participation à l'intérêt général, le respect de la vie personnelle des agents, etc.
Attention, la marque employeur d'une collectivité territoriale ne doit pas être confondue avec du marketing territorial. Le marketing territorial est déjà largement mis en oeuvre et de longue date. Il vise à mettre en avant les atouts d'une collectivité pour attirer des personnes mais aussi des entreprises, des infrastructures, des événements culturels. La marque employeur et le marketing territorial sont donc différents, mais complémentaires. Le marketing territorial apporte des arguments supplémentaires pour inciter les candidats potentiels et leurs familles à prendre un emploi au sein de la collectivité.
À ce stade de la présentation, je veux insister sur le sens de mon propos. Il ne s'agit pas de dire et encore moins de croire que la marque employeur permet de résoudre tous les problèmes et serait une potion magique qui marche à tous les coups. Pour que la réussite soit au rendez-vous, encore faut-il satisfaire à quelques conditions. Je conclurai donc mon exposé par les facteurs clés de réussite que nous avons pu identifier avec mes collègues rapporteurs.
Tout d'abord, avant de se lancer dans la création d'une marque employeur, il est nécessaire de s'interroger sur la stratégie géographique pertinente. La multiplication des marques employeurs brouille les identités des collectivités. À l'inverse, créer une marque pour un territoire trop large peut conduire à escamoter les spécificités et les avantages locaux. La marque employeur risque alors d'être trop éloignée de la réalité du terrain. Il paraît donc assez évident que les plus petites communes n'ont pas assez de moyens à consacrer au développement d'une marque employeur. J'y reviendrai. Cette stratégie semble d'ailleurs moins pertinente à une petite échelle puisque les besoins en recrutement de la collectivité sont beaucoup plus ponctuels. Intuitivement, il paraît donc plus avisé de créer une marque employeur à une échelle plus large au niveau des métropoles, des intercommunalités, des départements ou des régions.
Le deuxième facteur clé de réussite réside dans la définition d'une identité et d'une proposition d'employeur claire. Or, les consultants que nous avons auditionnés le soulignent, même si le niveau de salaire reste essentiel pour une grande majorité des candidats, leur motivation évolue. Parmi les critères de choix les plus déterminants, on peut notamment citer l'équilibre entre la vie personnelle et la vie professionnelle, l'ambiance de travail, l'entente avec le management, la flexibilité et le sens trouvé dans le travail. La crise sanitaire a d'ailleurs contribué à accélérer ce changement de paradigme et les jeunes diplômés sont désormais particulièrement attentifs aux critères sociétaux.
Le troisième facteur clé de la réussite passe par l'étroite association des élus et des équipes locales à l'élaboration de la marque employeur. En d'autres termes, il faut embarquer l'ensemble des équipes pour que la marque reflète bien la réalité du terrain, mais il faut aussi faire participer les élus qui seront ensuite d'excellents relais locaux pour la diffusion de cette marque.
La quatrième condition de réussite consiste en la nécessité d'embrasser dans le chantier de construction de la marque autant le recrutement que la fidélisation des candidats. Dans cette perspective, les agents en poste doivent être invités à participer à l'évolution de la marque employeur et peuvent même continuer à en être les ambassadeurs après leur départ de la collectivité.
Si une collectivité veut se lancer dans l'élaboration d'une marque employeur, une dernière question se pose, faut-il être accompagné par un cabinet spécialisé ? Un certain nombre de cabinets de conseil, notamment ceux en ressources humaines, ont développé une activité spécifique autour de la marque employeur. Cette expertise n'est pas récente, puisque la notion est apparue dans le secteur privé dès les années 90. Toutefois, ce sujet constitue bien une nouveauté à l'échelle des collectivités territoriales, et les cabinets ont compris l'intérêt à développer leur offre dans cette direction. L'accompagnement par un cabinet de conseil spécialisé semble donc faciliter la tâche aux collectivités pour qui la communication et le marketing ne sont pas le coeur de métier. Mais encore une fois, la taille de la collectivité a son importance. Elle conditionne de fait largement la pertinence du recours à un cabinet. Les plus grandes collectivités sont mieux équipées pour se lancer sans accompagnement. Elles disposent de moyens humains plus importants, direction de la communication, des ressources humaines notamment, mais aussi d'une surface budgétaire suffisante pour développer une marque employeur en autonomie. Par comparaison, les plus petites collectivités, y compris certaines intercommunalités, auront probablement davantage intérêt à se faire accompagner par des cabinets spécialisés. Mais bien évidemment, faire appel à ces structures comporte un coût qui reste difficile à évaluer dès lors qu'il dépend du format de la mission, de la durée, d la taille ou encore du sujet abordé.
