TRAVAUX EN COMMISSION
Mardi 25 janvier 2022
Présentation préalable des rapporteurs
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes . - Le Sénat est saisi d'un ensemble de textes européens que l'on désigne comme le paquet « Ajustement à l'objectif 55 » : il s'agit d'une dizaine de textes présentés par la Commission européenne, le 14 juillet 2021, pour mettre en oeuvre la « loi européenne sur le climat ». Ce paquet sera l'un des axes importants de la présidence française du Conseil de l'Union européenne qui vient de s'ouvrir pour six mois.
Les textes qui seront finalement adoptés au niveau européen auront des conséquences majeures pour nos entreprises et nos concitoyens. C'est pourquoi il est essentiel que le Sénat fasse connaître sa position sur ces propositions de la Commission européenne dont l'examen a débuté au Conseil des ministres de l'Union européenne et parallèlement au Parlement européen. Ces négociations vont s'accélérer durant ce semestre où la France préside ce Conseil : pour pouvoir peser sur ces négociations, le Sénat doit rapidement adopter une résolution européenne portant sur le contenu de ce paquet, au risque sinon d'arriver après la bataille.
La résolution européenne indiquera au Gouvernement les orientations politiques auxquelles tient le Sénat et signalera les points durs à tenir au long de la négociation des textes proposés par la Commission ; cette négociation va, d'abord, se faire entre les Vingt-Sept au sein du Conseil, puis, une fois l'accord politique trouvé au Conseil et les positions du Parlement européen connues, entre le Conseil et le Parlement européens, dans le cadre des trilogues. La suspension des travaux parlementaires fin février resserre encore la contrainte de calendrier.
Le paquet de textes « Ajustement à l'objectif 55 », que j'appellerai par commodité « Paquet 55 », est construit d'une manière qui appelle le Sénat à se positionner sur l'ensemble des textes qu'il contient, car ils présentent entre eux des interactions - et c'est leur conjonction qui doit permettre à l'Union européenne de se conformer à ses objectifs climatiques : réduire d'ici 2030 les émissions nettes de gaz à effet de serre d'au moins 55 % par rapport à 1990 et atteindre la neutralité climatique d'ici 2050. Le Conseil lui-même refuse de scinder la négociation qui est donc prévue sur l'ensemble du paquet, même si ce dernier touche à divers sujets : énergie, transports, logement, utilisation des terres, qui ressortent de plusieurs de nos commissions permanentes. Nous l'avons bien mesuré, la semaine dernière, en commission des affaires européennes, en entendant nos deux rapporteurs, Marta de Cidrac et Jean-Yves Leconte, présenter l'architecture d'ensemble du paquet. Notre commission des affaires européennes avait déjà entrepris de se pencher sur le sujet. C'est pourquoi j'ai proposé à Sophie Primas et à Jean-François Longeot, respectivement présidente de la commission des affaires économiques et président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, une méthode de travail qui nous conduit à tenir cette réunion conjointe entre nos deux commissions, comme se tiendra demain une réunion commune entre la commission des affaires européennes et la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.
L'objectif est de permettre à ces deux commissions, par la voie du binôme de rapporteurs qu'elle a désignés, de faire valoir au mieux les points de vue en présence, dans un cadre temporel contraint à la fois par le calendrier européen et par les élections nationales qui nous empêchent d'envisager un débat en séance publique sur ce sujet pourtant majeur.
Je vous propose aujourd'hui d'entendre les rapporteurs de la commission des affaires européennes exposer le schéma d'ensemble du « paquet 55 » et ses enjeux, avant que nos commissions en débattent. Après cette réunion, les rapporteurs des trois commissions vont poursuivre ensemble leurs travaux ; l'objectif est qu'ils parviennent à élaborer de concert une proposition de résolution européenne qui serait présentée lors d'une réunion conjointe de ces trois commissions le jeudi 24 février et deviendrait ensuite résolution européenne du Sénat.
Cette démarche concertée devrait nous permettre de faire valoir une position sénatoriale unique et lisible dans des délais appropriés, pour peser efficacement dans les négociations à Bruxelles.
Mme Sophie Primas , présidente de la commission des affaires économiques . - Alors que la France vient de prendre la présidence du Conseil de l'Union européenne, l'actualité européenne est très riche dans le domaine de l'énergie.
Des négociations importantes se poursuivent sur la « taxonomie verte », pour laquelle le Sénat a adopté, en décembre dernier, une résolution en faveur de l'inclusion de l'énergie nucléaire, à l'initiative de ses commissions des affaires économiques et des affaires européennes.
Je souhaite sincèrement que le Gouvernement parvienne à infléchir le projet d'acte délégué présenté par la Commission européenne : en effet, le statut transitoire proposé n'est pas du tout satisfaisant. L'énergie nucléaire devrait être assimilée à une activité durable, car ses émissions de gaz à effet de serre sont minimes et son impact environnemental maîtrisé, comme l'a estimé le rapport du Centre commun de recherche (CRC) de la Commission européenne. L'énergie nucléaire ne devrait pas être mise sur le même plan que le gaz naturel, car ses émissions sont soixante-dix fois inférieures, selon l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe).
Le Gouvernement doit réagir, rapidement et fortement, car l'énergie nucléaire est indispensable pour atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050. Sans une « taxonomie verte » infléchie, il est illusoire d'espérer réaliser le paquet « Ajustement à l'objectif 55 ». Pour atteindre des objectifs climatiques ambitieux, il faut se donner les moyens énergétiques suffisants. Sans énergie nucléaire, point de salut pour le climat...
Nos collègues Daniel Gremillet et Dominique Estrosi Sassone suivent, en tant que rapporteurs pour la commission des affaires économiques, le volet « Énergie » de ce paquet - les huit textes de ce volet, qui vont des énergies renouvelables à la performance et à l'efficacité énergétiques, en passant par les biocarburants et l'hydrogène, sans oublier la fiscalité énergétique : ils vous présenteront leurs premiers éléments de constat après les rapporteurs de la commission des affaires européennes.
Mme Marta de Cidrac , rapporteur de la commission des affaires européennes . - La Commission européenne a présenté, le 14 juillet dernier, ce paquet « Ajustement à l'objectif 55 », pour mettre en oeuvre la « loi européenne sur le climat ».
Cet élément phare du pacte vert s'inscrit en cohérence avec les objectifs de l'Accord de Paris de 2015 : il impose d'atteindre la neutralité climatique à l'horizon 2050 et, dans ce but, rehausse de 40 % à 55 % l'objectif de réduction nette des émissions domestiques de gaz à effet de serre d'ici 2030 par rapport à 1990. Ce point a donné lieu à de nombreux débats avec certains États membres, notamment la Pologne. Le règlement affirme également la volonté de l'Union d'augmenter les absorptions de gaz à effet de serre par les puits de carbone.
L'impact budgétaire, économique et social de cette inflexion est majeur, la Commission européenne évoquant une « transformation radicale ». Lors de la réunion des Présidents de la Conférence des organes spécialisés dans les affaires de l'Union des Parlements nationaux de l'Union européenne (Cosac) qui s'est tenue au Sénat, le 14 janvier dernier, la présidente de la Banque centrale européenne (BCE), Christine Lagarde, a relevé l'importance du plan de relance européen pour financer la transition écologique, mais a aussi pointé l'ampleur des besoins complémentaires. Elle a ainsi estimé que « la transition écologique demandera[it] des investissements supplémentaires de 520 milliards d'euros par an d'ici à 2030 ».
Sur un autre plan et à un échelon national, l'Institut de l'économie pour le climat met en avant l'écart entre les dépenses de l'État en faveur du climat au cours des dernières années et celles qui devraient être déployées pour atteindre les nouveaux objectifs : la marche est considérable, d'autant que la mise en concrète du pacte vert et de la loi européenne sur le climat implique de trouver de nouveaux équilibres et de prendre garde à accompagner la transition économique, sociale et territoriale.
Aussi, avant d'entrer dans le détail de ce paquet, je voudrais relever quelques problématiques transversales ou critères d'analyse ayant une importance politique.
Le paquet tel qu'il est conçu devrait conduire à renchérir les prix de l'énergie, dans un contexte où ces prix flambent déjà. Se pose clairement une question d'acceptabilité sociale de la transition écologique et de choix des outils, à la fois pour atteindre les objectifs et accompagner les mutations nécessaires. Le président de la commission de l'environnement du Parlement européen, M. Pascal Canfin, agite lui-même le spectre de l'apparition de « gilets jaunes » à l'échelle de l'Union.
Deuxième sujet : comment donner les bons signaux à l'industrie tout en tenant compte de ses capacités d'innovation et en préservant la compétitivité des entreprises de l'Union européenne vis-à-vis des entreprises étrangères ? C'est notamment l'enjeu du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières.
Troisième sujet : comment finance-t-on le besoin massif d'investissements ? Quelle doit être la part des investissements publics et privés ? Cette question est en suspens et renvoie à des éléments qui ne figurent pas en tant que tels dans ce paquet, comme le débat sur l'éventuelle adaptation du pacte de stabilité et de croissance pour donner aux États membres des marges de manoeuvre budgétaires supplémentaires, comme la taxonomie ou encore la réglementation financière. Nous avons eu un échange très intéressant avec le fonds Amundi concernant la finance verte et l'intégration par les investisseurs et les entreprises des enjeux climatiques.
Ces différentes questions nous conduisent à poser celle du mix pertinent d'outils : comment combiner de manière efficace objectifs, réglementation, mécanismes de marché, dépenses budgétaires ou fiscales ? Cela nous conduit également à nous interroger sur les curseurs pertinents sur le niveau de solidarité entre les États membres, mais aussi sur l'articulation entre l'action qui doit être menée par les États membres et celle qui doit relever de l'Union européenne.
Ces enjeux sont importants du point de vue des principes et de la capacité opérationnelle à mener à bien les négociations de ce paquet qui implique des transitions particulièrement importantes dans l'est de l'Europe. Or, les tensions en cours relatives au lien entre État de droit et fonds européens pourraient provoquer un raidissement de certains États membres, voire percuter directement ces négociations.
M. Jean-Yves Leconte , rapporteur de la commission des affaires européennes . - Le paquet comprend treize révisions législatives et nouvelles initiatives interdépendantes ainsi qu'une stratégie sur la forêt.
Il comprend trois pièces maîtresses qui donnent le cadre général :
- la révision du système d'échange de quotas d'émission (SEQE) de l'UE, y compris son extension au transport maritime, la révision des règles relatives aux émissions de l'aviation et la mise en place d'un système distinct d'échange de quotas d'émission pour le transport routier et les bâtiments ;
- la révision du règlement sur la répartition de l'effort en ce qui concerne les objectifs de réduction des émissions des États membres dans les secteurs ne relevant pas du SEQE de l'UE, même si le paquet introduit des zones de recouvrement pour le transport et les bâtiments ;
- la révision du règlement relatif à la prise en compte des émissions et des absorptions de gaz à effet de serre résultant de l'utilisation des terres, du changement d'affectation des terres et de la foresterie (UTCATF).
Ces trois textes ont déjà été révisés en 2018 : il y a donc des antécédents de négociations. Deux textes totalement nouveaux apparaissent comme des « boucliers » destinés à protéger les ménages et les acteurs économiques européens du choc induit par ce paquet. Il s'agit du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières et du fonds social pour le climat.
Les autres textes sont plus ciblés et apparaissent comme des déclinaisons sectorielles pour atteindre les objectifs assignés par les trois règlements posant le cadre. Je ne les cite pas pour ne pas être trop long.
La difficulté de ce paquet réside dans l'interconnexion des textes : si l'on modifie un curseur dans l'un, il faut procéder à des ajustements dans d'autres pour atteindre l'objectif global de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Cette interdépendance interne au paquet se double de ramifications externes. Un seul exemple : les ressources liées à l'extension du champ du système d'échange de quotas d'émissions et au mécanisme d'ajustement carbone aux frontières font partie des nouvelles ressources propres proposées par la Commission. Si l'on remet en cause ces éléments, il faudra également en tenir compte sur le volet ressources propres et en tirer les conséquences sur le remboursement de la dette liée au plan de relance européen.
Cette interdépendance des textes et le caractère transversal du paquet rendent particulièrement complexe la conduite des négociations, qui ont pris un peu de retard au départ. L'objectif de la présidence française est de poursuivre les négociations pour parvenir à des orientations du Conseil en fin de semestre. Le Parlement européen, après avoir tâtonné dans son organisation interne, a également pour objectif d'adopter ses positions d'ici l'été. Les négociations ne s'achèveront donc pas sous présidence française, mais risquent d'avancer durant la suspension de nos travaux parlementaires. Si les objectifs sont tenus, la phase de trilogues devrait débuter sous présidence tchèque du Conseil.
Je voudrais maintenant évoquer plus particulièrement quelques enjeux spécifiques à certains textes, en commençant par l'extension proposée du marché carbone.
La Commission européenne s'appuie notamment sur les bons résultats enregistrés par le système d'échanges de quotas d'émission de l'Union, qui aurait permis d'atteindre des résultats plus élevés que ceux prévus, sans toutefois être en capacité de répondre en l'état à la nouvelle ambition climatique de l'Union.
Le transport maritime serait inclus dans le champ du marché à compter de 2023, avec une restitution progressive des quotas gratuits d'ici 2026.
Surtout, le marché serait étendu aux secteurs du transport routier et du bâtiment à compter de 2026, avec une période de test de démarrage en 2025.
Ces deux secteurs, qui représentent un volume important d'émissions, relèvent jusqu'à présent exclusivement du règlement sur la répartition de l'effort. Compte tenu du grand nombre d'émetteurs, c'est la mise à disposition de combustibles destinés aux secteurs du bâtiment et du transport routier qui serait réglementée par le nouveau cadre.
La Commission européenne propose d'utiliser une partie des recettes générées par l'extension du mécanisme de marché de quotas aux secteurs du bâtiment et du transport routier pour alimenter un nouveau fonds social pour le climat qui serait doté de 72,2 milliards d'euros sur la période 2025-2032, allant donc au-delà de l'actuel cadre financier pluriannuel.
Cette proposition de réforme est loin d'être consensuelle. La France a très clairement exprimé des réserves, tout comme le président de la commission de l'industrie, de la recherche et de l'énergie du Parlement européen, que nous avons auditionné. M. Pascal Canfin qui considère que la Commission a commis une « erreur majeure », va dans le même sens puisqu'il a proposé la semaine dernière que « le nouveau marché carbone ne concerne que les entreprises, à travers leurs bâtiments commerciaux, et les poids lourds ».
Il précise qu'il faudra alors « diminuer le fonds social en conséquence. À un moment où l'on se bat contre la hausse du prix de l'énergie, étendre le marché carbone au chauffage serait difficilement explicable. Le coût politique de l'extension du marché du carbone, comme le conçoit la Commission, serait majeur, mais l'impact climatique serait très faible parce que l'immense majorité des déplacements de particuliers sont contraints, notamment dans les territoires où il n'existe pas d'alternatives à la voiture individuelle ».
C'est donc un sujet important de débat, qui repose la question de l'accompagnement de la transition, notamment pour les États de l'Est : une réduction du fonds social est-elle acceptable et jusqu'à quel point ?
Une refonte du dispositif remet par ailleurs en cause le schéma proposé sur les ressources propres.
Mme Marta de Cidrac , rapporteure . - Deuxième volet important : le règlement sur la répartition de l'effort. Jusqu'à présent, le marché carbone et ce règlement sont étanches : on se trouve soit dans un cadre, soit dans l'autre.
Ce ne serait plus le cas. La Commission souhaite maintenir le champ du règlement sur la répartition de l'effort aux secteurs du transport routier et du bâtiment, qui représentent près de la moitié des émissions de ce périmètre, même si elle propose de les inclure aussi dans le marché carbone.
La méthode de calcul utilisée pour la détermination des objectifs nationaux reste fondée sur le PIB par habitant, un nombre limité de corrections ciblées étant appliqué afin de répondre aux préoccupations en matière d'efficacité au regard des coûts.
Les ministères français auraient souhaité que l'on prenne davantage en compte le rapport coût-efficacité et un peu moins la solidarité intra-européenne. D'autres États membres seraient sur la même ligne, mais, à ce stade, il n'y aurait pas de volonté de rouvrir cette question dans la mesure où il s'agit d'un jeu à somme nulle entre États membres. L'effort de négociations porterait davantage sur les flexibilités envisageables.
