E. DES AMÉLIORATIONS NÉCESSAIRES POUR DONNER UN NOUVEL ÉLAN À LA LOI
Il résulte de qui précède que les acteurs locaux rencontrés portent une appréciation globalement positive sur les mesures adoptées en 2018 à l'initiative du Sénat. Vos rapporteurs s'en réjouissent, car c'est la preuve que notre institution a porté des dispositions pertinentes visant à revitaliser les centres-villes et centres-bourgs. Cette perception a été confirmée par la consultation que la mission a menée auprès des élus locaux entre mars et mai 2022.
En effet, nous avons interrogé les élus et les chefs de projet sur l'efficacité ou non des mesures de la loi ÉLAN, en distinguant, d'une part, les mesures juridiques visant à la régulation des implantations commerciales en périphérie, d'autre part, le dispositif ORT qui constitue, rappelons-le, le coeur du volet « revitalisation » de la loi ÉLAN.
En premier lieu, les élus locaux interrogés dans le cadre de la consultation en ligne ont salué les effets positifs du statut de l'ORT sur la revitalisation du centre-ville ou du centre-bourg. En effet, 60 % des élus ont estimé que l'ORT avait peu ou prou contribué à cette revitalisation.
L'ORT : des effets jugés positifs par les élus
Analyse par Opinion Way de la consultation lancée par la mission sénatoriale
Analyse par Opinion Way de la consultation lancée par la mission sénatoriale
Trois mesures sont jugées « efficaces » ou « plutôt efficaces » par les élus concernés par une ORT :
· l'accès prioritaire aux aides de l'ANAH, de la Banque des territoires et d'Action logement ;
· le renforcement du droit de préemption ;
· l'éligibilité au dispositif de défiscalisation Denormandie dans l'ancien.
L'efficacité des ORT révélée par notre consultation en ligne confirme les retours très positifs des élus que nous avons rencontrés lors des auditions et déplacements. Plus les élus ont engagé tôt une démarche ORT, plus leur satisfaction est forte. Les répondants, majoritairement des élus ruraux, ont signé récemment des ORT et il est donc compréhensible que seuls 60 % jugent, à ce stade, leur impact positif. Les réponses seront probablement meilleures si on réinterroge les élus dans un 1 ou 2 ans.
Signalons enfin que, selon cette même consultation, 66 % des élus ORT estiment être bien accompagnés par l'État dans la mise en oeuvre et le suivi de l'opération.
En second lieu, la mission a également interrogé les élus et les chefs de projet sur l'efficacité ou non des mesures hors ORT de la loi ÉLAN, c'est-à-dire les mesures juridiques visant à la régulation des implantations commerciales en périphérie. L'enquête auprès des élus concernait sur l'appréciation qu'ils portent sur les 7 principales mesures de la loi ÉLAN. Pour 6 d'entre elles, les élus jugent favorablement leur efficacité (mesure très efficace + plutôt efficace = de 61 % à 68 %).
Analyse par Opinion Way de la consultation lancée par la mission sénatoriale
Finalement, il ressort du travail mené par la mission que les mesures de la loi ÉLAN sont jugées efficaces et pertinentes. La difficulté réside plutôt dans une application ou une notoriété insuffisantes de ces mesures.
1. « Muscler » le dispositif Denormandie
Comme indiqué plus haut, le dispositif dit Denormandie est souvent présenté comme un outil essentiel de revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs dans le cadre des communes ou EPCI classés en ORT. Créé en 2019, ce dispositif est, en l'état, applicable jusqu'au 31 décembre 2023.
S'il parait prématuré de tirer un premier bilan de ce dispositif fiscal récent, de nombreux chefs de projets interrogés par vos rapporteurs l'ont jugé trop peu connu et sous-utilisé. La consultation en ligne des élus locaux va dans le même sens puisque un tiers d'entre eux30(*) soit ne connaissent pas cette mesure, soit la connaissent mais déclarent qu'elle n'est pas déployée dans leur commune.
