E. EN CONCLUSION : DES RISQUES AVÉRÉS QUI ONT CONDUIT À DE NOMBREUSES DÉCISIONS D'INTERDICTION OU DE RESTRICTION D'UTILISATION DE TIKTOK
1. Une appréciation des risques partagée dans de nombreux pays
Comme Huawei hier, TikTok symbolise aujourd'hui l'ensemble des risques qu'une entreprise numérique et mondialisée d'origine chinoise peut représenter.
TikTok, ainsi qu'il a été établi, est en effet une entreprise :
· appartenant à un groupe chinois dont le capital est encore largement détenu par des dirigeants et fondateurs de nationalité chinoise, et dont la gouvernance globale fait l'objet d'une surveillance étroite du Parti communiste chinois ;
· soumise à l'extraterritorialité du droit chinois ;
· étroitement liée à une entreprise, davantage « mère » que « soeur », Douyin Info Service Co., située à Pékin, dont elle partage les technologies et avec qui elle échange constamment des données et des informations.
L'ensemble de ces faits explique que TikTok suscite aujourd'hui des inquiétudes légitimes de la part de l'opinion publique, des spécialistes comme des dirigeants politiques du monde entier.
Force de frappe internationale au succès incontestable, TikTok pourrait être utilement mis au service des intérêts et de la pérennité du régime chinois, au détriment de la sécurité des données des utilisateurs mondiaux de TikTok, du pluralisme des expressions et de la qualité de l'information diffusée sur sa plateforme. Comme le soulignait Bernard Benhamou, secrétaire général de l'Institut de la souveraineté numérique: « Par définition, ne pas utiliser ces données serait une forme de faute professionnelle de la part des services chinois ».
Plus précisément, les risques pourraient être les suivants. Il faut souligner qu'intrinsèquement, aucune des pratiques qui créent ces risques n'est propre à TikTok, bien que l'application se soit montrée particulièrement défaillante sur bien des aspects depuis sa création : les plateformes américaines collectent également de nombreuses données personnelles et peuvent être le support de campagnes de désinformation. C'est ici le couplage de ces pratiques avec la nature du régime chinois qui génère des risques spécifiques. Pour le moment, Viginum n'a pas relevé d'intervention de désinformation manifestement concertée au profit d'un État étranger en France via l'application. En revanche, le problème de la présence importante de fausses informations sur TikTok, relevé dans les pages précédentes, concerne aussi bien notre pays.
Les principaux risques posés par TikTok
La source de données que constitue l'application peut permettre à l'État chinois :
· de reconstituer l'organigramme précis d'une organisation, administration ou entreprise, afin d'en identifier les éléments les plus pertinents en vue d'initier des actions d'espionnage ;
· d'identifier les habitudes de ces personnes pour faciliter ces mêmes actions d'espionnage ;
· de collecter des informations précises sur une personne pour construire un e-mail personnalisé pertinent dans le cadre d'une cyberattaque ;
· d'identifier certains lieux particulièrement stratégiques pour l'État et les personnes qui les fréquentent de manière habituelle.
Par ailleurs, la société TikTok pourrait, via une mise à jour généralisée ou ciblée de son application, augmenter sensiblement ses capacités de recueil d'informations avant que le public ne s'en rende compte.
L'application pourrait également permettre :
· de lancer une campagne de désinformation lors d'une crise internationale au profit de la Chine ou de ses alliés ;
· de favoriser, lors d'élections nationales ou locales, certains candidats au détriment des autres.
2. En conséquence, des décisions successives d'interdiction ou de restriction d'utilisation
À l'heure actuelle, seuls l'Inde, le Pakistan, l'Afghanistan, la Jordanie, Taïwan et l'État américain du Montana ont décidé d'interdire complètement l'utilisation de TikTok sur leur territoire, les autres pays, très majoritairement occidentaux, ayant surtout adopté des mesures de restriction d'utilisation de l'application, notamment sur les téléphones professionnels des élus, des fonctionnaires, des membres du Gouvernement ou encore de l'Armée.
