B. UNE POPULATION DUREMENT ÉPROUVÉE, EN PERTE D'ESPÉRANCE POLITIQUE ET DE PERSPECTIVES DE DÉVELOPPEMENT
Aux difficultés d'obtention des permis de travail et de circulation par la population de Cisjordanie (Bethléem n'est desservie que par trois points de passage routier) et d'expulsion ou de déplacement pour les palestiniens de la zone C, s'ajoute la précarité des conditions de vie à Gaza où 75 % des 2,2 millions d'habitants ont le statut de réfugiés et vivent de l'aide humanitaire distribuée par l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). Le taux de chômage est de 50 % et l'insécurité alimentaire touche 65 % de la population.
Après 15 ans de blocus, la bande de Gaza connaît une situation de « dé-développement » depuis l'instauration du blocus israélien en 2007 à la suite de la prise du pouvoir local par le Hamas qui exerce l'autorité de fait.
C. UN RISQUE D'EMBRASEMENT GÉNÉRALISÉ
Selon l'ONU, 127 Palestiniens ont été tués en Cisjordanie entre janvier et novembre 2022, les victimes étant imputées à l'armée israélienne à l'exception de 2 Palestiniens tués par des colons10(*). Le niveau de tension en Cisjordanie n'a cessé de s'élever au cours de l'année, en témoigne la mort de la journaliste Shireen Abu Aqleh sur laquelle la France a appelé à ce que l'enquête aboutisse rapidement.
Des affrontements ont eu lieu du 5 au 7 août 2022 entre les forces de défense israéliennes et le Jihad islamique à la suite de l'arrestation de plusieurs de ses dirigeants. Les forces israéliennes ont procédé à des bombardements ciblés dans la bande de Gaza et le Jihad islamique a lancé un millier de roquettes vers Israël. À noter la non-participation du Hamas dans cet épisode armé que les forces israéliennes ont circonscrit aux seuls éléments du Jihad islamique.
La multiplication de groupes de plus en plus radicaux à la mesure du vide démocratique et du pourrissement de la situation est un risque avéré : la mort d'un soldat israélien à Naplouse, revendiquée par un groupe dénommé « l'Antre des lions », a engendré une incursion de l'armée israélienne le 25 octobre 2022 qui a provoqué la mort de 6 palestiniens puis entraîner un bouclage d'une ville de 200 000 habitants, ravivant des souvenirs de la deuxième intifada. Comme en mai 2021, un embrasement généralisé en Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-Est pouvant déborder jusqu'en Israël n'est pas à exclure.
Hébron ou la perte de toute notion de fraternité humaine
La ville d'Hébron se caractérise par un cycle de violences intercommunautaires dur et tenace, dont la ville porte les stigmates autour de la partie de la vieille ville entourant une colonie israélienne qui abrite quelques centaines de colons juifs dans une ville palestinienne de 200 000 habitants. La cité garde la mémoire du massacre du caveau des Patriarches perpétré en 1994 par un colon juif orthodoxe qui aura entrainé la mort de 29 personnes.
Depuis 1997, et plus encore à la suite de la deuxième intifada en 2000, la vieille ville d'Hébron comporte une enclave israélienne étroitement surveillée par l'armée israélienne. Cette situation se caractérise par une imbrication « en trois dimensions » de la colonie au sein même de la cité, avec par exemple les rez-de-chaussée d'une rue appartenant à des Palestiniens, tandis que les étages et les terrasses sont condamnés et sous contrôle militaire. Des habitants du quartier ont pris à témoin la délégation à la fois sur les expulsions de familles palestiniennes (rues condamnées, boutiques fermées) et sur l'incapacité de l'Autorité palestinienne à les défendre. Il en découle une violence quotidienne nourrie et exacerbée par la promiscuité des lieux (jets de projectiles ou de déchets organiques, vexations quotidiennes et absences de liberté de mouvement au coeur même de la ville). Les ONG entendues par votre délégation en font le symbole de la ségrégation et de l'Apartheid qu'elles dénoncent.
On toucherait à l'absurde si cet exemple d'enfermement mutuel (la colonie est protégée par des soldats au milieu d'une ville palestinienne elle-même enserrée par des postes de contrôle) n'était pas à la fois mortifère et un déni de toute fraternité humaine.
Source : visite de la délégation à Hébron
Hébron : symbole des cycles de violence et de déni de toute dignité humaine |
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Mur de séparation entre la partie palestinienne et la colonie israélienne |
Grillage de protection sur le marché palestinien contre les projectiles provenant de la colonie |
* 10 Source : https://www.ochaopt.org/