B. DES DIFFICULTÉS QUI PERDURENT ET DE NOUVEAUX PROBLÈMES QUI APPARAISSENT, NÉCESSITANT UNE VIGILANCE RENFORCÉE
1. Une communication et une transparence encore insatisfaisantes de la part de certaines universités
Dans son premier bilan de la réforme, la rapporteure avait dressé un état des lieux sévère des politiques de communication et de transparence des universités, dont les nombreux manquements ont largement contribué à une mauvaise acceptabilité de la réforme chez les étudiants et leurs parents. Elle avait alors appelé à rectifier le tir pour éviter de reproduire les mêmes erreurs vis-à-vis des prochaines promotions.
Un an après, même si une amélioration globale se dessine - reconnue par les représentants étudiants participant aux réunions du comité national de suivi -, force est de constater que la communication demeure un point de vigilance majeur, compte tenu d'une qualité d'information et d'un degré de transparence variables d'un établissement à l'autre .
De ses échanges avec l'ensemble des acteurs, la rapporteure a identifié plusieurs difficultés :
• un manque de transparence sur les résultats de la promotion 2020-2021 , qui se traduit par la difficulté à obtenir, dans certains établissements, des informations précises sur les effectifs admis en MMOP et ceux ayant intégré une L.AS 2. Des remontées d'information font même état de plusieurs cas de non-publication des procès-verbaux des délibérations des jurys , documents pourtant censés être publics ;
• la persistance de nombreux retards dans la publication des capacités d'accueil en MMOP pour l'année universitaire 2021-2022 : alors que celles-ci devaient être rendues publiques avant le 1 er octobre 2021, beaucoup ne l'ont été qu'entre la fin de l'année 2021 et le début de l'année 2022. Or ces retards sont préjudiciables tant aux élèves de terminale qui doivent être en mesure de choisir, en toute connaissance de cause, entre PASS ou L.AS, qu'aux étudiants de PASS et de L.AS 1 qui s'apprêtent à concourir, qu'aux étudiants de L.AS 1 et de L.AS 2 qui doivent confirmer ou reporter leur candidature à l'année suivante (utilisation ou non de la « seconde chance »).
Selon certaines universités, ce retard dans la communication des capacités d'accueil serait imputable au délai de transmission des avis conformes des agences régionales de santé (ARS), lesquels ne seraient pas parvenus dans les temps. Cette raison a aussi été invoquée par la conseillère de la ministre en charge de la réforme, dans les réponses au questionnaire écrit adressé par la rapporteure.
En tout état de cause, ainsi que l'ont exprimé les représentants de la Conférence des doyens lors de leur audition, une publication des capacités d'accueil au-delà du 1 er trimestre de l'année universitaire, « n'est pas raisonnable » ;
• la mauvaise qualité de l'information délivrée au sujet des capacités d'accueil : un manque de transparence a été observé dans certaines universités, où le procès-verbal de délibération du conseil d'administration fixant les capacités d'accueil n'a pas été communiqué, où ces capacités ont été publiées « en catimini » sur le site internet sans transmission formelle aux étudiants, où les documents officiels ne sont ni datés, ni signés, et, qui plus est, évoluent au fil du temps ;
• un déficit de communication sur les commissions locales de suivi de la réforme : selon certains témoignages, ces commissions, lorsqu'elles sont opérationnelles, ne sont pas toujours connues des étudiants, faute d'information suffisante de la part des établissements. En outre, les représentants des étudiants qui y siègent sont souvent les mêmes que ceux participant à d'autres instances de l'université, ce qui alimente le sentiment d'un « entre-soi » , au détriment des étudiants réellement concernés par les problématiques liées aux études de santé (PASS, L.AS 1, L.AS 2) ;
• une information encore trop tardive et insuffisamment transparente sur les modalités de contrôle des connaissances (MCC) : alors que celles-ci doivent être votées avant la fin septembre de l'année universitaire pour une communication aux étudiants le plus en amont possible, elles n'ont, dans certains établissements, été transmises que bien après, avec un degré de précision parfois très limité. Un témoignage reçu par la rapporteure fait ainsi état, à l'Université de Bordeaux, de la publication, le 5 octobre 2021, d'un document officiel indiquant que les modalités d'accès et le calendrier de dépôt pour l'accès en MMOP seront précisés seulement 15 jours avant le début des épreuves et qu'une note sera attribuée par le jury en fonction du parcours académique de chaque candidat, sans davantage de précision sur les critères d'évaluation ;
• un défaut structurel d'information des étudiants de L.AS : malgré le déploiement de référents L.AS dans certains établissements, les étudiants de L.AS sont globalement moins bien informés que les étudiants de PASS du fait de leur non-rattachement administratif aux facultés de santé.
