I. III. PROPOSITIONS

La conviction de vos rapporteurs, c'est que l'ANCT ne pourra réussir qu'au niveau local, dans la proximité avec les élus. L'agence parisienne, tête de réseau, ne sera en capacité de donner sa pleine mesure qu'en étant en appui d'un réseau local efficace et reconnu, ce qui n'est pas encore le cas. Notre première série de recommandations vise ainsi à rapprocher l'agence des élus locaux.

Il est aussi temps que l'agence opère un rééquilibrage entre ses missions. Vos rapporteurs considèrent que les programmes nationaux sont bien installés et que les efforts de l'agence doivent maintenant porter sur la principale attente des collectivités relative à l'ingénierie. Voilà pourquoi notre deuxième série de recommandations porte sur l'accès des collectivités à cette ingénierie.

Enfin notre troisième série de recommandations vise à consolider et simplifier l'existant.

La philosophie sous-jacente à ces trois séries de recommandations est que l'État fasse plus confiance aux acteurs locaux : aux élus, aux collectivités et même à ses propres services déconcentrés. L'ANCT doit venir appuyer l'existant plutôt qu'empiler programmes, contrats et dispositifs sur une impulsion nationale.

Contribution écrite et verbatim

« Il faut une confiance dans les capacités des territoires et des élus locaux à concevoir, dans le respect des objectifs nationaux, des solutions et des démarches communes plutôt que le parachutage et la gestion rigide de dispositifs `prêts à porter'. » Ville et banlieue

« Les bons projets, ce sont les élus qui les mènent en ratissant le terrain et ils ne sortent pas des contrats. » Un maire

« Laissons aux territoires la capacité d'imaginer les solutions. On sait faire, on connait nos forces et faiblesses ». Un maire

1. Rapprocher l'agence des élus locaux
a) Organiser des temps d'échange avec les élus locaux pour nourrir le débat national et aboutir à une feuille de route 2023-2026
(1) Des temps d'échanges avec les élus locaux

La conviction de vos rapporteurs est que des temps d'échange entre l'ANCT et les élus locaux pourraient être bénéfiques à l'agence. Ces échanges pourraient prendre la forme de réunions déconcentrées hors préfecture. L'enjeu serait d'évoquer, avec les élus locaux, le bilan et les perspectives de l'agence.

Ces réunions auraient le mérite de projeter l'agence sur le terrain, de la faire connaitre, de la confronter aux perceptions locales et sans doute de renforcer la cohésion entre niveau local et national de l'ANCT. Elles permettraient aussi de recueillir la perception des élus locaux sur leurs besoins et attentes, ainsi que des suggestions pertinentes pour l'avenir.

Le discours critique des élus et des associations d'élus doivent nourrir le débat qui doit aboutir à des choix.

Verbatim de maires

« Cette agence, les élus ne s'y sont pas intéressés car ils ont reçus du papier. Il fallait leur expliquer, aller vers eux. »

« Il y a un besoin d'accompagnement des territoires : il faut des gens en face des flyers ! »

« Une agence, c'est ésotérique, elle doit être incarnée par des hommes et des femmes. »

(2) Un débat au sein du Conseil d'Administration de l'agence

Les élus apprécient l'innovation au niveau de la gouvernance de l'agence avec la présence d'associations d'élus des territoires au sein de son conseil d'administration (CA) et sa présidence confiée à un élu local.

Le CA a été salué pour la qualité de ses membres par tous les interlocuteurs ayant eu à interagir avec lui.

Il y a aussi un sujet d'ouverture de ce CA à certains acteurs de l'ingénierie locale qui gagneraient à y porter une voix consultative comme la Fédération nationale des agences d'urbanisme (FNAU), l'Association nationale des Directrices et Directeurs des Agences Techniques Départementales (AnDAtd), ou d'autres acteurs de ce type à identifier.

Pour autant, il ressort clairement des auditions que ce CA, y compris pour ses acteurs, n'est pas suffisamment l'instance de débats et de réflexions entre État et Territoires qu'il devrait être.

Recommandation n° 1 : Organiser des temps d'échange déconcentré avec les élus locaux relatifs au premier bilan et aux perspectives de l'agence, afin de nourrir le débat national État/Territoires et permettre à son conseil d'administration d'élaborer une feuille de route stratégique 2023-2026 de l'ANCT.

Ces temps d'échange pourraient être organisés par région et de préférence hors des préfectures pour éviter que ce soit des temps d'information descendante. Ils pourraient être organisés dans une collectivité lauréate d'un programme, bénéficiaire d'un dispositif, en invitant les élus des autres collectivités. Il faut une pédagogie qui se base sur le retour d'expérience et la preuve par l'exemple. L'initiative de l'ANCTour, organisé en janvier à Paris, ne semble pas répondre à ce besoin.

La nouvelle feuille de route doit s'écarter du document précédent, qui était centré sur les modalités d'action de l'agence, pour fixer des objectifs à atteindre et retenir des priorités lisibles. L'agence doit prendre le temps de construire ce document en lien avec les contributions des délégués territoriaux adjoints, des élus locaux et de ses différents partenaires pour la présenter avant l'été 2023. Cette recommandation devra s'articuler avec la recommandation 10.

b) Accentuer la mobilisation du corps préfectoral

La priorité semble d'assurer la déclinaison territoriale de l'action de l'ANCT. Cela passe par un délégué territorial mieux identifiable et une action réellement proactive en direction de l'ensemble des élus et acteurs des territoires.

Certains préfets s'en sont remarquablement saisis et ont fait exister l'ANCT au niveau local avec des résultats encourageants. Mais ce n'est pas une généralité tant l'investissement des préfets apparait, à tous les observateurs, inégal d'un département à l'autre.

Plusieurs pistes peuvent être avancées :

- Positionner le sous-préfet d'arrondissement comme point d'entrée principal dans l'accompagnement des projets des élus et les questions d'ingénierie, de par le lien direct et privilégié qu'ils entretiennent avec eux. Cela induit qu'ils orientent et relaient les offres de l'ANCT ou de ses partenaires. Cela implique qu'ils soient en lien étroit avec les DDT. Ils doivent être l'interlocuteur de premier niveau sur l'ingénierie.

- Adresser aux préfets une instruction, réalisée par le ministère de la Cohésion des Territoires et le ministère de l'Intérieur, relative aux attendus en termes de fonctionnement de l'agence au niveau territorial.

- Intégrer plus systématiquement, dans les feuilles de route interministérielles des préfets, des objectifs liés à l'action de l'ANCT au-delà de seuls éléments quantitatifs liés aux programmes de l'ANCT (nombre de créations d'espaces France Services par exemple). Les enjeux de contribuer à la structuration de l'écosystème local d'ingénierie pourraient être rappelés dans les départements concernés. Pour rappel, l'atteinte de ces objectifs sert à déterminer 50 % de la part variable de la rémunération annuelle des préfets.

- Poursuivre le travail de conviction en le faisant aussi reposer sur l'émulation collective. L'ANCT pourrait animer des temps d'échange, au moins annuel, entre préfets : retour d'expérience, échange de bonnes pratiques, mobilisation de l'intelligence collective pour dégager des pistes de progression. Cette animation pourrait être plus régulière pour les sous-préfets « ingénierie » et des sous-préfets d'arrondissement.

- Améliorer la formation des préfets et, particulièrement, des sous-préfets. L'IGA dans son rapport28(*) insistait plus largement sur les carences des décideurs locaux, de l'État territorial comme des élus locaux et des administrateurs territoriaux, en matière de formation aux questions d'aménagement, de développement et de cohésion du territoire, alors que ce sont des enjeux majeurs dans les territoires urbains et ruraux et qu'ils sont très évolutifs. Des initiatives existent et vont dans le bon sens29(*). Elles doivent être amplifiées et surtout dirigées vers l'intégralité du corps préfectoral, à commencer par les préfets. L'intégration de ces sujets dans les formations initiales des grandes écoles de la fonction publique (INSP, INET...) doit progresser.

- Travailler à la mobilité entre les fonctions publiques, notamment en poursuivant les mobilités entre fonction publique d'État et territoriale, et l'ouverture des postes de sous-préfets à des profils de développeur.

- Intégrer dans l'évaluation des préfets et des sous-préfets des objectifs plus précis autour de leurs rôles relatifs aux missions de l'agence. La direction de la modernisation et de l'administration territoriale (DMAT) souligne que la procédure d'évaluation des préfets est une des plus aboutie parmi les procédures d'évaluation de l'encadrement supérieur de l'État30(*). Il semble utile à vos rapporteurs qu'il faille accentuer fortement les éléments relatifs aux missions ANCT, au moins le temps de la montée en puissance de l'agence.

- Être également attentif à l'appropriation des dispositifs par les services déconcentrés. Trop souvent, ces derniers découvrent les dispositifs alors qu'ils sont lancés, sont informés après les collectivités, se retrouvent face à celles-ci sans réponse ou sans élément de langage. Une préfecture suggère que soient créés, auprès de l'ANCT, des groupes « tests » ou « miroirs », issus des administrations déconcentrées de l'État et ayant des compétences confirmées en matière juridique, financière et de perception des politiques publiques auprès des élus, afin d'affiner l'élaboration des dispositifs, voire des programmes, menés à l'avenir par l'Agence.

- Favoriser le lien entre les niveaux centraux et locaux. Une préfecture suggère par exemple « d'établir une » rencontre annuelle ou bisannuelle entre l'ANCT et les délégués territoriaux, pour resserrer les liens entre les niveaux central et local et échanger sur l'actualité des politiques portées par l'Agence, dans un sens ascendant et descendant. »

Recommandation n° 2 : Positionner par défaut le sous-préfet d'arrondissement comme interlocuteur de premier niveau sur les questions d'ingénierie : orientation, relai des offres, suivi des projets ;

Mieux intégrer la mission de délégué territorial de l'agence dans la formation, l'animation et l'évaluation des préfets et sous-préfets et dynamiser cette mission par des instructions régulières.

c) Doubler le nombre de chargés de mission territoriaux de l'ANCT qui sont en lien avec les préfets et sous-préfets

De nombreuses missions sont concentrées sur les préfets de département. Leur rôle de délégué territorial de l'agence est loin d'être la plus prioritaire. Vos rapporteurs proposent que les chargés de mission territoriaux (chargés de mission de l'Agence qui sont en interface avec les territoires) puissent venir appuyer localement les préfets.

Un schéma à étudier pourrait être le suivant :

- Doubler le nombre de chargés de mission territoriaux (8 actuellement) pour qu'il y en ait au moins un par région.

- Conserver leur rattachement et supervision au niveau national, mais les organiser par pools territoriaux de niveau supra-régional pour éviter leur isolement.