En conclusion, si la marque employeur rencontre un intérêt aussi récent que certains dans le monde des collectivités territoriales, c'est qu'elle entre en résonance avec un enjeu essentiel à l'échelle de la fonction publique territoriale, celui de redonner du sens à la mission, bien loin de se réduire à un pur phénomène de mode. La stratégie de la marque employeur doit être interprétée pour ce qu'elle est vraiment, à savoir l'opportunité de réfléchir en profondeur à l'identité de la collectivité et de revisiter la relation collectivité-employeuse-agent territorial. Les attentes des nouvelles générations arrivant sur le marché de l'emploi y invitaient déjà. Les tensions actuelles sur le marché du travail ne soulignent que plus encore l'intérêt de développer une marque employeur afin de travailler à l'attractivité des postes offerts par la collectivité.
Bien évidemment, nous en sommes tous conscients, cette stratégie ne peut à elle seule résoudre l'ensemble des difficultés auxquelles sont confrontées les collectivités territoriales en termes de recrutement, de fidélisation et de progression de carrière de leurs agents, mais elle offre une corde de plus à l'arc des réponses. Avec mes collègues, nous avons donc voulu fournir une boîte à outils et poser les bonnes questions pour faire gagner du temps aux élus qui souhaiteraient demain se lancer dans la démarche d'une marque employeur. Et nous espérons ainsi, sans en être certains, avoir fait oeuvre utile.
J'ajouterai une remarque. La prise de conscience de la compétition entre les employeurs pour recruter des collaborateurs me semble parfois être absente des politiques de ressources humaines (RH), ou en tous les cas, pas assez présente. On cherche à attirer des collaborateurs grâce à un environnement, à des conditions de travail. En retour, il ne faut pas oublier que l'expertise du collaborateur doit aussi être un critère de sélection, me semble-t-il, dans les démarches RH.
Mme Françoise Gatel, Présidente. - Je vous remercie pour ce travail sur un sujet essentiel. En effet, nous devons sensibiliser l'ensemble des acteurs à la nécessité de parler différemment, vous l'avez dit l'un et l'autre à votre manière, aux candidats qui pourraient être intéressés. Ce que l'on sait de l'évolution du rapport au travail touche évidemment les collectivités, mais les élus n'en sont peut-être pas suffisamment conscients. À part les experts, personne ne sait ce qu'est le métier de rédacteurs. On a besoin de métiers essentiels. On parlait du métier de secrétaire de mairie, par exemple. On a aussi de nouveaux métiers. Je pense à des métiers sur la cybersécurité, l'urbanisme, ect ... On voit bien également que les grandes collectivités sont souvent les plus attrayantes, pour les candidats, parce qu'elles offrent des conditions de travail plus adaptées. De ce fait, il y a une sorte de transfert des candidats vers les intercommunalités.
Nous avons conduit un travail important sur le statut de l'élu. L'envie de s'engager est renforcée lorsque l'élu sait qu'il a autour de lui un staff, même léger, qui va le sécuriser, le protéger, l'accompagner et qui apportera l'expertise nécessaire au pilotage de la collectivité.
Votre contribution est tout à fait essentielle et je trouve qu'elle tombe au bon moment.
M. Cédric Chevalier. - Je voudrais tout d'abord remercier les trois rapporteurs. Effectivement, le constat n'est pas propre à la fonction publique territoriale, il peut être étendu aux autres versants de la fonction publique et au secteur privé en général. Il faut observer la jeune génération. Aujourd'hui, les jeunes témoignent dans leur cursus d'une forte mobilité. À partir du moment où ils ont goûté à cette mobilité, leur périmètre de recherche d'emploi n'est pas uniquement local, régional mais également national, voire international. La concurrence est rude.
J'entends ce qui a été dit, notamment sur le fait de retrouver du sens et des conditions de travail. Aujourd'hui, la plupart des jeunes entrent sur le marché du travail en cherchant une certaine forme de sens. L'aspect financier n'arrive que dans un second temps.
