C. PASSER DE LA GESTION DE CRISE À LA PRÉVENTION DES CRISES : ANTICIPER POUR NE PAS SUBIR

1. Une stratégie affichée : s'accorder tous ensemble pour moins consommer et mieux consommer

La survenue de sécheresses récurrentes remet en cause le modèle d'une utilisation de l'eau assortie d'assez peu de contraintes. Tous les secteurs sont impactés : l'agriculture, le tourisme, l'énergie. Le développement résidentiel peut également être contraint par le risque de ne plus pouvoir approvisionner en eau potable l'ensemble de la population durant toute l'année.

Des difficultés dans l'approvisionnement en eau potable, heureusement limitées, commencent toutefois à se manifester et ne sont plus anecdotiques. La sécheresse de 2019 avait ainsi généré des défaillances dans l'alimentation en eau potable pour 74 communes dans 25 départements. Plus d'un million d'habitants étaient concernés 44 ( * ) .

Les zones touristiques, devant faire face à des besoins en eau potable fortement augmentés durant la période estivale, sont elles aussi sur la ligne de crête.

Les restrictions imposées durant les périodes de sécheresse ou en prévision de celles-ci remettent en cause le modèle économique de nombreux acteurs et interrogent par exemple la viabilité d'exploitations agricoles ou de types de production sur certains territoires.

Les difficultés d'alimentation en eau potable peuvent aussi freiner le développement urbain, comme cela a été indiqué par les élus rencontrés lors du déplacement dans les Pyrénées-Orientales.

Une stratégie de sobriété est donc indispensable pour faire face à la raréfaction de l'eau et en concilier l'ensemble des usages, tout en les faisant évoluer. C'est l'une des conclusions des Assises de l'eau qui ont eu lieu entre fin 2018 et mi-2019 45 ( * ) et qui ont abouti à fixer un objectif de réduction des prélèvements en eau de 10 % en 5 ans et de 25 % en 15 ans.

Cette stratégie est mise en oeuvre en comptant sur la coopération de tous les acteurs . Tant en période de crise à travers les comités sécheresse qu'en amont des crises, à travers les instances de gouvernance de l'eau, elle vise le consensus entre l'ensemble des parties concernées sur l'état de la ressource et sur les mesures à mettre en place.

2. L'instrument d'une sobriété concertée : les projets de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE)

Cette stratégie de sobriété intelligente passe par l'élaboration de projets de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE), qui succèdent aux plans de gestion de la ressource en eau (PGRE). L'objectif affiché fin 2019 consistait à élaborer 50 PTGE d'ici la fin 2022 et 100 d'ici 2027. L'instruction ministérielle de 2019 insiste sur l'impératif d'améliorer la résilience des territoires en réduisant la vulnérabilité des activités au manque d'eau . Concernant l'agriculture, elle précise que « l'irrigation peut constituer un facteur de durabilité lorsqu'elle est compatible avec les conditions environnementales, en particulier hydrologiques, du territoire et lorsqu'elle contribue à la transition agro-écologique de l'agriculture, à la diversité des productions ».

Les PTGE sont les instruments opérationnels visant à résorber les déséquilibres quantitatifs entre l'offre et la demande d'eau . Construits sur le territoire avec l'ensemble des acteurs de l'eau, l'objectif des PGRE était d'organiser le partage de la ressource et de mettre en place des actions destinées à rétablir ou préserver l'équilibre quantitatif des cours d'eau et des nappes. Ils étaient obligatoires sur les masses d'eau souterraine et les sous-bassins identifiés dans les SDAGE comme étant en déséquilibre.

Les PGRE fixaient les volumes prélevables mensuels, en période d'étiage, sur le territoire, par sous-secteur et par type de ressource (superficielle et souterraine), mais surtout, définissaient des règles de partage de l'eau entre usages, à l'issue d'une négociation entre acteurs. Le socle des PGRE reposait en effet sur des efforts d'économies d'eau.

L'instruction ministérielle du 7 mai 2019 46 ( * ) a transformé ces PGRE en PTGE pour encourager une démarche impliquant tous les acteurs de l'eau afin de réduire les déficits quantitatifs constatés sur les territoires. L'instruction promeut une approche prospective visant à intégrer les conséquences des dérèglements climatiques sur la disponibilité de la ressource en eau. Elle autorise les Agences de l'eau à financer des infrastructures de stockage ou de transfert d'eau se substituant à des ressources prélevées en période de basses eaux. Les PTGE doivent être construits en cohérence avec les SDAGE et les SAGE lorsqu'ils existent.

La stratégie de sobriété et d'optimisation des différents usages de l'eau est mise en avant en priorité, mais sans exclure la possibilité de solutions visant à améliorer la disponibilité de l'eau par du stockage ou du transfert depuis des zones excédentaires . Les acteurs du monde agricole ont toutefois exprimé leurs doutes sur ce second volet, estimant que les PTGE en cours d'élaboration reposaient beaucoup trop sur une réduction de l'utilisation de l'eau, pouvant remettre en cause la pérennité des activités productives et, en tout état de cause, bloquant tout projet de développement.

En pratique, des réductions allant au-delà de 20 % des consommations d'eau sont considérées comme difficiles à réaliser à travers des mesures techniques, une fois les mesures les plus faciles déjà adoptées, sauf à sacrifier certains utilisateurs de l'eau.


* 44 Source : instruction ministérielle du 27/07/2021 : https://aida.ineris.fr/reglementation/instruction-270721-relative-a-gestion-situations-crise-liees-a-secheresse-0 )

* 45 https://www.ecologie.gouv.fr/assises-leau

* 46 https://www.legifrance.gouv.fr/circulaire/id/44640

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