Toutefois, cette consultation est insuffisante pour évaluer de manière fine l'efficacité de la mesure. C'est pourquoi vos rapporteurs attendent avec intérêt le rapport d'évaluation que le Gouvernement doit remettre au Parlement avant le 30 septembre 202231(*). Ils notent toutefois avec inquiétude que les démarches d'évaluation ont été tardivement engagées par les services de l'État, de sorte que la date du 30 septembre ne sera pas respectée. Lors de son audition, le ministère du logement a indiqué que, sur la base des déclarations faites en 2021 sur les revenus 2020, on compte seulement 700 ménages bénéficiaires. Les chiffres sur les revenus 2021 n'étaient pas, eux, disponibles. En outre, étonnamment, le nombre de logements concernés et leur localisation ne sont pas connus des services de l'État.
Recommandation n° 2 : (État / Ministère en charge du logement) : Conduire une évaluation précise du dispositif Denormandie ; faire connaitre cette mesure auprès des élus et des investisseurs potentiels.
2. Dispenser les ORT des règles du « Zéro artificialisation nette »
La sobriété foncière est une nécessité que nul ne discute. C'est pourquoi vos rapporteurs n'entendent pas remettre en cause les objectifs fixés dans le cadre de la loi dite « climat et résilience » concernant le « zéro artificialisation nette » (ZAN).
Toutefois, comme l'ont relevé de nombreux sénateurs, dont notre collègue Françoise Gatel le 13 juillet 2022 lors de la séance de questions au Gouvernement32(*), les décrets d'application de la loi méritent d'être revus, en étroite concertation avec les élus locaux.
En particulier, il serait opportun de prévoir qu'une opération de revitalisation menée dans un secteur d'intervention d'une ORT ne soit pas considérée comme une artificialisation des sols au sens de la démarche ZAN précitée. Une telle dérogation permettrait de faciliter la réalisation d'actions de revitalisation. En effet, l'objectif de sobriété foncière doit céder devant celui de la redynamisation de nos territoires fragilisés.
3. Utiliser davantage les documents d'urbanisme pour réguler activités commerciales et logistiques
Vos rapporteurs ne jugent pas opportun de renforcer le cadre juridique issu de la loi ÉLAN. En effet, édicter des règles plus contraignantes pourrait être jugé contraire aux dispositions communautaires33(*) et, plus généralement, à la liberté d'établissement.
En revanche, les élus peuvent réguler l'offre commerciale par le biais des documents de planification urbaine, documents qui répondent à des objectifs d'intérêt général, à savoir l'équilibre dans le développement des territoires et l'amélioration du cadre de vie.
La Cour de justice de l'Union Européenne a reconnu que le fait de préserver la viabilité du centre-ville et d'éviter l'existence de locaux inoccupés en zone urbaine, dans l'intérêt d'un bon aménagement du territoire, était susceptible de constituer une raison impérieuse d'intérêt général (Décision Visser précitée du 30 janvier 2018, considérant 135). Cet arrêt portait sur un plan d'urbanisme local qui régulait les commerces de façon très fine, selon la taille des objets vendus. Indirectement, la justice communautaire a donc autorisé les élus locaux à se doter de documents d'urbanisme très précis.