- Opérer ce renforcement au bénéfice des territoires le nécessitant le plus.

- Renforcer la dimension de projection sur le terrain dans leur fiche de poste, au plus près des préfets et sous-préfets. Ils pourraient être présents sur des évènements, sur des projets structurants.

- Orienter leur mission à une assistance du préfet et sous-préfets, un peu à l'image du réseau des chefs de projet ANRU. Ils doivent intervenir pour accompagner les dynamiques locales, rassurer, apporter leur expertise et leur connaissance des dispositifs de l'agence. Ils doivent avoir une bonne connaissance des offres d'ingénierie mobilisables. Ils pourraient aussi accompagner la réalisation des inventaires de l'ingénierie, l'animation des CLCT, la coordination des acteurs, ... quand ce n'est pas encore fait au niveau local. Ils seraient chargés d'assurer la coordination des actions des services, de s'intégrer aux démarches partenariales et d'assurer un rôle de pivot entre les acteurs.

Ce système pourrait aussi avoir l'intérêt de faciliter une vision régionale et donc le dialogue avec les Régions, notamment pour mieux mobiliser les DREAL sur certains enjeux.

En complément, le fait de nommer -comme délégué territorial adjoint- un agent de la direction départementale des territoires (et de la mer) semble une bonne pratique. Les acteurs soulignent que, lorsque c'est le cas, la transversalité entre les services déconcentrés de l'État est améliorée, les échanges plus fluides et le fonctionnement en mode projet mieux établi.

Recommandation n° 3 : Doubler le nombre de chargés de mission territoriaux afin d'appuyer les préfets et sous-préfets.

La mesure se chiffre à environ 670 000 euros/an.

d) Établir un lien avec les Régions

Recommandation n° 4 : Engager un dialogue avec les Conseils régionaux et les préfectures de régions pour intégrer le niveau régional dans le fonctionnement de l'agence d'ici à mi-2023.

e) Refondre la communication

Les précédentes recommandations visent déjà à améliorer la visibilité et l'incarnation de l'agence, notamment au niveau local. Mais cela doit sans doute s'accompagner d'une communication plus ciblée, moins foisonnante, moins dispersée et moins silotée par programme.

Comme le résume une préfecture « la lisibilité des dispositifs de l'ANCT est fondamentale pour permettre l'acculturation, d'abord par les agents de l'État, puis par les collectivités locales, du champ des possibles. Il importe vraiment d'avoir un bouquet de dispositifs simples, peu nombreux et stables, pour que les acteurs locaux puissent se les approprier ».

Il apparait à vos rapporteurs que l'ANCT gagnerait à :

- Réaliser un guide pratique pour les élus locaux. Ce guide pratique aurait vocation à actualiser et remplacer la version du vade-mecum élaborée au démarrage de l'agence. La grande majorité des élus a besoin d'appréhender, de façon pédagogique, la logique de l'agence vue comme un tout cohérent, des offres qu'elle propose et des moyens d'y accéder.

- Veiller à une communication plus fluide et plus lisible auprès des services déconcentrés de l'État qui ont du mal à suivre la communication de l'agence et du mal à s'approprier ses dispositifs. La diffusion d'information devrait viser les services de l'État avant même les élus pour leur permettre de se l'approprier et de la relayer. À titre d'exemple, l'enquête réalisée auprès des préfectures faisait ressortir plusieurs demandes de « catalogue unique des prestations offertes par l'ANCT classées par thèmes ».

- Réduire le nombre de supports nationaux et fournir plutôt des éléments pour nourrir une communication déconcentrée, réalisée par les services de l'État. Ces supports réguliers peuvent être des lettres d'informations adressés aux maires et exécutifs des territoires. Une newsletter régulière, facilement réutilisable, pour les DTA serait pertinente.

- Faire connaitre l'offre d'assistance à maitrise d'ouvrage publique en matière de revitalisation commerciale, y compris aux délégués territoriaux, car elle reste trop confidentielle même si les besoins en la matière sont nombreux.

- Valoriser ses offres dans le domaine des données, des études, des éléments documentaires qu'elle peut apporter aux territoires.

- Adjoindre à cette communication écrite des temps de rencontres physiques. Une réunion ouverte à tous les exécutifs des collectivités organisées par chaque sous-préfet d'arrondissement, une fois par an, de présentation des possibilités offertes par l'ANCT -localement et nationalement- serait utile. Elle pourrait aussi intégrer la présence physique de l'agence, à chaque fois que cela est possible, à des évènements départementaux ou régionaux où les élus locaux sont présents.

- L'agence devrait utiliser davantage le retour d'expérience d'élus ayant bénéficié de ses offres. Leur témoignage est plus à même d'impacter leurs pairs. Les maires et les élus bénéficiaires des dispositifs de l'ANCT doivent être des ambassadeurs de ces dispositifs.

- Activer, lorsque c'est pertinent, le relai des associations d'élus qui sont prêtes à jouer ce rôle et ont un meilleur impact sur les élus de terrain. Comme l'écrit Ville de France, «les meilleurs ambassadeurs de l'ANCT, en dehors des préfets, restent les différentes associations d'élus membres du Conseil d'administration de l'agence, qui relaient assez largement dans leurs réseaux d'adhérents respectifs les appels à projets et initiatives de l'ANCT. » De nombreuses associations d'élus pourraient jouer ce rôle et, notamment, l'AMF avec son réseau d'associations départementales, qui confirme qu'elle « peut-être un point d'ancrage de l'ANCT ».

Recommandation n°5 : Privilégier une communication plus simple, plus sobre et déconcentrée qui repose aussi sur le retour d'expérience des élus locaux et de leurs associations.

Elle pourrait notamment prendre la forme d'un guide pratique pour les élus locaux.

2. Viser prioritairement le développement de l'ingénierie des territoires

Face aux enjeux de complexification de l'action publique, de densification de l'environnement réglementaire et technique, de transition environnementale et de resserrement des marges de manoeuvre financières, l'accès à l'ingénierie doit devenir une grande cause nationale.

Vos rapporteurs veulent rappeler qu'il est stratégique, pour la cohésion du pays et la réussite des grandes transitions, que les territoires soient dotés d'un socle minimal d'ingénierie nécessaire à l'exercice de leurs compétences, au montage de leurs projets, à la recherche de financements et leur permettant d'accéder à une ingénierie de second niveau.

À ce titre, l'audition de l'ANPP a permis de revenir sur une proposition faite par l'Association sous forme de pétition qui a recueilli un fort succès auprès des élus locaux, avec 11 500 signatures à ce jour31(*). La principale proposition de cette pétition consiste à demander que seulement 1 % des volumes financiers dédiés aux politiques d'investissement soit consacré au financement de l'ingénierie territoriale.

Vos rapporteurs veulent saluer et relayer cette proposition et demandent que sa faisabilité soit sérieusement étudiée. Il pourrait s'agir d'une cotisation sur l'investissement des collectivités, qui serait sans doute très inférieure à 1 % dans la réalité, qui permettrait de financer un fonds mutualisé ou renforcer les structures d'ingénierie locale au service des collectivités.

Recommandation n°6 : Missionner l'ANCT/DGCL pour étudier les scénarii de mise en place d'un système « 1 % ou plutôt 0,1 % ingénierie » sous forme d'un fonds national, financé par les crédits d'investissement destiné à financer l'ingénierie mutualisée.

L'ANCT doit jouer un rôle à chaque étape de la structuration de l'ingénierie lorsque c'est nécessaire et doit solidifier les écosystèmes par des moyens complémentaires.

a) En réalisant le recensement de l'ingénierie locale

L'ingénierie locale existe et s'est développée depuis le retrait de l'État32(*) essentiellement au niveau régional, départemental et intercommunal.

L'ingénierie est portée par une pluralité d'acteurs locaux : nous venons d'évoquer le rôle des départements et de leurs agences techniques, il existe aussi les intercommunalités qui constituent une échelle de mutualisation des services assez évidente, les régions qui peuvent jouer sur un effet d'échelle, les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE), les agences d'urbanisme et les centres de gestion, les structure plus spécialisées (SEM, EPF...) et évidement tous les acteurs de l'ingénierie privée (selon la fédération professionnelle Syntec-Ingénierie, l'ingénierie privée concentre 70 000 établissements, qui comptent près de 312 000 collaborateurs). Chaque département présente une configuration différente.

Recenser est une tâche qui demande un peu de temps et de travail collaboratif. Parfois, le travail a été réalisé par la région, le département, certains services déconcentrés de l'État ou encore par ces acteurs en lien les uns avec les autres.

L'ANCT avait bien pour mission de contribuer à ces recensements, comme le rappelle son vade-mecum. Elle s'appuie notamment, à ce titre, sur la plateforme « Aides-Territoires » 33(*).

Des services déconcentrés sont allés plus loin en réalisant des inventaires locaux. Certains34(*) sont clairs, pédagogiques, distinguant à la fois les grands types d'ingénierie, présentant les acteurs et les offres.

Ces recensements locaux semblent indispensables. Ils permettent :

- de se connaitre et de commencer à se mettre en réseau.

- de repérer les manques, les doublons, les complémentarités.

- de mettre en perspective ses savoir-faire et de réfléchir à la mise en valeur de cette diversité.

- d'appréhender la suite, pour une collectivité bénéficiant d'un soutien de l'ANCT sur la phase amont de son projet : avec quel opérateur et via quel levier d'accompagnement sera-t-il le plus pertinent de prendre le relai afin d'assurer la réalisation du projet ?

Les acteurs locaux confirment l'utilité d'une telle démarche. Ces catalogues ont fait l'objet d'un envoi à tous les maires. Ils sont utilisés par certains élus et par les administrations (DGS et chefs de projet, par exemple). Ils constituent un outil de référence aussi pour les praticiens de l'ingénierie.

Cette tâche est notamment attendue dans les territoires ultramarins. De façon à mieux identifier le « qui fait quoi », les conditions d'intervention respectives de ces différentes aides, leurs articulations et complémentarités, l'ANCT, dans le cadre de son partenariat avec la DGOM, nous a signalé conduire actuellement un travail de recensement des offres d'ingénierie publiques et parapubliques mobilisables du côté des ministères et opérateurs nationaux pour les outre-mer. L'objectif est de disposer d'une cartographie comparée de l'offre des nombreux acteurs : ANCT, Banque des Territoires, AFD, ADEME, CEREMA, ANAH, ANRU, DGOM, Atout France, OFB...

Le problème vient du fait qu'ils sont trop rares. La plupart des départements n'a pas engagé cette démarche. Les retours obtenus au questionnaire du Sénat diffusé aux préfectures permettent de documenter ce point.


