B. UN DÉPLOIEMENT DANS L'ENSEMBLE RÉUSSI DES MAISONS FRANCE SERVICES

1. Une hausse des exigences nationales ayant permis une montée en gamme du dispositif

Le passage des MSAP aux France services a permis une réelle montée en gamme des maisons . Au-delà des objectifs quantitatifs de maillage du territoire, France services constitue un progrès qualitatif, grâce à un cadre plus clair , permettant de répondre partiellement aux critiques émises à l'encontre des MSAP.

a) Un élargissement du socle national d'opérateurs présents dans toutes les maisons

Sept opérateurs nationaux étaient associés au réseau des MSAP : Pôle emploi ; la caisse nationale d'assurances familiales (CNAF), la caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) ; la caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) ; la mutualité sociale agricole (MSA), La Poste et Gaz Réseau Distribution France (GRDF).

Cependant, tous les partenaires n'étaient pas systématiquement présents dans les MSAP. Selon la Cour des comptes citant un rapport du conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), une MSAP réunissait en moyenne 3,6 partenaires .

À ce titre, les maisons France services constituent un réel progrès. La convention France services associe en effet non plus sept mais neuf opérateurs. Ces partenaires sont : la CNAF ; la CNAM ; la CNAV ; la MSA ; Pôle Emploi ; La Poste ; la direction générale des finances publiques (DGFiP) ; le ministère de la Justice et enfin l'agence nationale des titres sécurisés (ANTS) avec le ministère de l'intérieur.

La principale innovation est que, s'agissant de ces opérateurs nationaux, l'offre France services n'est plus à géométrie variable. Les neuf partenaires sont associés à toutes les maisons France services ; dont ils assurent le « back office ».

b) La mise en place d'un cahier des charges national plus exigeant
(1) Un acquis à conserver : le cahier des charges clair et identique pour toutes les maisons

L'organisation et le fonctionnement des MSAP étaient essentiellement régis par des conventions cadres conclues localement par les participants. Ces conventions locales définissaient les services rendus aux usagers, la zone dans laquelle la maison de services au public exerce son activité, les missions qui y sont assurées et les prestations qu'elle peut délivrer. En conséquence, comme cela a été souligné plus haut, l'offre de services des MSAP et leur qualité étaient extrêmement variables.

L'un des objectifs de France services était de pallier cette hétérogénéité au travers de l'établissement d'un référentiel national , commun à l'ensemble des maisons. Deux documents annexés à la convention signée par l'État et les opérateurs nationaux définissent les conditions de labellisation France services : la « charte nationale d'engagement » et le « bouquet de services » , détaillant le socle de services proposés.

La charte liste les obligations suivantes que doivent désormais respecter les maisons France services :

- la présence de deux agents au sein de la structure France services ;

- la réalisation complète de la formation initiale des agents à la date d'ouverture de la structure ;

- l' ouverture de la structure au minimum 5 jours et 24 heures par semaine ;

- l'engagement des partenaires nationaux auprès de la structure ;

- l'existence au sein de la maison d'un espace de confidentialité ;

- la mise à disposition d'au moins un poste informatique en libre-service . La charte précise que « chaque structure France Services est tenue d'assurer un accès libre et gratuit à un point numérique ou à tout outil informatique permettant de réaliser des démarches » ;

- l'accessibilité du site aux personnes à mobilité réduite ;

- un reporting des activités par structure.

Les structures doivent également être équipées de façon à permettre aux usagers d'effectuer des rendez-vous en visioconférence avec les neuf opérateurs socles du programme.

La charte ne représente qu'un socle minimum. Elle indique par exemple que « toute structure France Services peut proposer des missions spécifiques de médiation numérique visant la mise en autonomie et le développement du pouvoir d'agir des usagers accompagnés ».

Lors des débats parlementaires sur le projet de loi dite « 3DS », certains amendements visant à assouplir les contraintes du cahier des charges pour les maisons situées dans certaines zones (montagnes ou zones très rurales) avaient été débattus à l'Assemblée nationale. Ils n'avaient pas été adoptés. Le rapporteur spécial considère que la mise en place d'un cahier des charges commun à l'ensemble des maisons constitue un vrai atout en termes d'égalité d'accès aux services publics . Il serait regrettable de revenir sur cette avancée en assouplissant le cahier des charges dans certaines zones. Cela reviendrait à pénaliser encore davantage les usagers des zones les plus éloignées en leur offrant une version « dégradée » par rapport aux maisons France services situées dans des zones plus urbaines.