Le dernier grand cadre du paquet est relatif à la prise en compte de l'utilisation des terres, du changement d'affectation des terres et de la foresterie, qui vient d'entrer en vigueur.
Le dispositif proposé par la Commission européenne fixe un objectif de neutralité climatique des terres à l'horizon 2035. Il s'agit d'un objectif ambitieux puisque les absorptions de CO 2 ont diminué dans le secteur des terres ces dernières années.
La trajectoire proposée par la Commission européenne comprendrait trois étapes : en 2030, un niveau d'absorption de carbone à hauteur de 310 millions de tonnes d'équivalent CO 2 , réparti entre les États membres en objectifs contraignants ; la neutralité en 2035 ; enfin, une hausse supplémentaire des absorptions à compter de 2036.
À cela s'ajoute le fait qu'à compter de 2031, seraient prises en compte les émissions hors CO 2 du secteur agricole. Cela doit nous conduire à bien évaluer les conséquences potentielles du dispositif sur le secteur agricole. Le directeur général de l'énergie et du climat du ministère de la transition écologique considère lui-même que le niveau d'ambition pour les puits de carbone est particulièrement élevé. C'est un point qui mérite d'être davantage approfondi en vue de la proposition de résolution européenne du Sénat qui sera présentée fin février.
J'évoquerai brièvement les secteurs du bâtiment et des transports, qui sont au coeur du paquet.
La Commission européenne veut renforcer l'efficacité énergétique des bâtiments et intensifier le recours aux énergies renouvelables. Lors du Conseil « énergie » de décembre dernier, les ministres de l'énergie ont discuté de l'équilibre entre la nécessité de soutenir le potentiel des énergies renouvelables en tant que source d'énergie rentable et la nécessité de tenir compte des situations nationales et des situations de départ différentes. C'est évidemment un point politique important.
Le président de la commission de l'industrie, de la recherche et de l'énergie du Parlement européen appelle à ne pas faire de surenchère sur les objectifs. Il considère en particulier que l'objectif de relèvement de 32 % à 40 % d'énergie renouvelable dans la consommation finale brute d'énergie de l'Union en 2030 paraît « réalisable, mais très difficile à atteindre ».
J'ajoute que pour atteindre les objectifs, la Commission assortit sa démarche de contraintes spécifiques pour les bâtiments publics. Le secteur public serait ainsi tenu de rénover 3 % de la surface de ses bâtiments chaque année.
Le schéma d'ensemble pose un défi important d'adaptation des logements privés et d'évolution du parc social. Il pose des questions de fond, tant sur l'accompagnement financier que sur les garanties d'efficacité des travaux et, plus largement, sur la conception même de l'urbanisme et le lien entre bâtiment et mobilité.
S'agissant des transports, je me contenterai d'évoquer deux points. Concernant l'aérien, le paquet prévoit un plafonnement plus strict du nombre de quotas pour les vols intra-UE et la suppression progressive totale des quotas gratuits d'ici 2026. C'est un sujet qui mérite une expertise spécifique compte tenu des impacts territoriaux potentiels.
S'agissant de l'industrie automobile, l'impact de ce paquet sera très fort et il y a un vrai enjeu de stratégie industrielle et de visibilité pour les constructeurs. En lien avec les objectifs plus ambitieux du règlement sur la répartition de l'effort, la Commission propose de majorer les objectifs de réduction des émissions de CO 2 pour les voitures et les camionnettes à l'échelle de l'Union européenne d'ici 2030 et, surtout, fixe un nouvel objectif de 100 % de réduction d'ici 2035. Dans la pratique, cela signifie qu'à partir de 2035, il ne serait plus possible de mettre sur le marché de l'Union des voitures ou camionnettes équipées d'un moteur à combustion interne, y compris des modèles hybrides.
Des débats existent entre États membres, certains sont plus maximalistes que d'autres. Comme l'a souligné l'une des personnes auditionnées, et cela vaut pour les transports comme pour le bâtiment, la démarche générale de la Commission européenne ne prend pas en compte l'usage et interroge sur la prise en compte de l'ensemble du cycle de vie, de la production jusqu'au recyclage.
Dans le cadre de ces débats, se posent plusieurs sujets connexes, comme celui de la définition de l'hydrogène renouvelable et bas carbone et l'enjeu de déploiement des infrastructures de recharge.
M. Jean-Yves Leconte , rapporteur . - Nous terminons la présentation de ce paquet en évoquant les deux boucliers prévus, à savoir le fonds social pour le climat et le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières.
Le nouveau fonds social pour le climat, dont la création est directement corrélée au projet d'extension du marché carbone aux secteurs du bâtiment et des transports routiers, a pour objectif, selon la Commission européenne, « d'atténuer les incidences sociales et distributives sur les plus vulnérables » de ce projet.
Alimenté par 25 % des recettes résultant de cette extension, il devrait représenter un volume de dépenses de 23,7 milliards d'euros de 2025 à 2027, puis de 48,5 milliards de 2028 à 2032.
Le fonds disposerait en particulier de mesures de soutien aux ménages vulnérables, aux microentreprises vulnérables et aux usagers vulnérables des transports et pourrait couvrir des aides directes temporaires au revenu.
Pour cela, en reprenant une formule éprouvée dans le cadre de la Facilité pour la reprise et la résilience, les États membres devraient présenter des plans sociaux pour le climat assortis de mécanismes de reporting très lourds, mais aussi contribuer à hauteur de 50 % au financement du coût total estimé de leurs plans nationaux.
La création de ce fonds pose des questions de principe sur l'articulation entre l'action des États membres et celle de l'Union, sur le mécanisme de reporting , mais aussi sur la clé de répartition des droits entre États membres.
Enfin, je dirai quelques mots du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, que le Sénat avait appelé de ses voeux et qui devrait être pleinement opérationnel en 2026, après une phase transitoire expérimentale d'ici 2025. Le Parlement européen pourrait vouloir aller plus vite.
Directement lié au système d'échanges de quotas d'émissions, mais aussi à la proposition de décision sur les ressources propres, il apparaît comme un outil indispensable pour prévenir le risque de fuite de carbone et faire en sorte que les nouvelles ambitions climatiques de l'Union ne pénalisent pas les entreprises européennes.
À ce stade, cinq secteurs particulièrement émetteurs et exposés seraient couverts par ce mécanisme qui doit être conçu pour être conforme aux règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).
On sait que les appétences des États membres vis-à-vis de ce dispositif sont diverses, l'Allemagne étant particulièrement attentive aux mesures de rétorsion commerciale potentielles.
La mise en place de ce dispositif doit s'accompagner d'une suppression progressive des allocations de quotas gratuits d'émission. C'est intellectuellement cohérent, mais il faut veiller à ce que cette suppression progressive s'effectue à un rythme compatible avec la situation des entreprises européennes.
Des questions se posent également sur le champ d'application du mécanisme, le Parlement européen envisage par exemple d'y inclure le secteur de la chimie. Mais le point qui me paraît le plus important politiquement est celui des failles qui ont déjà été identifiées. En effet, le mécanisme, conçu pour assurer une neutralité au sein de l'Union, pourrait pénaliser les entreprises européennes exportatrices, dès lors qu'elles ne bénéficieraient plus de l'allocation de quotas gratuits. C'est un point majeur, car il serait évidemment absurde que le système pénalise nos exportations ou conduise à créer des filiales extérieures à l'Union pour contourner ces difficultés.
Voici résumés quelques points saillants de ce paquet particulièrement complexe du fait de son caractère transversal et de l'interdépendance des textes, mais aussi particulièrement lourd en termes d'impact sur la vie quotidienne des citoyens européens et des entreprises. Au-delà des enjeux techniques, il nous paraît essentiel d'avoir une approche politique de ce paquet et de bien mesurer ce qui est politiquement acceptable et ce qui ne l'est pas.
Des divergences parfois majeures d'appréciation existent par rapport à la proposition de la Commission européenne, qui utilise indéniablement ce paquet comme un outil d'accroissement de ses capacités d'action. Ce paquet s'inscrit également dans des réflexions budgétaires plus larges, tant concernant les marges de manoeuvre des États membres pour faire face au coût de la transition écologique que concernant la dimension de l'action de l'Union.
Il faut bien voir également que ce paquet implique une transformation majeure de notre vie économique, et que les questions qu'il pose vont bien au-delà de celle des ressources budgétaires : il y a, en réalité, un défi technique et technologique majeur, pour que la transition se réalise et qu'elle voit naître des outils que nous devons être en mesure de fabriquer, et c'est pourquoi nous ne devons pas nous fermer les portes à l'innovation, mais conserver la palette la plus large possible. Le paquet pose aussi un défi massif de financement, en particulier pour les dépenses contraintes de logement et de transports, mais aussi pour des organisations actuelles, par exemple le logement social.
Nous devons aussi bien mesurer l'incidence de nos décisions sur les émissions globales de carbone. Ainsi, nos productions ont beaucoup progressé pour réduire leur empreinte carbone. C'est ce qui rend la taxe carbone aux frontières de l'Union particulièrement importante. Mais nous n'avons pas la même position sur ce sujet que l'Allemagne, parce que nos voisins ont bien plus que nous besoin d'importer des produits pour fabriquer d'autres produits qu'ils exportent, et je ne parle pas que de l'automobile.
Il faut également parvenir à ce que l'exemple européen contribue à modifier certaines règles au sein de l'OMC. Les plus grands émetteurs de gaz à effet de serre n'ont pas un calendrier aussi serré que le nôtre pour atteindre la neutralité carbone : la Chine se positionne sur 2060, l'Inde sur 2070 - comment faire pour que les mesures que nous prenons servent aux autres, et que notre exemplarité soit en quelque sorte motrice, en particulier auprès de nos voisins qui aspirent à plus d'intégration avec l'Europe - je pense par exemple à la Turquie - ?
Enfin, il est très important de ne pas mettre tout l'argent disponible sur les sujets techniques, car il faut prévoir un accompagnement fort pour que la société s'adapte, les enjeux sociaux sont cruciaux.
M. Daniel Gremillet , rapporteur de la commission des affaires économiques . - Le 14 juillet dernier, la Commission européenne a présenté le paquet « Ajustement à l'objectif 55 », dont l'objectif est de décarboner les politiques publiques de l'Union européenne et de ses États membres, pour réduire les émissions de 55 % d'ici à 2030.
Le volet « Énergie » de ce paquet étant très vaste et très dense, ma collègue Dominique Estrosi Sassone et moi-même ne vous en présenterons que les aspects les plus saillants : j'évoquerai l'énergie et ma collègue, le bâtiment.
En premier lieu, les textes proposés fixent des objectifs très ambitieux en matière d'énergies renouvelables ou alternatives.
La directive sur les énergies renouvelables relève de 32 % à 40 % la part de ces énergies dans la consommation finale d'ici à 2030, en prévoyant des sous-objectifs par secteur - le bâtiment, l'industrie, le chauffage et les transports. Pour le bâtiment et l'industrie, le sous-objectif est de 50 %. Pour les biocarburants avancés, le sous-objectif est de 2,2 %. De plus, la directive promeut le stockage et l'hydrogène et renforce la durabilité et la traçabilité de la biomasse utilisées à des fins énergétiques.
Les règlements sur les carburants aéronautiques et maritimes durables visent à accroître l'utilisation de carburants alternatifs. Ils consacrent en particulier des exigences, respectivement, d'incorporation de carburants durables pour l'aérien et d'électrification à quai pour le maritime, à compter de 2025. C'est un complément utile au dispositif d'incorporation existant pour les biocarburants routiers depuis dix ans déjà.
En second lieu, les textes proposés comprennent des outils concrets pour réaliser ces objectifs ambitieux.
La directive sur la taxation de l'énergie prévoit une taxation différenciée des carburants ou des combustibles en fonction de leurs émissions, à compter de 2023. En clair, les carburants fossiles (le gazole et l'essence) seront davantage taxés que ceux alternatifs (le gaz naturel, le gaz de pétrole liquéfié - GPL, l'hydrogène fossile) ou que ceux durables (l'électricité, certains biocarburants, le biogaz, l'hydrogène renouvelable). Une exonération fiscale sera supprimée pour l'aérien et le maritime. Les États membres conserveront la faculté de prévoir des exonérations ou des réductions fiscales pour les ménages vulnérables ou dans certains secteurs (l'agriculture, la forêt, l'industrie).
De son côté, le règlement sur les infrastructures pour carburants alternatifs introduit des objectifs en matière d'infrastructures de recharge électrique, pour les véhicules légers comme lourds, ainsi que pour l'aérien et le maritime. Elle prévoit aussi de tels objectifs pour l'hydrogène et le gaz naturel liquéfié (GNL).
Enfin, le paquet gazier promeut, quant à lui, une meilleure intégration du biogaz et de l'hydrogène dans les réseaux de gaz naturel. C'est une nécessité, car la stratégie européenne pour l'hydrogène vise à produire 10 millions de tonnes d'hydrogène renouvelable d'ici à 2030.
Enfin, au-delà de ces textes énergétiques, il faut savoir que le paquet renforce les outils « carbone », que je ne ferai que mentionner.
Le système d'échange de quotas d'émission sera renforcé, ce qui aura une incidence forte pour les producteurs d'énergie et les industries énergo-intensives. Un dispositif similaire sera appliqué aux carburants routiers et aux logements, un débat animé existant déjà à ce sujet.
Enfin, un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières de l'Union européenne sera appliqué : c'est un serpent de mer, qui doit protéger effectivement nos industriels et nos entreprises du dumping environnemental.
Je ne pourrais vous donner aujourd'hui qu'une première appréciation sur ces textes, car notre travail est en cours - à ce stade, nous avons organisé six auditions et sollicité une trentaine de contributions.
Je soutiens pleinement la décarbonation cruciale du secteur de l'énergie ; pour autant, plusieurs éléments doivent être rappelés.
Tout d'abord, il faut veiller à la neutralité technologique, car toutes les énergies décarbonées, renouvelables comme nucléaires, doivent être mobilisées en faveur du climat. Nous n'avons plus le temps d'ergoter sur ce sujet. Par ailleurs, je rappelle que la définition du mix énergétique relève de la seule compétence des États membres.
Plus encore, il faut veiller à davantage de constance, de lisibilité et de cohérence dans les textes. Ma collègue et moi-même avions transposé en tant que rapporteurs les précédents paquets européens, dans les lois du 8 novembre 2019 relatives à l'énergie et au climat dite « Énergie-Climat », et du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « loi Climat et Résilience ». À la lecture de ce nouveau paquet, tout serait à reprendre... Or, pour réussir la transition énergétique et ses lourds investissements, il nous faut donner du temps et de la stabilité.
Dans le même esprit, il faut veiller à la compensation des effets sociaux et économiques de ces textes. Car la transition énergétique a un coût, qui doit être pris en charge par l'État ou l'Union européenne, au titre de la solidarité. Gardons-nous d'objectifs non financés, ou d'objectifs peu réalistes, dans le secteur si sensible de l'énergie. Si la fiscalité énergétique doit ainsi être verdie, elle ne doit pas être alourdie, a fortiori dans ce contexte de crise. Le coût global du paquet nécessite également d'être évalué...
Mme Dominique Estrosi Sassone , rapporteur de la commission des affaires économiques . - S'agissant du bâtiment, la directive sur la performance énergétique oblige à la construction de bâtiments « à émission nulle », en 2027 pour les bâtiments publics et en 2030 pour les autres. Elle prévoit également la rénovation de 15 % des bâtiments existants et le non-subventionnement des chaudières à combustible fossile, à compter de 2027. Pour la bonne application de ses dispositions, il est prévu de renforcer les plans de rénovation des bâtiments, d'harmoniser les certificats de performance énergétique, d'instituer un passeport sur les rénovations et de renforcer les normes d'inspection.
Plus encore, la directive sur l'efficacité énergétique oblige à réduire de 9 % la consommation d'énergie d'ici à 2030. Elle introduit le principe de la primauté de l'efficacité énergétique, c'est-à-dire que les États membres devront intégrer les solutions d'efficacité énergétique dans leurs politiques nationales et en rendre compte, via des contributions nationales. Ces derniers devront réduire de 1,5 % par an leur consommation d'énergie ; chaque année, dans le secteur public, la réduction de la consommation devra atteindre 1,7 % et la rénovation des bâtiments 3 % en fonction de leur surface au sol. Enfin, les règles afférentes à l'installation des systèmes de chauffage, à la réalisation d'audits techniques ou encore à la passation des marchés publics seront renforcées.