RÉALISATION D'UN INVENTAIRE DE L'INGÉNIERIE LOCALE

Existence d'un inventaire de l'ingénierie locale

Nombre

Pourcentage

Absence d'inventaire

32

51%

Actions éparses (réunion de coordination, échanges informels...) mais pas d'inventaire

18

29%

Inventaire déjà réalisé par les services de la préfecture ou existant

11

+2 en cours

21%

Source : Questionnaire du Sénat auprès des préfectures

Le travail doit donc être poursuivi.

Recommandation n°7 : Terminer les recensements départementaux de l'ingénierie, en partenariat avec les acteurs locaux, en particulier les conseils départementaux et régionaux, pour l'été 2023.

b) En mettant en place un système de recueil des demandes

La situation est très différente d'un département à l'autre. Un point essentiel semble être la capacité de recueil des demandes des élus.

C'est ce qui explique que vos rapporteurs formulent la recommandation n° 2 relative au rôle de premier contact que devrait jouer le sous-préfet d'arrondissement. Il doit être l'interlocuteur de premier niveau des élus sur toutes les questions de ces derniers relatives à l'ingénierie.

À l'image de certains départements qui se sont organisés, des bonnes pratiques peuvent être promues, comme par exemple la mise en place d'un guichet unique, d'une plateforme type « démarche simplifiée » de recueil, traitement et suivi des besoins des collectivités, la mise en place d'une adresse mail générique destinée à recevoir questionnements et demandes relatives à l'ingénierie.

c) En organisant le dialogue entre acteurs locaux

Certains départements ont des pratiques établies de dialogue entre acteurs. « Ils ont monté des comités très opérationnels qui permettent de répartir les projets des collectivités entre différents acteurs locaux de l'ingénierie pour des appuis sans concurrence » affirme le Cerema.

A défaut de pratiques établies et à certaines conditions, le préfet peut contribuer à impulser une dynamique d'animation et de structuration de l'ingénierie locale. L'objectif est de renforcer le lien entre les acteurs, la coordination des interventions et la diffusion des réussites. Le CLCT peut offrir le cadre et quelques bonnes pratiques permettraient d'améliorer leur fonctionnement :

- Une coprésidence avec le département (en cohérence avec la recommandation précédente) et une meilleure association à rechercher avec les associations d'élus locaux : association départementale des Maires de France, Association départementale des Maires Ruraux notamment.

- Un dédoublement du CLCT avec une formation en mode plus stratégique et une formation de revue de projets. Les formations « stratégiques » pourraient adopter des approches par thématique peut-être plus concrètes pour les élus. Les formations « revue de projets » auraient pour objet de flécher très concrètement les ressources, pour les collectivités, avec les représentants de l'ingénierie locale. Il s'agirait bien de dispatcher les opérations en fonction de leur complexité, et de s'organiser en mode projet, en désignant un responsable par projet - qui n'est pas nécessairement un agent de l'État ou de ses opérateurs - avec des objectifs clairs et des comptes rendus réguliers.

- Une fréquence de réunions régulières pour les instances techniques qui deviendraient alors des lieux de débat et de travail.

- Une véritable animation pour renforcer le partage d'expérience, la mise en réseau, la réflexion prospective. L'animation locale doit trouver son point d'équilibre entre collectivités, acteurs de l'ingénierie et État. Les référents territoriaux, une fois leur nombre augmenté, pourraient être plus impliqués dans le fonctionnement de ces CLCT.

- Ces échanges doivent permettre, comme cela était prévu, de réaliser des feuilles de route.

Au niveau national, l'ANCT a organisé deux éditions du club de l'ingénierie. Cet évènement a pour mission de faciliter l'accès des porteurs de projets à l'ingénierie juridique, financière et technique, publique ou privée. Il se compose des têtes de réseau de l'ingénierie publique et privée et des opérateurs partenaires de l'ANCT. C'est un lieu d'échanges, d'information, de partage des capacités d'action, mais aussi des difficultés rencontrées par les acteurs de l'ingénierie dans les territoires d'intervention de l'Agence. Ce dialogue doit contribuer à structurer l'offre d'ingénierie existante, afin de la rendre plus visible et plus accessible pour les acteurs locaux. Les retours entendus lors des auditions sont mitigés sur cet évènement. Cette initiative semble plutôt éloignée du véritable enjeu qui consiste à susciter ce dialogue au niveau local.

Recommandation n°8 : Sur les territoires où la dynamique d'animation et de structuration de l'ingénierie locale a fait défaut, encourager le préfet à l'impulser, notamment via les Comités Locaux de Cohésion des Territoires (CLCT) et leur déclinaison dans une instance technique (revue de projets) régulière.

Ce dialogue entre élus/acteurs de l'ingénierie et l'État doit permettre la rencontre entre demandes des élus et offres de l'ingénierie locale et échanges sur la structuration de cette dernière.

d) En solidifiant le maillage existant et en veillant à son extension aux territoires désarmés

À l'image de la maxime de Confucius qui écrivait « Quand un homme à faim, mieux vaut lui apprendre à pêcher que de lui donner un poisson », citée lors d'une audition, il faut armer durablement les territoires en ingénierie au-delà des réponses au coup par coup. Si le recours à des bureaux d'étude privés sur des besoins ponctuels et spécifiques peut se justifier, le principal besoin est que les collectivités se dotent ou aient accès à une ingéniée pérenne.

Il convient, d'une part, de solidifier l'existant en priorisant le soutien à l'ingénierie locale publique mutualisée et pérenne : agences d'urbanisme, parcs naturels régionaux, Agences de Développement, Agences Techniques Départementales... Il est nécessaire, d'autre part, de soutenir l'élargissement du maillage de ces outils locaux, notamment dans les zones blanches où dans les territoires désarmés.

L'ANCT dispose des supports pour le faire puisqu'elle a signé sept conventions avec des opérateurs spécialisés35(*) pour une durée de 3 ans. Ces conventions prévoient la participation de ces opérateurs aux CLCT et permettent théoriquement de les mobiliser pour les actions de l'Agence. À titre d'exemple, la FNAU a contribué à des actions de cartographie et de communication sur l'ingénierie territoriale partenariale en appui des programmes ACV et PVD, à une réflexion sur les politiques locales du commerce et de l'aménagement commercial, à la production d'analyses et de méthodologie pour développer des observatoires locaux du commerce etc. Autre exemple avec les échanges avec la FEDEPL, qui ont préfiguré le dispositif 100 foncières et le fonds de restructuration des locaux d'activité dont l'ANCT est l'autorité de gestion dans le cadre du Plan France Relance.

Verbatim et contributions écrites

« L'ANCT devrait autant que possible renforcer ce qui existe et ne pas créer des nouvelles portes d'entrée. » Une Agence départementale d'urbanisme

« Consolider l'existant coûterait moins cher. » Un maire

« L'ANCT doit encore travailler à structurer l'offre en la matière. » AMF

(1) Soutenir financièrement l'écosystème local

Bien que minoritaires, il est possible de citer plusieurs actions de l'ANCT qui conduisent à financer et soutenir les acteurs locaux. Vos rapporteurs estiment que ce sont ces démarches qui sont à prioriser. Plusieurs pistes, déjà en cours ou à développer, peuvent être évoquées :

- Parmi les interventions de l'ingénierie sur mesure, l'ANCT peut adresser son soutien à des structures locales. À titre d'exemple, la convention entre la commune de Luri et l'ANCT a pour objet une subvention à l'Agence d'Urbanisme et d'Énergie de Corse pour une étude relative à l'aménagement et la mise en valeur d'une partie de son territoire. L'intégralité du montant de l'étude est pris en charge par l'ANCT et l'étude réalisée par cet acteur local.

- La préfecture peut aussi contractualiser avec des acteurs locaux de l'ingénierie. À titre d'exemple, le CAUE du Loir-et-Cher, sur la base de son action volontariste, est venu en appui du programme PVD. La préfecture a ensuite signé une convention cadre d'une durée de deux ans avec cet acteur. Le CAUE s'engage à mobiliser sa capacité d'expertise et d'animation, à favoriser la mobilisation de son équipe pour accompagner les collectivités dans la réalisation d'une stratégie de revitalisation et à travailler en coordination avec les services et opérateurs de l'État. L'application de la convention se traduit ainsi par un soutien financier de la préfecture au CAUE (versement sur le support du FNADT), lui permettant de consolider et pérenniser cette expertise interne.

- Cette recherche de consolidation des écosystèmes pourrait aussi aller jusqu'à l'identification des besoins de recrutement et de formation de personnels qualifiés dans cet écosystème pour le renforcer. Les préfectures et le CNFPT pourraient mener ce travail conjointement.

- Le dispositif de service civique ou de VTA pourrait aussi être étendu à des collectivités non strictement rurales ou à d'autres acteurs pour des missions d'appui à l'ingénierie.

- Sur la situation des collectivités des DROM, particulièrement affectées par des difficultés de recrutement de personnels qualifiés, il pourrait être étudié -en lien avec la DGOM- la possibilité de constituer une bourse des emplois publics dans le cadre de la cohésion des territoires et, corrélativement, un vivier de jeunes diplômés pour les outre-mer. La nouvelle Chaire outre-mer de Sciences Po, avec laquelle l'ANCT est en contact, pourrait utilement être associée à ces réflexions.

- L'État pourrait aussi inciter ses partenaires à soutenir les actions de l'ingénierie locale. À titre d'exemple, l'État pourrait assurer une mobilisation ciblée sur des territoires à enjeux du Fonds outre-mer (FOM), doté par le ministère des Outre-mer (15M€ en 2022) et géré par l'AFD, pour conforter les capacités pérennes des collectivités dans le portage et la réalisation de leurs projets : appui à la structuration de leurs fonctions marchés public, ressources humaines et structuration de leurs services par exemple.

- L'État pourrait aussi augmenter sa participation financière aux acteurs locaux, comme les Agences Techniques Départementales, ou entrer dans le financement de structures, comme les Conseils d'Architecture, d'Urbanisme et de l'Environnement (CAUE).

Il faudrait élargir les solutions possibles (subventions, conventions, partenariats...) pour que, dans le respect du droit de la concurrence, ces acteurs soient sollicités plus directement, car le recours à la commande publique n'est pas une modalité qui leur est adaptée.

Des suggestions, comme celle faite par la FNAU, lors de son audition, peuvent aussi être étudiées. Pour la mise en oeuvre du Fonds vert, la Fédération propose de conventionner avec l'ANCT sur la planification écologique territoriale, en dotant cet objectif de moyens d'ingénierie. Une telle convention permettrait aux collectivités les moins dotées d'accéder à une ingénierie pérenne et mutualisée, de bénéficier de l'expérience d'un socle existant (observation, planification, animation...) et favoriserait les coopérations territoriales.