Je voulais simplement revenir sur ce qu'a dit, tout à l'heure, Cédric Vial, sur la définition de la marque employeur. En fait, je me pose la question de la pertinence d'une évolution des règles, en termes de management. Tout à l'heure, Catherine di Folco parlait de cette image un peu archaïque de la fonction publique territoriale, mais il y a aussi une forme de rigidité. On a, dans ce pays, des gens qui sont très bons techniquement, mais il nous manque un aspect managérial avec une certaine agilité. Cédric Vial mentionnait la technicité en conclusion de son propos. Mais est-elle aujourd'hui une vraie réponse ? Sur l'aspect managérial, ne faut-il pas imaginer de nouveaux leviers pour valoriser les collaborateurs méritants ?
Les règles doivent certainement évoluer pour donner beaucoup plus d'agilité et de souplesse aux personnels encadrants, pour valoriser, pour trouver un sens, pour progresser aussi en termes de compétences. La réflexion autour d'un véritable parcours doit être engagée.
Je trouve que le cadre, aujourd'hui, est peut-être un peu trop rigide par rapport à ça. Et comme je peux être provoquant, j'ai envie de poser la vraie question : faut-il encore un statut de la fonction publique territoriale ?
M. Lucien Stanzione. - Je vais aller dans l'autre sens, par rapport à l'intervention de notre collègue. Je voudrais revenir sur les propos de Catherine Di Folco et sur la question de l'accès à la fonction publique par les concours. Cette remarque pose la question du statut, bien évidemment. Je crois qu'il y a aussi une notion de la valorisation, ou de dévalorisation, des emplois si l'on en vient à envisager la disparition du concours. Pour les fonctionnaires qui nous écoutent, ils doivent réfléchir à leur sort. Le concours permet l'égalité des chances face à un poste, et enlève une certaine part d'arbitraire dans le recrutement. Il est le fondement du statut de la fonction publique.
Je ne trouve pas souhaitable de libéraliser complètement le dispositif par rapport au recrutement, au statut et au déroulement de carrière. La réforme du concours pose la question de la carrière. Comme certains d'entre nous, j'ai été fonctionnaire tout au long de ma vie. Dans la fonction publique, on progresse en travaillant et en certifiant, de temps en temps, les capacités qu'on a pu acquérir. C'est un long débat, mais c'est une remarque.
Mme Céline Brulin. - Je ne vais pas venir sur le sujet du statut, parce que vu le temps imparti, je pense qu'on déborderait forcément, mais c'est un vrai sujet qu'on aura à traiter, puisque de toute façon, une réforme est envisagée. On aura ce débat, et il me semble effectivement nécessaire.
Je voulais d'abord remercier les rapporteurs. Évidemment, nous voyons bien ce qu'une marque territoriale peut apporter en termes d'attractivité et de valorisation. Vous avez bien pointé la concurrence entre les plus grosses et plus petites collectivités, et même entre territoires. Nous en sommes bien conscients, étant nous-mêmes issus de régions diverses.
Je m'interroge sur le rôle du Centre National de la Fonction Publique Territoriale (CNFPT) dans ce travail de valorisation des métiers de la fonction publique territoriale, ces métiers étant effectivement extrêmement nombreux et variés. Une des richesses de ces métiers, c'est précisément de pouvoir être mobile, à la fois dans des strates de collectivités, mais aussi géographiquement.
Vous évoquiez l'armée de terre. Je pense que la réussite des campagnes de communication de l'armée de terre consiste à montrer à la fois cette entité globale et la diversité des métiers qui peuvent s'y retrouver.
Et puis, le second sujet, mais là non plus on ne va pas pouvoir le traiter dans cette matinée, vous l'avez dit, c'est la rémunération. C'est particulièrement vrai pour les catégories les plus basses, je ne le dis pas de manière péjorative, puisque régulièrement, il faut remettre les salaires au niveau du SMIC dès que le SMIC augmente. Nous avons eu le débat sur la médecine scolaire. Recruter des médecins dans la fonction publique aujourd'hui est très compliqué car les salaires ne sont pas du tout attractifs. C'est une question redoutable, puisqu'on l'a vu avec les augmentations légitimes du point d'indice qui sont intervenues ces derniers temps, cela met les collectivités dans un drôle de dilemme financier : est-ce que je recrute des personnels compétents et rémunérés en conséquence, quitte à devoir revoir à la baisse des services à la population ? Parce que parfois, les choses se posent en ces termes-là, et je pense que c'est aussi une question sur laquelle il va falloir se pencher.