Panorama des principales mesures d'interdiction, de restriction ou d'encadrement de TikTok à travers le monde
Pays |
Interdiction générale |
Restriction ciblée (ministères, parlement,...) |
Mesure visant uniquement TikTok |
Descriptifs des mesures |
Motif |
UE |
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Institutions de l'UE |
Non |
Oui |
Oui |
Commission européenne : décision interne de suspension de l'utilisation de TikTok sur les appareils professionnels du personnel et sur les appareils privés enregistrés comme appareils mobiles auprès de l'institution (février 2023)63(*). Même mesure prise par le Parlement européen, le Conseil de l'UE, la Cour des comptes européenne, le Comité des régions et le Conseil économique et social. |
« Protéger la Commission contre les cybermenaces et les agissements qui pourraient être ensuite exploités à des fins de cyberattaques ciblant l'institution »64(*). |
Belgique |
Non |
Oui |
Oui |
Se fondant sur une analyse de la Sûreté de l'État (VSSE) et un avis du Centre pour la Cybersecurité Belgique (CCB), décision du Conseil national de sécurité et circulaire65(*) de la Chancellerie du Premier ministre du 17 mars 2023 interdisant temporairement l'installation et l'utilisation de l'application TikTok sur les appareils de service des ministres, des membres de leurs cabinets et du personnel de l'administration fédérale et exigeant la suppression, d'ici le 31 mars 2023, de toutes les applications TikTok installées sur des appareils de service. Les appareils personnels utilisés par les fonctionnaires à des fins professionnelles ne sont pas concernés par l'interdiction, mais il est recommandé à ces personnes de ne pas installer l'application66(*). Clause de revoyure dans les six mois. Même décision des régions flamande, wallonne et de Bruxelles-Capitale. |
Selon la circulaire, la mesure est prise « Sur la base d'un avis du Centre pour la Cybersécurité Belgique et des services de renseignement » mais les motifs exacts ne sont pas précisés. |
Danemark |
Non |
Oui |
Oui |
Sur la base d'une recommandation du Centre de cybersécurité du 24 février 2023, le ministère de la défense a décidé d'interdire à ses employés, le 6 mars 2023, d'utiliser l'application TikTok sur des appareils de service et de la désinstaller dès que possible67(*). |
Selon le centre de cybersécurité, TikTok demande des droits d'accès très étendus, permettent à l'application de collecter un large éventail d'informations et de les associer à l'identité de l'utilisateur et ces données peuvent potentiellement être utilisées pour espionner les utilisateurs68(*). Le ministère de la défense justifie sa décision par ces risques en matière de sécurité, combinés à un besoin professionnel très limité d'utiliser l'application. |
Estonie |
Non |
Oui |
Non |
Avis de l'autorité estonienne des systèmes d'information (RIA) conseillant aux fonctionnaires de ne pas utiliser l'application TikTok sur leur téléphone de service mais pas de mesure générale de restriction69(*). |
|
France |
Non |
Oui |
Non |
Mesure d'interdiction de téléchargement et d'installation d'applications récréatives sur les téléphones professionnels fournis aux agents de la fonction publique annoncée le 24 mars 2023. Des dérogations pourront être accordées à titre exceptionnel pour des besoins professionnels, tels que la communication institutionnelle d'une administration70(*). |
Ces applications présentent des niveaux de cybersécurité et de protection des données insuffisantes. |
Lettonie |
Non |
Oui |
Oui |
Mesure d'interdiction de l'utilisation de l'application TikTok sur les appareils mobiles ayant une boîte e-mail du ministère annoncée par le ministre des affaires étrangères, le 2 mars 202371(*). |
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Pays-Bas |
Non |
Oui |
Non |
Lettre du ministre de l'intérieur à la seconde chambre, du 21 mars 2023, annonçant, dans un premier temps, une mesure visant à déconseiller aux fonctionnaires de l'administration centrale d'installer et d'utiliser, sur leurs appareils mobiles de service, « des applications d'entreprises de pays ayant des programmes cybernétiques offensifs contre les Pays-Bas et/ou les intérêts néerlandais ». Dans un second temps, les appareils mobiles fournis aux agents de l'administration centrale seront configurés de manière à ce que seuls les applications, logiciels et/ou fonctionnalités préalablement autorisés puissent être installés et utilisés72(*). |
Cette décision a été prise sur la base d'un avis du service général de renseignement et de sécurité (AIVD), mettant en garde contre le risque accru d'espionnage posé par l'utilisation de logiciels et applications provenant de pays dotés d'un programme cybernétique offensif tels que la Russie, la Chine, l'Iran et la Corée du Nord73(*). |