(2) Une procédure de labellisation formalisée

Les labellisations, effectuées par vagues trimestrielles successives au cours des deux dernières années, ont été jugées positivement par les opérateurs entendus par le rapporteur spécial comme par les élus ayant répondu à son questionnaire. Seuls 12,5 % d'entre eux ont considéré que le bilan de la labellisation de leur maison France services était plutôt négatif .

Réponses des élus à la question « pour les MSAP ayant été labellisées en France services, jugez-vous que la labellisation a été positive ? »

Source : plateforme de consultation des élus locaux du Sénat

La procédure de labellisation France services est désormais très encadrée au niveau national.

Le processus de labellisation des maisons France services

Depuis 2021, l'ANCT a eu recours aux services et à l'expertise des organismes de certification de l'Association Française de normalisation (Afnor) et Vitalis afin de mener les études de dossier et les audits de terrain visant à garantir le respect du cahier des charges nécessaire à l'obtention du label France services.

Chaque trimestre, les campagnes de labellisation suivent les étapes suivantes :

- les préfectures de département présentent à l'ANCT la liste des candidatures déposées 3 mois environ avant la phase de labellisation ;

- elles transmettent deux mois avant la labellisation les documents permettant dans un premier temps d'attester sur pièces du respect d'un certain nombre de critères du cahier des charges. Ce contrôle est mené par les équipes d'Afnor-Vitalis en lien avec l'ANCT ;

- cette analyse documentaire est ensuite complétée par des audits de labellisation systématiques, réalisés le mois précédant la labellisation ;

- Afnor-Vitalis transmet à l'ANCT les résultats de chaque visite de terrain sous la forme de rapports d'audit ;

- l'ANCT contrôle le résultat de l'étude documentaire et du rapport d'audit de chaque structure candidate ;

- l'ANCT annonce aux préfets la liste des structures ayant obtenu la labellisation dans leur département. Les préfets annoncent ensuite les résultats aux porteurs de projet.

Source : DGCL

La transformation des MSAP en maisons France services n'était pas automatique. Les MSAP ne respectant pas les 30 points minimum obligatoires de la grille d'audit n'ont pas été homologuées France Services. La circulaire de 2019 mentionnée plus haut indique que ces maisons doivent faire l'objet d'un accompagnement renforcé jusqu'à obtention du niveau de qualité requis.

Le label MSAP s'est éteint le 1 er janvier 2022. Les MSAP qui n'ont pas obtenu le label France services avant le 31 décembre 2021 ne perçoivent plus de subvention de fonctionnement depuis cette date. 2022 a cependant constitué pour les MSAP non labellisées encore en activité une année intermédiaire : afin de garantir une continuité dans leurs activités, leur accès à l'outillage informatique des France services (plateforme de suivi d'activité) est maintenu en 2022.

Les MSAP non labellisées France services

Ces maisons ne représentent qu'une très petite minorité. En mars 2022, 28 MSAP portées par des collectivités ou des associations n'ont pas candidaté à la labellisation France services . Les MSAP portées par les collectivités qui n'accéderont pas à la labellisation France services sont en majorité des structures qui ont été progressivement remplacées par des France services à proximité en raison de la recomposition des bassins de vie locaux, ou du peu de fréquentation qu'elles connaissaient.

L'essentiel des MSAP non labellisées France services sont des structures postales : 199 MSAP postales ne sont pas labellisées France services. Parmi elles, 64 structures anciennement portées par La Poste ont fait l'objet d'un changement de porteur et ont accédé à la labellisation (activité reprise sur le même site ou dans la même commune par une association ou le plus souvent par des collectivités).

D'après la DGCL, les principaux motifs pour lesquels les MSAP postales n'ont pas candidaté à la labellisation sont les suivants :

- labellisation France services dans une commune ou un quartier à proximité de la même ville, davantage en adéquation avec la recomposition des bassins de vie ;

- bureaux de poste ne permettant pas de répondre au cahier des charges France services : petite superficie, travaux nécessaires à l'accessibilité pour les personnes à mobilité réduite ;

- fréquentation trop faible de la structure ne permettant pas au porteur de se projeter dans une labellisation France services.

