II. UNE PROCÉDURE BUDGÉTAIRE DÉROGATOIRE LAISSANT UNE PLACE AMOINDRIE AU PARLEMENT
A. UNE PLACE AMOINDRIE POUR LE PARLEMENT
Le financement par la sécurité sociale implique, pour les Offrob, un circuit dérogatoire par rapport aux opérateurs de l'État, via la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS). Les crédits votés sont en effet des objectifs de dépenses, sans caractère limitatif, ce qui restreint la portée de l'autorisation parlementaire. Si cette normativité restreinte s'explique, pour les dépenses de santé, par la nature assurantielle des actions financées, rien ne justifie que des dépenses arbitrables et pilotables comme des subventions soient financées sur crédits évaluatifs.
De plus, la dotation à onze des quinze Offrob ne figure pas explicitement dans la loi, et fait l'objet d'un vote implicite au travers du sixième sous-objectif de l'objectif national d'assurance maladie (Ondam), intitulé « Autres prises en charge », un sous-objectif hétérogène dans lequel il est impossible de retracer simplement l'effort financier en faveur des Offrob.
En l'absence de vote explicite par la loi et de caractère limitatif des crédits ouverts, le montant de dotation de la sécurité sociale peut être modifié par simple arrêté ministériel, sans requérir d'autorisation du Parlement et même, jusqu'en 2022, sans nécessiter d'en informer les commissions compétentes.
Cela a donné lieu à des manquements graves au principe d'information parlementaire, avec l'attribution par arrêté et sans information du Parlement de 4,8 Md€ de dotation exceptionnelle à Santé publique France en 2020. Sans remettre en question le bien-fondé des dépenses financées, les rapporteures soulignent qu'il aurait été impossible de procéder de la sorte pour un opérateur financé par l'État.
À rebours du droit budgétaire, une partie de ces dotations non votées par le Parlement ont même permis d'abonder le budget de l'État pour plus de 700 M€ en 2020 et 1,8 Md€ sur l'ensemble de la crise, via des fonds de concours.
« Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée. » - Article 14 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen
Enfin, l'information à la disposition du public et des parlementaires étant bien moins complète en LFSS qu'en loi de finances, les transferts de subvention ont conduit à une perte brute d'information sur l'usage des deniers publics.