B. LES POUVOIRS PUBLICS RÉALISENT DES BILANS D'ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE DE PLUS EN PLUS APPROFONDIS
Afin de lutter contre le changement climatique, les institutions doivent donc être en mesure de mesurer les émissions de gaz à effet de serre (GES) générées par leurs activités. C'est tout l'intérêt du bilan carbone que de permettre d'estimer les émissions directes et indirectes afin de pouvoir agir.
En s'appuyant sur une méthodologie précise, conformément à l'article L. 229-25 du code de l'environnement, le bilan d'émissions de gaz à effet de serre prend en compte les différentes sources d'émissions de CO² par domaine d'activité tels que les consommations énergétiques, les déplacements, les déchets, la restauration etc.
Ce même article du code de l'environnement impose la réalisation d'un bilan d'émissions de GES à un certain nombre d'acteurs publics et privés. Les conditions de mise en oeuvre concernant l'administration publique sont les suivantes :
- le bilan est obligatoire pour les personnes morales de droit public employant plus de 250 personnes et doit être mis à jour tous les trois ans ;
- l'obligation ne porte que sur les scopes 1 et 2, la réalisation du scope 3 (émissions amont et aval) est facultative4(*) ;
- le bilan doit être transmis par voie électronique via une plate-forme informatique administrée par l'Agence de la transition écologique (ADEME).
En premier lieu, il convient donc de préciser que le Conseil constitutionnel n'est pas tenu de produire un bilan carbone puisqu'il ne compte pas un effectif supérieur à 250 personnes. Il a néanmoins mis en place, comme indiqué ci-après, un plan d'action pour le développement durable (PADD).
Qu'est-ce qu'un « bilan d'émissions de gaz à effet de serre » ?
Selon la définition fournie par l'Agence de la transition écologique (ADEME), un bilan GES désigne l'évaluation de la quantité de gaz à effet de serre (GES) générée dans l'atmosphère par l'activité d'une entité (entreprise, collectivité, territoire, etc.) sur une année.
Pour chaque activité, on comptabilise les émissions, qu'elles prennent place à l'intérieur (par exemple les émissions liées au chauffage d'un bureau l'hiver) ou à l'extérieur d'une entité (par exemple les émissions liées à la fabrication d'un ordinateur de bureau).
On classe les émissions de GES en trois catégories dites « Scope » (pour périmètre, en anglais).
Scope 1 : émissions directes
de chacun des secteurs d'activité obligatoire dans le décret
n°2022-982 du 1er juillet 2022 relatif aux bilans d'émissions de gaz
à
effet de serre sauf pour la production d'électricité
et de chaleur dont c'est la contribution en scope 2 par secteurs
d'activité qu'il est demandé aux entités d'estimer. Ce
sont celles qui sont produites dans les secteurs suivants : résidentiel,
tertiaire, transport routier, autres transports, agricole, déchets,
industrie, branche énergie hors production d'électricité,
de chaleur et de froid.
Scope 2 : émissions indirectes des différents secteurs liées à leur consommation d'énergie. Leur prise en compte est obligatoire dans le décret pour la consommation d'électricité, de chaleur et de froid. Ce sont les émissions indirectes liées à la production d'électricité et aux réseaux de chaleur et de froid, générées sur ou en dehors du territoire mais dont la consommation est localisée à l'intérieur de l'entité.
Scope 3 : émissions induites par les acteurs et activités du territoire. Elles peuvent faire l'objet d'une quantification complémentaire. Le décret prévoit que certains éléments du diagnostic (ou des objectifs, voir section dédiée) portant sur les gaz à effet de serre peuvent faire l'objet d'une quantification complémentaire prenant encore plus largement en compte des effets indirects, y compris lorsque ces effets indirects n'interviennent pas sur le territoire considéré ou qu'ils ne sont pas immédiats. La prise en compte des émissions indirectes est recommandée car si la France a réduit ses émissions directes, ses émissions indirectes sont en croissance.
Source : site internet de l'ADEME
À titre liminaire, le rapporteur spécial tient à souligner que tous les pouvoirs publics concernés ont procédé à l'exercice du bilan d'émissions de gaz à effet de serre, et sont dans une démarche de mise à jour régulière.
