D. LE CONTRÔLE CONTINU DU RESPECT DES OBLIGATIONS DÉCOULANT DE L'ADHÉSION AU CONSEIL DE L'EUROPE
La partie de session a procédé au contrôle du respect des obligations en terme de droits humains et d'État de droit. Plusieurs pays étaient concernés.
1. Turquie
Approuvant le 12 octobre 2022 une résolution sur le respect des obligations et engagements de la Turquie, basée sur un rapport de John Howell (Royaume-Uni, CE/DA) et Boriss Cileviès (Lettonie, SOC), l'Assemblée a réitéré son appel à la libération d'Osman Kavala, et a exhorté les autorités turques à appliquer la décision de la Cour de Strasbourg dans cette affaire. Elle a invité le Président de l'Assemblée et le Président du Comité des Ministres à « utiliser pleinement les moyens dont ils disposent, si le manquement de la Turquie à ses obligations devait persister ».
L'Assemblée parlementaire a déclaré que la législation prévue en Türkiye pour criminaliser la diffusion d'« informations fausses ou trompeuses » causerait « une atteinte irréparable à l'exercice de la liberté d'expression avant les élections » et a exhorté les autorités turques à ne pas l'adopter.
Le changement de système politique adopté en 2017 - bien qu'il s'agisse du droit souverain de tout État membre - a « gravement affaibli les institutions démocratiques en Turquie et rendu les mécanismes d'équilibre des pouvoirs dysfonctionnels et défaillants » ont déclaré les parlementaires. Il est « nécessaire d'engager des réformes de toute urgence pour restaurer la pleine indépendance du pouvoir judiciaire et un système efficace de freins et de contrepoids ».
Les autorités turques doivent « s'assurer que toutes les conditions seront réunies pour garantir des élections libres et équitables, et notamment que l'opposition sera en mesure de mener ses activités et que les journalistes pourront travailler en toute indépendance », ont-ils ajouté, en faisant référence aux élections prévues pour l'année prochaine. Les parlementaires ont également salué les efforts de médiation de la Turquie concernant la guerre en Ukraine.
L'Assemblée propose de poursuivre un dialogue constructif, tout en continuant à surveiller, dans le cadre de la procédure de suivi à l'égard de la Turquie, l'évolution de la situation dans le pays en ce qui concerne la démocratie, l'État de droit et les droits humains.
MM. Bernard Fournier et Thibaut François se sont exprimés sur les questions de l'Etat de droit en Turquie (10 ( * )) .
Il est toutefois à rappeler que ce pays est membre du Conseil de l'Europe et que cette question est à découpler d'un quelconque processus d'adhésion à l'Union européenne.
2. Hongrie
Lors de la séance du 12 octobre 2022, l'APCE a voté pour placer la Hongrie sous la procédure de suivi complet, déclarant que les problèmes de longue date de l'État de droit et de la démocratie en Hongrie restaient largement non-résolus.
La Hongrie rejoint ainsi dix autres États membres du Conseil de l'Europe qui font actuellement l'objet d'un suivi complet (Albanie, Arménie, Azerbaïdjan, Bosnie Herzégovine, Géorgie, République de Moldova, Pologne, Serbie, Turquie et Ukraine), ce qui implique des visites régulières par deux rapporteurs de l'APCE, un dialogue permanent avec les autorités et des évaluations périodiques de la mesure dans laquelle un État membre honore ses obligations et engagements envers le Conseil de l'Europe.
Dans une résolution basée sur un rapport de MM. George Papandreou (Grèce - SOC) et Eerik-Niiles Kross (Estonie - ALDE), l'Assemblée a déclaré que l'utilisation généralisée des lois cardinales, qui requièrent une majorité des deux Hongrietiers, « restreint gravement le pluralisme politique, qui est la marque d'un système démocratique ».
Les récents changements juridiques et les problèmes liés aux lois électorales font que le cadre électoral actuel « ne garantit pas des conditions équitables propices à des élections justes », ont également conclu les parlementaires, qui ont formulé une série de recommandations concernant les élections, le système judiciaire et les médias.
Entre autres, l'Assemblée s'est également inquiétée de l'utilisation par le pays d'un ordre juridique spécial depuis 2020, qui permet le déclenchement d'un « état de danger ». Ces ordres doivent être « strictement nécessaires, proportionnés et doivent être limités dans le temps », a-t-elle précisé.
L'Assemblée a pris note d'une série de 17 changements apportés aux lois existantes le mois dernier, qui visaient à améliorer le fonctionnement des institutions démocratiques, à renforcer la transparence et à durcir les règles relatives aux conflits d'intérêts, et a invité les autorités hongroises à demander l'expertise des organes compétents du Conseil de l'Europe sur ces changements.
3. Roumanie
L'APCE a examiné le 13 octobre 2022 un rapport sur le respect des obligations découlant de l'adhésion au Conseil de l'Europe de la Roumanie.
La Roumanie a fait des progrès importants vers le respect des normes du Conseil de l'Europe depuis son adhésion, dans des domaines essentiels pour le fonctionnement des institutions démocratiques, notamment le système judiciaire et la lutte contre la corruption.
L'APCE a salué notamment les réformes structurelles en cours du système judiciaire - visant à répondre à un certain nombre de préoccupations de la Commission de Venise et du GRECO -, l'adoption d'une Stratégie de lutte contre la corruption pour 2021-2025, et son engagement dans la protection les droits des personnes appartenant à des minorités nationales.
L'Assemblée parlementaire a également salué la réaction rapide de la Roumanie face aux vagues de réfugiés en provenance d'Ukraine et l'aide que le pays a apportée à un grand nombre de personnes ayant besoin d'une protection internationale.
Toutefois, la résolution adoptée aujourd'hui, sur la base du rapport de Mmes Edite Estrela (Portugal - SOC) et Krista Baumane (Lettonie - ADLE), souligne un certain nombre de préoccupations, notamment en ce qui concerne la liberté et le pluralisme des médias, l'inclusion des citoyens roumains appartenant à la minorité Rom, et le fait que la Roumanie figure parmi les États ayant le plus grand nombre d'arrêts non exécutés de la Cour européenne des droits de l'homme.
L'APCE a fait une série de recommandations aux autorités roumaines dans le domaine de la justice, de la lutte contre la corruption, de l'exécution des arrêts de la Cour, des médias, et de la protection des minorités et des groupes vulnérables, afin qu'elles remplissent au mieux leurs obligations contractées lors de l'adhésion à l'Organisation. La pérennité et l'efficacité des réformes devront être confirmées par la bonne application de la législation.
L'Assemblée a invité sa Commission de suivi à « continuer de suivre l'évolution de la situation dans le pays dans le cadre d'un futur examen périodique et de lui faire rapport si l'évolution de la situation le justifie ».
* ( 10 ) Annexes.