II. IL EST NÉCESSAIRE DE METTRE EN PLACE UNE VÉRITABLE POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT DES TECHNIQUES DE PRÉVENTION DU RGA SUR LE BÂTI EXISTANT
A. LES MESURES DE PRÉVENTION DITES « HORIZONTALES » ONT UN COÛT INFÉRIEUR AUX MESURES QUI PORTENT SUR LES FONDATIONS, MAIS LEUR EFFICACITÉ DOIT ÊTRE DAVANTAGE ÉVALUÉE
1. Les mesures de prévention sur le bâti existant se distinguent entre mesures « verticales » portant sur les fondations, et mesures « horizontales », portant sur l'environnement du bâti
Les techniques de prévention sur le bâti existant sont distinguées entre les mesures dites « verticales » et les mesures dites « horizontales ».
Les mesures verticales désignent les opérations qui agissent directement sur la structure du bâtiment. Elles peuvent par exemple consister en une rigidification de la structure par l'injection de résine, ou en l'installation de micropieux au niveau des fondations. Ces mesures ont une efficacité prouvée , et elles sont également utilisées pour redresser des bâtiments fragilisés par le RGA.
Les mesures horizontales répondent à une logique différente : elles consistent à agir sur l'environnement du bâtiment, afin de limiter en amont du sinistre la variation de la teneur en eau du sol. Elles peuvent notamment désigner des techniques d'imperméabilisation de la surface du sol aux abords direct de la surface du bâti, afin de limiter l'évaporation sur la surface.
D'autres solutions consistent à agir sur la végétation, avec par exemple l'installation d'écrans anti-racinaires. En effet, les racines soutirent l'eau du sol, et peuvent donc aggraver le retrait des argiles en période de sécheresses. En période sèche, elles peuvent ainsi descendre à une profondeur de 4 à 5 mètres. Enfin, des techniques de gestion de la teneur en eau du sol sont utilisées, comme le drainage des eaux superficielles.
Des mesures plus expérimentales sont également à l'étude. Le procédé « MACH » (maison confortée par humidification), lancé par le Céréma, consiste par exemple à réhumidifier les sols argileux en prélevant les eaux de pluie en période humide, afin de limiter le phénomène de retrait du sol en période de sécheresse.
Une technique de prévention
expérimentale :
la maison confortée par humidification
La maison confortée par humidification (MACH) récupère l'eau de pluie ruisselant sur la toiture pour la réinjecter en période de sécheresse et ainsi réhydrater de manière progressive le sol. Toutefois, l'eau disponible à la récupération va dépendre de la surface de la toiture, de la climatologie et des variations annuelles, ainsi que du périmètre de la maison, ceci demandant un espace de stockage suffisant et de bonnes conditions de récupération.
Cette solution interroge particulièrement quant à la bonne gestion de la ressource en eau si elle était mise en place à grande échelle (de surcroit en cette année 2022 qui connait une sécheresse très importante). Ce procédé expérimental a été mis en place lors d'un essai sur une habitation individuelle pour un coût total de 15 000 euros hors taxes.
Source : réponses de la direction générale de la prévention des risques au questionnaire du rapporteur spécial
2. Le coût des mesures horizontales est avantageux par rapport aux mesures verticales, mais leur efficacité doit encore être confirmée
Les coûts de ces deux ensembles de techniques diffèrent sensiblement. La Cour des comptes, qui s'appuie sur des données transmises par le ministère de la transition écologique, évalue que le coût des mesures verticales se chiffre à plusieurs dizaines de milliers d'euros : « la reprise des fondations d'une maison sur sols RGA peut aller de 21 000 € (technique par injection) jusqu'à 76 000 € (techniques des longrines et micropieux) » 15 ( * ) .
Le coût des mesures verticales, lorsqu'elles sont utilisées en prévention est en fait sensiblement similaire à leur coût lorsqu'elles sont utilisées pour réparer des bâtiments endommagés, ce qui limite leur intérêt pour améliorer l'équilibre financier du régime CatNat. Ces mesures ne sont véritablement intéressantes en prévention que dans la mesure où le logement présente un risque important d'être rendu inhabitable à court et moyen terme.
En revanche, les mesures qui portent sur l'environnement du bâti présentent un coût nettement moins élevé que les mesures curatives. La CCR estime que le coût des mesures horizontales varie de 5 000 euros à 35 000 euros , selon le nombre de mesures réalisées, avec une moyenne se situant aux alentours de 10 000 euros. Pour déterminer ces chiffres, la CCR s'est appuyée sur une étude de 200 cas réels de maisons sinistrées par la sécheresse et traitées avec des solutions horizontales au cours des deux précédentes décennies. Les mesures horizontales ont également l'avantage d'être moins invasives que les reprises de fondation.
Cependant, l'efficacité des mesures horizontales est moins bien établie que celles des mesures portant sur la structure du logement . La direction générale de la prévention des risques (DGPR) a ainsi souligné que : « l'efficacité de ces solutions dites « horizontales » [...] reste à confirmer pour passer à une approche opérationnelle . » 16 ( * ) Outre la question de leur efficacité intrinsèque, les techniques qui portent sur la périphérie du logement ont également des effets sur la biodiversité du sol, qu'il reste à évaluer. Inversement, certaines techniques de réhydratation des sols en période de sécheresse peuvent avoir un effet bénéfique sur la biodiversité, ce qui déplace la problématique vers celle de la disponibilité de l'eau.
La vérification de l'efficacité des techniques portant sur l'environnement du bâti est également indispensable pour des questions d'assurabilité . À l'heure actuelle, les sociétés d'assurance ne couvrent pas l'essentiel des techniques horizontales, ou alors à des coûts prohibitifs, car l'efficacité de celles-ci n'est pas encore entièrement confirmée. L'efficacité des mesures ne doit pas être démontrée en théorie, ou sur un nombre limité de logements, mais elle doit également être constatée sur des durées longues. En conséquence, les expérimentations sur les techniques horizontales représentent un enjeu majeur pour la prévention du RGA.
3. Des expérimentations doivent être menées à plus large échelle
La Caisse centrale de réassurance a ainsi lancé au début de l'année 2022 une étude afin de comparer l'efficacité de différentes techniques de prévention agissant sur l'environnement, dont les écrans anti-racinaires et l'imperméabilisation des réseaux et du sol en périphérie, au regard des mesures dites verticales. Selon les informations transmises par la DGPR, des modélisations numériques de l'efficacité de ces différentes techniques ont déjà été réalisées, et les premiers résultats sont « très prometteurs ».
Au regard des bénéfices potentiels de ces mesures, il est indispensable de poursuivre et de renforcer ces expérimentations . L'échelle des expérimentations doit également être élargie , ce qui est une condition indispensable pour disposer d'éléments de comparaison solides, et l'information et la communication sur ces expérimentations doivent être renforcées , afin que le panel de communes candidates soit suffisamment représentatif des différentes formes sous lesquelles se présente le risque RGA.
Il sera nécessaire aussi de délimiter dans le temps ces expérimentations, et de prévoir en amont un scénario de généralisation et de financement des techniques de prévention dont l'efficacité aurait été confirmée.
Recommandation n° 3 : poursuivre et renforcer les expérimentations de mesures de prévention du risque RGA portant sur l'environnement du bâti.
* 15 Cour des comptes, Rapport « Sols argileux et catastrophes naturelles », février 2022, page 66.
* 16 Réponses de la DGPR au questionnaire du rapporteur spécial.