Tout comme mon collègue, je souscris pleinement à la décarbonation du secteur du logement. Je crois aussi qu'il faut veiller à la neutralité technologique, à la stabilité normative, et à la compensation des coûts.
S'agissant de la stabilité normative, je rappelle que nous venons tout juste de réformer la règlementation environnementale 2020 (RE2020), applicable aux bâtiments neufs, et le diagnostic de performance énergétique (DPE), prévu pour les bâtiments existants !
Sur le fond, trois éléments méritent d'être indiqués.
D'abord, la définition des bâtiments neufs à « émission nulle » doit bien intégrer toutes les sources d'approvisionnement énergétiques décarbonées, nucléaires comme renouvelables.
Ensuite, si une harmonisation de la classification des bâtiments existants est utile, il faut bien prendre en compte la diversité géographique et climatique au sein de l'Union européenne.
Enfin, l'intégration du logement dans un marché carbone, que je ne ferai qu'évoquer, est un vrai sujet d'attention, dont les conséquences doivent être pleinement évaluées.
Pour conclure sur mes premières observations, je veux insister sur la nécessité de compléter les obligations juridiques par des incitations financières : toute nouvelle norme, pour les propriétaires ou les bailleurs, doit être accompagnée par l'État ou l'Union européenne, faute de quoi elle ne ferait que renforcer la précarité énergétique.
M. Jean-François Rapin , président . - Merci pour ces présentations. Ce chantier est énorme, nous y travaillons à trois commissions, les consensus seront probablement difficiles à trouver, mais j'ai bon espoir que nous y parviendrons. Nous avons déjà évoqué l'aspect financier, après les chiffres communiqués par notre collègue Christine Lagarde, car le cadre pluriannuel de financement et le plan de relance ne suffiront pas : il faudra examiner ce qu'il en est.
M. Laurent Duplomb . - Pour l'agriculture, la stratégie « Farm to fork » est la chronique d'un désastre annoncé et programmé : elle se traduira par une perte globale de terres agricoles de 10 %, par un recul des engrais de 20 % et de 50 % pour les produits phytosanitaires et, résultat d'une politique perdant-perdant, par un recul de notre production alimentaire de 12 %. Si ces dispositions s'appliquaient au niveau international, la production alimentaire mondiale reculerait de 11 %, ce qui signifie 191 millions de personnes supplémentaires en pénurie alimentaire et une perte générale de 1 100 milliards de dollars de richesse. Sans compter qu'avec l'augmentation des prix qui s'en suivrait sur le marché européen, nous devrions quasiment doubler nos importations de produits agricoles, ce qui ferait pencher les émissions carbone du mauvais côté. On estime en effet que si cette stratégie de « Farm to fork » faisait baisser nos émissions carbone de 20 %, les deux-tiers de ce gain seraient perdus par les émissions supplémentaires des produits que nous serions contraints d'importer plutôt que de les produire... L'Europe continuerait ainsi d'exporter ses nuisances environnementales, en faisant reculer la production chez elle, au prix de problèmes sociaux qui ne feraient que s'aggraver. C'est de tout cela dont nous ne voulons pas.
M. Jacques Fernique . - Il faut bien voir que l'extension envisagée du système d'échanges de quotas et les nouvelles normes appliquées au logement et aux transports routiers poseront des problèmes aux ménages, car nous sommes dans des dépenses contraintes - et c'est bien la norme, ici, qui est le levier d'action. Ensuite, sur le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, le maintien de quotas gratuits pour des zones géographiques plus émettrices de carbone n'est pas tenable longtemps. Enfin, il apparaît clairement qu'il faut accompagner la transition, au moins sur trois volets : les ménages, en raison des dépenses supplémentaires ; le tissu industriel, qui doit adapter son appareil de production et les emplois, nous voyons déjà ce qui se profile dans l'automobile ; enfin, et on n'en parle pas assez, les territoires : il faut qu'une part des nouvelles ressources abondent un fonds pour les collectivités territoriales, qui seront conduites à jouer un rôle plus important dans la transition.
M. Jean-Marc Boyer . - Tous ces milliards d'euros annoncés m'inquiètent. La Chine représente 28 % des émissions de carbone, les États-Unis 14 %, l'Inde 6,6 %, et les projections montrent que les principaux émetteurs vont continuer de l'être, voire qu'ils vont renforcer leurs émissions. De son côté, la France représente 0,8 % des émissions de CO 2 et va faire de gros efforts pour les diminuer encore : sait-on quelles mesures prendront les autres pays pendant que nous ferons ces efforts - et quelles garanties a-t-on qu'ils les prendront effectivement ?
M. Franck Montaugé . - Dans la stratégie « Farm to fork », les émissions sont-elles évaluées en net des émissions captées, ou bien seules les émissions brutes sont-elles prises en compte ? Ensuite, dispose-t-on d'un chiffrage pluriannuel des coûts, à l'échelle des pays, voire des territoires ? Enfin, il me semble qu'on ne pourra pas réussir la transition sans une planification : ces directives prévoient-elles des outils de planification ?
Mme Marta de Cidrac , rapporteur . - Je ne m'engagerai pas, tant que nos travaux ne sont pas terminés, à répondre à ces questions importantes, mais je peux d'ores et déjà dire que nous sommes bien conscients que l'évaluation des émissions est importante, et qu'on ne parle pas de la même chose quand on prend en compte le carbone capté : nous examinons cette question et nous entendons bien mettre la focale sur l'évaluation concrète des émissions.
M. Jean-Yves Leconte , rapporteur . - Il y a sur ce sujet une question de volonté politique : les pays européens se sont mis d'accord sur un objectif chiffré pour 2030, reste à définir les modalités d'action. Nous voyons que nous n'avons pas encore tous les outils, et que, dans le fond, on parle d'un changement profond de la société, ce qui montre bien l'importance du débat.
M. Jean-François Rapin , président . - Merci à tous pour votre participation, nous nous retrouverons prochainement pour poursuivre ces travaux.
Mercredi 23 février 2022
Présentation des conclusions des rapporteurs
Mme Sophie Primas , présidente . - Comme vous le savez, notre commission ainsi que celles du développement durable et des affaires européennes conduisent depuis plusieurs mois des travaux pour aboutir à une proposition de résolution commune sur le paquet « Ajustement à l'objectif 55 ».
Nos rapporteurs Daniel Gremillet et Dominique Estrosi Sassone sont en charge du volet « Énergie » de ce paquet. Ce dernier est composé de huit textes ayant trait aux énergies renouvelables, à la performance et l'efficacité énergétiques, aux biocarburants routiers, aériens et maritimes, à l'hydrogène ainsi qu'à la fiscalité énergétique notamment.
Le but de cette proposition de résolution est d'offrir une position sénatoriale commune que le Gouvernement devra défendre au Conseil. Je ne doute pas que nous aboutissions sur ce dossier majeur qui engage notre transition et notre souveraineté énergétiques.
Le contexte actuel est marqué par de lourdes turbulences économiques et géopolitiques en Europe, notamment du fait du marché du gaz. Cette période doit toutefois nous inspirer. Nous devons réduire notre dépendance au gaz, largement importé et émissif, pour lui préférer une production domestique d'énergie nucléaire et de gaz renouvelable. Il en va, en somme, de notre sécurité d'approvisionnement.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Madame la Présidente, chers collègues, nous avons en effet travaillé avec ma collègue Dominique Estrosi Sassone sur ce sujet, à la fois complexe et important pour notre pays, dans le concert de la politique européenne.
Le paquet « Ajustement à l'objectif 55 » vise à réduire de 55 % les émissions de gaz à effet de serre (GES) d'ici 2030. Pour ce faire, il fixe notamment pour objectif une baisse de 39 % de la consommation d'énergie primaire et une hausse de 40 % de la production d'énergies renouvelables.
Dans le cadre de nos travaux préalables, nous avons organisé six auditions, au cours desquelles nous avons entendu des instances nationales comme européennes, des représentants des électriciens comme des gaziers. De plus, nous avons reçu une trentaine de contributions qui nous ont permis de recueillir l'ensemble des points de vue des professionnels, des collectivités territoriales, des gestionnaires ainsi que des associations.
Au terme de nos travaux, je retiens plusieurs enseignements généraux, car le paquet présente plusieurs difficultés de méthode.
C'est une juxtaposition de textes, très larges et très denses, dont l'évaluation doit être renforcée. En effet, ce paquet intervient dans un contexte de grave crise des prix des énergies, qui impose de bien mesurer son impact sur les ménages, les entreprises et les collectivités territoriales.
De plus, il faut veiller à davantage de stabilité, de lisibilité et de cohérence dans les textes. Je rappelle que ce paquet, trois ans après la loi « Énergie-Climat », de 2019, et six mois après la loi « Climat-Résilience », de 2021, nous oblige à revoir toute la transposition du droit européen en matière d'énergie et de bâtiment à laquelle ma collègue Dominique Estrosi Sassone et moi-même avions contribué.
La neutralité technologique doit être garantie entre toutes les énergies décarbonées, renouvelables comme nucléaires. Il en va de même de la compétence des États membres, tant dans la définition du mix énergétique que dans la lutte contre la précarité énergétique. Je rappelle que l'article 194 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) fait de la définition de ce mix une compétence souveraine des États membres.
Enfin, il faut veiller à limiter le coût des textes pour les consommateurs d'énergie, particuliers comme professionnels. Cela suppose de ne pas fixer d'objectifs mal calibrés ou non financés, car la transition énergétique a un coût qui doit être pris en charge, dans un souci de solidarité et de compétitivité, par l'Union européenne et ses États membres. Ainsi, toute nouvelle contrainte normative appelle de nouveaux moyens budgétaires. Si la fiscalité énergétique doit être verdie, elle n'a pas à être pour autant alourdie.
J'en viens aux six textes sur l'énergie.
S'agissant de la directive sur la taxation des énergies, il faut tenir compte du contexte du prix des énergies, alléger la fiscalité sur les entreprises énergo-intensives, ne pas oublier certaines énergies comme l'hydrogène nucléaire, les biocarburants, le biogaz ou le bois-énergie et mieux associer aux réformes les collectivités territoriales. Les États membres doivent déterminer eux-mêmes les ménages vulnérables devant être soutenus fiscalement.
Concernant la directive sur les énergies renouvelables, ses objectifs doivent être généraux, adaptés et réalistes. Il est nécessaire d'ajuster les critères de durabilité de la biomasse, de ne pas pénaliser certaines énergies, telles que l'hydrogène nucléaire et les bioénergies, et de mieux valoriser les projets des collectivités territoriales. Les États membres doivent déterminer eux-mêmes leur mix. Ceux dont le mix est le plus décarboné ne doivent pas être pénalisés.
Pour ce qui est de l'initiative sur les carburants durables aériens, ses objectifs sont très ambitieux et il faut donc faire attention aux délais et aux surcoûts et conforter les investissements nécessaires. Un principe de neutralité technologique doit bénéficier à l'hydrogène nucléaire et aux différents biocarburants.
À l'inverse, s'agissant de l'initiative sur les carburants durables maritimes, ses objectifs sont bien moins ambitieux et doivent donc être relevés. Par ailleurs, il faut prévoir un soutien budgétaire pour les collectivités territoriales, dans l'électrification des quais, et un soutien extrabudgétaire pour les professionnels, dans leur recours au biogaz naturel liquéfié (bioGNL). Là encore, les différents biocarburants doivent être intégrés.
Concernant le règlement sur les infrastructures de recharge pour carburants alternatifs, il faut relever l'objectif pour l'électricité et accélérer celui proposé pour l'hydrogène. Un principe de neutralité technologique doit bénéficier à l'hydrogène et au gaz bas-carbone.
Quant au paquet gazier, une vigilance doit s'exercer sur l'acte délégué, pour garantir un traitement identique de l'hydrogène renouvelable et de l'hydrogène bas carbone. De plus, l'hydrogène doit être utilisé avec discernement pour décarboner les secteurs les plus difficiles, et non pas être injecté sans mesure dans les réseaux de gaz naturel.
Enfin, si l'essor de l'hydrogène se trouve sur toutes les lèvres, il ne faut pas oublier les technologies déjà existantes qui ont fait leurs preuves, telles que le biogaz et le gaz bas-carbone.
Au-delà de ces directives et règlements, je retiens de mes auditions quelques observations des acteurs de l'énergie sur les aspects « Climat » du paquet.
S'agissant du système d'échange de quotas carbone, ils attendent un mécanisme plus prévisible, plus simple et plus contrôlable. Ils sont particulièrement attentifs à la prolongation des quotas gratuits de CO 2 , ainsi qu'à l'évolution ultérieure de leurs prix.
Pour ce qui est de l'interdiction des véhicules thermiques, beaucoup considèrent comme très ambitieuse l'échéance de 2035 proposée par la Commission européenne.
Quant au mécanisme d'ajustement carbone aux frontières de l'Union européenne (MACF), sa compatibilité avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), de même que l'affectation des recettes et le risque de rétorsion, sont des sujets d'anxiété.
Mes préconisations sur l'énergie, que je viens de vous indiquer, figurent dans la proposition de résolution. Je vous remercie et laisse ma collègue vous entretenir du bâtiment.
Mme Dominique Estrosi Sassone , rapporteur . - Mes chers collègues, s'agissant du bâtiment, deux directives le concernent.
La première est la directive sur l'efficacité énergétique. Il faut tenir compte de la spécificité des bailleurs sociaux et des réseaux d'électricité, de gaz ou de froid dans les objectifs de réduction prévus dans ce texte. De plus, les États membres doivent être souverains dans l'application du principe de « primauté énergétique », plutôt favorable au gaz, qu'ils doivent pouvoir combiner avec un principe de « neutralité carbone », plutôt utile à l'électricité. Ils doivent aussi pouvoir définir par eux-mêmes les actions d'efficacité énergétique à appliquer, en direction des ménages en situation de précarité énergétique. De leur côté, les collectivités territoriales doivent être mieux associées à ces actions. Enfin, les contrats de performance énergétique et les critères de commande publique doivent être utilement mobilisés dans un but d'efficacité énergétique.
Le second texte qui concerne le bâtiment est la directive sur la performance énergétique. Il me semble crucial que la mise en oeuvre des nouvelles normes en la matière s'accompagne d'un soutien financier pour les constructeurs, les propriétaires ou les copropriétaires, les bailleurs et les locataires. Au-delà, la spécificité des bailleurs sociaux et des bâtiments tertiaires doit être également reconnue. Sur le plan de l'approvisionnement en énergie des bâtiments, trois ajustements me semblent utiles. Un principe de neutralité technologique doit bénéficier à l'énergie nucléaire, dans l'appréciation des bâtiments faiblement émissifs. L'extinction des équipements de chauffage à énergie fossile doit être graduelle, et non sèche. Enfin, l'usage du biogaz pour l'alimentation en énergie des bâtiments mérite d'être expérimenté, comme s'y est d'ailleurs engagé le Gouvernement auprès de la filière biogaz, lors de la récente révision des normes bâtimentaires nationales.
Outre ces deux directives, je retiens de mes travaux une inquiétude ayant trait à une disposition des aspects « Climat » du paquet. Il s'agit, en l'espèce, de l'inclusion éventuelle des bâtiments dans un marché carbone européen. Je crois qu'il faut avancer très prudemment sur ce sujet, car un tel système pourrait de fait renchérir le coût d'acquisition des logements et de leur approvisionnement en énergie. On mesure les conséquences majeures qu'il pourrait en résulter sur le pouvoir d'achat des ménages et, plus largement, sur la compétitivité du secteur du logement. Toutes les personnes que nous avons auditionnées ou sollicitées ont alerté sur le besoin d'un accompagnement et d'une compensation, si ce système venait à être mis en oeuvre. Pour ma part, je suis convaincue de la nécessité de ne pas appliquer ce système au logement des particuliers, qu'il s'agisse du parc privé ou social.
Pour conclure, je partage les points d'attention indiqués par mon collègue Daniel Gremillet sur la stabilité normative, la compensation financière et la neutralité technologique. Ce sont, en effet, des prérequis indispensables pour que la transition énergétique soit, non seulement effective, mais aussi acceptée.