Hors UE |
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Afghanistan |
Oui |
Non |
Non |
Mesures d'interdiction générale de l'application TikTok, de certains jeux vidéo et médias en 202274(*). |
Ces interdictions ont été justifiées par l'impact négatif de cette application sur la jeunesse. |
Australie |
Non |
Oui |
Oui |
Directive du ministère de la justice du 4 avril 2023 visant à interdire l'installation et exigeant la suppression de l'application TikTok sur les appareils gouvernementaux, sauf s'il existe une raison professionnelle légitime qui nécessite l'installation ou la présence continue de l'application75(*). Cette directive s'applique uniquement à l'application TikTok et ne limite pas l'accès à TikTok par l'intermédiaire d'un site web ; elle ne s'applique pas non plus à l'utilisation de TikTok sur les appareils personnels. |
Sur avis des principaux services de sécurité, il a été considéré que l'application TikTok présente des risques importants en matière de sécurité et de protection de la vie privée pour les entités du Commonwealth, en raison de la collecte massive de données sur les utilisateurs et de l'exposition à des instructions extrajudiciaires émanant d'un gouvernement étranger et contraires à la législation australienne. |
Canada |
Non |
Oui |
Oui |
Annonce de la présidente du Conseil du Trésor d'une mesure d'interdiction de l'utilisation et du téléchargement de l'application TikTok sur tous les appareils professionnels des agents publics fédéraux, à compter du 28 février 202376(*). Les utilisateurs de ces appareils de service ne pourront plus télécharger l'application à l'avenir. Des mesures similaires ont été prises par la plupart des gouvernements des provinces77(*). |
Cette mesure a été prise sur la base d'un avis du directeur général de l'information du Canada, selon lequel l'application TikTok présente un niveau de risque inacceptable pour la vie privée et la sécurité. Il s'agit d'une mesure « de précaution, notamment en raison des préoccupations concernant le régime juridique qui régit les informations collectées à partir d'appareils mobiles »78(*). |
États-Unis |
|||||
Niveau fédéral |
Non |
Oui |
Oui |
Adoption en décembre 2022 du « No TikTok on Government Devices Act » exigeant l'adoption de lignes directrices à l'attention des agences fédérales concernant le retrait de TikTok. Publiées le 27 février 2023, ces lignes directrices exigent le retrait et l'interdiction de TikTok sur tous les appareils de service des agents fédéraux, ainsi que, dans un délai de 90 jours, sur les appareils de leurs sous-traitants79(*). Des dérogations peuvent être accordées dans le cadre des activités de maintien de l'ordre et liées la sécurité nationale. |
Cette mesure d'interdiction se fonde notamment sur un avis du FBI soulignant que l'application TikTok pose un problème de sécurité nationale80(*). |
États fédérés |
- |
- |
- |
Au 1er juin 2023, 33 États américains ont adopté des mesures interdisant l'utilisation et le téléchargement de TikTok sur les appareils mobiles professionnels de leurs employés81(*). De nombreuses universités américaines ont également interdit l'utilisation de l'application sur leurs appareils et sur leurs réseaux Wifi82(*). Plusieurs États (Utah, Arkansas) ont adopté des lois restreignant l'accès des enfants aux réseaux sociaux, dont TikTok83(*). En mai 2023, le Montana est devenu le premier État américain à adopter une loi (SB 419) interdisant (i) aux boutiques d'applications de mettre TikTok à disposition et (ii) l'exploitation de TikTok dans tous les lieux soumis à la juridiction pénale de l'État. Ces dispositions entreront en vigueur le 1er janvier 202484(*). TikTok a intenté une action en justice devant un tribunal fédéral considérant que la loi adoptée par le Montana était illégale et inconstitutionnelle85(*). |
Des motifs liés à la sécurité nationale et à la protection des données sont généralement invoqués. Dans le Montana, le préambule de la loi SB 419 indique que le texte vise à promouvoir « la santé et la sécurité des habitants du Montana » et cite comme autres motifs le statut de la République populaire de Chine (RPC) comme « adversaire », le fait que TikTok soit la filiale d'une société chinoise sur laquelle « la RPC exerce un contrôle et une surveillance », l'acquisition et le partage inappropriés des données des utilisateurs et la promotion de « contenus dangereux »86(*). |
Inde |
Oui |
Non |
Non |
Mesure générale d'interdiction d'une série d'applications chinoises, dont TikTok, prise par le gouvernement indien en juin 202087(*). |
La mesure a été prise pour des raisons de sécurité nationale. |
