II. FIXER LES CONDITIONS D'UNE NÉGOCIATION AMBITIEUSE AU SERVICE DES CALÉDONIENS ET ACCEPTABLE PAR LES TROIS PARTIES ET LE PARLEMENT
A. PARVENIR, AU PLUS VITE, À UN CONSENSUS ACCEPTABLE POUR L'ENSEMBLE DES PARTIES PRENANTES COMME POUR LE PARLEMENT
1. La nécessité d'aboutir à un accord local avant les élections provinciales de 2024, entre contraintes juridiques et attentes d'évolutions
Sur le plan juridique, le caractère transitoire de l'accord de Nouméa a seul permis de justifier les dispositions constitutionnelles innovantes fondant le régime temporaire de la citoyenneté calédonienne dont elles ont autorisé la création et les dérogations aux principes d'égalité et d'universalité du suffrage qu'il comporte. Dès lors, compte tenu de l'achèvement du processus de Nouméa, l'organisation de nouvelles élections provinciales, prévues pour mai 2024, selon les principes définis par l'accord de Nouméa, soulèverait de sérieuses difficultés sur le plan constitutionnel. Or, il convient à l'évidence d'organiser les prochaines élections provinciales sur des fondements incontestables.
Sur le plan politique, les auditions menées par les rapporteurs ont révélé les fragilités du système institutionnel institué par les accords de Matignon et de Nouméa. Sans s'accorder sur les modalités de résolution des difficultés résultant du statut actuel de la Nouvelle-Calédonie, les acteurs calédoniens rencontrés ont en partage leur insatisfaction à son endroit, confirmant la nécessité d'une réforme du statut de la Nouvelle-Calédonie.
Ces contraintes plaident donc pour l'élaboration rapide d'un nouveau statut pour la Nouvelle-Calédonie. Si la mission ne peut que se féliciter qu'aient été renoués les fils du dialogue, elle relève que le calendrier de négociation demeure nimbé d'incertitudes en dépit des annonces gouvernementales et des premières rencontres bilatérales entre les parties. L'horizon des élections provinciales doit dès lors constituer un butoir autant qu'un aiguillon pour l'aboutissement aussi rapide que possible des négociations en vue d'un accord.
Toutefois, il ne serait pas réaliste de considérer cet horizon comme indépassable. Au regard de l'enjeu que représente l'aboutissement des discussions, on ne saurait exclure un éventuel report des élections s'il s'avérait impossible de procéder autrement, pour une durée nécessairement limitée par les impératifs de conformité à la Constitution.
2. Réaffirmer les grands principes devant guider les négociations afin de favoriser leur aboutissement et leur validation par le Parlement
Les rapporteurs prennent acte de la prise de conscience du Gouvernement de la nécessité de renouer les fils du dialogue entre les parties calédoniennes par des actes concrets et répétés, rejoignant ainsi leurs préconisations formulées dans leur précédent rapport d'étape1(*).
Néanmoins, ceux-ci n'ont pas encore produit les effets escomptés puisque le dialogue demeure séparé entre les trois parties prenantes, des aspérités persistent quant à la méthode employée et des sujets pourtant majeurs, n'ont toujours pas fait l'objet de discussions, même bilatérales, entre les parties calédoniennes et l'État.
Aussi les rapporteurs appellent-ils désormais à consolider et améliorer le dialogue entre les parties dans un format tripartite et sur l'ensemble des sujets intéressant l'avenir du territoire Calédonien, format de négociations qui a su faire la preuve de son efficacité dans le passé, qui est seul garant d'une réussite des négociations.
Par ailleurs, soulignant la pertinence de certaines critiques formulées par les parties indépendantistes à l'encontre de l'audit de la décolonisation, ils appellent à la plus grande vigilance pour l'avenir quant à la méthode mise en oeuvre par le Gouvernement dans la conduite de ce dossier. En effet, la production de rapports d'audit censés éclairer l'ensemble des acteurs du dossier doit être irréprochable sur le plan méthodologique. L'État doit être garant de leur impartialité et de leur sérieux.
Enfin, tout accord local nécessitant une évolution institutionnelle sera obligatoirement soumis au Parlement et, en conséquence, examiné par le Sénat. Par conséquent, ils rappellent que trois conditions cumulatives devront être réunies pour l'approbation d'un accord par le Parlement :
· la nécessité que chaque partie sorte des discussions en ayant obtenu la reconnaissance claire de demandes légitimes ;
· le refus de traiter isolément les différents sujets institutionnels, seul un accord global étant possible ;
· l'engagement clair et fort de l'État pour faire émerger un consensus tout en étant lui-même force de propositions.
Si l'ensemble de ces conditions sont réunies, l'accord pourra être équilibré entre les parties, source d'unité et de confiance dans l'avenir pour tous les Calédoniens, global dans les sujets qu'il traitera et crédible par l'implication de l'État.
* 1 Le rapport d'étape de la mission d'information, déposé le 27 juillet 2022, est consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/r21-831/r21-831.html.