Proposition de la FNAU : flécher une partie du Fonds vert pour soutenir l'ingénierie locale

« Pourquoi l'ANCT, qui dispose d'effectifs limités en nombre, non déconcentrés et non spécialisés sur les domaines de la planification, du foncier, de l'habitat, de la biodiversité et de la renaturation, serait l'organe de distribution des financements du Fonds vert alors qu'il existe des services déconcentrés qui semblent plus directement compétents sur cette question ? Est-ce la solution la plus efficace ? Comment vont s'articuler les niveaux ? Les agences d'urbanisme souhaitent, du fait de leurs missions, pouvoir être éligibles au financement de l'ingénierie du futur Fonds vert qui appuiera les collectivités locales. »

(2) Doter les préfets, en lien avec la DDT, de moyens financiers

Afin de développer ce type d'interventions, il convient de doter les préfets de plus de marges de manoeuvre localement. Vos rapporteurs recommandent de l'outiller, dans son rôle de développeur, avec une petite enveloppe de crédits nouveaux, complémentaires aux autres crédits de l'État consacrés au soutien à l'investissement local (DETR, DSIL, DSID, FNADT...).

Ces crédits spécifiques lui permettraient de développer la vision territoriale de l'État sur une thématique ou un pan du territoire. Ils permettraient de lancer des diagnostics, des études, de réaliser de la prospective sur des sujets d'intérêt locaux, de façon complémentaire, avec les besoins des collectivités. Ils pourraient aussi permettre d'expérimenter des mini-programmes locaux, adaptés à des thématiques très locales, dans une logique d'expérimentation et d'exploration, quand aucune autre solution n'existe. Ils pourraient solliciter les structures locales d'ingénierie pour les renforcer et les amener sur des problématiques conformes aux priorités nationales.

La direction de la modernisation et de l'administration territoriale (DMAT) du ministère de l'Intérieur confirme qu'il est prévu de travailler à une augmentation du fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT), visant à doter le préfet de département de cette capacité d'appui financier via un fonds d'ingénierie des préfectures.

Enfin, comme le soulignait l'Inspection Générale de l'Administration dans son rapport précédemment cité, il serait possible de déconcentrer une partie des crédits du marché d'ingénierie de l'ANCT. Il conviendra tout de même de bien cadrer cette déconcentration en fixant des règles, des sujets et des montants précis, pour éviter des différences de traitement d'un territoire à l'autre. La déconcentration implique aussi que les indicateurs soient renseignés pour permettre leur consolidation au niveau national.

(3) Doter les préfets, en lien avec la DDT, de moyens humains

Il est nécessaire dans certains départements d'opérer un renforcement ciblé des services de l'État en moyens humains.

La DMAT a déployé une trentaine de postes d'experts de haut niveau auprès des préfets. Ces agents sont un soutien concret particulièrement apprécié au tissu local pour les exemples qu'a étudié la mission.

Ils sont présents sur le terrain, bien identifiés des élus. Ils tissent des relations de proximité, de confiance avec les élus et les services de l'État. Ils permettent une présence dans la durée qui garantit une bonne appréhension de l'écosystème local et offre l'occasion de dépasser les blocages locaux. Ils disposent de la capacité et de la légitimité pour mobiliser les services de l'État et des collectivités locales et se poser comme animateur neutre.

Trois exemples de ces postes :

1) Le poste d'expert de haut niveau en gestion départementale des déchets en Indre et Loire. Depuis 2019, les collectivités d'Indre et Loire étaient dans une impasse concernant les perspectives de traitement de leurs déchets ménagers compte-tenu des échecs successifs pour faire émerger un projet d'incinérateur. Les élus ont interpellé l'État à plusieurs reprises pour les aider à surmonter cette situation de blocage, bien que le préfet ne soit plus responsable de ces questions. L'État a pu cofinancer une étude suite à ces interpellations. Mais l'intervention d'un cabinet privé n'a pas réellement fonctionné puisque l'étude n'a pas été suivie d'effet. Finalement, l'Indre et Loire obtient l'ouverture d'un poste d'expert de haut niveau pour une durée de 3 ans, rattaché directement à la préfète, avec la mission d'accompagner les collectivités dans la définition d'une stratégie de gestion des déchets sur le département. Il est pourvu en décembre 2021.

Après un an de mission d'expertise, le bilan paraît plus positif que le seul apport d'un cabinet d'étude. La présence d'une experte sur le territoire s'est traduite par des relations régulières avec les élus, les services des collectivités et de l'État concernés, ce qui a permis d'élaborer et de partager un diagnostic et une méthode de travail avec toutes les collectivités compétentes et le Conseil Régional. Le positionnement de l'État a apporté une garantie de neutralité au diagnostic posé, et a permis de rétablir un dialogue entre les collectivités et les associations fortement opposées à toute nouvelle installation. La montée en expertise et la constitution progressive d'un réseau avec les acteurs locaux ont permis à l'État de jouer un rôle de catalyseur pour inciter les collectivités à approfondir leurs efforts de prévention, pour un meilleur respect des normes environnementales et une plus grande acceptabilité locale.

Ce positionnement d'un expert de l'État en accompagnement des collectivités est particulièrement apprécié des élus. C'est bien ce positionnement qui permet de construire une réelle qualité de dialogue et un climat de confiance avec les élus des collectivités. Cet investissement de l'État à leur côté a fait l'objet d'un accueil et d'un retour positifs de leur part. Il a permis à l'État de jouer un rôle d'animateur, de facilitateur et de garant sur un champ prioritaire pour les élus locaux. L'expert a mené une réflexion partenariale avec tous les EPCI du département et avec le Conseil Régional, qui a accepté de re-questionner le SRADDET au regard du diagnostic partagé, en articulant les enjeux réglementaires et les réalités techniques et politiques du territoire. Cela a permis à l'État d'établir une synthèse des échanges de plusieurs comités de pilotage, un porter à connaissance et une note d'enjeux, permettant de clarifier la feuille de route pour les collectivités locales.

2) Le laboratoire de la ruralité. La mise à disposition d'un administrateur général a permis de mettre en place ce laboratoire en 2021 en partenariat avec l'ANCT et l'association des maires ruraux des Vosges36(*). Cet outil expérimental est une instance de réflexion, d'expérimentation et de construction de solutions sur tous les sujets relatifs à la ruralité. Il est chargé d'adapter l'action publique au regard du constat de l'inadéquation de certains dispositifs nationaux aux problématiques rurales. Il travaille sur la lutte contre le bâti dégradé, le développement de l'économie de proximité en milieu rural, la structuration de la filière bois, le maintien et le développement des services publics en milieu rural et de la couverture sanitaire, la valorisation du patrimoine touristique rural, le développement de l'offre culturelle, aussi bien en termes d'équipements que d'animation, etc. Ces actions ont vocation à essaimer dans d'autres territoires ruraux.

3) Le sous-préfet chargé du plan particulier pour la Creuse. La préfecture a disposé du renfort d'un sous-préfet pour le plan particulier pour la Creuse (PPC). Ce soutien concret apporté aux projets du territoire est particulièrement apprécié au niveau local, par l'ensemble des élus et acteurs locaux, et joue un rôle essentiel dans un département rural où l'ingénierie est relativement modeste.

Il apparaîtrait opportun de pouvoir généraliser ce type de mission ponctuelle d'accompagnement en ingénierie, dans les services de l'État, avec des possibilités d'affectation à définir selon les thématiques et degrés de sensibilité politique : auprès du préfet (de département ou de région) ou au sein de la DDT, de la DDETS, de la DREAL ou d'une sous-préfecture, voire même de structures d'ingénierie existantes et déjà mutualisées, en mobilisant des moyens indépendants des cadrages d'effectifs des structures, et avec des modalités de gestion RH adaptées.

Le rapport du Sénat conduit par Bernard DELCROS, Jean-François HUSSON, Franck MONTAUGÉ et Raymond VALL intitulé « Les collectivités locales, engagées au service de nos ruralités » de janvier 2020 avançait la recommandation suivante : « Constituer, dans chaque région, des plateformes territoriales mutualisées d'aide à l'ingénierie formées de membres des corps de contrôle de l'État et pouvant être saisies par les collectivités territoriales ou par l'ANCT ». En plus de ces plateformes territoriales mutualisées d'aide à l'ingénierie, formées de membres de ces corps de contrôle, il serait possible, pour des missions ponctuelles, de mettre en place des référents territoriaux, dans chaque corps de contrôle, en capacité d'intervenir au bénéfice des territoires qui ont des besoins d'ingénierie et mobilisables par les préfectures concernées.

Les outre-mer offrent un autre exemple d'intervention qui pourrait être déployé par l'État dans des territoires en manque d'ingénierie. En Guyane et à Mayotte, l'État a créé en 2020 deux plateformes d'appui aux collectivités placées auprès des préfectures. Dotées de 3 et 6 ETP, mis à disposition par le ministère de la Transition Écologique, le ministère de l'Intérieur et le ministère de la Solidarité et de la Santé, ces deux plateformes apportent un appui aux collectivités du bloc communal en matière d'ingénierie administrative, financière, voire technique, comme sur les sujets fonciers. Ainsi, à Mayotte, la plateforme dispose de profils économiques, juridiques et administratifs. Elle apporte une véritable plus-value dans l'accompagnement technique des collectivités. Son périmètre d'intervention est particulièrement large et couvre toutes les phases du projet : conception et formalisation du projet, rédaction de la délibération, accompagnement à la réception effective de subventions accordées, assistance à maitrise d'ouvrage, appui durant la livraison du projet, etc.

Au-delà de certaines difficultés tenant notamment au turn-over de leur personnel, la réussite de ces plateformes repose sur leur capacité à s'appuyer sur un large réseau de partenaires, notamment pour des aides techniques complémentaires en ingénierie, et sur leur contribution à la nécessaire montée en compétences des collectivités pour le portage de leurs projets.

Ces démarches pourraient être transposées moyennant adaptation aux autres DROM, en particulier aux Antilles, voire même sur des territoires peu dotés d'ingénierie en zones rurales ou périurbains en métropole.

Enfin, il faut signaler que les postes des « sous-préfets relance » sont en train d'être redéployés, selon une instruction du 13 octobre 2022. Une partie est fléchée vers des sous-préfectures (soit par déjumelage de sous-préfectures existantes, soit par création nouvelle). L'essentiel est fléché vers des fonctions de SGA, pour renforcer les équipes des départements les plus ruraux, les moins dotés, ou les plus dynamiques en matière d'activité ou de démographie. L'objectif est que ces 24 nouveaux postes de sous-préfet soient nommés au plus tard fin janvier 2023.