Or, dans le domaine du logement, je regrette les changements incessants de législation, que ce soit au niveau national comme au niveau européen.
Sur ce point, je rappelle que nous venons tout juste de réformer la réglementation environnementale 2020 (RE2020), applicable aux bâtiments neufs, et le diagnostic de performance énergétique (DPE), prévu pour les bâtiments existants.
Or, tous les acteurs de terrains disent qu'ils ont besoin d'une stabilité, d'une lisibilité et d'une prévisibilité pour mener à bien les travaux de rénovation énergétique et les actions d'efficacité énergétique nécessaire à la décarbonation.
Mes préoccupations sur le bâtiment figurent, elles aussi, dans la proposition de résolution.
Au total, je crois que notre contribution au volet « Énergie » de cette proposition de résolution s'est voulue à la fois utile, concrète, pragmatique et ambitieuse.
Il s'est agi, pour nous, de définir des modalités plus opérationnelles pour atteindre l'objectif de « neutralité carbone », issu de l'accord de Paris, de 2015, et transcrit par la loi « Énergie-Climat », de 2019, et la loi « Européenne sur le climat », de 2020.
Nous ne devons surtout pas relâcher l'effort, car le secteur de l'énergie représente 27 % des émissions GES et celui du bâtiment 12 % de ces émissions, dans l'Union européenne en 2019.
Or, la décarbonation de ces deux secteurs est loin d'être achevée.
Pour preuve, en France en 2020, on dénombre 19,1 % d'énergies renouvelables consommées - contre un objectif de 33 % d'ici 2030 - et 50 000 dispositifs MaPrimeRénov attribués - contre un objectif de 500 000 rénovations par an.
Le Gouvernement doit donc faire plus et mieux !
Mme Sophie Primas , présidente . - Merci à nos deux rapporteurs, qui ont négocié avec les commissions du développement durable et des affaires européennes, pour trouver un point d'équilibre partagé par tout le monde.
M. Laurent Duplomb . - Je souhaite appuyer les propos de nos deux rapporteurs. Je perçois une vraie similitude entre l'énergie et l'agriculture dans la mesure où, dans ces deux domaines, l'on raconte des histoires sans savoir réellement où l'on souhaite aller. Cette situation engendre des aberrations et des paradoxes conséquents. En 2018, les consignes étaient de fermer des réacteurs nucléaires, tels que ceux de la centrale de Fessenheim. Quatre ans plus tard, le nucléaire se retrouve à nouveau sur le devant de la scène et sur la totalité du territoire. Les politiques actuelles ne sont plus en adéquation avec les investisseurs et les entrepreneurs. Le taux de retour sur investissement dans notre pays est d'au moins sept ou huit ans, dans le meilleur des cas. Dans le secteur de l'énergie, ces retours sur investissement se comptent quasiment en générations. Au-delà de la stabilité réglementaire, nous devons arrêter de légiférer. Il faut déterminer une ligne de conduite et s'y tenir.
Lorsque l'on constate le travail effectué par la précédente génération sur les barrages hydroélectriques, qui sont renouvelables, et que l'on laisse, par dogme, la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) supprimer tous les seuils sur les rivières pour éviter que s'installent de petites centrales hydroélectriques, lorsque l'on ne mentionne plus le photovoltaïque alors que la filière a été lancée il y a seulement quelques années, lorsque l'on condamne la méthanisation, les investisseurs, notamment du secteur agricole, sont en droit de se demander ce qui est attendu de leur part. Quand un ministre de l'agriculture est envoyé à Bruxelles, il ne sait pas quelle politique agricole défendre : le bio, le conventionnel, l'interdiction des pesticides et du glyphosate, la souveraineté alimentaire et les clauses miroirs ? La situation est exactement la même dans le domaine de l'énergie.
L'énergie, tout comme l'alimentation, concerne l'ensemble de la population. Or, le résultat de ce manque de lisibilité est de monter les différentes personnes et professions les unes contre les autres pour finalement constater que la population nous en voudra, à juste titre.
M. Frank Montauget . - Je remercie nos deux rapporteurs pour leur présentation de ce paquet. Je pense que nous faisons beaucoup de politique à partir d'intentions louables, eu égard aux enjeux auxquels nous sommes confrontés. Ces enjeux climatiques sont fondamentaux pour l'avenir.
Je souhaiterais toutefois poser la question du chiffrage de ces engagements. L'absence d'un tel chiffrage me paraît dommageable, car elle biaise complètement le débat. Si nous rendions compte des coûts envisagés, nous aurions plus de place pour effectuer des choix politiques, qu'ils soient de gauche ou de droite. Cette remarque vaut autant au plan national qu'européen, ainsi que l'a indiqué notre collègue Laurent Duplomb. Nous pouvons discuter sur de longues périodes sans avancer sur le sujet.
Du point de vue opérationnel, la planification qui doit accompagner ces politiques est également déficiente.
M. Fabien Gay . - Je remercie également les deux rapporteurs pour leurs travaux. Ma première remarque porte sur la transparence du sujet discuté. Le mandat de négociation de ce plan couvre un très vaste domaine. Ce plan restera-t-il dans les mains des Gouvernements successifs, sans que le Parlement n'y soit associé, à aucun moment ? À l'inverse, créera-t-on les conditions de son association très régulière ? J'ai lu la proposition de résolution, qui recherche un point d'équilibre, ce qui n'est pas simple. Se pose également une véritable question démocratique en France et au niveau de l'Union européenne. Si le Parlement n'est jamais associé, il ne décidera de rien, dans les mois ou les années à venir. Tout se jouera ailleurs. Moins le Parlement est en mesure de s'exprimer, plus les citoyens sont éloignés de la décision et plus le populisme croît. La solution, qui n'est pas simple, doit être trouvée via un système où les Gouvernements successifs viennent devant le Parlement pour débattre et où le Parlement soit en mesure de peser sur les décisions. Ce point qui, je le sais, est évoqué par la proposition de résolution, est fondamental de mon point de vue.
Par ailleurs, nous devons également débattre du problème posé par notre collègue Franck Montaugé. Les décisions à prendre auront des impacts considérables sur les budgets. Réinvestir dans le nucléaire ou basculer dans le 100 % renouvelable demandera, dans tous les cas, beaucoup d'investissements et une planification. Les retours sur investissement se mesurent en effet sur du temps long, comme l'a indiqué notre collègue Laurent Duplomb. Les décisions prises aujourd'hui quant au nucléaire seront rentables dans trente ans.
Toutefois, le prisme du financement n'est pas le seul par lequel les choix doivent être faits. En effet, il ne faut pas nécessairement renoncer à des projets, parce que ceux-ci ne seraient pas finançables. Je considère que nous sommes dans un moment où la politique doit faire de la politique, en passant outre les explications fournies par la technocratie, qui sous-entend qu'un seul chemin est possible. Il ne faut pas renforcer cette illusion que nous ne décidons plus de rien. La crise nous a montré que nous pouvons trouver les moyens financiers de répondre à de grands défis et d'influer sur les politiques publiques. Je vous remercie de ces travaux, car je sais qu'ils n'ont pas été évidents à réaliser. Nous sommes mis au pied du mur, peu de temps avant la fin des travaux, et nous devrons voter dans la précipitation.
M. Alain Chatillon . - Je félicite nos deux rapporteurs, car il n'est pas facile de synthétiser des dossiers aussi lourds et complexes que ceux-ci. Pour revenir sur les propos de notre collègue Laurent Duplomb, je trouve scandaleux de constater que des projets hydroélectriques sont bloqués dans le Sud-Ouest par la DREAL depuis sept ans. Or, nous pourrions faire avancer les choses, de manière intelligente, comme nous avons su le faire par le passé.
Par ailleurs, je souhaite appeler votre attention sur les négociations européennes autour du Nutriscore. J'étais à une réunion avec des entreprises agroalimentaires et trois médecins et scientifiques de renom. Il en est ressorti que ce Nutriscore ne correspond strictement à rien. Dans une grande surface, 90 % des produits sont achetés, entre trois et dix secondes. Les clients ne s'arrêtent pas pour lire les indications et se voient « interdits » de sélectionner des produits, du fait de la couleur rouge présente sur l'emballage. Madame la Présidente, nous devons nous opposer à ce dossier qui avance très vite et qui pourrait nuire à 40 % des produits agroalimentaires français. Nous devons défendre nos produits agroalimentaires. L'excédent de la France n'est plus que de trois milliards d'euros contre dix milliards il y a six ans.
Mme Sophie Primas , présidente . - Une mission sur ce sujet sera menée au deuxième semestre de l'année 2022. Votre expérience sera la bienvenue, si vous souhaitez vous joindre à ces travaux.
Mme Valérie Létard . - Je remercie nos deux rapporteurs qui nous ont éclairés et ont essayé d'apporter un certain nombre de correctifs et de précisions qui nous sont utiles.
Nous sommes tous édifiés de voir la portée et les conséquences massives sur l'ensemble de la société française des sujets à l'ordre du jour de ce paquet. Comme cela a été indiqué par notre collègue Fabien Gay, le Parlement doit nécessairement être associé à cette définition d'une vision stratégique pour l'avenir de notre pays, au sein d'un ensemble européen.
Concernant le volet bâtiment et logement qui m'intéresse particulièrement, le maintien d'objectifs et de délais extrêmement ambitieux, dans le contexte budgétaire actuel et à venir, ne me semble pas réaliste. Le Parlement peut-il encore être force de proposition ? Nous devons rédiger des résolutions, mais le mode opératoire actuel de décision de l'évolution de notre pays interroge plus que jamais.
Mme Sophie Primas , présidente . - Les trois commissions sénatoriales se sont saisies par elles-mêmes du sujet, tandis qu'on ne constate aucun débat à l'Assemblée nationale. Cela représente bien un problème démocratique.
M. Daniel Salmon . - Je remercie nos deux rapporteurs également. Nous comprenons le caractère urgent de la situation. Toutefois, traiter de sujets engageant massivement l'avenir de notre société, en si peu de temps, n'est pas sérieux.
Nous n'avons pas atteint les objectifs précédents et nous en fixons pourtant de nouveaux. Les rapports du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) sont toujours plus alarmants et nous montrent que nous ne sommes pas dans la bonne trajectoire. Nous n'avons pas de planète B. Les retours sur investissement relèvent d'un paradigme dont la pertinence est interrogée. Nous avons vu l'orthodoxie budgétaire voler en éclats ces dernières années : beaucoup d'argent a été déversé, avec trop peu d'éco-conditionnalité.
La réduction de 55 % des émissions de GES doit être atteinte si nous souhaitons rester en deçà de 1,5 °C de réchauffement climatique. Or, on assiste à une politique de « gribouille » actuellement, avec la succession d'objectifs non atteints.
Dans un monde mondialisé, le MACF représente un mécanisme crucial de cette réduction, afin de conserver notre souveraineté et d'arriver à maintenir notre industrie et notre économie. Des politiques exigeantes peuvent être menées au niveau de l'Europe, qui doit servir d'exemple au monde.
M. Jean-Marc Boyer . - Je souhaite rappeler que la France produit aujourd'hui 0,8 % des émissions de CO 2 mondiales. La Chine, les États-Unis, l'Allemagne et l'Australie en produisent bien davantage. Il faut donc savoir raison garder et faire attention aux conditions que l'on souhaite imposer à nos habitants.
À titre d'exemple, on ne peut imposer à une personne allant travailler en voiture tous les jours le coût d'achat d'une voiture électrique. Nous risquons de dépasser le seuil d'acceptabilité toléré par nos concitoyens. Les « gilets jaunes » sont apparus au moment de l'instauration de la taxe carbone.
M. Henri Cabanel . - Je remercie nos deux rapporteurs et souhaite apporter, en sus des interventions de mes collègues, une réflexion sur notre manière de faire de la politique.
Nous discutons aujourd'hui d'une politique de prospective que nous n'avons pas. Nous sommes coresponsables de l'état actuel des choses, car nous sommes dans l'incapacité de nous mettre d'accord sur un diagnostic et d'envisager un futur où chacune de nos convictions peut s'exprimer. Nous devons nous remettre en cause sur la façon dont nous menons la politique.
M. Serge Mérillou . - Nous attendions autre chose du Haut-Commissariat au Plan présidé par François Bayrou...
Mme Sophie Primas , présidente . - Un certain nombre d'entre nous n'attendent plus rien de François Bayrou depuis longtemps.
M. Serge Mérillou . - ...Sur des sujets qui nous engagent sur des décennies, j'attendais de cette institution qu'elle puisse s'extraire du débat partisan et qu'il nous donne un certain nombre de pistes prospectives. Comme l'a indiqué notre collègue Laurent Duplomb, aucune réponse n'a été apportée sur des sujets tels que l'énergie, l'agriculture ou la souveraineté alimentaire - où nous reculons chaque année - et je le regrette.
Mme Sophie Primas , présidente . - L'invasion des plaines céréalières de l'Ukraine devrait nous faire réfléchir.
M. Pierre Cuypers . - Je retiens de ce qui a été dit la planification et la durabilité qui doivent être le préalable de toute discussion. Les engagements pris ne sont pas tenus, car nous trouvons toujours une circonstance nous faisant revenir sur les décisions déjà prises.
Mme Sophie Primas , présidente . - Cela nous oriente vers des débats très importants, dont celui du quinquennat. Écoutons désormais les réactions de nos rapporteurs.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Nous nous sommes, heureusement, saisis de ce sujet pour la commission des affaires économiques. Nous avons passé beaucoup de temps à auditionner divers acteurs, mais également à échanger entre nous, ce qui n'était pas gagné d'avance. Je suis fier de cette discussion préalable au niveau de la commission des affaires économiques, car elle donnera plus de force au travail des rapporteurs.
Par ailleurs, comme nous l'avions déjà relevé lors de nos travaux sur la « taxonomie verte », l'Europe s'assoit sur la souveraineté, dans la définition du mix énergétique par les États membres, élément majeur qui appartient en France au Parlement. Nous sommes attachés à ce point, qui est écrit dans notre rapport d'information. C'est le Sénat qui a prévu que la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) soit discutée au niveau du Parlement. Nous aurons effectivement à définir le futur mix énergétique de la France, dans le cadre de la « loi quinquennale sur l'énergie » de 2023.
Je souhaite revenir sur la question de l'instabilité normative. Nous souhaitons parfois repositionner des productions en France, tout en ne laissant pas le temps aux chefs d'entreprise de suivre le rythme des évolutions législatives, qui sont parfois contradictoires. Cet élément, qui ressort de l'ensemble de vos réactions, doit être souligné.
Le MACF constitue également un sujet essentiel. Nous pourrions toutefois aller plus loin. Le problème du réchauffement climatique, rappelé par le GIEC, ne concerne pas uniquement la France et l'Europe, qui ne pourront pas à elles seules résoudre ce problème.
Enfin, les politiques énergétiques s'inscrivent dans un temps long, au moins dans le quart de siècle, ce qui implique une stratégie de planification des besoins et des sources énergétiques. C'est le cas de l'hydraulique, de la méthanisation, du photovoltaïque ou de l'éolien. La mixité énergétique constitue un gage d'innovation et de compétitivité.
Mme Dominique Estrosi Sassone , rapporteur . - La loi « 3DS », et notamment son volet lié à la réforme de la loi « Solidarité et Renouvellement urbain » (SRU), prend en compte les spécificités locales. Dans un cadre comme celui-ci, il s'agit de tenir compte les spécificités nationales existantes, afin que chaque État membre se sente entraîné dans ces objectifs de décarbonation. Il faut garantir la compétence des États membres pour définir les principes et modalités d'une politique d'efficacité énergétique nationale.
Dans le domaine du logement, par exemple, il faut tenir compte des contraintes spécifiques auxquelles sont confrontés les bailleurs sociaux, acteurs majeurs de la solidarité nationale. Si nous ne voulons pas porter atteinte à ce système social, auquel nous sommes tous attachés au sein de la commission des affaires économiques, il faut accompagner ces acteurs, qui ont été déstabilisés ces dernières années. Il faut les aider à adapter le parc de logements d'habitation à loyer modéré (HLM) aux nécessaires standards de la décarbonation.
Mme Sophie Primas , présidente . - Je note qu'une forme de consensus au sein de notre commission se dégage autour du nécessaire équilibre démocratique entre le rôle de l'Europe, qui doit donner une vision stratégique pour décarboner l'ensemble de nos activités humaines, et les modalités de cette décarbonation, qui relèvent bien évidemment des États membres, voire des régions. Nous devrions donc avoir des objectifs de résultats.