(3) Un progrès par rapport aux MSAP qui doit être conservé : la présence obligatoire d'a minima deux agents

L'une des principales nouveautés du cahier des charges France services par rapport aux MSAP est l'obligation de disposer dans chaque structure d'au moins deux agents polyvalents présents simultanément . Il demeure cependant une ambiguïté sur la comptabilisation de ces emplois : il peut s'agir ou non de deux équivalents temps plein (ETP). Il s'agit par ailleurs d'un plancher, le nombre d'agents par maison est fréquemment supérieur.

Ce critère de présence peut en outre être apprécié avec une certaine souplesse. La charte France services indique que la présence de deux agents est « recommandée ». Elle précise ainsi que « ces agents peuvent être affectés à temps plein ou à temps partiel, selon les besoins de la structure et en adéquation avec les réalités du territoire. En cas d'impossibilité matérielle à la mise en oeuvre de cette recommandation, l'unique agent de la structure France Services s'engage à assurer un service public de proximité qualitatif au moins vingt-quatre heures par semaines, sur cinq jours ouvrés ».

L'obligation de présence des deux agents n'a pas été facilement acceptée, en particulier pour les petites collectivités portant des France services, pour lesquelles le coût était important sans que les financements n'aient augmenté par ailleurs. Néanmoins, le principe des deux agents semble désormais majoritairement bien accepté. Ainsi, seuls 20 % des élus interrogés ont répondu que le deuxième agent n'avait pas selon eux entraîné de bénéfice direct pour les usagers.

Réponse des élus locaux à la question « Jugez-vous que l'obligation de présence d'un deuxième agent dans la maison France services était... »

Source : plateforme de consultation des élus locaux du Sénat

La présence d'au moins deux agents permet d'éviter des ruptures de service, notamment lors des congés. Elle est indispensable pour permettre un accompagnement individualisé de qualité en prenant le temps d'accompagner efficacement les usagers. Elle permet aussi d'étendre les heures d'ouverture des maisons France services et par conséquent de toucher un public plus large qui n'était pas toujours disponible aux horaires restreints constatés dans certaines MSAP.

En conséquence, le rapporteur spécial considère que le principe des deux agents doit impérativement être maintenu. Revenir sur ce principe impliquerait de renoncer à une plus grande qualité de services pour les usagers.

Réponse des élus locaux à la question « le bénéfice principal de ce deuxième agent est-il selon vous »

Source : plateforme de consultation des élus locaux du Sénat

Recommandation n° 23 : Maintenir un cahier des charges commun à toutes les maisons France services en conservant dans le cahier des charges le principe de deux agents minimum par maison. (Ministère de la transformation et de la fonction publiques - ANCT)

c) La mise en place d'un cadre national de formation des agents France services

La formation des agents, et plus largement leur professionnalisation, constituait l'un des points faibles du réseau des MSAP. Le rapport de la Cour des comptes de 2019 était très clair sur ce point : « les profils des agents des MSAP sont très hétérogènes. Ils bénéficient d'une formation fournie par chaque opérateur conventionné qui reste inégale en fréquence et en qualité. De son côté, la Caisse des dépôts et consignations réalise des actions d'animation et de formation complémentaires, conformément au mandat qui lui a été donné, mais ces actions demeurent facultatives ».

Désormais, la formation initiale des agents de chaque France services constitue un prérequis à la labellisation. Elle est assurée par le centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) dans le cadre d'une convention de partenariat avec l'ANCT et la Banque des territoires. Pour les agents de droit privé (association, agents des maisons portées par la MSA et postiers), qui ne sont pas éligibles à la formation du CNFPT, la formation est assurée par la Banque des territoires.

La formation initiale s'étend sur cinq jours et demi . Elle est composée de deux parties : la première, dite « formation socle » est dédiée aux compétences générales du métier d'agent France services pour l'accueil et l'accompagnement des usagers. La seconde partie correspond à la formation « métier » avec l'intervention de formateurs des neuf opérateurs. Des sessions sont organisées à l'initiative des préfectures de département dès qu'une ou plusieurs candidatures sont présentées à une campagne de labellisation.