Conscient de l'enjeu majeur que constitue une bonne communication vis-à-vis des étudiants pour l'acceptabilité de la réforme, le MESRI s'est efforcé de donner quelques instructions aux universités (cf. la note d'octobre 2021 diffusée par la DGESIP et la DGOS rappelant la procédure de vote des capacités d'accueil et le calendrier à respecter), sans toutefois se montrer très contraignant, respect du principe d'autonomie oblige . Ainsi, l'arrêté modificatif du 22 octobre 2021 ne comporte aucune disposition relative aux obligations incombant aux établissements en matière d'information des étudiants. Le ministère semble compter sur les commissions locales de suivi pour progresser dans ce domaine . Or, faut-il le rappeler, certaines ne se sont, à ce jour, toujours pas mises en ordre de marche.
2. Des différences de niveau entre étudiants selon le parcours de formation suivi
Les retours collectés par la rapporteure sur le premier trimestre de l'année universitaire 2021-2022 qui, à ce stade, ne font l'objet d'aucune agrégation nationale consolidée, mettent en évidence des différences de niveau parfois importantes entre les étudiants, étant précisé que les situations s'avèrent, encore une fois, très diverses d'une université à l'autre :
• en MMOP , il semble que, dans plusieurs établissements (notamment à Lyon, Clermont-Ferrand, Reims, Toulouse, Montpellier), les ex-L.AS 1 aient beaucoup plus de difficultés à suivre que les ex-PASS et les ex-doublants PACES, faute d'avoir acquis les fondamentaux nécessaires en mineure santé.
À l'inverse, d'autres universités ont indiqué que les ex-L.AS 1 faisaient partie des meilleurs éléments de MMOP (par exemple, à l'Université de Paris) ou qu'ils avaient, avec les ex-PASS, de meilleurs résultats que les ex-doublants PACES (par exemple, à l'Université de Lorraine) ;
• en L.AS 2 , ce sont les ex-PASS qui se trouvent dans une situation plus délicate que les ex-L.AS 1, sans doute à cause d'un moindre investissement dans la mineure disciplinaire en première année.
Ces différences de niveau, qui étaient prévisibles compte tenu de la différence intrinsèque entre la filière PASS et la filière L.AS, risquent , si les étudiants concernés ne se voient pas proposer des dispositifs de remise à niveau ou d'accompagnement pédagogique adaptés, de se répercuter sur les années suivantes de leur parcours de formation . L'un des interlocuteurs auditionnés n'a d'ailleurs pas hésité à parler de « stigmates » que la promotion 2020-2021 risque de supporter d'année en année.
Elles posent en outre la question de la pertinence du système bicéphale PASS/L.AS , soulevée par la rapporteure dès l'année dernière, à l'heure où de nouvelles universités s'apprêtent à basculer en dispositif « tout L.AS » (cf. infra ).
