DEUXIÈME PARTIE
CONSOLIDER LES FONDATIONS DU RÉGIME
CATNAT : POUR UNE VÉRITABLE STRATÉGIE DE PRÉVENTION
SUR LE BÂTI EXISTANT
Jusqu'à récemment, la problématique du RGA a surtout été abordée au travers de la question de l'indemnisation, alors que la politique de prévention du risque est tout aussi fondamentale. Dans son rapport de 2021 relatif à la proposition de loi visant à réformer le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, le rapporteur avait déjà eu l'occasion de soulever cet enjeu déterminant.
À cet égard, la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Elan) a marqué une étape importante , en définissant un certain nombre de règles de prévention pour les constructions nouvelles . L'ordonnance n° 2022-1076 du 29 juillet 2022 prévoit plusieurs dispositions d'application, et il convient désormais de suivre leur mise en oeuvre.
Toutefois, l'édiction de normes à destination des constructions nouvelles ne suffit pas, car c'est en réalité au niveau du bâti existant que se situe l'essentiel des enjeux.
En effet, même si toutes les constructions nouvelles étaient parfaitement immunisées face au RGA, le stock de logements exposés au risque resterait suffisamment important pour mettre en péril de façon certaine l'équilibre du régime CatNat. En outre, l'objectif Zéro artificialisation nette (ZAN) réduit la possibilité d'ériger des constructions nouvelles. Enfin, au-delà du critère purement financier, les logements qui sont aujourd'hui exposés au risque RGA possèdent une valeur personnelle et sentimentale pour leurs occupants.
Or, il apparaît que les mesures portant sur le bâti existant exposé demeurent le véritable « angle mort » de la politique de prévention et d'indemnisation du risque RGA. Plusieurs techniques de prévention existent , dont les coûts varient fortement, mais beaucoup d'entre elles n'ont pas encore entièrement prouvé leur efficacité, faute d'avoir été déployées à une échelle suffisamment large , et d'avoir fait l'objet d'un véritable suivi sur une période longue.
Des expérimentations sont aujourd'hui menées par divers organismes publics, mais il n'y a pas de véritable stratégie globale de développement et de financement des techniques de prévention du RGA. Une telle ambition est indispensable pour assurer l'équilibre financier du régime CatNat, et pour protéger le patrimoine de nos territoires .
I. LES NORMES DE PRÉVENTION POUR LES CONSTRUCTIONS NOUVELLES ONT RÉCEMMENT FAIT L'OBJET DE MESURES D'APPLICATION ET DE CONTRÔLE, QUI DOIVENT ÊTRE SUIVIES
L'article 68 de la loi Elan a introduit une nouvelle sous-section dans le code de la construction et de l'habitation consacrée à la prévention du risque RGA. Désormais, en cas de vente d'un terrain non bâti constructible, le vendeur a l'obligation de fournir une étude géotechnique préalable, qui est annexée à la promesse de vente ou, à défaut, à l'acte authentique de vente.
L'étude doit ensuite être transmise aux personnes réputées constructeurs de l'ouvrage. Le contrat ayant pour objet les travaux de construction doit prévoir que les constructeurs s'engagent à réaliser des travaux qui « intègrent les mesures rendues nécessaires par le risque de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols . » 14 ( * ) Les mesures en question portent sur les fondations, ainsi que sur l'environnement immédiat de l'habitation.
L'ordonnance n° 2022-1076 du 29 juillet 2022 , visant à renforcer le contrôle des règles de construction, a ensuite précisé la mise en oeuvre des dispositions de la loi Elan. L'ordonnance prévoit l'obligation pour le maître d'ouvrage de délivrer à l'autorité qui a donné l'autorisation de construire un document attestant du respect « des règles de prévention des risques liés aux terrains argileux » (article 3 de l'ordonnance - article L. 122-11 du code de la construction et de l'habitation). L'ordonnance prévoit également la création pour 2024 d'une police administrative chargée de contrôler l'ensemble des règles de construction.
D'après les informations qui ont été transmises au rapporteur spécial, le nouveau projet d'ordonnance pris en application de la loi « 3DS » ne prévoit pas de mesures relatives à la prévention.
L'ensemble des dispositions précédentes représentent une avancée significative dans la prévention du risque retrait-gonflement des argiles, et les mesures d'application et de contrôle prévues par l'ordonnance du 29 juillet 2022 étaient nécessaires . Il convient donc désormais de s'assurer qu'elles soient effectivement mises en oeuvre.
Il faut toutefois relever que les résultats de ces dispositions n'auront un impact véritable sur la soutenabilité du régime CatNat que dans de nombreuses années . Ces dispositions sont tournées vers l'avenir, alors que les enjeux de la prévention du RGA se trouvent surtout dans le « passé » : il s'agit du bâti existant . Il est donc indispensable de mettre en place une véritable stratégie de prévention à destination des logements qui sont aujourd'hui exposés au risque RGA.
* 14 Article 68 loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, codifié à l'article L. 112-22 du code de la construction et de l'habitation.