(4) Doter les préfets de capacités de décision dans l'application des programmes, en lien avec la DDT 

Le préfet devrait pouvoir moduler la gestion des programmes nationaux, notamment quand ils se traduisent par du financement de postes d'ingénierie. À titre d'exemple, un territoire peut se retrouver bénéficiaire de plusieurs postes de chefs de projets (ACV, PVD, Territoires d'industrie, Avenir montagne...) quand un autre territoire du département se trouve démuni. La mise en cohérence voire la mutualisation, quand c'est possible, peut contribuer à assurer un meilleur maillage du territoire en ingénierie.

Par ailleurs, le financement de l'ingénierie sur plusieurs postes de chefs de projet peut conduire à un maillage important du territoire départemental ou régional, mais sans que l'efficience globale soit au rendez-vous : isolement du chef de projet, manque de formation, manque de soutien ou de relai interne, vision centrée sur la seule collectivité, difficulté de dégager du temps pour faire réseau... Afin de pallier à ces difficultés, l'ANCT mène des activités d'animation et de formation importante sur ces agents. Mais, il faut se demander si, par exemple pour une région qui comprend une centaine de chefs de projets tous dans des collectivités différentes, il n'aurait pas été plus judicieux de placer un petit nombre de ces postes dans les services de l'État (DDT notamment) où ils auraient été intégrés à un fonctionnement déjà ancré et auraient pu être en accompagnement des collectivités.

(5) Outiller l'ANCT en experts mobilisables sur les territoires

Enfin, l'agence pourrait également internaliser une expertise sur certaines thématiques correspondant aux priorités nationales et pour lesquelles les collectivités sont en attente.

Plusieurs sujets se prêtent à être examinés. Les retours sur le marché à bon de commandes et sur les attentes des collectivités peuvent aider à identifier ces secteurs. Les questions de diagnostic territorial et de projet de territoire peuvent en être, même si la couverture du territoire par des CRTE peut signifier que le besoin est désormais résiduel. D'autres sujets peuvent aussi être explorés : les problématiques de santé et de désert médicaux, les sujets d'enseignement supérieur, les enjeux fonciers, les enjeux patrimoniaux, les questions de mobilité ... Les questions relatives à la transition écologique, notamment avec la mise en place du Fonds vert, pourraient être pertinentes, mais à bien expertiser avec les partenaires de l'ANCT que sont l'ADEME et le CEREMA. L'ADEME est souvent le premier interlocuteur généraliste pour les collectivités quand le CEREMA va sans doute accroitre ses liens directs avec les collectivités, suite à la réforme de son statut.

Ce type de solution permettrait de limiter le recours aux prestataires privés et donnerait surtout une incarnation à l'agence qui projetterait sur le terrain des agents estampillés « ANCT ». Ainsi, l'Agence pourrait suivre les collectivités dans le temps, capitaliser les expériences et constituer une mise en réseau des territoires.

En résumé, il convient de doter les préfets, en lien avec les DDT mieux à même d'apprécier les dynamiques de l'écosystème local, de moyens complémentaires. Tous les départements ne sont pas forcément concernés. L'Agence pourrait concentrer son action sur les départements les plus en difficulté, qu'ils soient ruraux ou d'outre-mer par exemple.

Cette idée est en phase avec l'une des missions prioritaires confiées au préfet. Les priorités d'action des préfectures et sous-préfectures sont fixées dans un référentiel (Missions prioritaires des préfectures - MPP 2022-2025) publié en avril 2022. La 4ème de ces missions est « la mobilisation de l'expertise interministérielle au bénéfice des territoires ».

Recommandation n° 9 : Prioriser les interventions qui permettent de structurer durablement l'ingénierie locale existante ; doter les préfets de moyens humains ou financiers de soutien à l'ingénierie ; développer une ingénierie propre à l'agence, facilement mobilisable sur le terrain.

(6) Appeler à une couverture accrue du territoire par des Agences Techniques Départementales et les CAUE

Vos rapporteurs estiment que, face aux enjeux, il conviendrait d'encourager la couverture du territoire en ATD et en CAUE.

Il existe aujourd'hui 75 Agences Techniques Départementales (ATD) selon l'Association nationale des Directeurs d'Agences techniques départementales (AnDAtd) sous différentes formes : ce sont majoritairement des Établissements publics administratifs, mais aussi des syndicats, des Sociétés d'économie mixte, des régies... C'est une base solide à consolider.

Il existe 92 Conseils d'Architecture, d'Urbanisme et de l'Environnement (CAUE). Sept départements (Alpes-de-Haute-Provence, Ardennes, Aube, Ille-et-Vilaine, Loire, Marne, Territoire de Belfort) n'en disposent toujours pas, alors même que l'article 6 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture définit une obligation en la matière. Leur mise en place dans ces départements doit faire figure de priorité, comme le rappelait déjà le rapport du Sénat intitulé « État du patrimoine religieux » réalisé par M. Pierre OUZOULIAS et Mme Anne VENTALON en juillet 2022.

Grâce à leur gouvernance plurielle, instaurée par Loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture, alliant élus, représentants de l'État, professionnels et société civile, les CAUE s'apparentent à des conférences territoriales départementales. Leurs conseils d'administration sont un lieu de débat sur le territoire, ainsi que sur les moyens de mettre en oeuvre les projets locaux en articulation avec les politiques publiques nationales.

La mise en oeuvre des politiques publiques nationales au niveau local est prévue dès la loi de 1977. Elle est parfois mise au second plan dans la reconnaissance portée aux CAUE et méconnue des départements. Pourtant, forts de leur connaissance du territoire et des acteurs locaux, les CAUE pourraient encore plus contribuer à la déclinaison territorialisée des politiques publiques nationales, dont celles portées par l'ANCT.

Une réaffirmation de l'engagement de l'État dans les conseils d'administration des CAUE, assortie d'un renforcement de leur rôle et de leurs moyens pour la déclinaison des politiques nationales, conforterait cet ancrage. Elle pourrait intervenir par une circulaire, des conventions programmatiques, des ressources fléchées pour ces politiques publiques. Leur modèle économique permet l'octroi de subventions, outre le financement par la taxe d'aménagement.

Bonne pratique n°1 : Accroitre la couverture du territoire en ATD et en CAUE.

Sur la base de leur compétence en matière de solidarité territoriale, de nombreux départements mettent à disposition une ingénierie de base, dont ils disposent le plus souvent pour l'exercice de leurs propres compétences, afin d'accompagner les plus petites collectivités.

L'Assemblée des Départements de France pourrait capitaliser sur les réussites pour réaliser un guide pratique, voire monter une task force d'accompagnement, pour inciter les Départements à renforcer la couverture du territoire en ATD et en CAUE. Les services de l'État devraient soutenir localement ces initiatives.

(7) Mobiliser le tissu universitaire

La recherche peut constituer un partenaire cardinal pour accompagner les besoins d'ingénierie et de développement des territoires. « La recherche est un levier extrêmement riche pour réaliser des diagnostics territoriaux, pour alimenter les opérations d'aménagement et le renouvellement des politiques publiques » rappelle Jean-Baptiste MARIE, directeur général Europe des projets architecturaux et urbains au Plan Urbanisme Construction Architecture (PUCA).

La recherche présente plusieurs avantages : elle porte la mémoire et l'archive des projets, politiques précédentes et de leur évaluation. Elle forme les professionnels de demain dont certains seront recrutés par des collectivités. Par l'expérimentation, elle contribue à l'innovation et à sa diffusion.

Les rapprochements entre mondes universitaire et opérationnel peuvent prendre des formes multiples : ateliers pédagogiques, projets de recherche-action, recherche embarquée dans des opérations, expérimentations, doctorats Cifre, etc. Parmi ces modalités, le groupement d'intérêt public « L'Europe des projets architecturaux et urbains » propose des applications pratiques mobilisables pour les élus et les collectivités :

- Le concours d'idées en architecture « Europan » mobilise les jeunes concepteurs, designers, urbanistes, par un concours d'idées auprès des opérateurs et des collectivités territoriales pour ouvrir les imaginaires et porter des innovations architecturales dans tous les territoires français ;

- La Plateforme d'observation des projets et stratégies urbaines (POPSU) organise la mobilisation d'équipes de recherche auprès des élus autour de questions concrètes d'action publique locale. Par exemple, comment organiser la résilience de mon tissu commercial ? Comment organiser mon territoire face à la pression foncière et touristique ? Trente-quatre territoires ont déjà été accompagnés. Ces travaux ont été diffusés à travers une politique de valorisation multimédias (livres, documentaires, audio) et multi-supports (outils méthodologiques, jeux sérieux, événements). Fondamentalement conçus pour les territoires et leurs élus, et en complémentarité avec l'ingénierie développée par l'ANCT, ces projets pourraient faire l'objet d'une consolidation nationale et disposer de moyens dédiés ;

- Le programme d'expérimentation dans le logement « engagés pour la qualité du logement de demain », a fait le choix d'associer des équipes de recherche directement dans les consortiums de maître d'oeuvre et d'ouvrage des projets de construction afin de bénéficier des apports des travaux de recherche tout au long des étapes du projet : en amont et pendant la conception, pendant les phases de mise en oeuvre, et souvent après la livraison du projet. Il a permis la réalisation de 9 000 logements expérimentaux.

Il faudrait que la délégation locale de l'ANCT puisse contractualiser, et même financer, les universités pour à la fois mobiliser de l'ingénierie externe mais aussi faire venir des jeunes talents sur des territoires peu attractifs, ce qui peut être de nature à susciter des vocations professionnelles.

Quels enseignements de ces programmes selon le groupement d'intérêt public « L'Europe des projets architecturaux et urbains » ?

1. Afin de rapprocher recherche et opérationnel, il est nécessaire de se donner des modalités de travail conjointes, ainsi que des lieux d'échanges et de débat qui s'installent sur le long terme, afin de favoriser l'interconnaissance et l'apprentissage mutuel (principe de la recherche action et/ou de recherche embarquée) ;

2. Les liens entre recherche, action et montée en généralité nécessitent la création de rôles de passeurs, de traducteurs, capables de tisser les liens entre les mondes et de produire des supports appropriables par tous. C'est le rôle des plateformes comme POPSU, par exemple.

3. La diffusion, la valorisation des travaux est un axe clé de la réussite des projets et de leur appropriation par d'autres. Elle implique de recevoir des moyens appropriés.

(8) Simplifier le recours à l'ingénierie externe du marché national

L'ANCT va réaliser en 2023 un bilan de la mise en place de son marché national qui arrive à son terme début 2024. Il reste pertinent lorsque le besoin ne peut pas être satisfait localement afin que la collectivité puisse, en subsidiarité, recourir à cette offre.

