I. LA RÉPRESSION TRANSNATIONALE, UNE MENACE CROISSANTE POUR L'ÉTAT DE DROIT ET LES DROITS DE L'HOMME
1. L'intervention de M. André Gattolin, au nom du groupe ADLE
Merci beaucoup, Monsieur le Président.
Monsieur le Président,
Mes chers collègues,
Je veux dire toute l'admiration et le respect que j'ai pour le travail qui a été conduit par Sir Christopher Chope dans cet excellent rapport, qui est un sujet je crois essentiel parce qu'il recoupe énormément de thématiques associées aux droits humains, à l'État de droit, et que cette question des répressions transnationales justement traverse un certain nombre de sujets - que nous avons d'ailleurs eu l'occasion d'aborder ces dernières années mais de manière parcellaire.
En janvier 2022, vous m'avez fait l'honneur d'adopter très largement une résolution pour en finir avec les disparitions forcées sur le territoire du Conseil de l'Europe. C'est quelque chose effectivement d'extrêmement important et qu'on retrouve d'ailleurs cité en référence ; c'est-à-dire que de plus en plus, nous avons effectivement des problèmes entre des pays membres du Conseil de l'Europe - notamment, dans ce rapport, il est fait état de la part de la Turquie ou de l'Azerbaïdjan de pratiques qui ne sont pas conformes à nos normes, qui sont celles de l'Europe ou des normes de droits international - mais nous avons aussi une montée en puissance de la répression transnationale opérée par des États tiers. De fait, la Fédération de Russie est aujourd'hui un État tiers, au même titre que la Biélorussie.
Le rapport a aussi cette qualité de parler d'autres acteurs, et notamment la politique coercitive transnationale menée par le régime de la Chine populaire sur nos territoires ; de plus en plus de cas, et le rapporteur Sir Christopher Chope fait état de la situation de postes de police illégaux au Royaume-Uni.
Je voudrais simplement développer un peu et ne pas prendre que l'exemple du Royaume-Uni. Une ONG très connue désormais, basée à Madrid, qui s'appelle Safeguard Defenders, fait régulièrement des rapports et des états, et je vérifiais hier soir dans les documents : nous avons au moins 18 pays membres du Conseil de l'Europe qui sont concernés par la présence de ces postes de police illégaux de la Chine et il y aurait au moins 46 de ces postes. Je dis ça parce que nous avons tendance, très souvent dans nos rapports, à partir sur des bases juridiques concrètes, sur la base d'arrêts ou d'exemples, mais je crois qu'il faut aussi donner un contexte beaucoup plus large.
Un des autres aspects qui est extrêmement important dans ce rapport, c'est l'usage abusif qu'il est fait des recours, notamment policiers, à travers les mécanismes d'Interpol et notamment le dépôt de notices rouges. Là encore, nous avons procédé, ces dernières années, plusieurs fois, à des auditions des responsables : il y a là véritablement un problème et un scandale, parce que certains pays abusent.
Quand vous êtes dans un train et que vous tirez le signal d'alarme, eh bien quand c'est justifié, il n'y a pas de problème, on vous met une médaille - je termine ; quand vous faites un abus, vous êtes condamné, vous avez une sanction. Aujourd'hui, il n'y a aucune politique de sanction de la part des gens qui abusent.
Pour toutes ces raisons, et au nom du groupe ADLE, nous voterons bien évidemment en faveur de ce rapport.
Je vous remercie.
2. L'intervention de M. Frédéric Mathieu, au nom du groupe GUE
Merci, Monsieur le Président.
Monsieur le Président,
Chers collègues,
Le projet de résolution adossé à ce rapport s'ouvre sur l'assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi. C'est pour moi l'occasion d'exprimer l'infamie de voir mon pays, la France, recevoir huit jours durant le commanditaire de cet assassinat : Mohammed ben Salmane.
Je tiens ici à faire part de la plus vive réprobation de mon groupe à toute forme de répression politique, d'autant plus lorsqu'elle est le fruit d'une coopération active entre gouvernements qui prétendent adhérer aux principes fondamentaux de la démocratie et de l'État de droit.
C'est le cas de la Turquie citée dans le rapport et dans les interventions que nous avons entendues aussi jusqu'ici, mais c'est le cas également du Royaume-Uni, malheureusement absent dudit rapport.
Premièrement, en ce qui concerne la Turquie, nous savons toutes et tous que la Turquie ne respecte pas ses obligations concernant les droits humains, l'abolition de la torture ou encore la liberté d'opinion. Dans sa dynamique d'éradication des minorités et notamment du peuple kurde, ce pays pratique les arrestations arbitraires et la torture.
Sur le plan international, elle a néanmoins réussi à faire inscrire le Parti des travailleurs du Kurdistan sur la liste des organisations terroristes. Cette accusation de terrorisme d'ailleurs accolée à toute forme d'opposition politique au gouvernement islamo-fasciste du président Erdogan est utilisée en permanence.
Cette accusation permet de nombreux abus, notamment dans l'usage des notices Interpol et des demandes d'extraditions de réfugiés politiques. En conséquence, le PKK ne devrait pas être sur une telle liste d'organisations terroristes. J'ai d'ailleurs une pensée pour son fondateur, Abdullah Öcalan, qui est emprisonné depuis désormais 24 ans et est à l'isolement depuis déjà de nombreuses années. Les ONG qui défendent les droits humains ont déjà alerté sur la pratique régulière de la torture en Turquie, en général et en particulier contre Abdullah Öcalan.
Je soutiens donc sans réserve, au nom de mon groupe, l'ensemble des Turcs qui combattent pour leur droit à vivre dans une démocratie ainsi que la volonté du peuple kurde à vivre libre.
Mon deuxième point est pour faire part d'un étonnement : il n'est nulle part fait mention du cas de Julian Assange, chose que je trouve très surprenante de la part de notre honorable collègue rapporteur. Il est pourtant avéré que Julian Assange est victime d'une répression transnationale violente de la part du Gouvernement américain, en coopération active avec le Gouvernement britannique. Ainsi, ses conditions de détention portent atteinte à sa dignité et sa santé. Payer de sa vie le droit d'informer est absolument indigne dans des pays démocratiques. Je tiens donc ici, au nom de mon groupe, à condamner fermement la répression qui s'abat sur Julian Assange, qui est devenu un symbole central de la répression transnationale, et je souhaite qu'aucun des États membres, et particulièrement le Royaume-Uni, n'accède aux demandes du Gouvernement américain.
Je vous remercie.