1. La présidence de la République : un bilan d'émissions de gaz à effet de serre marqué par le poids important de l'aviation
Le bilan carbone de l'Élysée a été réalisé en 2020 sur l'année 2019 par le cabinet A2DM. Il conclut à un total d'émissions de 28 600 t eqCO² (12 400 t eqCO² hors aviation).
Les principaux postes d'émission concernent :
- les transports (19 504 t eqCO² dont 16 100 t eqCO² pour l'aviation) ;
- les achats, dont la restauration, et les amortissements (4 287 t eqCO² ) ;
- l'évènementiel (2 357 t eqCO²) ;
- et la consommation énergétique des bâtiments (2 256 t eqCO²).
Le graphique ci-dessous souligne le poids très important de l'aviation dans le total des émissions :
Répartition des émissions totales de gaz à effet de serre de la présidence de la République
(en t eqCO2)
Source : réponses au questionnaire du rapporteur spécial
La problématique de l'aviation sera traitée plus spécifiquement dans la partie du rapport relative aux déplacements. Mais l'on peut préciser que si ce poste constitue un facteur important d'émissions, il paraît difficilement compressible au regard de l'activité présidentielle.
Hors aviation, la répartition des émissions de GES de la présidence de la République est la suivante :
Source : réponses au questionnaire du rapporteur spécial
Le bilan carbone réalisé conclut à plusieurs préconisations5(*).
Il recommande en premier lieu la mise en place d'indicateurs de suivi des émissions de CO². Ces indicateurs ont notamment été mis en place pour les émissions de CO² liées aux déplacements aériens, commerciaux ou militaires.
En second lieu, il recommande la nomination d'un référent en Responsabilité sociale des entreprises (RSO). Cette recommandation a été suivie d'effet puisqu'un contrôleur interne, chargé de projets transverses et de RSO a été recruté spécifiquement sur cette fonction, et rattaché directement auprès du directeur général des services.
Enfin, il invite à réfléchir à l'adaptation de l'activité présidentielle pour limiter les émissions.
2. Le Sénat dispose d'ores et déjà d'un bilan environnemental qu'il prévoit d'actualiser en 2023
Le Sénat disposait d'un bilan carbone datant de 2009 (données de 2007) qui a été actualisé en 2020 (données de 2019). Ce bilan, établi par le cabinet Transition et développement durable, conclut à un total d'émission de 8 381 tonnes équivalent CO² soit une diminution de 13 % à périmètre constant par rapport aux émissions constatées en 2007.
Tout en saluant les actions déjà entreprises, le bilan environnemental recommandait qu'elles soient inscrites dans une stratégie globale, ce qui a été fait à travers la stratégie environnementale présentée au Bureau du Sénat lors de sa réunion du 25 mars 2021.
Selon ce dernier bilan, les principales émissions concernent :
- les déplacements (4 746 t eqCO²) ;
- les consommations énergétiques des bâtiments (2 266 t eqCO²) ;
- et les autres consommations, notamment l'alimentation (662 t eqCO²).
Le bilan environnemental fait l'objet d'une mise à jour annuelle qui demande un travail important, sur plusieurs mois, d'actualisation des bilans des années passées sur la base des préconisations de l'ADEME, et de récolte de données à jour auprès des différentes directions concernées.
3. L'Assemblée nationale prévoit de réaliser en 2023 un bilan carbone élaboré selon les derniers standards en vigueur
Le premier bilan carbone de l'Assemblée nationale date de 2007, et avait été initié à la suite du Grenelle de l'environnement. Un bilan à jour a été commandé et les résultats devraient être prochainement connus.
Ce prochain bilan carbone sera effectué selon les derniers standards en vigueur préconisant d'inclure l'ensemble des émissions directes et indirectes correspondant aux scope 1, 2 et 3.
Ainsi, comme le précise le rapport intermédiaire du groupe de travail, ce bilan permettra « de disposer d'un diagnostic exhaustif des émissions des gaz à effet de serre de l'Assemblée, l'ensemble des personnes travaillant aux côtes des députés étant désormais inclus dans le périmètre du bilan. Seules les activités de circonscription seront exclues du décompte ». Ce bilan prendra l'année 2022 comme année de référence.
* 4 Voir définitions dans l'encadré ci-après.
* 5 Source : réponses au questionnaire du rapporteur spécial.