Lors de son audition, M. Alban GALLAND, sous-directeur du commerce, de l'artisanat et de la restauration, à la direction générale des entreprises du ministère de l'Économie et des Finances, a souligné l'intérêt de cette démarche : « En réalité, toutes ces questions peuvent et doivent être traitées dans le cadre des PLU : il est possible d'y réaliser un zonage extrêmement précis, de jouer sur les effets de seuil - le seuil de 1000 m² peut tout à fait être ramené à 400 m² par exemple34(*) -, de réguler les entrepôts, et le PLU est même beaucoup plus adapté pour traiter des dark stores dont la surface est trop petite pour l'aménagement commercial du territoire. Vous pouvez même faire de la gestion paysagère avec le PLU, imposer des toits en triangle plutôt que des toits plats. Si vous ne voulez pas d'un troisième magasin de bricolage, vous réduisez la taille des zones commerciales. C'est ainsi que font les autres pays ! En somme, et c'est ce que propose le dispositif 3DS, il faut renforcer le pilotage par l'urbanisme, c'est-à-dire par le PLU. »
Ces propos appellent les observations suivantes :
- En premier lieu, il est exact que des pays voisins de la France opèrent la régulation commerciale au moyen des documents d'urbanisme. Lors de son audition, Pierre Narring ancien membre du Conseil Général de l'Environnement et du Développement Durable, a affirmé : « Quant au travail de parangonnage européen, il montre que nos voisins européens s'en sortent mieux tout en respectant les directives européennes. » Par exemple, en Allemagne, les grandes surfaces ne sont autorisées à s'installer que dans des zones spécifiquement définies par le plan d'urbanisme local ;
- En deuxième lieu, de nombreux élus ont, en effet, fait valoir que les documents d'urbanisme permettaient de préserver la vitalité commerciale des coeurs de ville. Ainsi, David Valence, le maire de Saint-Dié-des-Vosges, a déclaré : « Nous disposons d'un PLU (plan local d'urbanisme) mis en place il y a plus d'une dizaine d'années, avant mon élection en 2014. Nous sommes en train de le revoir à l'échelle de la communauté d'agglomération, et il devrait en aboutir une nouvelle version pour 2023. Dans ce nouveau PLU je serai vigilant pour qu'on puisse limiter la construction de nouvelles zones commerciales, ou permettre de modifier la destination économique des lieux35(*). »
- En troisième lieu, la loi 3DS s'inscrit dans cette logique de régulation par l'urbanisme. En effet, son article 97 prévoit, à titre expérimental et pour six ans, que lorsque, dans le cadre d'une ORT, un projet nécessite une autorisation commerciale, celle-ci est délivrée par l'autorité compétente en matière d'urbanisme (maire ou président de l'EPCI) sans que soit saisie la CDAC et sans que les services déconcentrés de l'État instruisent la demande. Cette expérimentation mérite d'être approuvée, en ce qu'elle simplifie les démarches de porteurs de projets, jusqu'alors tenus de solliciter deux autorisations distinctes : autorisation d'urbanisme et autorisation d'exploitation commerciale. Surtout, cette expérimentation va opportunément dans le sens d'une régulation commerciale par les règles d'urbanisme « de droit commun »36(*). En d'autres termes, elle marque une forme de décentralisation de l'urbanisme commercial souhaitée par nombre d'associations d'élus locaux. Le cadre juridique actuel parait donc suffisant et offre les outils nécessaires aux élus pour répondre aux enjeux des territoires, et ce pour deux raisons essentielles.
D'une part, le droit de l'urbanisme permet d'agir à une échelle supra-communale et limiter ainsi le risque de concurrence des territoires. Ainsi, notre collègue Françoise Gatel, présidente de la délégation aux collectivités territoriales, a fort justement souligné, lors de la table-ronde du 3 février 2022, l'intérêt du plan local d'urbanisme : « Que l'on doive régler cela à l'échelle du PLU, j'en suis d'accord : le PLU est un projet de ville et de territoire. », ajoutant toutefois : « qui n'a pas connu cette mésaventure : votre PLU interdit à une grande surface de 2 000 m² de s'implanter et, du coup, elle part s'installer chez le voisin ! ».
D'autre part, le droit positif permet aussi aux élus d'assurer la régulation des dark stores, dont l'essor fait craindre à certains l'évolution vers des « villes sans vitrines ». De quoi s'agit-il précisément ? Une nouvelle forme de commerce émerge à la faveur de la crise sanitaire : le quick commerce qui garantit une livraison de courses en moins de quinze minutes, au moyen d'une application web dédiée. Cette livraison est généralement assurée depuis des dark stores : d'anciens magasins transformés pour l'entreposage, le stockage et la préparation des livraisons, sans accueil du public. Lorsque la demande porte sur la livraison de repas préparés, on parle alors de dark kitchens. Afin de tenir la promesse d'une livraison rapide, les entreprises du secteur doivent disposer d'un maillage très serré de dark stores. Elles se développent en particulier dans les centres-villes des métropoles. Les dark stores ont une fonction uniquement logistique pour faciliter et accélérer au maximum la livraison des produits depuis un centre de distribution proche du client final (« ville du quart d'heure »). Ainsi peut-on craindre que des restaurants disparaissent et que nos coeurs de ville battent au rythme des scooters de livraison : la ville du quart d'heure pourrait ainsi devenir la ville du « mauvais quart d'heure », avec ses effets délétères sur le plan social mais aussi ses conséquences sur les difficultés de circulation.