Pour répondre à notre collègue Fabien Gay, et bien que je provienne d'une tradition prônant une forme de rigueur budgétaire toujours d'actualité, je considère que les investissements pour le changement climatique peuvent être payés par les générations futures. La difficulté actuelle vient du fait que des ressources ont été utilisées en fonctionnement, et non en investissement. Nous pouvons réfléchir hors du cadre de notre budget et éventuellement dédier une partie de notre dette à ces investissements qui sont importants.
Je suis frappée, au terme de ce quinquennat, par la volonté de tous d'avancer vite sur de nombreux sujets : l'agriculture, le logement, l'énergie, la mobilité. Nous ne pourrons peut-être pas tout faire d'un seul coup. La question de la priorité des investissements, pour être le plus rapide et le plus efficient dans la réponse aux défis posés par le changement climatique, doit se poser collectivement. C'est notre rôle ici d'en débattre, dans notre chambre des territoires.
Enfin, notre collègue Jean-Marc Boyer a raison de souligner que la France ne génère qu'une faible part des émissions de GES mondiales. Cela pose la question de l'équilibre de l'effort avec d'autres pays européens ; nous avons tenu à l'inscrire dans la proposition de résolution. Cela pose également la question de la désindustrialisation de la France, qui nous permet d'émettre si peu, et par conséquent la question des émissions de GES importées. Nous ne pouvons pas demander des efforts aussi importants à la France, par rapport à d'autres pays de l'Union européenne : quand vous êtes au régime, ce sont les derniers kilos qui sont les plus difficiles à perdre. Il me semble donc que la réalisation de l'objectif de 55 % de réduction des émissions de GES devrait être appréciée à l'aune des spécificités de chaque pays.
Je vous remercie et vous demande d'être nombreux demain matin à notre réunion de commission « tripartite », afin de soutenir la position équilibrée de nos deux rapporteurs.
La commission adopte à l'unanimité les recommandations proposées par les rapporteurs et autorise la publication du rapport d'information.
Jeudi 24 février 2022
Examen de la proposition de résolution européenne
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes. - Ce format de réunion est un peu particulier. Cette réunion conjointe de la commission des affaires européennes, de la commission des affaires économiques et de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable constitue le point d'aboutissement du processus de rédaction conjointe d'une proposition de résolution européenne (PPRE) sur le paquet « Ajustement à l'objectif 55 », qui décline les objectifs climatiques de l'Union européenne en une douzaine de propositions de directives et de règlements européens.
Marta de Cidrac et Jean-Yves Leconte avaient présenté fin janvier une analyse d'ensemble devant chacune des trois commissions concernées. Depuis lors, de nombreux rapporteurs des trois commissions ont travaillé pour nous proposer aujourd'hui un texte d'ensemble consensuel, sur ce paquet particulièrement complexe. Ce projet de texte résulte de compromis entre différentes approches - c'est aussi cela, la méthode européenne - ; des compromis qui nous proposent, me semble-t-il, une démarche ambitieuse, mais réaliste, qui fait clairement ressortir l'enjeu de l'acceptabilité sociale de la transition climatique et du besoin d'accompagnement de celle-ci. Ces compromis ne sont pas des renoncements et ne mènent pas à une position incohérente ou « à l'eau tiède ».
Le travail de nos rapporteurs peut être salué. Il m'apparaît maintenant essentiel de conserver cet état d'esprit pour faire aboutir cette démarche concertée entre nos commissions et finaliser, ensemble, une position claire du Sénat sur ce paquet législatif. Ce paquet est en haut de l'agenda législatif de la présidence française du Conseil de l'Union européenne (PFUE). Il aura des répercussions très concrètes sur nos concitoyens et nos entreprises.
Je vous propose, en accord avec la présidente Sophie Primas et le président Jean-François Longeot, auxquels je vais successivement céder la parole, que les rapporteurs puissent s'exprimer pendant deux minutes chacun. Nous aurons ensuite, si vous le souhaitez, une phase de débat sur l'ensemble du texte, avant d'évoquer de manière précise le contenu du projet de proposition de résolution.
Certains d'entre vous ont d'ores et déjà exprimé des demandes hier, devant la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable ou devant la commission des affaires économiques pour modifier ce projet. J'ai moi-même reçu une demande d'ajout de visa de la part de Louis-Jean de Nicolaÿ. Je ne doute pas non plus que les groupes politiques auront des propositions de rédaction à soumettre.
Je précise la méthode d'examen de ces propositions, qu'elles soient d'ores et déjà formalisées ou qu'elles soient formulées à l'oral de manière plus spontanée : tous les commissaires, quelle que soit leur commission d'appartenance, peuvent naturellement prendre part au débat et formuler des propositions. S'agissant du vote en revanche, la procédure la réserve aux membres de la commission des affaires européennes. L'objectif est donc d'échanger autant que possible entre nous, en amont de ce vote, pour le préparer au mieux.
Après les propos de mes collègues présidents, je passerai la parole à Didier Marie, vice-président de la commission des affaires européennes, qui a suivi avec moi le processus collectif inédit qui a permis l'élaboration du projet de proposition de résolution européenne qui vous est soumis.
Mme Sophie Primas , présidente de la commission des affaires économiques . - Je suis très heureuse que nos trois commissions se retrouvent aujourd'hui, pour examiner une proposition de résolution sur le paquet « Ajustement à l'objectif 55 ». C'est un beau travail commun, concret et ambitieux, qui doit permettre au Sénat de faire entendre sa voix sur ce dossier majeur pour notre transition et notre souveraineté énergétiques. Je tiens ici à remercier chaleureusement le président Jean-François Rapin, le président Jean-François Longeot et l'ensemble des rapporteurs pour l'avoir rendu possible.
Notre commission s'est plus spécifiquement penchée sur le volet « Énergie » du paquet, qui a trait aux énergies renouvelables, à la performance et à l'efficacité énergétiques, aux biocarburants et à l'hydrogène, sans oublier la fiscalité énergétique. Dans l'examen préparatoire de ce volet, très dense et très technique, notre commission a souhaité rappeler plusieurs exigences, qui conditionnent à notre sens l'applicabilité du paquet et donc son atteinte.
Tout d'abord, le contexte de grave crise des prix des énergies impose de tenir compte de l'incidence du paquet sur le pouvoir d'achat des ménages, la compétitivité des entreprises ou la soutenabilité financière des collectivités territoriales. Plus encore, sans une complète neutralité technologique, accordant toute sa place à l'énergie nucléaire, la décarbonation de notre économie ne pourra pas être réalisée. En sus, davantage de stabilité et de lisibilité sont attendues de la législation européenne, car l'incertitude nuit toujours aux investissements des acteurs économiques. Enfin, les compétences souveraines des États membres doivent être respectées, notamment dans la définition de leur mix énergétique, ainsi que dans le soutien à l'efficacité énergétique et la lutte contre la précarité énergétique.
La compensation financière, la neutralité technologique, la stabilité normative et une subsidiarité effective sont des prérequis indispensables pour réaliser concrètement la transition énergétique à l'échelle européenne. Les recommandations proposées par nos rapporteurs vont dans ce sens ; elles confortent l'ambition du texte, tout en facilitant son application. C'est une ardente obligation, pour diviser par deux nos émissions d'ici à 2030 et atteindre la « neutralité carbone » à l'horizon 2050, car les secteurs de l'énergie et du logement représentent 40 % des émissions européennes.
Pour que l'application du paquet soit une réussite, je forme le voeu que l'Europe relève trois défis. Le premier défi est celui de l'indépendance énergétique, car les turbulences actuelles, économiques, mais aussi géopolitiques, sur le marché européen du gaz, démontrent la nécessité de réduire notre dépendance au gaz, émissif et importé. Cela suppose de relancer l'énergie nucléaire, mais aussi de développer les énergies renouvelables et leur stockage.
Le deuxième défi est celui de l'autonomie minière, car la transition énergétique repose sur une très forte consommation de métaux rares, dont l'approvisionnement doit être sécurisé et les émissions maîtrisées. La fabrication de nos panneaux solaires, nos pales d'éoliennes, nos batteries électriques ou nos électrolyseurs d'hydrogène en dépend.
Le dernier défi est celui de la relocalisation industrielle, car la décarbonation de notre économie repose sur des industries énergétique, automobile, agroalimentaire ou du bâtiment actives, sources d'emploi, de recherche et d'innovation. Nous devons d'urgence relocaliser nos chaînes de valeur et consolider notre autonomie stratégique.
À ces conditions, la transition énergétique pourra être considérée non comme une contrainte juridique, mais comme une opportunité économique, à même de placer l'Europe aux avant-postes de la décarbonation.
M. Jean-François Longeot , président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - Nous voici donc réunis ce matin pour débattre de l'aboutissement d'un travail considérable sur ce paquet « Ajustement à l'objectif 55 ». Je remercie les présidents de commission, particulièrement le président Jean-François Rapin, pour l'organisation souple qui nous a permis de nous appuyer sur l'expertise de chaque commission et de nous assurer de la cohérence du message sénatorial avec les travaux précédemment menés. Je remercie également l'ensemble des rapporteurs.
La proposition de résolution, dans la version qui vous est présentée ce matin, est le fruit d'un travail d'auditions et de consultations menées depuis le début du mois de janvier. Cette réflexion a été prolongée par un déplacement enrichissant à Bruxelles, où notre commission a pu échanger avec Frans Timmermans, vice-président de la Commission européenne, et la représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne. Ce texte est le résultat d'un compromis : cette tâche n'était pas simple, mais vous êtes parvenus, mesdames, messieurs les rapporteurs, à nous proposer un projet équilibré.
La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a souhaité que cette résolution soit à la hauteur de nos engagements climatiques. Nos rapporteurs ont donc été particulièrement vigilants au maintien de la cohérence climatique de la résolution : l'ambition de réduction des émissions de gaz à effet de serre d'au moins 55 % en 2030 par rapport à 1990 devait être maintenue en pratique - et non seulement en théorie - sur l'ensemble du texte, en dépit d'oppositions parfois légitimes à certaines propositions de la Commission. Cet équilibre me semble globalement préservé dans le projet proposé, même si notre commission a fait un certain nombre de concessions. J'en suis évidemment satisfait et j'y vois le signe d'un consensus croissant sur la finalité du paquet : la lutte contre le réchauffement climatique.
M. Didier Marie , rapporteur de la commission des affaires européennes . - Je veux saluer le travail de nos rapporteurs, qui nous permettent d'aboutir ce matin à une proposition de résolution européenne qui est, dans l'ensemble, équilibrée. La lutte contre le changement climatique et ses effets est un sujet majeur à l'échelle mondiale. Elle s'inscrit dans le cadre de l'Accord de Paris sur le climat que le Sénat a soutenu à plusieurs reprises.
Au travers du Pacte vert pour l'Europe, dont ce paquet est l'une des déclinaisons opérationnelles, l'Union européenne entend jouer un rôle moteur dans cette lutte, en développant un nouveau modèle de croissance durable et vertueuse. Ce paquet législatif aura des effets très concrets sur la vie de nos concitoyens et sur nos entreprises, sur l'évolution des énergies, des transports ou encore du bâtiment. Il était donc nécessaire que le Sénat prenne position à une étape pertinente des négociations.
L'enjeu politique essentiel, bien mis en relief par le texte qui nous est soumis, est celui de l'accompagnement de la transition climatique. Cette transition doit être socialement inclusive. L'acceptabilité sociale de ce paquet est un sujet clé, de même que son volet d'accompagnement budgétaire et financier. À cet égard, nous proposons une approche critique de la démarche de la Commission européenne, qui doit présenter une stratégie de financement de la transition adaptée aux enjeux. Il y a assurément sur ce point des marges de progrès et je pense que nous pourrions l'interpeller encore davantage sur la mise en oeuvre de nouvelles ressources propres. Le financement du Fonds social pour le climat est un sujet important, notamment pour la solidarité intra-européenne et la capacité des États membres de l'Europe de l'Est à accepter la démarche. Je citerai également l'inclusion des secteurs du bâtiment et des transports routiers au mécanisme de marché carbone. Nos débats interviennent à un moment d'envolée des prix de l'énergie, mais, plus fondamentalement, le fonctionnement actuel du marché européen de l'électricité doit être réformé. La proposition de résolution souligne les risques liés à la réforme du marché carbone et propose des garde-fous qui sont des points d'équilibre.
Nous retrouvons cette démarche d'équilibre concernant les puits de carbone et la mise en oeuvre du règlement sur la répartition de l'effort entre les États membres - la solidarité est au coeur de la démarche européenne -, tout comme en matière de commercialisation des véhicules neufs en Europe, puisque la résolution confirme la fin de la commercialisation des véhicules à moteur thermique en 2035, tout en demandant la mise en place d'une dérogation jusqu'en 2040 pour les véhicules hybrides.
La lutte contre le dérèglement climatique est un enjeu mondial. L'Union européenne ne produit que 8 % des gaz à effet de serre ; elle se doit d'être moteur. Ce pacte doit constituer le pilier de sa diplomatie climatique et elle doit utiliser sa politique commerciale pour faire progresser ses normes, ses valeurs et ses règles de durabilité, dans un monde malheureusement perturbé.
Mme Marta de Cidrac , rapporteure de la commission des affaires européennes . - Je me félicite de la démarche initiée par nos trois commissions pour permettre au Sénat de prendre position sur ce sujet majeur de la mise en oeuvre de la loi européenne sur le climat. L'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55 % d'ici à 2030 par rapport à 1990 n'est pas qu'un chiffre en l'air : cela va devenir une réalité tangible pour nos concitoyens. Nous en avions déjà conscience lors de l'examen du projet de loi « Climat et résilience » du 22 août 2021, mais je crois que notre démarche permet à chacun d'entre nous de bien le mesurer et de préciser les enjeux à l'échelle de l'Europe.
Nous avons tous cherché une voie d'équilibre par rapport aux propositions de la Commission européenne : une voie d'équilibre éminemment sénatoriale, ce qui nous conduit à mettre l'accent sur l'acceptabilité sociale, économique et territoriale de ce paquet. C'est un point essentiel. La transition sera lourde. Prenons garde aux contestations possibles si les mesures sont mal calibrées ou mal accompagnées. Nous avons connu les « gilets jaunes » en France et, clairement, cette préoccupation sociale, économique et territoriale est au coeur du texte que nous présentons aujourd'hui. Je veux ainsi, une nouvelle fois, souligner devant vous la nécessité d'un portage politique au plus haut niveau de cette politique de lutte contre le changement climatique. Il faudra faire oeuvre de pédagogie et dialoguer avec nos concitoyens pour mettre en oeuvre les mesures de manière efficace et harmonieuse.
Nous avons également exprimé des points de vigilance sur la compétitivité de nos entreprises : nous soutenons l'objectif global, mais demandons à veiller à l'accompagnement de la transition et à pallier certaines failles, comme celles qui ont été identifiées sur le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, qui pénaliserait en l'état les entreprises exportatrices, ce qui n'est pas acceptable.
Nous mettons l'accent sur les moyens d'accompagnement et sur le Fonds pour l'innovation, que nous souhaitons renforcer. Cela me paraît constituer un point d'équilibre par rapport à des mesures qui insistent plus sur la solidarité intra-européenne, évoquée par Didier Marie. Les alinéas 94, 95 et 119 de la proposition de résolution me paraissent ainsi essentiels. Ce paquet de mesures est d'une grande complexité et la Commission européenne en joue assurément. J'ai pu le constater lors de deux déplacements à Bruxelles. La France préside aujourd'hui le Conseil de l'Union ; c'est une chance que nous devons saisir, même si cette présidence va être hachée par la période électorale qui s'ouvre. Je forme le voeu que le Gouvernement intègre nos préoccupations, celles du Sénat.
M. Jean-Yves Leconte , rapporteur de la commission des affaires européennes . - Il est heureux qu'au sein de nos trois commissions ainsi qu'au Conseil européen, les objectifs ne soient pas remis en cause et qu'il s'agisse maintenant de savoir comment nous parviendrons aux objectifs que nous nous sommes collectivement fixés. Cette volonté européenne est essentielle. L'analyse des propositions de la Commission européenne indique combien notre vie quotidienne, nos activités économiques, nos politiques publiques seront impactées par la loi européenne sur le climat, en matière d'énergie, de transport, d'industrie ou de logement. Je ne suis pas sûr que nous mesurions l'ampleur des changements essentiels à venir et qui bousculeront nos comportements ainsi que nos référentiels de valeurs.