En termes de méthode, ce marché pourrait constituer un sujet de travail avec un panel d'élus, en lien avec les préfectures et surtout les DDT. Les sujets seraient notamment : améliorer les offres, préciser des modalités de procédure comme le lien avec l'ANCT locale lors de la réalisation de prestations (ce qui n'est pas toujours fait), réorienter certains dispositifs. Cette réflexion peut être l'occasion de clarifier les diverses offres (Banque des Territoires, ANCT...) pour proposer des prestations parfois un peu plus soutenues. À titre d'exemple, l'ingénierie externe mobilisée pour préparer les dispositifs contractuels (PVD, PTRTE), via des marchés nationaux de l'ANCT, ne couvre pas l'ensemble des étapes. Les prestations couvrent les phases diagnostic et orientation mais ne comprennent pas la rédaction d'un plan d'actions ni la préparation de la convention. Autres exemples : la Banque des Territoires, qui dispose d'une offre très intégrée, comme la prise en charge réalisée dans le cadre des programmes nationaux pour des territoires moins matures et plus fragiles, propose une « assistance au management de projet » (AMP) sur une durée de 2 ans minimum. Plus de 80 villes Action Coeur de Ville en ont bénéficié de même que 350 villes PVD, et tous les territoires de la montagne. Ces accompagnements au long court sont appréciés des élus.

Les maires ont parfois signalé qu'ils auraient préféré confier l'étude à un bureau d'étude qui connait le territoire et qu'ils avaient été contraints de « se plier » au marché de l'ANCT en national, alors que pour la même enveloppe, voire pour une enveloppe moindre, ils auraient pu être accompagnés par un acteur local. Il y a donc peut-être quelque chose à imaginer au niveau de l'allotissement. Consulter les acteurs locaux de l'ingénierie permettrait peut-être de trouver le meilleur moyen de circonscrire les prestations du marché national à des sujets ne trouvant pas de solution au niveau local.

e) En promouvant les mutualisations

Il n'est pas possible de reconstituer de l'ingénierie dans chaque collectivité. Les mutualisations sont le chemin naturel d'un système viable. Le support de ces mutualisations est pluriel : intercommunalité, services communs, agences, syndicats ...

Verbatim et contribution écrite

« L'ingénierie opérationnelle des petites communes ne peut plus relever de l'État. Il faut privilégier l'appui à la structuration intercommunale, mobiliser l'action des régions, des départements et des outils mutualisés des collectivités ». Un maire

« Il faut d'abord organiser les réciprocités entre collectivités, ce qui passe notamment par la facilitation du partage d'ingénierie et de compétences entre collectivités, et par une valorisation des carrières lorsque l'expertise d'un agent est mise à profit d'un territoire sous-doté. Cela crée du lien et du projet partagé. » France Urbaine

« Un accompagnement intensif est nécessaire auprès des petites communes pour faire émerger leurs projets, et formaliser leurs besoins. La création d'un pool ingénierie placé dans chaque EPCI de zones rurales serait utile pour franchir cette étape, sur le modèle des PVD. Dupliquer ce modèle PVD aux zones rurales, via l'Agenda rural par exemple, pourrait ainsi permettre de mieux faire mûrir les projets et de mieux cibler l'accompagnement de l'ANCT afin de le rendre plus efficace. » Une préfecture

L'ANCT pourrait viser prioritairement, ou même conditionner, une démarche de mutualisation à un soutien en ingénierie. Il s'agit d'une recommandation pour certains programmes, comme par exemple les PVD, où il est conseillé aux communes PVD « d'avoir une approche, une gouvernance et une maîtrise d'ouvrage à l'échelle intercommunale et mutualisée, afin d'appréhender les problématiques à des échelles de bassin de vie, de travailler dans la complémentarité plutôt que la concurrence et d'avoir à disposition des moyens humains plus conséquents »37(*). Aujourd'hui, environ 60 % des chefs de projets PVD sont rattachés à l'intercommunalité (chiffres ANCT).

L'ANCT est parfois allée plus loin, comme dans l'exemple de la Creuse qui a mis en oeuvre une mutualisation atypique de l'ingénierie de projet à l'échelle départementale. Afin d'accompagner 19 des 22 communes lauréates du programme PVD, une solution de mutualisation a été envisagée au niveau des EPCI, mais n'a pas eu de suite. Les discussions entamées par la préfecture auprès du Conseil départemental sont intervenues en 2021. L'Agence départementale a proposé de recruter 7 chefs de projets en mixant les profils autour de 7 thématiques (Usages numériques, architecture, urbanisme-planification, commerce-artisanat, environnement, énergie, services-mobilité). Parallèlement, le Conseil départemental a financé un poste de coordinateur et a pris en charge 12,5 % des coûts salariaux des chefs de projet, ce qui, ajouté aux 75 % apportés par l'ANCT et aux contributions (cotisations annuelles) des 19 communes devenues membres de l'agence, a permis d'assurer le financement des postes. Les communes seules ne pouvaient s'offrir cette expertise. Chaque chef de projet s'est vu affecter 2 ou 3 communes en tant que référent. Cette mise en place, parce qu'elle n'entrait pas dans le cadre national prédéfini, a nécessité un arbitrage ministériel. À cet égard, les services déconcentrés de l'État ont constitué un relai efficace des intentions des élus du territoire. Cette équipe de chefs de projet a, en outre, pu bénéficier d'un accompagnement au management de projet sur 125 journées assuré par la SCET et pris en charge à 100 % par la Banque des Territoires.

La réflexion sur la pérennité des postes pourrait être engagée avec les acteurs locaux. Lorsque leur pérennisation n'est pas possible au sein de la collectivité d'accueil, pour des raisons financières, une recherche de pérennisation, pour peu que le poste soit toujours pertinent, au sein des outils d'ingénierie locale (CAUE, ATD, délégation locale de l'ANCT, DDT...) pourrait être promue, si c'est le choix des collectivités. Cette solution contribuerait à leur intégration dans le territoire, leur ferait bénéficier de la connaissance et des savoir-faire de ces organismes et renforcerait l'écosystème global d'ingénieries.

Cet exemple encourage, pour les départements les moins denses en ingénierie, d'imaginer des systèmes de chefferie de projet mutualisée qui permet de mobiliser des compétences diversifiées et complémentaires de manière plus efficiente. La thématique foncière constitue un exemple de secteur de mutualisation pertinent selon la FNAU, qui suggère à l'agence de soutenir financièrement les outils de mutualisation comme les observatoires du foncier et de l'habitat à une échelle pertinente.

f) En recherchant l'efficience

En matière d'efficience, il est manifeste que des progrès sont possibles dans une logique de chaîne ou continuum d'intervention. Le CEREMA déclarait, lors de son audition, que «la recherche de complémentarité est essentielle compte tenu de la masse des demandes et des besoins d'appuis des collectivités. C'est la clé d'un système efficace. » Vos rapporteurs veulent en donner quatre exemples.

(1) Une formalisation des partenariats

Une pluralité de structures d'ingénierie locale coexiste à l'échelle territoriale, ayant comme bénéficiaires communs les collectivités locales. Avec des types d'offres différents (services gratuits, prestations) sur des champs connexes (aménagement du territoire, urbanisme, environnement, architecture, transports...), ces structures participent à la chaîne d'acteurs qui fabriquent le cadre de vie.

Une formalisation écrite des relations entre acteurs locaux peut faciliter l'articulation de leurs actions et permettre de déterminer des projets en commun. À titre d'exemple, la Fédération nationale des Conseils d'Architecture, d'Urbanisme et de l'Environnement (CAUE) propose à son réseau un protocole-type pour définir les relations entre les structures d'ingénierie départementale dans leurs actions pour les collectivités.

(2) Une vision stratégique et collective de l'évolution de l'ingénierie

En annexe, vos rapporteurs ont souhaité reproduire le cahier des charges d'une étude réalisée par un département (annexe 3). Cette étude s'inscrit dans l'ambition d'efficience du fonctionnement des différents acteurs et outils de l'ingénierie territoriale. Elle vise à identifier une cartographie des outils intervenant ou investiguant le territoire, y compris ceux non rattachés au département, pour mettre en évidence les problématiques territoriales existantes, repérer les opportunités et signaler les risques de concurrence entre outils. Le prestataire est ensuite invité à proposer un plan d'évolution stratégique. Ce plan pourra suggérer de réorganiser les outils pour mieux répondre aux enjeux de territoire, de renforcer les interactions entre ces outils - tant en matière d'intervention que d'organisation - en intégrant, le cas échéant, des acteurs non affiliés au département. Il pourra aussi s'intéresser aux modèles économiques des outils ou groupes d'outils. L'étude devra aussi regarder les besoins en financement liés aux investissements projetés et les conséquences juridiques.

Il nous semble que cette étude reflète une démarche courageuse et nécessaire : affronter la réalité du paysage des acteurs, regarder les enjeux et les perspectives et viser un éco système plus efficient en accompagnant et en anticipant les évolutions nécessaires.

(3) Le pari d'une plus grande intégration avec des acteurs locaux

L'audition de l'Agence des Pyrénées a permis d'illustrer cette idée en ouvrant d'autres perspectives.

Présentation de l'Agence des Pyrénées

L'Agence des Pyrénées est une structure interrégionale, créée en 2021, consacrée au développement, à la valorisation et à la préservation du massif des Pyrénées. Elle est issue de la fusion de 3 associations préexistantes : le Cidap (Comité interrégional pour le développement et l'aménagement des Pyrénées), l'Adepfo (Agence de développement par la formation) et la Confédération Pyrénéenne du Tourisme. Elle permet aux collectivités publiques d'avoir une vision à 360 ° des enjeux du massif et de décloisonner les approches et les outils d'intervention, de renforcer les synergies entre les missions de formation-développement, de promotion touristique et de développement numérique des zones de montagne. Son ambition majeure est « d'inspirer, encourager et soutenir une nouvelle dynamique de développement dans le massif pyrénéen en s'appuyant sur ses richesses naturelles, patrimoniales, économiques et humaines ».

L'Agence des Pyrénées et le Commissariat de massif de l'ANCT sont deux acteurs ayant vocation à accompagner les acteurs publics et privés en charge d'un projet de développement, chacune parfois avec leurs équipes, leurs moyens et leurs dispositifs. Si la coordination est fluide, grâce à la qualité des relations et des personnels, l'institution et la structuration de l'action publique ne reflète pas la meilleure articulation possible.