Face à la montée de ce phénomène, le Gouvernement a publié, le 18 mars 202237(*), un guide précisant la nature de cette activité économique : les dark stores ne relèvent pas de la catégorie « commerces et activité de service » au sens du code de l'urbanisme. En effet, ils ne sont pas destinés à l'accueil physique d'une clientèle ni à une vente de bien in situ puisque le consommateur effectue ses achats en ligne et se fait livrer à domicile. Ils relèvent donc de la catégorie juridique des « entrepôts » au sens du code de l'urbanisme38(*). Comme le relève justement le rapport d'information sur l'attractivité commerciale en zones rurales, ces entrepôts ne sont pas soumis aux règles de l'aménagement commercial39(*). Le porteur d'un projet d'entrepôt n'a donc pas à présenter une analyse d'impact sur l'écosystème économique environnant. En revanche, les élus peuvent, via leurs documents d'urbanisme, déterminer les zones autorisées pour les entrepôts. Ils disposent donc, à droit constant, des outils pour les réguler lorsqu'ils estiment qu'ils sont susceptibles de générer des externalités négatives sur leurs coeurs de ville.
À la demande des élus locaux, le code de l'urbanisme doit prochainement être précisé afin d'attribuer aux dark stores la qualification juridique d'entrepôts et non des commerces, et ce même s'ils disposent d'un point de retrait. Les rapporteurs espèrent que cette opportune clarification juridique va inciter les élus locaux à utiliser davantage les documents d'urbanisme pour réguler les activités commerciales et logistiques.
En effet, il ressort du questionnaire adressé aux CDAC par vos rapporteurs que 24 CDAC répondantes sur 38 estiment que les élus n'ont pas mis en place des documents d'urbanisme suffisamment adaptés aux enjeux de l'aménagement commercial.
Pourquoi une telle situation ? Les auditions menées par vos rapporteurs mettent en évidence que de nombreux d'élus expriment des réticences à utiliser le levier de l'urbanisme, car autoriser de grandes surfaces en périphérie permet, d'une part, de créer des emplois et des ressources fiscales, d'autre part, d'augmenter le pouvoir d'achat des habitants. Les maires perçoivent ainsi des bénéfices immédiats sans appréhender les externalités négatives, à plus long terme, sur les commerces de centre-ville. On peut ajouter d'autres considérations tenant, notamment, à la volonté des élus de respecter la liberté de commerce et d'industrie.
Vos rapporteurs encouragent vivement les élus à jouer sur le levier de l'urbanisme pour assurer une régulation pertinente et adaptée de l'activité commerciale et logistique sur leurs territoires.
Recommandation n°3 (élus locaux) : faire un usage plus actif des documents d'urbanisme pour assurer la régulation des activités commerciales, notamment des entrepôts (« dark stores »).
4. Renforcer le contrôle préfectoral de l'urbanisme commercial
Comme indiqué au paragraphe I. B.3., la loi ÉLAN a renforcé le pouvoir de contrôle du préfet en matière de conformité aux autorisations délivrées par les CDAC. Près de quatre ans après le vote de la loi et plus de trois après l'adoption du décret d'application, force est de constater que la volonté du législateur n'a pas été respectée.
En premier lieu, il ressort des déplacements effectués par vos rapporteurs que les préfectures ne semblent pas avoir mis en place un processus interne propre à assurer ce contrôle renforcé, qui passe concrètement par la vérification que chaque projet autorisé fait l'objet d'un certificat et que ce dernier atteste de la conformité entre la construction de surfaces autorisées et les constructions effectivement réalisées. Il semble également que l'habilitation prévue par la loi soit purement formelle40(*). Les services de l'Etat n'ont pas donc « joué le jeu », faisant échec à la volonté du législateur.
En second lieu, la consultation des CDAC menée par la mission a révélé que parmi les 38 répondants, aucun n'a relevé d'arrêté de fermeture au public et 33 n'ont constaté aucune mise en demeure préfectorale ; sur les 5 autres départements, on note :
- un département avec une mise en demeure en cours,
- un département avec deux mises en demeure au cours des douze derniers mois,
- trois départements avec une mise en demeure au cours des douze derniers mois.