Nos référentiels, comme celui de la « richesse argent » comme seule mesure de la croissance, sans tenir compte de l'impact de l'activité économique sur notre capital environnemental, sont à remettre en cause. Or aujourd'hui, alors que nous sommes en pleine campagne présidentielle, ces changements ne sont pas au coeur de nos débats. Ceci est inquiétant.
Les enjeux financiers et techniques du défi que nous nous fixons sont considérables ; il va falloir investir dans l'innovation et la recherche pour trouver des solutions. Il ne faut négliger aucune direction de recherche, tant que nous n'avons pas la certitude d'avoir une solution globale. Se posent aussi des questions en matière de normes RSE, de délégation aux États membres d'un certain nombre de politiques de compensation des coûts engendrés par les dispositifs retenus, à l'instar de l'usage du Fonds social pour le climat.
Enfin, je me réjouis que la résolution insiste sur le fait qu'il s'agit d'un projet européen majeur et ambitieux, Il faudra en assurer le financement dans le temps, après le plan de relance, mais aussi « dans l'espace », pour entraîner nos voisins, principalement ceux qui sont liés par des accords d'association, une union douanière ou un processus d'élargissement dans cette démarche et que ceci soit pris en compte dans la mise en place du Mécanisme de compensation carbone aux frontières. Les efforts et la transformation de notre continent, qui représente moins de 10% des émissions carbone du monde, ne seront utiles que ni nous arrivons, avec succès, en utilisant tous les outils dont nous disposons, à entraîner nos partenaires dans la même direction.
M. Daniel Gremillet , rapporteur de la commission des affaires européennes . - Au terme de ses travaux préalables sur le volet « Énergie » du paquet « Ajustement à l'objectif 55 », notre commission propose d'infléchir les différents textes dans plusieurs directions.
Tout d'abord, nous souhaitons garantir une neutralité technologique, entre l'hydrogène nucléaire et l'hydrogène renouvelable, partout où les textes du paquet y font référence. C'est une position cohérente avec la résolution européenne sur l'inclusion de l'énergie nucléaire dans la taxonomie verte, que nous avons adoptée en décembre dernier. Elle est indispensable à l'essor de la filière française de l'hydrogène.
Ensuite, nous entendons favoriser davantage les bioénergies : les biocarburants, le biogaz et le bois-énergie. Naturellement, ces bioénergies doivent respecter des critères de durabilité et ne pas entraîner de conflits d'usages. Pour autant, elles ne doivent pas être omises, car elles sont très utiles pour faire aboutir la décarbonation jusque dans les territoires ruraux.
Dans le contexte très dégradé de crise des prix des énergies, il est crucial de soutenir les ménages en situation de précarité énergétique, ainsi que les entreprises énergo-intensives, en veillant notamment à ce qu'ils bénéficient de soutiens fiscaux ou d'aides budgétaires idoines.
Plus encore, nous voulons consolider la place des autorités organisatrices de la distribution d'énergie (AODE), c'est-à-dire des collectivités territoriales exerçant une compétence en matière d'énergie, en tenant mieux compte de ces acteurs dans la réforme de la taxation de l'électricité, l'application des projets d'énergies renouvelables ou encore l'électrification des quais.
Enfin, un dernier point d'attention est de garantir la compétence des États membres, tant dans la définition de leur mix énergétique que dans la lutte contre la précarité énergétique. Cela est fondamental pour permettre à la France de conserver son parc nucléaire, atout majeur de sa décarbonation, et utile pour garantir aux Français des politiques publiques au plus près des territoires.
Je forme le voeu que ces recommandations, concrètes, techniques, ponctuelles, qui facilitent l'application du texte sans toucher à sa portée, recevront l'assentiment de chacun.
Au-delà du paquet « Ajustement pour l'objectif 55 », deux difficultés doivent encore être levées : d'une part, il faut inclure pleinement l'énergie nucléaire à la « taxonomie verte », qui l'assimile à une activité transitoire et non durable ; d'autre part, il faut réformer réellement le marché européen de l'électricité, car la tarification de l'électricité selon le principe du « coût marginal » lie malheureusement la valeur de l'électricité décarbonée aux fluctuations du gaz fossile.
Je souhaite que la PFUE permette de progresser réellement et rapidement sur ces enjeux.
Mme Dominique Estrosi Sassone , rapporteur de la commission des affaires économiques . - Dans le cadre du volet « Énergie » du paquet « Ajustement à l'objectif 55 », notre commission émet aussi des recommandations sur les enjeux de performance et d'efficacité énergétiques des bâtiments.
En premier lieu, nous proposons d'appliquer un principe de neutralité technologique entre les différentes sources d'approvisionnement en énergie des bâtiments, en revalorisant la place de l'électricité par rapport à celle du gaz et des énergies renouvelables de réseaux par rapport à la production sur site dans la définition des bâtiments faiblement émissifs. C'est, en somme, le modèle énergétique français que nous souhaitons conserver.
Nous suggérons également que l'application des nouvelles normes de performance énergétique s'accompagne d'une aide financière pour les propriétaires, les bailleurs ou les locataires. C'est une nécessité pour leur permettre de faire face aux surcoûts induits, dans le contexte de crise des prix des énergies.
De plus, nous souhaitons que les contraintes spécifiques auxquelles sont confrontés les bailleurs sociaux soient prises en compte. En effet, ces acteurs majeurs de la solidarité nationale doivent être accompagnés, et non déstabilisés, pour adapter le parc d'habitations à loyer modéré (HLM) aux nécessaires standards de la décarbonation.
Par ailleurs, nous proposons de permettre l'expérimentation du biogaz pour l'alimentation en énergie des bâtiments, comme s'y est d'ailleurs engagé le Gouvernement auprès de la filière biogaz, lors de la révision récente des normes nationales de performance énergétique.
Enfin, nous recommandons de garantir la compétence des États membres pour définir les principes et les modalités de la politique d'efficacité énergétique nationale. C'est une nécessité pour bien prendre en compte les spécificités nationales existantes, et répondre ainsi aux besoins identifiés localement.
Pour conclure, je partage les points d'attention indiqués par la présidente Sophie Primas et mon collègue Daniel Gremillet sur la stabilité normative, la compensation financière et la neutralité technologique : ce sont des prérequis indispensables pour faire en sorte que la transition énergétique soit effective, car acceptée. Or, dans le domaine du logement, je regrette les changements incessants de législation, nationale comme européenne ; sur ce point, je rappelle que nous venons tout juste de réformer la réglementation environnementale 2020 (RE2020), applicable aux bâtiments neufs, et le diagnostic de performance énergétique (DPE), prévu pour les bâtiments existants.
Il est déplorable que, trois ans après la loi « Énergie-Climat » de 2019, et six mois après la loi « Climat-résilience » de 2021, nous devions encore légiférer sur ces sujets.
Mme Denise Saint-Pé , rapporteure de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - J'aimerais rappeler quelques positions structurantes de notre commission dans cette résolution. Je ne serai évidemment pas exhaustive.
Concernant la réforme du marché carbone européen - le SEQE ou ETS -, notre appréciation est globalement positive, notamment puisque la réforme envisagée accélérera la transition bas carbone des industries européennes. Nous avons aussi jugé pertinente la proposition de consolidation de la réserve de stabilité du marché (MSR) pour renforcer la stabilité du prix de la tonne de CO 2 sur le marché carbone. Nous aurions toutefois apprécié que cet outil soit complété par l'instauration d'un prix plancher et d'un prix plafond, croissant dans le temps, afin de renforcer la visibilité pour les acteurs économiques et de crédibiliser à long terme l'augmentation du prix de la tonne de CO 2 . Cette proposition n'a pas été retenue dans la proposition de résolution européenne.
Concernant la création d'un nouveau marché carbone pour le transport routier et le bâtiment, nous avons relayé les nombreuses inquiétudes sociales, mais également environnementales, autour du dispositif proposé par la Commission européenne, tout en insistant sur la nécessité de préserver la cohérence générale du paquet « Climat ». C'est pourquoi nous avons proposé un certain nombre de garde-fous - prix plafond sur ce nouveau marché, limitation du dispositif aux professionnels et moyens accrus pour l'accompagnement des plus précaires - au lieu de nous opposer frontalement à la proposition de la Commission européenne. Notre commission est très attachée à cet équilibre, fidèlement retranscrit dans la résolution.
Nous nous félicitons également de l'instauration d'un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, même si nous pensons que son périmètre pourrait être élargi en 2026 à certains produits de base, voire à certains produits finis, pour limiter les risques de perte de compétitivité des industries européennes. Nous nous interrogeons également sur la pertinence du calendrier pour l'extinction totale des quotas gratuits, actuellement prévue en 2036, au regard de l'ambition climatique du paquet et de la nécessité de faire naître des champions industriels bas carbone au niveau de l'Union européenne. Ces points apparaissent très nettement dans la résolution.
Sur le volet transport de ce paquet, nous avons jugé que l'interdiction de vente des véhicules thermiques neufs en 2035 était ambitieuse et réaliste, compte tenu de l'accélération de la transition vers les motorisations électriques par les constructeurs français et européens et du bilan carbone favorable des véhicules électriques par rapport aux véhicules thermiques, même dans une analyse de cycle de vie, a fortiori en France, où l'électricité est peu carbonée. Nous prenons acte de la dérogation demandée dans la résolution pour les hybrides rechargeables, tout en estimant qu'il faudra encourager largement l'usage de carburants durables par ces véhicules.
M. Guillaume Chevrollier , rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - Je me joins aux remerciements du président Longeot à l'attention de nos collègues de l'ensemble des autres commissions, avec lesquels nous avons travaillé en bonne intelligence.
Notre commission a souhaité voir figurer certains points dans cette proposition de résolution européenne.
Nous avons tout d'abord fait de l'objectif de réduction des émissions de 55 % l'élément structurant de la résolution : il nous a semblé indispensable de préserver la cohérence d'ensemble du texte afin de coller en pratique - et non seulement en théorie - à cet objectif.
La dimension sociale est le deuxième fil rouge de cette résolution. Toutefois, nous avons rappelé que cette préoccupation ne devait pas être un alibi, qui nous conduirait à renoncer à agir fermement. Nous avons donc plutôt insisté sur la nécessité d'un accompagnement social dimensionné au défi inéluctable que représente la transition climatique du continent.
Troisième considération générale : nous avons souligné que la transition offrait des opportunités économiques considérables et devait, à cette aune, être accélérée pour développer des industries bas-carbone européennes.
Quatrième fil rouge, dans la droite ligne de nos travaux précédents et des enseignements que nous avons tirés de la COP26 : le paquet « Ajustement à l'objectif 55 » devrait constituer le pilier de la diplomatie climatique de l'Union européenne, en agissant comme un levier pour le relèvement de l'ambition des États tiers.
Enfin, le dernier élément cardinal est que le niveau d'investissement particulièrement élevé requis pour atteindre les objectifs à l'horizon 2030, puis la neutralité carbone à l'horizon 2050, conduise à une réflexion approfondie sur le soutien financier, grand absent de ce paquet « Climat ». La proposition de résolution invite donc tout particulièrement la Commission européenne à adapter les règles du pacte de stabilité et de croissance - elles limitent les niveaux annuels de déficit et de dette au niveau national - pour inciter et faciliter les investissements publics verts.
M. Claude Kern , rapporteur de la commission des affaires européennes . - En tant que rapporteur de la commission des affaires européennes sur le volet « Énergie » de ce paquet, je m'associe aux propos de mon collègue Daniel Gremillet, dont je partage les conclusions et les propositions.
Le secteur de l'énergie constitue indéniablement la clé de voûte pour atteindre les objectifs très ambitieux fixés à l'ensemble des États membres par la Commission européenne. Je rappelle que 75 % des émissions de gaz à effet de serre de l'Union européenne proviennent de la consommation et de la production d'énergie. La décarbonation du secteur de l'énergie est donc une étape essentielle pour parvenir à la réduction de ces émissions et à la neutralité climatique de l'Union prévue d'ici à 2050.
Les ambitions climatiques de l'Union européenne s'inscrivent aujourd'hui dans un contexte inédit de très haut niveau des prix des énergies, que nous devons prendre en considération. Cette situation, qui est appelée à durer, renforce les questionnements que nous avons sur le financement de la transition climatique, ses conséquences sur le coût énergétique pour les acteurs économiques, notamment pour les PME, et les inquiétudes sur le pouvoir d'achat des ménages européens.
Si nous partageons l'ambition de ce paquet, la politique énergétique européenne doit s'inscrire dans le respect de certains principes : la souveraineté des États membres sur le choix de leur bouquet énergétique, la neutralité technologique et la prise en compte de la situation des États membres dont la production d'électricité est déjà largement décarbonée.
Ainsi, nous considérons que l'ensemble des solutions décarbonées en matière énergétique doivent pouvoir contribuer à la transition énergétique, qu'elles soient issues de sources renouvelables ou non. Sur de nombreuses dispositions de ce texte, nous avons exprimé le souhait d'élargir le périmètre actuel aux carburants bas carbone ou de pouvoir valoriser une électricité autre que renouvelable, dans les règles de calcul des émissions de gaz à effet de serre. Le principe de neutralité technologique doit aussi bénéficier à l'hydrogène, qui constitue un enjeu géopolitique et de souveraineté majeur. Le directeur général de l'énergie et du climat au ministère de la transition écologique a d'ailleurs souligné, lors de son audition, le risque de passer d'une dépendance au gaz russe à une dépendance à l'hydrogène du Sahara.
Nous devrions disposer d'orientations générales sur ces textes « Énergie » à la fin du premier semestre 2022 ; une réunion du Conseil « Énergie » doit ainsi se tenir à la fin du mois de juin.
M. Pierre Laurent , rapporteur de la commission des affaires européennes . - Un important travail a été réalisé ces dernières semaines, en un temps express et beaucoup trop contraint, sans donner aux commissions le temps de réaliser une évaluation contradictoire approfondie. Des éléments d'appréciation essentiels nous font défaut, tels que le niveau d'investissement nécessaire, l'impact des changements productifs et sociaux amenés par le pacte vert ou les conditions pérennes des financements massifs attendus.
La PPRE estime nécessaire de mettre en place des modalités d'implication des parlements dans le suivi des négociations et demande à la Commission européenne de présenter des études d'impact plus pertinentes. Je m'en félicite, même si nous n'avons aucune garantie en la matière. Comment serons-nous associés aux négociations, alors que le Parlement va cesser de siéger, au moment même de la PFUE ?
La PPRE nous engage de manière positive sur le paquet, non seulement sur l'objectif de 55 %, mais aussi sur les voies pour y parvenir. À ce stade, ce soutien me paraît hasardeux, prématuré et aveugle à maints égards.
Nous sommes en pleine campagne présidentielle et en pleine PFUE. Avons-nous conscience que la grande majorité de nos concitoyens ignore l'impact du paquet que nous sommes en train de soutenir ? Voyez la suppression des véhicules thermiques et hybrides en 2035 : c'est demain ! Il en est de même pour l'élargissement du marché carbone aux ménages par l'introduction du chauffage et des carburants, ou l'augmentation à 40 % de la part des renouvelables dans les mix énergétiques.
Je souligne un point clé : le caractère juste de la transition devrait se trouver en amont et au centre des décisions, pour conduire à un cadre légal de transition juste, comme le propose la Confédération européenne des syndicats (CES). Or la proposition du Sénat continue de s'inscrire dans une logique qui ne traite la dimension sociale qu'en termes d'atténuation et de compensation, alors que 50 millions de ménages européens sont déjà en précarité énergétique.
Sur la création d'un marché carbone pour le transport routier et le bâtiment, nous rendons les armes avant d'avoir mené le combat, en intégrant dans la PPRE toutes les possibilités, même les plus mauvaises, plutôt que de nous en tenir, au début des négociations, au refus de ce marché en l'état. La création du Fonds social pour le climat est conditionnée au maintien de l'élargissement du marché carbone, rendant aléatoire tout le système de compensation sociale.