Le contenu de la formation initiale des agents France services

La première partie de la formation se décline en plusieurs modules. Le premier module « L'accompagnement des usagers par le chargé d'accueil France services » est suivi en présentiel sur une durée de 2,5 jours. Son contenu est le suivant :

- identifier les enjeux de la fonction d'accueil au sein d'une France services - de s'approprier les rôles et missions de l'agent ;

- identifier les attentes des usagers ;

- s'approprier les méthodes et outils pour un accueil efficace et de qualité ;

- adapter son accueil aux différentes situations ;

- accompagner l'usager vers l'autonomie dans ses démarches papiers ou dématérialisées ;

- comprendre les enjeux et l'utilité du reporting .

Le deuxième module, « Enjeux et bonnes pratiques de la médiation numérique » poursuit 3 objectifs : qualifier les enjeux de la transition numérique des territoires ; identifier ce qu'est la médiation numérique ; permettre aux participants de découvrir des outils, des ressources adaptées pour accompagner leur réflexion. Le module 3 est une formation à distance portant sur l'outil de saisie de l'activité des agents France services (« Administration + ») et les enjeux du programme Services Publics +.

La formation métiers se déroule sur 3 jours et prévoit l'intervention de formateurs des neuf opérateurs selon le séquençage suivant :

- préfecture : la posture attendue des agents France services, « j'actualise ma situation administrative » ;

- CAF-MSA-CNAM : « Je fais une démarche administrative santé et j'attends un enfant » ;

- CAF-MSA-La Poste : « Je gère mon habitat » ;

- Pôle Emploi : « Je suis en recherche d'emploi » ;

- CNAV-MSA : « Je prépare ma retraite, j'ai perdu un proche » ;

- DDFIP : « Je comprends ma situation fiscale » ;

- Ministère de la justice : « Je fais face à un litige » ;

- CAF-MSA-La Poste-DDFIP-CNAM : « Je suis en situation de précarité » ;

- CAF : « Je me sépare ».

Les agents France services bénéficient également de formations continues . Celles-ci sont majoritairement réalisées à distance, pour une durée d'une à trois heures (soit 20 à 30 heures de formation par an).

2. Un consensus des élus locaux et des usagers autour du bien-fondé du dispositif

L'intérêt du programme France services est selon le rapporteur spécial indéniable. Le dispositif est d'ailleurs bien perçu par l'ensemble des acteurs , les usagers des services publics en premier lieu, mais aussi par les porteurs de projet, au premier rang desquels les collectivités territoriales.

a) Une satisfaction globale des usagers qui se traduit par une fréquentation en hausse rapide

Lors de ses déplacements, le rapporteur spécial a pu échanger avec de nombreux usagers de différentes maisons. L'impression globale qui en ressort est celle d'un ressenti effectivement très positif, la principale limite soulevée étant le manque de visibilité du dispositif .

L'Agence nationale de la cohésion territoriale (ANCT) met en place progressivement un suivi de la satisfaction des usagers , à travers le baromètre Marianne (pour lequel France services a reçu une note de 7,4/10 en 2021) ; par 500 bornes de recueil d'avis implantées dans des maisons et par des enquêtes mystère en cours de réalisation dans 650 France services dont les résultats sont attendus prochainement.

L'ANCT indique notamment que les 500 bornes permettant aux usagers de remplir à la fin de leur visite un questionnaire de satisfaction constituent un panel représentatif des différents types de structures France services. Depuis septembre 2021, 98,2 % des répondants recommandent France services sur 12 000 avis récoltés.

93,4 % des usagers sont satisfaits de leur démarche en France services et 87 % jugent la réponse apportée adaptée à leur demande ; 82 % jugent les locaux agréables ; 82 % estiment l'équipement informatique en excellent état ; 89 % confirment avoir reçu un accueil courtois et 83 % disent avoir été pris en charge dès leur arrivée.

Tous les intervenants entendus par le rapporteur soulignent que l'apport principal du réseau France services est à la fois la fourniture d'une aide administrative et la possibilité d'avoir un contact humain, de s'adapter aux usagers et à la diversité des publics et des besoins . La neutralité du lieu France services permet en outre de toucher des usagers très éloignés des services publics et qui ne feraient pas forcément la démarche jusqu'aux opérateurs. En ce sens, France services semble remplir son objectif.