Par ailleurs, s'agissant de la base ICODE, les préfectures et les CDAC interrogées ont, étonnamment, indiqué ne jamais avoir utilisé cette base. Elles estiment ainsi ne pas avoir été affectées par cette suppression opérée par la loi ASAP. Seules 6 CDAC (sur les 38 qui ont répondu) souhaiteraient disposer d'un outil d'aide à la décision afin de disposer de toutes les informations sur le comportement d'un exploitant, et ce au-delà des limites du département (moratoires, mises en demeure, arrêtés de fermeture...).
Recommandation n° 4 : (Etat / préfectures) : Mettre en place, au sein de chaque préfecture, une organisation interne permettant d'éviter des implantations commerciales non conformes aux autorisations délivrées.
5. Mieux faire connaitre les mesures de la loi ÉLAN
Au-delà des trois points évoqués plus haut, les mesures juridiques de la loi ÉLAN demeurent, d'une manière générale, peu connues et peu appliquées. Les deux consultations précitées menées par la mission le démontrent clairement.
Ainsi, la majorité des élus répondants déclarent ne pas connaitre les mesures de la loi ÉLAN (entre 35 % et 44 %) ou les connaître mais indiquer qu'elles ne sont pas appliquées dans leur commune (entre 25 % et 35 %).
Le statut ORT reste aussi méconnu des élus comme l'illustre l'encadré ci-dessous :
La consultation révèle que cette méconnaissance concerne aussi, étonnamment, les chefs de projets, pourtant censés en être des spécialistes. Ainsi, seuls 40 % des chefs de projets déclarent connaître les principales mesures de la loi ÉLAN.
Les résultats de ces enquêtes de terrain confirment les observations de la mission au cours des auditions : la politique publique de revitalisation souffre d'un déficit de notoriété manifeste qui nuit à son efficacité. Cette question concerne également les programmes ACV et PVD et c'est pourquoi la mission propose une recommandation générale visant à mieux faire connaitre aux élus la politique publique de revitalisation (cf infra ; recommandation n°12).
6. S'assurer du déploiement du dispositif concernant les fermetures de grandes surfaces le dimanche
La loi dite « 3DS » a introduit, à l'initiative du Sénat, un dispositif visant à corriger un déséquilibre du tissu commercial de proximité à l'intérieur du périmètre d'un SCoT (article 1141(*)).
Ce dispositif permet aux collectivités territoriales et à leurs groupements de consulter les organisations syndicales de salariés et les organisations d'employeurs d'une profession établis sur le périmètre du SCoT afin d'obtenir un accord portant sur l'encadrement des jours et des heures d'ouverture au public de certains établissements commerciaux situés sur ce périmètre. L'accord obtenu est valable en principe cinq ans.
Lors des débats parlementaires, le Gouvernement s'est opposé à cette initiative au motif que le code du travail prévoirait déjà des dispositions jugées adaptées pour réguler l'ouverture des commerces au niveau local. Certes, l'article L. 3132-27-2 dudit code, issu de la loi dite « Macron » de 201542(*), dispose que dans le périmètre de chaque SCoT, le préfet réunit annuellement les acteurs locaux (élus, associations de commerçants, représentants des salariés et employeurs...) dans le cadre d'une concertation sur les pratiques d'ouverture dominicale des commerces et leur impact sur les équilibres en matière de flux commerciaux.
Toutefois, force est de constater que ces réunions, organisées sous l'égide du préfet, n'ont guère produit les résultats escomptés.