La PPRE demande une révision des modalités de fonctionnement du marché de l'électricité - je m'en félicite -, mais elle ne donne aucune indication sur le sens de cette révision. S'agissant de la libéralisation du marché de l'énergie, le Sénat ne propose rien. La concurrence aberrante entre les opérateurs nationaux et les opérateurs alternatifs va donc continuer, entravant notre capacité à agir de manière planifiée et durable.
Malgré notre soutien au mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, l'étroitesse du champ couvert va poser de nombreux problèmes, sans parler de son lien avec le marché carbone, qui risque d'engendrer des inégalités très importantes.
Sur la nécessité de sortir des règles obsolètes du pacte de stabilité, la vague mention dans la PPRE à ce sujet est bien trop légère par rapport au niveau des investissements à mobiliser. J'avais fait des propositions de rédaction, elles n'ont pas été retenues à ce stade. En l'état, je ne pourrai pas soutenir une telle PPRE.
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes - Effectivement, le temps est contraint. Cette PPRE doit porter ses fruits au cours de la PFUE, qui subit la situation électorale et la situation de crise. Nous aurions eu de grandes difficultés à réunir les trois commissions après la suspension des travaux en séance plénière et donc à porter la parole du Sénat. Il est vrai que les parlements nationaux n'ont absolument pas été consultés. Nous n'avons pas pu travailler en amont. Au nom du Sénat français, nous nous positionnons dès lors que les textes nous sont transmis. Il ne s'agit en rien de faire passer un texte à marche forcée. Le calendrier est contraint, et nous avons dénoncé cette situation.
M. Pierre Laurent , rapporteur . - Je ne critique pas les trois présidents de commission, je ne fais que dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas !
M. Dominique de Legge , rapporteur de la commission des affaires européennes . - Les transports sont aujourd'hui responsables de 30 % des émissions totales de CO 2 de l'Union européenne. Malgré les efforts de décarbonation des filières du secteur, les émissions de gaz à effet de serre se sont accrues de près de 20 % en Europe depuis 1990, en raison du développement des secteurs routier et aérien. Ce secteur a donc un rôle essentiel à jouer dans la transition écologique. Le paquet « Ajustement à l'objectif 55 » fixe une trajectoire de réduction de 90 % des émissions de gaz à effet de serre provenant du secteur des transports d'ici à 2050, et d'au moins 55 % en 2030. Je laisserai mes collègues, Pascale Gruny et Jean-Michel Houllegatte, évoquer plus précisément les trois textes qui recouvrent les secteurs routier, aérien et maritime et les carburants alternatifs.
Pour ma part, je souhaiterais vous faire part de quatre considérations d'ordre général.
Ces textes auront des traductions concrètes, plus spécifiquement pour les entreprises des secteurs aérien et maritime. Je voudrais rappeler qu'elles sont, pour la plupart, déjà très engagées dans la diminution de l'impact environnemental de leurs activités et qu'elles investissent dans des technologies ou procédés qui permettent une réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre.
Je déplore l'absence d'évaluation de l'impact des mesures proposées par la Commission européenne. Cela est d'autant plus regrettable qu'elles sont particulièrement complexes et que leur cumul rend difficile l'appréhension des interactions entre elles. Nous demandons à la Commission européenne, dans notre proposition de résolution, de présenter en cours de négociation des études actualisées et sectorielles. Il s'agit de s'assurer de l'impact des différentes dispositions sur les ménages, les entreprises et les territoires ainsi que de la crédibilité du calendrier.
J'en viens à l'acceptabilité sociale et économique. Le maintien de la compétitivité des entreprises françaises et l'adaptation de la transition à nos territoires sont aussi des enjeux transversaux à l'ensemble des textes du paquet ; nous devons leur porter une attention particulière. Le niveau d'investissement de la transition écologique est très élevé. Les interlocuteurs bruxellois que nous avons auditionnés nous ont d'ailleurs alertés sur la capacité de l'Union européenne à financer ces mesures.
Nous avons pris bonne note de la création d'un Fonds social pour le climat. Mais nous disposons de peu d'éléments sur la hauteur de son financement. Quels sont les critères pour sa mobilisation et sa redistribution ? Comment les disparités géographiques seront-elles prises en compte ? Quel sera son mode de gestion ?
Mme Pascale Gruny , rapporteur de la commission des affaires européennes - Permettez-moi de citer quelques chiffres pour mesurer les efforts que doit accomplir le transport routier pour contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et parvenir à la neutralité climatique à l'horizon 2050. Aujourd'hui, le transport routier représente 80 % du transport des passagers de l'Union européenne et 75 % du transport des marchandises. Les voitures et les camionnettes génèrent plus de 70 % des émissions de gaz à effet de serre des transports en Europe, ce qui représente 12 % des émissions européennes totales. La mobilité est bien au coeur de la transition climatique.
Je voudrais attirer votre attention sur quelques points qui me semblent importants pour engager le continent européen dans une transformation profonde de son économie, des usages des transports et des modes de comportement des citoyens. Plusieurs sujets de vigilance ont déjà été évoqués, tels que l'acceptabilité de la transition par les ménages, le maintien de la compétitivité des entreprises européennes, en particulier dans le domaine des transports, ou le financement des mesures nécessaires à cette transition. Le niveau d'ambition pour s'adapter au changement climatique nécessite, en effet, des investissements considérables dans la recherche et l'innovation. J'ai la conviction que le développement de transports décarbonés est un des enjeux forts de la transition écologique et que l'accompagnement des ménages au report modal, qui concerne en priorité les grandes métropoles, doit aussi être favorisé.
Par ailleurs, pour lever les barrières à l'achat de véhicules électriques, le déploiement d'infrastructures de recharge doit s'accélérer. C'est pourquoi nous souhaitons un renforcement des objectifs fixés par la Commission européenne, qui concerne d'ailleurs tous les modes de transport. Je ne reviendrai pas sur la proposition relative à la fin de la commercialisation des véhicules à moteur thermique qui a précédemment été exposée.
Cependant, nous devons être particulièrement attentifs à l'incidence que pourrait avoir cette mesure sur le marché des véhicules d'occasion. Il ne faudrait pas qu'elle favorise une augmentation des exportations de nos voitures anciennes et très polluantes vers des pays moins développés. J'ai donc proposé le développement d'une économie circulaire, notamment pour l'automobile, qui peut se matérialiser par le reconditionnement de véhicules - certaines entreprises se sont déjà positionnées sur ce créneau - ou la réutilisation de pièces détachées. J'invite aussi à mieux prendre en compte l'ensemble du cycle de vie au regard des enjeux de neutralité carbone.
Enfin, il me semble important d'être attentif à la superposition de mesures européennes dont l'effet cumulatif peut avoir des conséquences sur les acteurs économiques.
M. Jean-Michel Houllegatte , rapporteur de la commission des affaires européennes. - J'aborderai le volet du paquet relatif aux secteurs aérien et maritime.
L'objectif de la Présidence française est de conclure des orientations générales à la fin du premier semestre 2022 sur la quasi-totalité des textes. Force est de noter que deux des textes les plus avancés dans la négociation entre États membres concernent les projets de règlement qui visent, d'une part, à obliger les fournisseurs de carburants à accroître la part des carburants d'aviation durables, et, d'autre part, à réduire l'intensité des émissions de gaz à effet de serre de l'énergie utilisée à bord des navires. L'utilisation de carburants d'aviation durables, qui permet de réduire les émissions globales de CO 2 jusqu'à 80 % par rapport au kérosène fossile, constitue, en effet, l'un des principaux leviers de la réduction des émissions de l'aviation.
Plusieurs études montrent d'ailleurs que le transport aérien peut parvenir à la neutralité carbone à l'horizon 2050. Trois leviers de décarbonation sont actuellement identifiés : les carburants d'aviation durables (SAF), les avancées technologiques dans un avenir plus ou moins lointain - Airbus vient ainsi d'annoncer un premier test de moteur d'avion propulsé avec de l'hydrogène, qui sera réalisé en 2026, et qui pourrait être une étape importante vers la mise au point d'un avion zéro émission -, ainsi que la mise en oeuvre du ciel unique européen qui implique un effort de la part des États membres pour moderniser et rationaliser le contrôle aérien, permettant des trajectoires plus directes au-dessus du territoire européen. Ces trois points sont exposés dans la proposition de résolution telle que présentée aujourd'hui.
Je voudrais aussi vous faire part de plusieurs points de vigilance.
Premièrement, le risque de contournement par les hubs et de distorsion de concurrence pour les compagnies aériennes européennes est un premier sujet d'attention. L'aéroport d'Istanbul, par exemple, pourrait à terme devenir un concurrent pour les aéroports européens.
Deuxièmement, la recherche et l'innovation dans le domaine des carburants alternatifs pour l'aviation doivent contribuer à la réduction de l'écart des coûts entre les SAF et le kérosène.
Troisièmement, le développement de la production de carburants d'aviation alternatifs à grande échelle conditionne la décarbonation du secteur.
Quatrièmement, enfin, il faut être attentif au coût de la transition énergétique pour le secteur de l'aviation.
L'objectif de réduction des gaz à effet de serre est également largement soutenu par les acteurs du transport maritime, mais plusieurs points de vigilance ont toutefois été identifiés, notamment la prise en compte de la disponibilité des carburants et de leur coût, alors que ce secteur repose, à l'heure actuelle, presque entièrement sur les combustibles fossiles.
M. Jacques Fernique . -Cette proposition de résolution constituera l'approche du Sénat sur le paquet « Climat » par lequel l'Europe donne corps à son nouvel objectif de réduction de 55 % des gaz à effet de serre d'ici 2030 par rapport à 1990. Il s'agit non pas d'en rester aux belles formules, mais de mettre en place des actions concrètes. Au travers de cette proposition de résolution, le Sénat prend la mesure de cet objectif en envisageant les nécessaires réformes structurelles et sectorielles pour transformer nos industries, nos transports, notre agriculture et nos conditions énergétiques. Il affirme également l'urgence de parvenir à un cadre clair et soutenable pour les ménages, les entreprises et nos territoires. On ne peut pas gagner le combat climatique dans un seul pays ou dans la seule Union européenne, qui représente 8 % du problème. Cette proposition de résolution insiste à juste titre sur la capacité d'entraînement dont l'Europe peut jouer, par l'ajustement carbone à ses frontières et par ses capacités de régulation des échanges économiques mondiaux. Les termes précis de cette proposition constituent donc un pas explicite vers la remise en cause des politiques ultralibérales de libre-échange ; les alinéas 200 et 201 sont éloquents à cet égard.
Cette PPRE pointe la nécessité d'accompagnement pour l'acceptabilité sociale, d'adaptation des politiques de formation professionnelle, de reconversion des métiers, de soutien aux territoires et aux appareils productifs affectés. Notre groupe propose de muscler la proposition de résolution en ajoutant, après l'alinéa 95, un alinéa sur le rôle clé des territoires dans la mise en oeuvre concrète de politiques déterminantes en matière climatique. Il serait bon de pointer la nécessité, pour l'Union européenne, de présenter une stratégie globale pour abonder le financement de l'action climatique des territoires. La mobilisation et la mise en cohérence des différents fonds structurels, des fonds d'investissement et des divers programmes de soutien financier, doivent s'opérer au profit des collectivités territoriales - un accord sur cette proposition de rédaction devrait se dégager au sein de la Chambre des territoires.
Voilà les avancées positives qui caractérisent la proposition de résolution européenne. Restent deux écueils majeurs qui en compromettent la bonne trajectoire. L'énergie nucléaire et les biocarburants sont deux fausses solutions. La première ne doit pas être traitée comme les énergies renouvelables. Elle est dangereuse, coûteuse et porte en elle des conséquences néfastes au-delà de nos frontières nationales. Or il ne faut pas nier les divergences d'approche entre États membres en la matière et l'importance des objectifs de sobriété énergétique et de développement des énergies renouvelables. Quant aux biocarburants, notre groupe a la conviction qu'ils ne remplaceront jamais les carburants conventionnels fossiles dans les secteurs aérien et maritime. C'est pourquoi l'alinéa 148 ne peut rester en l'état. Il convient certes de promouvoir les biocarburants, mais pas « quelle que soit leur génération ». Les agrocarburants de première génération représentent une concurrence inacceptable.
Cette proposition de résolution prend effectivement le sujet à bras-le-corps, mais deux illusions la rendent inopérante : la foi nucléaire et la croyance dans les biocarburants.
M. Daniel Salmon . - Je reviendrai sur les deux points de divergence que vient de soulever Jacques Fernique. L'énergie nucléaire, tout d'abord, est très présente tout au long de cette PPRE. Elle est très différente des autres en ce qu'elle ignore les frontières - le nuage de Tchernobyl ne s'y est pas arrêté ! En réalité, la liberté de chaque pays de se doter du mix énergétique de son choix vient affecter celle des autres. Si un accident majeur devait intervenir en France, les autres pays européens seraient impactés. De plus, cette énergie est génératrice de déchets qu'il nous faut gérer pendant des durées dépassant notre échelle humaine. Par ailleurs, à nos frontières, les bombes tombent en ce moment. Or la vulnérabilité de la France en temps de paix est indéfendable en temps de guerre ! Cette donnée doit absolument être prise en compte, car demain, nous pourrions connaître de graves difficultés liées à l'énergie nucléaire. Les biocarburants sont une partie de la solution. Compte tenu de la situation en Ukraine, la surface agricole utile en France sera à l'avenir très sollicitée : pour l'alimentation, les fibres et l'énergie. Elle ne pourra pas alimenter le transport aérien et le transport maritime, très voraces en énergie. Ces problèmes s'ajouteront à ceux du commerce international. Nous devons faire preuve d'une très grande vigilance - car ce sont, en définitive, deux fausses solutions - et placer la sobriété en tête de nos priorités.
Mme Angèle Préville . - Je salue le travail très important qui a été réalisé face aux enjeux colossaux qui sont devant nous. Je ferai une proposition de rédaction concernant les alinéas 172, 177 et 180 qui mentionnent les carburants synthétiques susceptibles d'être élaborés à partir de fossiles, de charbon, de lignite, de pétrole. Il faudrait d'emblée les exclure et ne mentionner que les carburants synthétiques provenant d'énergies renouvelables, à l'exclusion de ceux provenant d'énergies fossiles. Se trouve actuellement dans l'atmosphère un stock inédit de dioxyde de carbone, inégalé au cours des 800 000 dernières années. Afficher simplement une neutralité carbone dans notre feuille de route ne suffira pas ; il nous faudra réduire ce stock à l'origine du dérèglement climatique.
Sur les alinéas 130 et 131 relatifs au mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, nous aurions pu aller beaucoup plus loin eu égard aux interpellations régulières du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) à propos de l'impact carbone des produits finis. Au lieu de dire que l'intensité carbone des produits importés « peut être évaluée », je proposerais d'écrire : « devant être évaluée ».
M. Stéphane Demilly . - Je prendrai le contrepied des propos tenus sur les biocarburants. J'ai présidé des groupes de travail sur le sujet à l'Assemblée nationale durant vingt ans, publié de nombreux rapports et participé à de multiples tables rondes et colloques. Ce sujet a toujours déclenché des débats passionnés, souvent manichéens et caricaturaux comme tout à l'heure.
Parmi toutes les études sérieuses, pas celles financées par les lobbies pro ou anti-biocarburants, celle qu'a menée l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) démontre clairement l'intérêt environnemental des bio ou agrocarburants. Ceux-ci ne sont pas exempts de défaut, mais ils sont bons pour l'environnement - moins 50 % de gaz à effet de serre pour l'éthanol, et moins 66 % s'ils sont réalisés à partir de betteraves - et pour l'agriculture, car ils sont une source de diversification, notamment pour les betteraviers qui ont perdu 100 000 hectares en trente ans. Plus d'une exploitation disparaît chaque heure dans notre pays. Les biocarburants sont également une ressource favorable au pouvoir d'achat et à notre indépendance énergétique, car nous dépendons à 99 % des importations pour le fossile. Ils sont aussi utiles à notre indépendance diplomatique et économique, qui ne peut être assurée sans indépendance énergétique. Or celle-ci est mise à mal par le contexte international actuel et notre dépendance au gaz russe...