Nouvelle-Zélande |
Non |
Oui |
Oui |
Mesure d'interdiction de l'application TikTok sur tous les appareils mobiles ayant accès au réseau du parlement néo-zélandais (députés et membres du personnel), prise par le secrétaire général du parlement88(*). |
Cette mesure a été prise sur la base de l'analyse des experts du parlement néo-zélandais et à la suite de discussions au sein du gouvernement et au niveau international. Sur la base de ces informations, les services du parlement ont conclu que « les risques ne sont pas acceptables dans l'environnement parlementaire néo-zélandais actuel »89(*). |
Norvège |
Non |
Oui |
Non |
Sur la base d'un avis de l'Autorité de sécurité nationale, recommandation du ministère de la justice du 21 mars 2023, à l'ensemble des autres ministères, de ne pas utiliser et installer les applications TikTok et Telegram sur les appareils de service. Des exceptions peuvent être admises en cas de besoin pour un usage officiel, sur un appareil qui n'est pas connecté aux services d'information du gouvernement90(*). Même décision de l'administration du parlement norvégien le 23 mars 202391(*). |
L'avis de l'autorité de sécurité nationale considère qu'il existe un risque élevé en matière de sécurité si les applications TikTok ou Telegram sont installées sur des appareils de service ayant accès à l'infrastructure ou aux services numériques internes de l'administration. |
Pakistan |
Oui |
Non |
Non |
Le gouvernement pakistanais a interdit à plusieurs reprises, de façon temporaire, l'utilisation de l'application TikTok92(*). |
Ces mesures ont été justifiées par la présence de contenus considérés comme indécents ou immoraux. |
Royaume-Uni |
Non |
Oui |
Oui |
Mesure d'interdiction de l'utilisation et du téléchargement de TikTok sur les appareils de service des agents de tous les ministères annoncée par le Bureau du Cabinet le 16 mars 202393(*). Des dérogations pour motif professionnel peuvent être accordées au cas par cas. L'utilisation d'autres applications d'extraction de données est en cours d'examen. Des mesures similaires ont été prises par les gouvernements gallois et écossais. |
Cette mesure a été prise sur la base d'un avis du centre national de cybersécurité (non public). La sécurité d'informations sensibles a été citée comme motif d'interdiction. |
Taïwan |
Non |
Oui |
Non |
Mesure d'interdiction de l'utilisation de TikTok sur les appareils des agents du secteur public annoncée en décembre 2022 par le ministère des affaires numériques94(*). |
TikTok, ainsi que d'autres applications et logiciels chinois, ont été classés, en application de la législation taïwanaise95(*), dans la catégorie des « produits mettant en péril la sécurité nationale de l'information et de la communication ». |
3. En France, une première décision d'interdiction des applications récréatives sur les téléphones professionnels des agents publics
Le 24 mars 2023, les ministres de la Transformation et de la Fonction publiques, M. Stanislas Guerini, et de la Transition numérique et des Télécommunications, M. Jean-Noël Barrot, ont annoncé l'interdiction des « applications récréatives », dont TikTok mais pas seulement, sur l'ensemble des téléphones professionnels fournis par l'État français aux agents publics96(*).
Cette décision s'inscrit dans la continuité de la recommandation émise quelques jours auparavant par la présidence de l'Assemblée nationale, déconseillant aux députés d'installer et de télécharger des applications d'origine étrangère telles que TikTok, Snapchat, Instagram, Telegram ou WhatsApp, d'autant plus que les parlementaires ne disposent d'aucun téléphone professionnel lié à leur mandat.
Plus largement, la décision du Gouvernement français s'inscrit dans le contexte de cette commission d'enquête et à la suite d'une série d'annonces de restrictions d'utilisation de l'application TikTok, notamment au sein de l'Union européenne, tout comme d'une incapacité des représentants de TikTok à rassurer quant aux risques que représente cette application pour la cybersécurité et la protection des données des utilisateurs.
La circulaire du 23 mars 2023 diffusée par le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques aux ministres et secrétaires généraux des ministères ne précise pas la liste nominative de l'ensemble des applications concernées, ni les raisons précises justifiant l'interdiction, seule quelques considérations générales de sécurité étant mentionnées telles que : « le risque de cybersécurité et de captation de données est significativement plus élevé pour les applications que pour la simple consultations de sites Internet. La multiplication de téléchargements augmente mécaniquement la surface de vulnérabilité »97(*).