C'est pourquoi vos rapporteurs se réjouissent de l'adoption, en commission mixte paritaire, du dispositif précité. Comme l'a souligné notre collègue Françoise Gatel, présidente de la délégation aux collectivités territoriales, lors des débats en séance publique : « Ce sujet nous concerne tous. Nous nous battons pour la revitalisation des commerces et des centres-villes. Même les communes et les EPCI investissent de l'argent dans les commerces. Vous-même, madame la ministre, vous défendez des programmes de revitalisation des commerces de centre-ville. Or tout cela part à vau-l'eau parce que, le dimanche, de grandes surfaces alimentaires situées en périphérie (...) sont ouvertes. Il ne sert à rien de soutenir les commerces d'un côté, si c'est pour les laisser détruire de l'autre côté43(*) ! »
La mission souhaite que le Gouvernement, bien qu'hostile à l'amendement sénatorial, fera diligence dans l'adoption du décret prévu par la loi 3DS, permettant la mise en oeuvre de ces accords locaux de commerce. Aucune date, même approximative, n'a pu être communiquée aux rapporteurs, le Gouvernement n'ayant fixé la direction-pilote du décret qu'en juin 202244(*), soit quatre mois après la promulgation de la loi « 3DS ».
La mission est convaincue que cette mesure constitue un complément indispensable aux dispositions de la loi ÉLAN ainsi qu'aux deux programmes de revitalisation pilotés par l'ANCT. Après l'adoption du décret, la mission préconise un suivi parlementaire de la mise en oeuvre, par les élus, du dispositif.
Recommandation n°5 : S'assurer de la mise en oeuvre réglementaire du dispositif sur l'ouverture dominicale des commerces ; à moyen terme, en évaluer les effets sur la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs.
* 30 34,4 % des répondants
* 31 L'article 75 de la loi de finances pour 2022 dispose que le Gouvernement doit remettre au Parlement, avant le 30 septembre 2022, un rapport d'évaluation du dispositif Denormandie.
* 32 Voir en particulier sa question à M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, publiée dans le JO Sénat du 14/07/2022 : http://www.senat.fr/questions/base/2022/qSEQ22070002G.html.
* 33 À titre d'exemple, sont actuellement concernés par la procédure d'autorisation commerciale les projets de création d'un magasin ou extension d'un commerce existant d'une surface de vente supérieure à 1000 m² (article L. 752-1 du code de commerce). Abaisser ce seuil à 300 ou 400 m², comme certains l'ont proposé à vos rapporteurs, pourrait être sanctionné par la CJUE. Comme l'a indiqué lors de son audition M. Alban GALLAND, sous-directeur du commerce, de l'artisanat et de la restauration, à la direction générale des entreprises du ministère de l'Économie et des Finances : « le problème principal de notre aménagement commercial, c'est l'impossibilité de faire des tests économiques et d'interdire un projet parce qu'il viendrait en perturber un autre, issue du droit de l'Union européenne ».
La notion de test économique résulte de l'article 14 de la directive « services » de 2006. Ce test y est défini comme le fait de « subordonner l'octroi de l'autorisation à la preuve de l'existence d'un besoin économique ou d'une demande du marché, à évaluer les effets économiques potentiels ou actuels de l'activité ou à évaluer l'adéquation de l'activité avec les objectifs de programmation économique fixés par l'autorité compétente ».
* 34 Sont concernés par la procédure d'autorisation les projets de création d'un magasin ou extension d'un commerce existant d'une surface de vente supérieure à 1 000 m² (article L. 752-1 du code de commerce).
* 35 Envies de villes. (2022). Le maire qui a dit non à l'agrandissement des grandes surfaces, https://www.enviesdeville.fr/penser-la-ville/le-maire-qui-a-dit-non-a-lagrandissement-des-grandes-surfaces/.
* 36 Amendement n° 3355 présenté par le Gouvernement en première lecture à l'Assemblée nationale.
* 37 Gouvernement. (2022, mars). Fiches modalités de régulation des dark stores, https://www.economie.gouv.fr/urbanisme-guide-elus-locaux-regles-quick-commerce.
* 38 Articles R. 151-27 et R. 151-28 du code de l'urbanisme.
* 39 Belin, B. et Babary, S., Op. cit.
* 40 En application de l'article L. 752-23 du code de commerce, le certificat de conformité doit être établi par un « organisme habilité par le représentant de l'État dans le département ».
* 41 Cet article issu d'un amendement présenté par notre collègue Dominique De Legge, https://www.senat.fr/amendements/2020-2021/724/Amdt_1073.html.
* 42 La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.
* 43 Séance du 8 juillet 2021 : https://www.senat.fr/seances/s202107/s20210708/s20210708010.html.
* 44 En l'espèce il s'agit de la Direction générale des entreprises.