M. Cédric Vial. - Je commence par réagir à vos questions, puis je laisserai Catherine Di Folco compléter. Je vais répondre à Cédric Chevalier, partiellement au moins, sans faire non plus le débat sur le statut de la fonction publique. En tout cas, ce qui est certain, c'est que si on en est là, aujourd'hui, à devoir développer des stratégies de marque employeur, c'est qu'il y a un problème d'attractivité du statut de la fonction publique. Donc, est-ce qu'il faut revoir le statut ou pas ? Effectivement, c'est un autre débat.
Le problème d'attractivité du statut oblige les collectivités à déployer des stratégies pour attirer des collaborateurs. La question du concours est un corollaire. Le concours était une manière de départager des candidats. On avait 1 000 candidats et 100 postes, on organisait un concours pour les départager. Aujourd'hui, c'est plutôt l'inverse, on a 100 postes et 50 candidats, et donc, on déploie des stratégies pour aller chercher de nouveaux candidats. La charge de la preuve s'est inversée. Là où le candidat devait faire preuve d'imagination pour essayer de se faire remarquer, de se faire recruter, aujourd'hui, c'est la collectivité qui doit faire preuve d'imagination pour se faire remarquer par le candidat et se faire accepter ou choisir par lui. La plupart du temps, on veut recruter des fonctionnaires qui ont déjà eu le concours. C'est plutôt une démarche d'attractivité face à une mobilité plus forte. On est, pour l'instant, dans une logique qui n'est pas complètement en concurrence avec le concours. Mais, effectivement, on vient pallier des manques qui sont liés à celui du statut, à l'attractivité du métier, à des questions de rémunération ou autre.
Après, la question sur le management. Évidemment que c'en est une dans toutes les collectivités et avec des prégnances différentes selon la taille de la collectivité. Le management dans une collectivité de 500 habitants, effectivement, ou de 250 000 habitants, n'est pas tout à fait la même. Et les outils à disposition ne sont pas tout à fait les mêmes non plus. J'allais dire, le marketing, la marque employeur, c'est une manière de mettre en avant ses atouts. On a beaucoup parlé de la Bretagne. Celle-ci dispose d'atouts environnementaux, d'un cadre de vie, d'atouts gastronomiques probablement aussi. D'autres départements n'ont pas tous ces attraits, mais sont contraints d'en trouver. Ils valorisent avec plus d'ingéniosité les techniques managériales, le cadre de vie au travail, etc... Chacun déploie les atouts qu'il peut.
La marque employeur est plutôt conçue pour promouvoir les avantages offerts par une collectivité, plutôt que pour remédier à une situation déficitaire dès le départ. Je ne veux pas être plus long. Je laisse Catherine di Folco compléter sur le CNFPT et les autres sujets.
Mme Catherine Di Folco, co-rapporteure. - Un petit mot sur le statut, sans entrer dans le débat, mais c'est une remarque très importante. Moi, je pense qu'il faut encore conserver le statut de la fonction publique parce que c'est quand même, comme vous le disiez, la garantie du traitement égalitaire d'un agent, quel que soit le territoire. Le statut est le même pour tout le monde.
Je pense qu'il y aurait des mesures de simplification du statut. Comment peut-on faire plus compliqué que le statut de la fonction publique ? Mais au moins, il garantit qu'un agent en Bretagne, s'il part en Rhône-Alpes, aura les mêmes avantages liés à son statut. Pour autant, il faut lui apporter de la souplesse. C'est là où je rejoins notre collègue Cédric Chevalier. Je pense qu'il faut de l'agilité et de la souplesse. On a commencé à le faire lors la dernière réforme d'importance, celle de la transformation de la fonction publique en 2019 par laquelle où on a ouvert des possibilités d'engager des contractuels. Je sais que tout le monde n'apprécie pas forcément ça, mais il n'empêche que ces ouvertures-là ont été salutaires. J'en veux pour preuve notamment les contrats de projet. Je suis un employeur d'une collectivité un peu importante. Je crée un service, par exemple informatique. Je n'ai pas les outils en interne, mais j'ai besoin d'une compétence particulière. Une fois que mon service sera créé, qu'il fonctionnera, je n'ai pas besoin d'avoir ce fonctionnaire en permanence. Donc je recrute un contractuel pour ce projet bien précis, pour une durée déterminée, et au moins, je me dote des compétences que je n'avais pas en interne. Je pense que ça peut fonctionner. C'est une souplesse qui est offerte par le code de la fonction publique.