À l'instar des institutions européennes, ni le Gouvernement français, ni les services de renseignement, ni l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) n'ont rendu publiques les motivations détaillées justifiant leur décision, au contraire du choix effectué par d'autres pays européens.
Un responsable européen au moins a dit tout haut ce que beaucoup pensaient tout bas : le Premier ministre belge a ainsi déclaré : « Nous sommes dans un contexte géopolitique nouveau où l'influence et la surveillance entre États se sont déplacées vers le monde numérique. Nous ne devons pas être naïfs : TikTok est une entreprise chinoise qui est aujourd'hui obligée de coopérer avec les services de renseignement chinois. C'est la réalité. Interdire son utilisation sur les appareils de service fédéraux relève du bon sens. Cette décision est prise avec l'appui de la sûreté de l'État et le Centre pour la Cybersécurité Belgique. La sécurité de nos informations sensibles prévaut ».
À cet égard, l'alerte publiée le 8 mars 2023 par l'Office de la cybersécurité et de la sécurité de l'information de la République tchèque (NÚKIB) est particulièrement éclairante, évoquant une « menace pour la cybersécurité consistant à installer et à utiliser l'application TikTok sur des appareils ayant accès à des systèmes d'infrastructure d'information et de communication critiques, à des systèmes d'information et de communication de services essentiels et à des systèmes d'information importants »98(*). Afin de minimiser la menace, le NÚKIB recommande l'interdiction de l'installation et de l'utilisation de TikTok sur les téléphones professionnels mais également sur les téléphones personnels utilisés à des fins professionnelles.
Dans cette alerte, le NÚKIB s'inquiète du volume des données d'utilisateurs collectées par l'application et du traitement qui pourrait être effectué de ces données qui « peuvent être utilisées pour faire chanter des personnes d'intérêt et ainsi porter atteinte à la sécurité ou aux intérêts stratégiques de la République tchèque »99(*).
L'Office tchèque alerte également sur les risques posés par l'environnement juridique et politique, confirmant ainsi les craintes exposées à plusieurs reprises par les membres de cette commission d'enquête, TikTok étant soumise à la législation nationale en Chine. Ainsi, il est notamment indiqué que « le niveau de crédibilité de l'environnement juridique de certains pays a un impact direct sur la crédibilité des entreprises qui y ont leur siège et qui sont soumises à cet environnement juridique » et qu'« il n'est pas exclu que les entreprises concernées soient contraintes par l'État de faire passer les intérêts de cet État avant ceux de leurs clients »100(*).
Extraits de l'alerte publiée le 8 mars 2023
par l'Office de la cybersécurité ByteDance est une entité soumise à la législation nationale chinoise. La loi sur la sécurité de l'État de 2015 impose une obligation générale à tous les citoyens et organisations chinois de prêter leur concours aux autorités de l'État en matière de sécurité de l'État. La loi de 2017 sur les activités de renseignement de l'État stipule à l'article 7 que tout citoyen et toute organisation doit soutenir les activités des services de renseignement nationaux, coopérer et collaborer, et préserver la confidentialité des informations classifiées dont ils ont connaissance dans le cadre des activités de renseignement national. La loi de 2014 sur les activités de contre-espionnage de l'État impose une obligation de coopération et d'information aux clients étrangers des entreprises chinoises qui sont soupçonnés d'activités d'espionnage par les autorités de l'État. Selon l'article 6, cette loi s'applique également aux institutions, organisations et individus qui organisent ou financent des activités d'espionnage à l'encontre de la République populaire de Chine (« RPC ») en dehors de son territoire, avec un large éventail d'activités qui peuvent être définies comme de l'espionnage par les autorités chinoises. Tout cela sans possibilité de contrôle judiciaire indépendant. La loi sur les sociétés de 2013 autorise le Parti communiste chinois (« PCC ») d'influencer efficacement le fonctionnement des entreprises privées. Selon l'article 19, une organisation du PCC doit être créée au sein de l'entreprise pour mener à bien les activités du PCC conformément à sa Constitution. La société doit fournir les conditions nécessaires à ces activités. Selon les règles de 2021 relatives à la présentation des rapports de vulnérabilité dans les dispositifs de réseau, les fabricants de technologie sont tenus de signaler les failles de sécurité au ministère chinois de l'industrie et des technologies de l'information (MIIT) au plus tard deux jours après leur découverte. Le MIIT signale ensuite la découverte au ministère de la sécurité de l'État de la RPC et à d'autres autorités compétentes. Il est interdit de divulguer ces vulnérabilités au public ou de les signaler à des organisations ou à des personnes étrangères. Ce qui précède fait craindre que les intérêts de la RPC ne soient placés au-dessus des intérêts des utilisateurs de technologies des entreprises soumises à l'environnement juridique de la RPC. |
* 63 https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_23_1161
* 64 Ibid.