L'ANCT pourrait oser l'expérimentation qui consisterait à venir appuyer des acteurs locaux sur des objectifs partagés, en les renforçant plutôt qu'en les doublonnant sur certains aspects. Agir conjointement permettrait de démultiplier l'accompagnement, de capitaliser sur les succès et les essaimer, d'internaliser certaines compétences nouvelles et de développer de nouveaux accompagnements.

(4) La mise à disposition ponctuelle

Une dernière illustration de cette recherche d'efficience, serait dans la mise à disposition d'agents experts issus de grandes collectivités pour aider les territoires plus modestes à bénéficier de leurs retours d'expérience afin de structurer leurs projets et les conduire dans la durée.

Plusieurs modalités de mise en oeuvre de cette idée peuvent exister. L'Association des Ingénieurs territoriaux de France (AITF) propose, par exemple, un « mécénat de compétences » pour la Fonction Publique, permettant notamment à des agents, au profil sénior par exemple, de consacrer une partie de leur temps de travail en « Temps Partiel Solidaire » pour faire partie d'un programme ou projet d'intérêt général. La FNAU propose que soit mis en place un système de parrainage afin de permettre aux agences d'urbanisme d'accompagner des communes rurales.

De façon plus générale, il y a sans doute des assouplissements à imaginer pour que des collectivités non membres de structure d'ingénierie, puisse bénéficier ponctuellement de l'appui de réseaux d'acteurs de façon plus souple.

g) En renforçant la coordination avec ses 5 principaux partenaires

Dans ce maquis d'acteurs locaux et nationaux, de procédures et de circuits, il en résulte parfois un manque de lisibilité et une difficulté dans les processus de mobilisation de ces structures. « La multiplicité des opérateurs nationaux et locaux ne facilite pas l'action des élus faute de lisibilité des acteurs compétents sur tels ou tels sujets » résume la DGCL.

Le travail d'intermédiation n'est pas à sous-estimer : mal communiquée, la meilleure des offres ne trouvera pas son public. Il est donc important de veiller à mettre en valeur l'existant et faire connaitre les initiatives aux élus et à leurs administrations. Là encore, les associations d'élus locaux peuvent aider l'ANCT dans cette tâche.

Dans l'accompagnement des collectivités, la synergie entre les cinq opérateurs38(*) reste un enjeu, trois ans après la création de l'ANCT.

D'un côté, l'ANCT et la DGCL estiment qu'il s'agit de rendre effective la promesse d'une agence jouant un rôle d'assemblier : « Le rôle moteur de l'ANCT dans l'accompagnement des collectivités vis-à-vis de ces opérateurs doit encore s'affirmer (...). L'ANCT doit progressivement devenir, en lien avec le préfet ou le sous-préfet, le guichet d'entrée des opérateurs » (contribution écrite).

De l'autre côté, si cette idée est séduisante, elle ne correspond pas à la réalité. Les élus s'adressent tout azimut à chaque opérateur. L'existence de délégations régionales, pour plusieurs d'entre eux, contribue à ce phénomène. Le CEREMA affirme qu'il continuera à intervenir si l'ANCT le souhaite dans le cadre des programmes nationaux. Mais, concernant l'appui à l'ingénierie sur mesure, il a vocation à développer des relations directes avec ses collectivités adhérentes. Afin de s'articuler, il propose de s'entendre avec l'ANCT « sur 5 territoires ANCT/CEREMA prioritaires par département » et de laisser le reste des interventions du CEREMA « sous son unique pavillon ». Il a aussi été signalé par de très nombreux interlocuteurs -au-delà des seuls élus- que la Banque des Territoires, localement, obéissait à ses propres logiques et priorités et que la coordination avec l'ANCT ne se faisait pas si naturellement que cela.

Entre ces positions, l'agence devra trouver un chemin.

Le débat pourrait avoir lieu au sein du comité national de coordination, qui réunit mensuellement les 6 opérateurs, pour suivre les programmes et chantiers communs menés dans les territoires.

Les conventions de partenariat entre l'ANCT et ces opérateurs, qui arrivent à leur échéance en 2023, fourniront aussi un lieu de dialogue. Leur actualisation pourrait être l'occasion de clarifier le « qui fait quoi » et de fixer des engagements chiffrés, notamment en nombre de collectivités suivies et de montants prévisionnels, comme c'est déjà le cas pour le CEREMA. Les modalités de fonctionnement entre chaque opérateur devront être questionnées et devront peut-être être différenciées.

Un renforcement de la coordination s'impose : a minima instituer un comité de direction commun pour les sujets collectifs (recommandation 10), aller plus loin en fusionnant les gouvernances, ou enfin fusionner les trois agences.

Il semble aussi indispensable, quelles que soient les modalités retenues, que l'ANCT et ses 5 principaux partenaires travaillent à une interface numérique partant du point de vue de l'expérience utilisateur. C'est le sens de la recommandation 11.

Recommandation n° 10 : Instituer un comité de direction commun constitué des DG et DGA de l'ANCT, de l'ADEME et du CEREMA avec l'enjeu de faire une feuille de route stratégique partagée et articulée avec la feuille de route de l'agence (recommandation 1).

Ce rapprochement par la gouvernance doit permettre une meilleure coordination des actions, une plus grande complémentarité des offres, un meilleur maillage territorial collectif, une promotion du mode projet en constituant des équipes ad hoc par exemple, un meilleur soutien collectif aux dynamiques locales. Il doit aussi permettre de contribuer à une meilleure lisibilité des offres et des possibilités pour les élus, les collectivités et les acteurs de l'ingénierie locale.

La gestion de la part ingénierie du fonds vert peut être le premier des sujets de travail commun.

Recommandation n°11 : En matière d'ingénierie, mettre en place une interface numérique pédagogique s'adressant aux élus pour les guider dans le « qui fait quoi » des acteurs publics et parapublics.

3. Consolider et simplifier l'existant

L'agence est aujourd'hui un empilement de programmes, de politiques publiques, de dispositifs, d'expérimentations, de labels... qui contribuent à nourrir la confusion des élus. Les élus réclament une pause pour bien intégrer l'existant.

La conviction de vos rapporteurs est aussi que l'agence a besoin d'un travail en interne pour réinterroger son action, gagner en transversalité et faire évoluer si besoin son organisation. Elle doit prioriser son action et avoir une approche plus collective, transversale et moins en silo. Son intervention dans des programmes séquencés les uns des autres semble toucher à ses limites au moment où les politiques publiques elles mêmes sont de plus en plus imbriquées et demandent des réponses globales. Comme le commentait un acteur national « Il faut réussir à `faire ANCT' : passer d'un éparpillement d'actions isolées à un ensemble cohérent au service d'un projet de territoire ».

c) Conforter les CRTE comme cadre de référence du dialogue avec l'État

Les CRTE sont un outil pertinent pour nombre d'élus, à condition qu'ils s'inscrivent dans le temps et que l'État en tire toutes les conséquences. Ils doivent être élargis à d'autres thèmes pour refléter l'intégralité des projets de territoire (social, mobilité...) et permettre à l'État d'avoir une action, vis-à-vis des collectivités, plus intégrée et plus globale.

Recommandation n° 12 : Conforter l'outil CRTE, notamment élargi à la dimension sociale, comme le cadre de référence de la mise en oeuvre des politiques publiques de l'État.

d) Sortir de la vision en silo et mieux intégrer les dynamiques territoriales

Il a été signalé dans ce rapport que l'ANCT avait à la fois des logiques trop sectorisées par catégorie de collectivité et des logiques pas suffisamment respectueuses des dynamiques locales.

A ce double titre, il semble essentiel que l'ANCT s'intéresse aux coopérations territoriales.

L'ANCT pourrait commencer par être un lieu d'observation et d'objectivation de ces logiques de coopération interterritoriale. France Urbaine suggère que l'ANCT reprenne les engagements du Pacte État-métropoles signé en juillet 2016, qui prévoyait la mise en ligne d'une cartographie interactive des coopérations interterritoriales, pour donner à voir cette réalité et contrer les discours d'opposition urbain/rural. Un premier recensement en 2019 a permis d'identifier près de 180 coopérations territoriales que France Urbaine propose d'ouvrir à l'actualisation et l'enrichissement collectif.

L'ANCT pourrait ensuite être un lieu de soutien de ces dynamiques de coopération, ce qui semble aller dans le sens de l'efficacité de l'action publique, plutôt que de venir recréer sans cesse de nouveaux dispositifs. C'est peut-être là une évolution naturelle de certains programmes nationaux. Un programme national « coopérations territoriales » pourrait valoriser et soutenir ce type de dynamiques comme, par exemple, les « contrats de réciprocité ». Ces contrats, entre collectivités urbaines et rurales, permettent de conduire des actions communes de coopération dans les champs de l'ingénierie, l'économie, l'énergie, l'aménagement territorial et urbain, l'alimentation, les mobilités... Leur soutien irait dans le sens des objectifs de l'agence, notamment en termes de transition environnementale et de cohésion des territoires. Il aurait aussi pour mérite de dépasser la sectorisation de ses interventions actuelles. Il conduirait à renforcer les outils d'ingénierie partenariaux et mutualisés de type Agence d'urbanisme, PNR.... Appuyer ce type d'initiative pourrait prendre la forme d'un soutien financier à du mécénat d'ingénierie, en permettant à une collectivité urbaine de contribuer à des outils d'ingénierie partenariaux et mutualisés. Cette proposition vient conforter les développements précédents relatifs au renforcement de l'ingénierie.

Recommandation n° 13 : Identifier les dynamiques locales de coopération entre territoires, les valoriser, les soutenir et y inscrire les interventions de l'agence.

Cette tâche pourrait à terme prendre la forme d'une refonte de programmes au sens de l'organisation de l'agence mais a aussi vocation à infuser les programmes existants et à venir.

e) Simplifier et prioriser l'existant

Vos rapporteurs relaient certaines pistes évoquées par les élus locaux :

- Concrétiser le guichet unique en travaillant au dossier unique. Une piste pour l'ANCT serait de travailler, comme certaines préfectures et départements l'ont réussi, à proposer aux élus un dossier unique de demande de subvention pour leur recherche de financement. Ce dossier pourrait aussi être le même pour l'agence, ses partenaires, les départements et la région. Un seul dossier à déposer et un seul calendrier pour obtenir DSIL, DETR, FNADT, financement départemental et régional, serait une simplification grandement appréciée des élus. Le comité régional des financeurs pourrait porter cette amélioration concrète.

- Clarifier offres et dispositifs et calibrer les procédures selon la taille des collectivités. Les offres de l'ANCT sont multiples, couvrent de nombreux champs. Cette diversité peut générer des confusions et un défaut d'information, notamment auprès des petites communes qui ne disposent pas de services dédiés. Une offre orientée différemment selon la taille de la commune pourrait permettre d'encourager les petites communes à déposer des demandes : dossier simplifié, travail administratif moins conséquent.