Vous savez qu'un chantier a été ouvert il y a un an maintenant, par le ministre de la Transformation et de la Fonction publique, sur l'accès, le parcours et la rémunération des agents publics. Je crois que l'on embrasse vraiment tous les sujets dont on a parlé. Quand on passe un concours dans la fonction publique, ce n'est pas forcément pour répondre à un emploi. Cédric Vial l'a dit. C'est pour rentrer à un niveau, à une catégorie, dans la fonction publique. Je passe un concours pour être rédacteur. Je passe un concours pour être attaché. Mais je ne passe pas le concours pour forcément être employé au service urbanisme. Donc le concours permet de mettre tous les candidats sur la même ligne de départ pour prétendre à rentrer à un certain niveau de la fonction publique. Les concours ont été, et ils le seront encore davantage dans l'avenir, toilettés.
Lorsqu'on évoquait la difficulté des concours, notre collègue Céline Brulin a mentionné le recrutement d'un médecin scolaire dans la fonction publique. Il faut alléger le concours d'entrée dans la fonction publique pour ce médecin. On ne peut pas, au travers d'un concours, apprécier sa valeur professionnelle. C'est déjà un professionnel puisqu'il est médecin. Par contre, il faut qu'on s'assure qu'il connaisse l'environnement de travail de la fonction publique territoriale. Il faut généraliser les concours sur titre. Il faut les développer de plus en plus, parce que c'est idiot d'aller repasser, en quelque sorte, des unités de valeur pour attester d'une compétence professionnelle. Le ministère a conscience qu'il faut revoir un peu certains concours.
Par rapport au CNFPT, je suis complètement d'accord. Le CNFPT a un rôle à jouer, évidemment, pour valoriser les métiers. Encore faut-il qu'il ait les moyens de le faire. Toutes les campagnes qu'on voit sur l'armée de terre, sur la police, etc., cela représente des budgets. Et quand on voit les financements du CNFPT, ils sont un petit peu contraints, on va dire. Le ministère peut donner les moyens au CNFPT d'aller dans le sens souhaité.
Comme on le disait, qui mieux que les personnels de la fonction publique territoriale pour en parler et parler de ses métiers ? Je crois beaucoup au travail en cours sur la rémunération. Céline Brulin l'a bien dit, avec la revalorisation des points et puis l'augmentation du SMIC, on a écrasé certaines grilles. On l'expliquait un jour quand on avait reçu le ministre, justement : bientôt, des fonctionnaires de catégorie B vont être au SMIC. Et d'ici une dizaine d'années, des fonctionnaires de catégorie A le seront aussi. Donc, c'est très peu attractif. Mais il s'agit d'un chantier colossal : revoir complètement le système de rémunération. Est-ce qu'il faut encore des grilles ? Je ne sais pas. On a grand espoir que ça bouge, mais ça ne va pas bouger très vite parce que c'est très, très compliqué.
En tout cas, avec mes collègues co-rapporteurs, je pense que nous avons vraiment apprécié de travailler sur ce sujet de l'attractivité de la fonction publique territoriale. Merci de nous l'avoir confié.
Mme Françoise Gatel, Présidente. - Merci pour ce travail de fond. Ce rapport s'inscrit aussi, d'une manière fort pertinente, dans les travaux et les évolutions qui pourraient être présentées par le gouvernement sur le sujet. Donc, merci de nourrir notre réflexion et d'éclairer ce sujet parfois un peu invisible, mais vous, vous l'avez vraiment mis en lumière. Je pense que c'est un sujet clé pour la démocratie locale.
Chers collègues, je vous soumets à présent l'adoption des recommandations ce rapport.
Le rapport est adopté à l'unanimité des sénateurs présents.