* 65 https://www.ejustice.just.fgov.be/doc/rech_f.htm
* 66 https://www.premier.be/fr/interdiction-temporaire-de-TikTok-sur-les-appareils-de-service-du-gouvernement-f%C3%A9d%C3%A9ral et https://news.belgium.be/fr/interdiction-temporaire-dutiliser-TikTok-pour-le-personnel-des-autorites-publiques
* 67 https://www.fmn.dk/da/nyheder/2023/forsvarsministeriet-forbyder-ansatte-at-bruge-TikTok-pa-tjenestelige-enheder/
* 68 https://www.cfcs.dk/da/nyheder/2023/cfcs-anbefaling-TikTok/
* 69 https://news.err.ee/1608903302/complete-TikTok-ban-in-estonia-difficult-without-amending-law
* 70 https://www.transformation.gouv.fr/files/presse/cp_interdiction_applications_recreatives_telephone_pro_agents.pdf
* 71 https://eng.lsm.lv/article/politics/politics/latvian-foreign-ministry-bans-TikTok-on-work-phones.a498883/
* 72 https://www.tweedekamer.nl/downloads/document?id=2023D11252
* 73 https://www.tweedekamer.nl/downloads/document?id=2023D11253
* 74 https://www.bbc.com/news/world-asia-61185931
* 75 https://www.protectivesecurity.gov.au/system/files/2023-04/direction-on-TikTok-application.pdf
* 76 https://www.canada.ca/en/treasury-board-secretariat/news/2023/02/statement-by-minister-fortier-announcing-a-ban-on-the-use-of-TikTok-on-government-mobile-devices.html
* 77 https://www.cbc.ca/news/canada/toronto/ontario-TikTok-ban-1.6773742
* 78 Ibid.
* 79 https://www.whitehouse.gov/wp-content/uploads/2023/02/M-23-13-No-TikTok-on-Government-Devices-Implementation-Guidance_final.pdf
* 80 https://www.npr.org/2022/11/17/1137155540/fbi-TikTok-national-security-concerns-china
* 81 https://crsreports.congress.gov/product/pdf/LSB/LSB10972
* 82 Ibid.
* 83 Ibid.
* 84 Ibid.
* 85 https://www.ft.com/content/0c4773e2-0a34-4fd4-846f-5c2c6f5de95a
* 86 Ibid.
* 87 https://www.nytimes.com/2020/06/29/world/asia/tik-tok-banned-india-china.html
* 88 https://www.parliament.nz/en/footer/about-us/parliamentary-service/parliamentary-service-media-releases/media-statement-TikTok-on-parliamentary-service-devices/
* 89 Ibid.
* 90 https://www.regjeringen.no/no/aktuelt/nsm-med-nye-retningslinjer-for-TikTok-og-telegram/id2967383/
* 91 https://www.nrk.no/nyheter/-stortinget-forbyr-TikTok-og-telegram-1.16349077
* 92 https://www.nytimes.com/2020/10/11/technology/TikTok-pakistan-ban.html et https://www.indiatoday.in/world/story/pakistan-telecom-authority-TikTok-ByteDance-ban-lifted-1878966-2021-11-20
* 93 https://www.gov.uk/government/news/TikTok-banned-on-uk-government-devices-as-part-of-wider-app-review
* 94 https://www.Taïwannews.com.tw/en/news/4741706
* 95 https://law.moda.gov.tw/LawContentHistory.aspx?hid=10
* 96 Cf. la circulaire en annexe du rapport.
* 97 Circulaire du 23 mars 2023 du Ministère de la Transformation et de la Fonction publiques.
* 98 https://www.nukib.cz/en/infoservis-en/news/1942-the-TikTok-app-poses-a-security-threat/
* 99 Ibid.
* 100 Ibid.