En conséquence, la fréquentation des maisons France services croît pour atteindre plus de 3,5 millions de demandes cumulées sur l'année 2021 . Les fréquentations en 2020 ne sont pas complètement représentatives, dès lors que le déploiement du programme France services a été perturbé par la crise sanitaire, qui a entraîné une fermeture des structures et un nombre d'usagers accueillis inférieur à ce qui était attendu.

Fréquentations cumulées annuelles

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire

b) Un dispositif jugé pertinent par les porteurs des France services

S'agissant des porteurs de projets, la perception du principe de France services est positive , indépendamment des difficultés opérationnelles et de financement qui seront développées plus bas. L'AMF a par exemple indiqué au rapporteur spécial qu'elle constatait une « réelle utilité de ce dispositif ».

Seule une très petite minorité des élus interrogés sur les maisons France services ont indiqué que le dispositif ne leur paraissait pas pertinent (6,5 %).

Réponses à la question « quel regard portez-vous sur le dispositif des maisons France services ? »

Source : plateforme de consultation des élus locaux du Sénat

Cette satisfaction de principe a semblé être partagée par l'ensemble des neuf opérateurs entendus par le rapporteur spécial, qui ont par exemple souligné « un bilan vraiment positif pour les territoires » (Pôle emploi) ; ou une « réelle plus-value des maisons France services » (CAF).

3. Face aux craintes sur le terrain, un principe à réaffirmer : l'absence de décharge de l'État sur le réseau France services
a) Les maisons France services doivent être un complément et non un substitut de l'offre existante de services publics de proximité

Une grande partie des acteurs, usagers comme collectivités territoriales, a exprimé au rapporteur spécial la crainte que France services ne devienne un réseau de substitution de l'offre proposée actuellement par les opérateurs, contribuant ainsi à accélérer le mouvement de retrait des services publics des espaces ruraux (que la création des maisons vise précisément à combattre).

Les témoignages recueillis par le rapporteur spécial lors de la consultation des 522 élus locaux qui ont répondu au questionnaire sont souvent très clairs sur ce point : « Les maisons France services sont efficaces là où les services qu'elles proposent étaient absents » ; « Une maison France services ne remplacera jamais la disparition des services de l'État ou des opérateurs. Elle est par contre très efficace dans la fonction de guichet unique ». D'autres élus indiquent que selon eux, les maisons France services « ne constituent qu'un pis-aller face au retrait de l'État des territoires ruraux ».

Ce risque a été mis en évidence dès l'époque des MSAP. La Cour des comptes indiquait par exemple en 2019 que « si l'implantation d'une MSAP constitue indéniablement un atout pour la collectivité porteuse, qui doit contribuer par conséquent à son financement, les MSAP ne doivent pas pour autant devenir des structures de délestage de l'État et des opérateurs qui y verraient l'occasion de réduire leurs coûts de réseaux en les transférant, au moins partiellement, aux collectivités ».

Le représentant de la Défenseure des droits a également indiqué redouter que la montée en gamme des France services ne soit in fine à double tranchant et a également souligné le « risque de délestage vers la France services par les agents de l'opérateur ».

Les réorganisations territoriales menées au cours des dernières années par certains opérateurs ont accentué la crainte que la présence d'une France services n'incite ces derniers à fermer leurs propres structures. C'est par exemple le cas de la rationalisation du réseau de la DGFiP . Le lancement du « nouveau réseau de proximité » de la DGFiP s'est en effet traduit la fermeture de trésoreries existantes. Or les maisons France services ne peuvent remplir les missions d'une trésorerie, y compris quand (ce qui n'est pas la norme, le rapporteur spécial le souligne) des agents de la DGFiP y effectuent des permanences. Ce n'est d'ailleurs pas la vocation de ces maisons.

Les réponses fournies par l'Assurance maladie au rapporteur spécial sont à ce titre éclairantes : « Le réseau de l'Assurance Maladie se caractérise par une présence et un maillage territorial fort avec 2 002 sites d'accueil au 31 décembre 2020. Ce nombre de points d'accueil apparaît facialement stable par rapport à 2014. Il résulte en réalité d'un double mouvement d'ampleur équivalente : une baisse significative de notre nombre de points d'accueils « en propre » (agences et points d'accueil), accompagnée par le développement rapide des MSAP puis France services . L'articulation de nos réseaux est corrélée à l'ancienneté de ces structures et à leur degré de compétence ».