- En finir avec les AAP et AMI. Compte tenu des effets pervers connus des AAP et AMI, il devient essentiel de repenser les modalités de soutien de l'État et ses partenaires aux projets des collectivités. Il est possible d'imaginer des modalités plus partenariales de coopération et de soutien des projets locaux correspondants aux priorités nationales. Les services déconcentrés seraient plus responsabilisés, repositionnés dans un rôle de partenaire valorisant et motivant. Il ressort d'ailleurs du questionnaire aux préfectures qu'ils sont demandeurs de sortir de cette modalité de travail.

- Porter une expérimentation sur le pluriannuel. Certains programmes pourraient s'engager dans cette voie. À titre d'exemple, ACV comprend déjà des éléments de pluriannualité pour Action Logement et l'ANAH39(*). Les dotations de soutien à l'investissement des collectivités territoriales (DSIL, DETR, FNADT), comme les outils ad hoc (Fonds Friche, FRLA) pourraient faire l'objet de programmations pluriannuelles prévisionnelles, à l'instar du CEPER. La mise en place des CRTE, des financements du FNADT sur certains projets et les perspectives de déploiement du Fonds vert vont nécessairement rendre indispensable la mise en place du comité des financeurs qui pourrait explorer ce champ de la pluriannualité.

- Renforcer le lien collectivités/Europe. Intercommunalité de France estime qu'il est possible de progresser pour « peser encore plus fort à Bruxelles et aider les territoires et les entreprises à capter des crédits européens et à s'engager dans des programmes européens ». Elle poursuit : « même chose concernant l'impact territorial et l'application en France des lois, des directives et des règlements européens : la France devrait être en capacité de suivre les projets de loi susceptibles de modifier la capacité de nos territoires à se développer. Nous devrions nous mettre d'accord sur une stratégie commune plutôt que des initiatives individuelles éparpillées. Un observatoire des politiques européennes pourrait, par exemple, alerter sur les évolutions possibles de la loi européenne et donc française, diffuser les opportunités offertes par l'Union européenne, porter la voix de la France (ministères, agences, collectivités territoriales) sur les grands défis de demain et mieux faire connaître ce que font les autres territoires européens. Ces missions pourraient être confiées à l'ANCT. »

- Alléger l'agence de certaines tâches de gestion administrative pour éviter le grossissement de ses fonctions ressources. L'empilement de missions confiées à l'agence fait courir le risque de transformer une structure qui se veut légère et agile en une « administration de gestion » chargée de la mise en oeuvre de dispositifs toujours plus nombreux. « Le caractère d'opérateur au service du développement des territoires de l'ANCT pourrait également être réaffirmé si elle était déchargée de certaines missions qui, par leur caractère régalien et fortement interministériel, semble davantage relever d'une administration centrale » résume la DGCL. Les missions d'autorité nationale de coordination des fonds européens répondent à ces caractéristiques et pourraient ainsi à terme être rattachées à une administration centrale. Le pôle Politique de cohésion européenne (32 ETPT à fin 2021), majoritairement composé de profils juridiques, en relation étroite avec les collectivités locales (notamment régionales) et autorités de gestion des fonds, pourrait ainsi être transféré sans que sa cohérence d'ensemble n'en soit altérée.

L'agence doit apprendre de ces trois premières années : elle doit notamment, avant de lancer de nouveaux programmes, prendre un temps de réflexion et de concertation pour voir comment un nouveau dispositif de l'État peut s'appliquer au mieux, en apparaissant comme cohérent et complémentaire des dispositifs existants. Cette déclinaison plus pragmatique et différenciée donnerait plus de crédits aux différentes annonces de l'agence. Les dispositifs seraient également davantage mobilisés, car mieux inscrits dans les territoires, mieux compris et mieux accompagnés.

f) Intensifier le dialogue interministériel

Les élus rappellent qu'un attendu fort de l'agence était de faire progresser l'inter-ministérialité des dispositifs et des actions. Il apparait que cette ambition initiale n'est pas complétement réalisée.

Comme le résume Intercommunalité de France, « la capacité de l'ANCT à coordonner de l'interministériel, ou la capacité de l'ANCT à influer sur la territorialisation des politiques portées par les autres ministères, est loin d'être évidente. C'est pourtant le coeur de l'ambition initiale de l'agence. »

Ce dialogue interministériel, porté par la direction générale des collectivités locales (DGCL) -qui exerce la tutelle sur l'ANCT en lien avec l'agence nationale-, existe pourtant sur certains sujets comme la feuille de route sur la ruralité. Il y a, par ailleurs, 16 représentants des ministères dans le CA de l'ANCT. Enfin, les Réunions des Administrateurs de l'État (RAE) précédent les réunions du CA et sont destinées à les préparer.

Au terme de trois ans d'existence, la discussion entre ministères et ANCT/DGCL semble avoir perdu en consistance et mérite d'être réactivée. Il semble que de meilleures coordinations pourraient naitre de ces discussions : échange d'informations, croisement et coordination des dispositifs et des financements, identification de nouvelles initiatives, propositions conjointes d'expérimentations de dispositifs, ... Pour illustrer ce point, un des exemples abordés lors des auditions était le manque de liant entre les dispositifs du ministère de l'Agriculture et les interventions de l'agence sur les questions de soutien à la transition agricole.

Vos rapporteurs appellent à une remobilisation des acteurs pour se ré-emparer de ces instances d'échange, afin de nourrir un dialogue plus intense et régulier.

g) Renforcer l'évaluation
(1) Mesurer la satisfaction des programmes par les élus locaux sur une base permettant l'étalonnage

Il serait possible de constituer, sous forme de baromètre, une mesure de satisfaction simple qui serait applicables à chaque programme.

Sur une base annuelle, les bénéficiaires des programmes seraient amenés à faire part de leur satisfaction en répondant à un nombre très limité de questions simples : le programme répond-il aux besoins ? Le programme est-il fluide dans son fonctionnement ? Le programme est-il sur un rythme adapté ? Les évolutions récentes du programme vont-elles dans le bon sens ? Etc.

De même sur l'ingénierie, une fiche de satisfaction et d'évaluation du déroulé de la mission et de l'efficacité ressentie pourrait être utile.

(2) Développer des évaluations externes déconnectées des enjeux de promotion de l'agence par elle même

L'ANCT déploie de nombreux programmes. Des évaluations externes permettant d'objectiver apports, limites et dysfonctionnements, afin que la direction puisse opérer les modifications nécessaires, et peut être même l'extinction progressive de certains, semble nécessaire.

Recommandation n°14 : Mettre en place un système de mesure simple de satisfaction (réponse aux attentes) pour les programmes nationaux et les dispositifs et instituer un calendrier pluriannuel d'évaluations externes.


* 28 Op. cit.

* 29 Le ministère de l'intérieur signale avoir engagé plusieurs initiatives : un module de formation à l'organisation territoriale de l'État, qui sera opérationnel fin 2022 sur la plateforme interministérielle de formation e learning Mentor, une formation des sous-préfets à la relance relative aux subventions et dotations visant à garantir la pleine mise en oeuvre des « mécanisme financiers de correction » des inégalités territoriales, des formations à destination des sous-préfets à la relance organisées par la SDRF co-animées par l'ANCT et le ministère de la transition écologique relatives à l'ingénierie territoriale et la transition écologique. D'autres modules existent tels que la présentation de l'ANCT et son offre de service aux territoires et son mode de saisine, l'observatoire des territoires et ont été installés sur la plateforme de e learning ForMI.

* 30 Elle est confiée au conseil supérieur de l'appui territorial et de l'évaluation rattachée directement au ministre. Elle repose sur une approche individualisée à 360°. Des acteurs fonctionnellement ou structurellement en lien avec le préfet (élus, collaborateurs, acteurs économiques, représentants professionnels et sociaux ...) sont entendus. Les acteurs locaux qui suivent les programmes de l'ANCT sont interrogés lors de ces évaluations et peuvent s'exprimer sur les résultats obtenus par le préfet, son engagement en tant que développeur et facilitateur des projets locaux.

* 31 https://www.mesopinions.com/petition/nature-environnement/urgence-ecologique-financement-changement-financons-ingenierie/184296

* 32 Les prestations d'ingénierie publique en faveur des collectivités territoriales étaient initialement considérées comme des missions de service public. Elles sont entrées dans le champ du secteur concurrentiel à la fin des années 1990 en raison du droit communautaire de la concurrence. La loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier (MURCEF) permet toutefois à des prestations d'assistance technique fournie par l'État pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire (« l'ATESAT») de subsister. Les collectivités sans ingénierie pouvaient bénéficier du concours des services de l'État sans passer par un marché public. Les choix budgétaires successifs ont fini par avoir raison de l'ATESAT, supprimé en 2014.

* 33 https://aides-territoires.beta.gouv.fr/

* 34 Deux exemples parmi d'autres : les Hautes-Alpes et la Meurthe et Moselle : https://www.hautes-alpes.gouv.fr/catalogue-des-ressources-d-ingenierie-locale-r2246.html et https://www.meurthe-et-moselle.gouv.fr/content/download/17901/125031/file/guide%20de%20l%27ing%C3%A9nierie%20publique%20territoriale%20de%20Meurthe-et-Moselle.pdf

* 35 Avec la Fédération nationale des agences d'urbanisme (FNAU), la Fédération des Entreprises publiques locales (FED EPL), l'Agence France locale (AFL), la Fédération des Agences locales de l'Énergie et du Climat (FLAME), l'Association pour l'emploi des cadres (APEC) ; l'Agence du Droit à l'Initiative Économique (ADIE), la Fédération nationale des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (FNCAUE).

* 36 https://www.vosges.gouv.fr/Actualites/Presentation-du-Laboratoire-de-la-Ruralite-et-de-Jerome-Normand-directeur-de-projet-Ruralite

* 37 Rapport Pointereau opt. Cit.

* 38 L'article L1233-3 du CGCT prévoit que l'agence conclue des partenariats avec l'ADEME, l'ANAH, l'ANRU, la CDC et le CEREMA.

* 39 Pour Action Logement, les engagements financiers pluriannuels concernaient (au 1er juin 2022) 63 villes pour un montant de 160 millions d'euros. Pour l'ANAH, ses financements réalisés dans le cadre des opérations programmées (OPAH/OPAH RU) s'inscrivent dans le cadre de conventions pluriannuelles (5 ans, plus une année de prolongation possible). Le budget global de l'opération est inscrit dans la convention de programme décliné avec un phasage annuel.

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