3. D'importantes disparités en matière d'accompagnement des étudiants, de contenu pédagogique, de modalités d'évaluation et de dialogue interdisciplinaire
L'expression utilisée par la rapporteure l'année dernière, « il y a autant de réformes que d'universités », est toujours d'actualité cette année, de nombreux aspects de la réforme faisant encore l'objet d'une mise en oeuvre à géométrie variable selon les établissements :
• au niveau des dispositifs d'accompagnement pédagogique des étudiants : si certaines universités se sont fortement mobilisées sur ce volet aussi bien à l'attention des étudiants de PASS que de ceux de L.AS, d'autres se sont surtout concentrées sur les étudiants de L.AS - et notamment de L.AS 1 -, d'autres encore n'ont délibérément pas mis en place de dispositifs d'accompagnement spécifiques, invoquant le manque de temps et de moyens humains (c'est le cas de l'Université de Bourgogne qui a seulement remis « un sac à dos de documents » pendant l'été aux étudiants de la promotion 2020-2021 en vue de préparer leur deuxième année) ;
• au niveau de la refonte des maquettes pédagogiques : alors que des efforts importants ont été déployés par les équipes pédagogiques dans de nombreuses universités pour ajuster les contenus des enseignements en PASS et en L.AS, la situation ne s'est pas améliorée partout puisque sont de nouveau remontés à la rapporteure des cas de surcharge de travail en PASS et, fait nouveau cette année, aussi en L.AS 2, ainsi que de grandes disparités de volume horaire entre les L.AS ;
• au niveau des modalités d'évaluation : si certaines universités ont bien supprimé les épreuves sous forme de questionnaires à choix multiples (QCM), conformément à l'esprit de la réforme, d'autres les ont maintenues ;
• au niveau du dialogue intercomposante : bien que les séminaires nationaux (cf. supra ) aient insisté sur le fait que la réforme ne concernait pas seulement les UFR de santé mais toutes les composantes universitaires, les échanges interdisciplinaires se déroulent « de manière variable localement » selon le ministère, constat que les auditions de la rapporteure ont confirmé.
4. Un manque d'anticipation des problématiques propres aux L.AS 2 : un effet « double peine » pour les étudiants de la promotion 2020-2021
Outre la persistance de difficultés identifiées dès l'année dernière, la deuxième année de mise en oeuvre de la réforme voit surgir de nouvelles problématiques, propres aux étudiants de la promotion 2020-2021 ayant intégré une L.AS 2 . Celles-ci semblent ne pas avoir été suffisamment anticipées, des responsables d'université reconnaissant d'ailleurs être « encore en période de découverte par rapport aux L.AS 2 » .
Parmi ces problématiques, les suivantes ont été portées à la connaissance de la rapporteure :
• des effectifs globalement peu nombreux en L.AS 2 (par exemple, seulement 6 étudiants à l'Université de Saint-Etienne et 2 étudiants à la faculté de pharmacie de Montpellier) - certains interlocuteurs n'hésitant pas à parler d'« hécatombe » - ; ce constat ne repose toutefois pas sur des données nationales consolidées, faute de chiffres précis sur les effectifs dans certaines universités (cf. supra ). Différentes raisons peuvent expliquer le fait que les L.AS 2 n'aient pas encore trouvé leur public : la non-validation de la première année en PASS ou en L.AS 1 en raison d'une note éliminatoire, le suivi par défaut de la mineure disciplinaire en PASS qui décourage à poursuivre dans cette discipline en L.AS 2, l'incertitude sur l'effectivité de la seconde chance en L.AS 2, les difficultés d'adaptation pour les ex-PASS qui doivent rattraper le retard pris dans la mineure disciplinaire ;
• des conditions d'effectivité de la seconde chance non respectées dans deux universités : alors que l'arrêté modificatif du 22 octobre 2021 garantit le droit à une seconde chance pour l'accès en MMOP sous réserve d'avoir validé 120 crédits ECTS et prévoit qu'au moins 30 % des places soient réservées aux étudiants ayant validé au moins ce nombre de crédits, deux universités, celles de Lyon et de Saint-Etienne, ne respectent toujours pas ces obligations réglementaires. Pour justifier leur position, elles invoquent un nombre d'inscrits insuffisant en L.AS 2. Or, dans d'autres établissements où le nombre d'inscrits est également inférieur au nombre de places offertes, les capacités d'accueil respectent bien les pourcentages de répartition en vigueur (70 % au maximum pour un parcours, 30 % au moins pour l'autre). Des recours contentieux sont actuellement menés contre ces deux universités ;
• un manque d'information des étudiants de L.AS 2 pour l'accès en MMOP : ces derniers n'étant administrativement pas rattachés aux facultés de santé, ils pâtissent, comme les étudiants de L.AS 1, d'un moindre niveau d'information comparativement aux étudiants de PASS (cf. infra ) ;
• un défaut d'accompagnement pédagogique des étudiants de L.AS 2 : même si certaines universités ont mis en place des dispositifs spécifiques pour les ex-PASS ayant poursuivi leur cursus en L.AS 2, dans la plupart des établissements, la priorité semble plutôt avoir été donnée, cette année, à l'accompagnement des étudiants de L.AS 1.