Le rapporteur spécial ne saurait trop le souligner : la plus-value des maisons France services réside essentiellement dans la proximité et la dimension « humaine » de l'accompagnement apporté aux usagers. Les maisons ne peuvent en aucun cas constituer un substitut à l'offre existante de services publics, dont elles sont un complément. Le rapporteur spécial cite l'exemple de la MSA du Cantal, qui a indiqué que la création de France services n'a pas engendré de diminution des accueils directs des usagers dans les antennes de la MSA, mais a permis de faire venir dans les maisons France services un public qui ne serait pas allé vers un guichet MSA.

b) Une réflexion à mener sur la distinction entre premier et deuxième niveau

Le principe fondamental de France services est l'apport d'une aide dite « de premier niveau » par les agents France services. Ces derniers doivent apporter à l'usager une réponse de niveau 1 sur les demandes relevant du bouquet de services. Dès lors qu'une demande relève du niveau 2, l'agent France Services doit théoriquement prendre contact avec l'opérateur concerné ( back office ) , soit par téléphone, soit par un rendez-vous physique ou en visioconférence à la maison France Services la plus proche du domicile de l'usager.

La part de renvoi au deuxième niveau est dans l'ensemble faible. Selon les informations transmises au rapporteur spécial, 90 % des demandes sont traitées par les agents France Services , avec des variations selon les opérateurs. La DGFiP a par exemple indiqué que pour l'année 2021, 79 % des demandes d'accompagnement portant sur les finances publiques ont été totalement prises en charge par l'animateur d'une France Services, sans recours au back office . C'est le cas de 88 % des demandes concernant Pôle emploi en 2021. Ces données doivent toutefois être prises avec précaution, dans la mesure où le taux de renvoi vers le deuxième niveau n'est pas statistiquement suffisamment partagé et robuste pour constituer à l'heure actuelle un indicateur de référence .

Plusieurs opérateurs, ainsi que la plupart des agents France services avec lesquels le rapporteur spécial a pu échanger, soulignent que la distinction entre premier et deuxième niveau n'est pas clairement définie , autant pour les agents France services que pour les usagers. On observe parfois que certains agents France services, désirant apporter le meilleur service possible aux usagers, délivrent une information plus pointue sur certains sujets qui devraient relever du deuxième niveau.

Cela ne semble pas devoir être généralisé. D'une part, les agents France services, aussi polyvalents soient-ils, ne peuvent être en capacité de répondre à l'ensemble des questions , le risque d'erreur potentiellement préjudiciable à l'usager étant alors accru. D'autre part, les agents sont eux-mêmes preneurs d'une clarification de ce qui relève ou non de leurs missions , afin de ne pas être débordés par des usagers pensant parfois avoir pour interlocuteur des agents des opérateurs. Enfin, le flou entre les compétences de la France services et celles des opérateurs peut encourager la tendance de certains opérateurs à se décharger sur le réseau France services.

France services doit rester une aide de premier niveau, afin de permettre aux agents de se concentrer sur les besoins les plus fréquents en termes de facilitation administrative et numérique davantage que sur les sujets « métiers ».

Le rapporteur spécial considère qu'il est nécessaire que l'ANCT mène une réflexion approfondie sur ce sujet, en s'inspirant des bonnes pratiques locales. Par exemple, dans le département du Nord, une brochure est actuellement en cours de rédaction par la CAF et la MSA afin de lister plus précisément ce qui relève du premier et du deuxième niveau que ne le fait le bouquet de services.

Cela ne signifie pas pour autant qu'il faudrait interdire aux agents France services de fournir des renseignements complémentaires ou d'aider les usagers sur d'autres services que les neuf partenaires nationaux . Certains opérateurs ont indiqué souhaiter que l'intervention des agents France services réponde à « tout le bouquet France services mais rien que le bouquet France services ». Le rapporteur spécial ne partage pas entièrement cette vision. Il estime que les France services doivent pouvoir apporter aux usagers une aide la plus large possible . Cependant, sur des dossiers très techniques et en l'absence de système d'information commun aux agents France services et aux opérateurs, il n'est pas possible de penser répondre à l'ensemble des demandes en France services.

Recommandation n° 24 : Formaliser davantage la distinction entre premier et second niveau de service dans le cadre du « bouquet de services » intégré à la convention France services . (ANCT)

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