Ces carburants n'ont jamais eu pour objet de remplacer totalement les carburants fossiles, et nos terres arables ont vocation à être nourricières, pour reprendre les propos du ministre de l'agriculture. C'est pourquoi seulement 2,3 % de notre surface agricole utile est destinée aux biocarburants, contre 3 % en moyenne en Europe. La solution miracle n'existe pas, et la méthanisation a ses défauts, de même que l'éolien et le solaire. Quant au nucléaire, je vous laisse juges. Il ne faut pas tenir des propos excessifs, et le biocarburant est une des nombreuses pistes à explorer. C'est pourquoi je suis très heureux que cette proposition de résolution européenne lui consacre un beau chapitre.
M. Ludovic Haye . - Merci pour ces interventions qui représentent les différentes sensibilités. Ce sujet me tient particulièrement à coeur : les douze propositions législatives du paquet « Ajustement à l'objectif 55 » vont assurément dans le bon sens et s'inscrivent dans le droit fil des priorités françaises. Pour la présidence française, le présent semestre est crucial pour concilier investissements économiques et ambitions climatiques, avec en ligne de mire la justice sociale.
Cette approche globale correspond à celle que la France a adoptée dans le plan de relance, la loi « Énergie-Climat », puis le projet de loi « Climat et résilience ». Selon cette optique, la PPRE est compatible avec cette stratégie. Sur ce point, l'alinéa 90, qui sous-entend que nous devons nous appuyer sur le potentiel nucléaire pour valoriser nos engagements dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre, nous satisfait.
Il en est de même pour la référence à la nouvelle taxonomie verte européenne énoncée à l'alinéa 60. Nous ne pouvons que souscrire à l'alinéa 93, en vertu duquel la transition vers une économie décarbonée ne doit pas être synonyme de décroissance. Nous sommes tous d'accord pour une écologie capable d'innovation, pourvoyeuse d'emplois, qui ne gaspille pas ni ne détruit, mais crée de la richesse.
De même, l'acceptation sociale figurant à l'alinéa 94 doit animer chaque responsable politique. Nous proposons sur le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières la même vision que la France a portée. C'est un paradigme indispensable si nous voulons nous tourner vers une géopolitique responsable. Cela représenterait un changement culturel majeur en Europe et une avancée diplomatique réelle.
Pour toutes ces raisons, je soutiendrai cette PPRE au nom de mon groupe.
M. Franck Montaugé . - À l'alinéa 93, il m'apparaîtrait plus adéquat d'écrire que la transition vers une économie décarbonée « doit s'inscrire dans le cadre d'une croissance mesurée par des objectifs de développement durable adaptés aux enjeux et à la planification qui en résulte. »
Mme Sophie Primas , présidente de la commission des affaires économiques. - Une proposition de rédaction a été proposée en ce sens. Peut-être votre proposition sera-t-elle satisfaite.
EXAMEN DES PROPOSITIONS DE RÉDACTION
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes . - Louis-Jean de Nicolaÿ a formulé une proposition de rédaction afin de faire référence, dans les visas de la résolution, à la lettre de mission qui lui avait été adressée par le Président du Sénat en vue de la COP26. Il s'agit de préciser à nouveau l'implication du Sénat sur ces sujets, en particulier la délégation d'une mission dans ce cadre. Cette spécificité ne soulève pas de problème et ne déstructure pas la PPRE.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ . - Lors de la réunion interparlementaire en marge de la COP26 à Glasgow, le président Larcher avait en effet souhaité qu'une motion - adoptée à l'unanimité - rappelle le rôle vital des collectivités territoriales dans la mise en oeuvre des politiques d'atténuation du changement climatique et d'adaptation à celui-ci, et la nécessité de leur apporter un financement suffisant. Cela doit permettre d'atteindre l'objectif de 55 %.
La proposition de rédaction est retenue.
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes. - À l'alinéa 79 , une proposition de rédaction vise à remplacer les mots : « réévaluer les modalités de fonctionnement du » par les mots : « réformer le ». La rédaction serait donc la suivante : « Considérant que les effets potentiels du paquet "Ajustement à l'objectif 55 " et la forte hausse des prix des énergies invitent à réformer le marché européen de l'électricité. » Cette formulation est un peu plus offensive ; j'y suis plutôt favorable.
Mme Sophie Primas , présidente de la commission des affaires économiques. - Notre commission est d'accord avec cette écriture un peu plus offensive, qui devrait répondre en partie aux remarques de M. Laurent. Il y a urgence à réformer très rapidement le système de tarification de l'électricité.
M. Franck Montaugé . - Cet alinéa 79 appelle d'une certaine façon à la révision du marché de l'électricité. L'évocation d'un sujet aussi important ne devrait-elle pas figurer à la fin du texte, où l'on appelle à des actions concrètes ?
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes . - Nous avons voulu mettre l'accent sur l'acceptation sociale et sociétale du dispositif. Ceci oriente notre conclusion qui propose une ouverture. Je suis favorable au maintien de cette architecture du texte.
M. Pierre Laurent , rapporteur. - Lundi soir, lors de l'élaboration de la rédaction du texte que nous examinons ce matin, j'ai envoyé un texte avec une série de propositions, qui ont visiblement été classées sans suite. Qu'en est-il ?
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes. - Vous pouvez les présenter de nouveau.
M. Pierre Laurent , rapporteur. - Je le ferai donc au moment de l'examen des alinéas concernés.
La proposition de rédaction est retenue.
M. Didier Marie , rapporteur. - À l'alinéa 93, nous proposons de remplacer les termes : « ne doit pas être synonyme de décroissance », par le terme : « nécessite ». La rédaction serait donc la suivante : « Affirme que la transition vers une économie décarbonée nécessite de concilier lutte contre les dérèglements climatiques, développement durable, développement économique et inclusion sociale... ». La référence à la décroissance nous apparaissait un peu trop défensive ; nous proposons là aussi une version plus offensive.
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes . - La rédaction initiale avait du sens pour ne pas accréditer une perspective décroissante par ce texte. Je ne suis donc a priori pas très favorable à cette proposition, mais je souhaiterais entendre l'avis de la présidente de la commission des affaires économiques et du président de la commission de l'aménagement du territoire.
Mme Sophie Primas , présidente de la commission des affaires économiques . - N'ayant pu évoquer cette question avec les commissaires, mon avis sera personnel. Dans cette PPRE, nous devons donner un cap stratégique pour l'Europe. À l'instar du président Rapin, je ne pense pas que la décroissance soit une option pour l'Europe. Je comprends le sens de la proposition de rédaction, mais j'émettrai un avis très réservé.
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes . - La possibilité d'émettre des avis divergents fait partie de l'intérêt de ce format de réflexion.
M. Patrice Joly . - La croissance et la décroissance, déjà évoquées dans de multiples réunions, doivent à l'évidence être questionnées de nouveau. Nous nous orientons nécessairement sur une croissance différente. Si la production de biens matériels est toujours nécessaire, sa finitude se heurte à l'infini culturel et relationnel.
M. Franck Montaugé . - Je partage la position de la présidente de la commission des affaires économiques, mais la décroissance renvoie à la dimension purement économique du développement. La notion d'objectif de développement durable trouverait sa place, qui ne se limite pas à la seule dimension productive de notre société. Il s'agit d'un positionnement stratégique.
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes . - Cette notion figure déjà dans l'alinéa.
M. Daniel Gremillet , rapporteur. - La rédaction initiale me paraissait équilibrée. Autrement, nous risquons de ne pas être au rendez-vous de l'enjeu de la transition décarbonée. La France et l'Europe doivent être présentes, tout en conciliant le développement durable, le développement économique et l'inclusion sociale. C'est un pari sur l'avenir !
M. Pierre Louault . - La croissance sera verte ou ne sera pas ; les deux notions sont liées !
M. Laurent Duplomb . - J'ai l'impression de rêver : notre continent est depuis cinq heures du matin en guerre, pour la première fois depuis 1945 - hormis la guerre de Yougoslavie. Ce n'est tout de même pas anodin ! Les conséquences seront considérables sur les prix des énergies, notamment du gaz russe, le blé ukrainien, les bourses mondiales et en particulier européennes. C'est comme si nous nous trouvions dans une voiture sans moteur, sans feux, sans frein qui va droit dans le mur, et que nous continuions à parler de tout et de rien. Sommes-nous aujourd'hui à la hauteur du débat ? En quelques minutes, Vladimir Poutine va émettre la quantité de dioxyde que nous produirions en plusieurs mois ou plusieurs années. Si demain l'Europe est en guerre, croyez-vous vraiment que l'on se posera la question de la décroissance ?
Mme Marta de Cidrac , rapporteure. - Je suis défavorable à la proposition de rédaction. L'écriture de l'alinéa 93 est tout à fait équilibrée. Il faut au contraire maintenir le terme « décroissance » pour le distinguer des autres notions du texte.
M. Dominique de Legge , rapporteur. - Je souhaite également le maintien de cette rédaction, pour une autre raison simple : pour financer nos objectifs, nous avons besoin de croissance. Il faut l'affirmer très clairement.
M. Daniel Salmon . - Nous sommes évidemment favorables à cette proposition visant à supprimer le terme « décroissance ». On parle souvent de sobriété. Or notre trajectoire d'une croissance infinie sur une planète finie n'est pas viable. Ce terme de « décroissance » irrite beaucoup, notamment quand nous le portons. S'il disparaissait de ce texte, ce serait mieux pour tout le monde !
M. Didier Marie , rapporteur. - Nous ne voulions pas engager un débat sur la décroissance. Nous souhaitions juste proposer une formulation plus positive que celle qui était inscrite. À l'instar de nombre de nos collègues, nous sommes pour une croissance, mais différente de celle que nous connaissons aujourd'hui. Elle serait respectueuse du développement durable, du développement économique et de l'inclusion sociale. Cela étant, eu égard à l'imbroglio que cette suggestion semble susciter, nous la retirons.
La proposition de rédaction est retirée.
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes . - À l'alinéa 94, une proposition de rédaction vise à insérer après le mot : « d'accompagnement » les mots : « et d'inclusion sociale ». La rédaction serait la suivante : « ...et à prévoir les dispositifs pertinents d'accompagnement et d'inclusion sociale de cette transition en amont... ». J'y suis favorable.
La proposition de rédaction est retenue.
M. Pierre Laurent , rapporteur. - Je proposais d'insérer, entre les alinéas 93 et 94 un alinéa sur la question de la transition juste. Ce terme ne figure pas une seule fois dans le texte. Concernant le cadre « clair et soutenable », j'avais proposé qu'il soit « juste, clair et soutenable ». Mais cela n'a pas été retenu. Quant au terme « d'inclusion sociale », il est trop minimal et devrait s'attacher au développement économique. Il faudrait passer d'une logique de compensation à une logique de promotion sociale.
Je vous soumets donc la proposition suivante : « Demande que la transition juste s'appuie sur un cadre légal qui doit conduire les États membres à garantir les droits sociaux fondamentaux dans la période de transition, à renforcer les systèmes de protection sociale, à garantir la négociation collective des plans de transition des entreprises et des administrations, notamment pour favoriser les droits à la formation, à la requalification et au perfectionnement des travailleurs dans les domaines des nouvelles technologies propres, et à l'adaptation aux changements climatiques ». Cette idée s'inspire fortement des demandes des syndicats et d'une proposition plus détaillée de la Confédération européenne des syndicats (CES).
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes . - On touche aux compétences des États membres.
Mme Sophie Primas , présidente de la commission des affaires économiques . - L'action européenne en matière de participation et de formation doit respecter le principe de subsidiarité.
La proposition de rédaction n'est pas retenue.
M. Didier Marie , rapporteur . - À l'alinéa 95, une proposition de rédaction vise à insérer après le mot : « besoins » les mots : « notamment au regard du niveau des ressources propres actuelles et futures, largement en deçà des dépenses prévues. » La rédaction qui en découle serait la suivante : « S'inquiète de l'adéquation des ressources prévues aux besoins, notamment au regard du niveau des ressources propres actuelles et futures, largement en deçà des dépenses prévues, et appelle la Commission à présenter une stratégie globale de financement adaptée aux enjeux et, le cas échéant, à envisager le regroupement des différents fonds qui y contribuent ; ».
Aujourd'hui, le niveau de ressources propres de l'Union européenne est insuffisant. Des négociations sont en cours, dont le troisième volet n'a pas été engagé. Par ailleurs, le montant des investissements à réaliser est sous-estimé comme l'indique Mme Lagarde, selon laquelle ce montant est au moins égal au double de ceux qui sont déjà prévus.
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes. - Les ressources propres doivent en principe être allouées essentiellement au remboursement de l'emprunt commun. Il ne faut à mon sens pas y déroger. La proposition viserait à augmenter le volume des ressources propres pour prévoir une affectation plus importante. Compte tenu de la logique du dispositif tel que je l'ai présenté avec le rapporteur général du budget, je resterai sur cette position, à moins de prévoir en priorité le remboursement de l'emprunt commun à l'échelle européenne. Il est hors de question de puiser dans ces ressources propres pour financer ne serait-ce que le Fonds social pour le climat !
M. Didier Marie , rapporteur. - L'Europe est confrontée à deux enjeux : rembourser la dette mutualisée ayant permis de mettre en oeuvre le Fonds de relance, et investir massivement dans la transition écologique. Quelle que soit l'affectation des fonds, tant pour le remboursement de la dette que pour les investissements, ils sont insuffisants ; à moyen terme, les États devront contribuer. Il faut donc absolument poursuivre les négociations pour augmenter le niveau des ressources propres et prendre en considération la réalité du montant des investissements à réaliser. Notre proposition ne consiste pas à imaginer un vase communicant entre les deux ; c'est un paquet global que l'Europe devra mettre en oeuvre pour financer la totalité de ses engagements, aussi bien sur la dette que sur la transition écologique.
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes . - Je suis d'accord sur le principe, sous réserve de bien définir l'objectif de l'utilisation des ressources propres. Sinon, cette solution va à l'encontre de ma philosophie, partagée par nombre des commissaires, selon laquelle nous allons tout droit vers un fédéralisme financier non contrôlé. Ce désaccord est légitime, mais je n'adhère pas à l'utilisation complète des ressources propres ou à leur augmentation pour financer un budget européen. Il m'apparaît essentiel que les États gardent une maîtrise budgétaire en Europe. Je suggère donc d'ajouter à la proposition les termes : « rappelle que les nouvelles ressources propres doivent être prioritairement affectées au remboursement de l'emprunt mutualisé levé pour financer l'instrument de relance Next Generation EU . » Cela vous convient-il ?
M. Didier Marie , rapporteur . - Oui, sachant qu'il s'agit d'une masse globale qui devra être affectée en fonction des besoins. Le remboursement de la dette proviendra soit de l'affectation des ressources propres, soit d'une contribution des États. Il en sera de même des investissements réalisés en matière de transition écologique.
M. Pierre Laurent , rapporteur. - Je ne voterai pas cette proposition de rédaction. Le débat est irréel : la sous-estimation globale des niveaux de financement est considérable, bien qu'elle ne puisse être appréciée faute d'éléments probants.
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes. - C'est pourquoi ce garde-fou permettra en priorité de rembourser l'emprunt avec les ressources propres.
M. Pierre Laurent , rapporteur . - Dans ce cas, il ne faut pas dire que la priorité des priorités est de parvenir à 55 % en 2030.
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes . - C'est peut-être le fond du problème.
Mme Marta de Cidrac , rapporteure. - Notre proposition a le mérite d'être claire et d'évoquer justement les besoins. De quoi parle-t-on ? Nous ne le savons pas précisément. Il serait inopportun d'introduire de nouvelles subtilités susceptibles de nous échapper.
La proposition de rédaction, modifiée, est retenue.
M. Jacques Fernique . - Après l'alinéa 95, ma proposition de rédaction, qui a été travaillée avec Ronan Dantec, insiste sur le rôle clé des territoires. Elle consisterait à ajouter : « Rappelle l'importance de l'approche territoriale et enjoint la Commission européenne à présenter une stratégie globale de financement adaptée aux capacités et opportunités d'action des territoires, estime que la mobilisation et la mise en cohérence des différents fonds structurels, des fonds d'investissement européens et des divers programmes de soutien financier intéressant les collectivités territoriales est une condition nécessaire à l'atteinte des objectifs à l'horizon 2030 et à la neutralité carbone en 2050. »
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes . - Cette proposition de rédaction me semble globalement acceptable pour les deux commissions. Il est pertinent de rappeler l'importance de l'approche territoriale sur le sujet. Toutefois, nous suggérons de remplacer « enjoint » par « demande ».
M. Jacques Fernique . - C'est d'accord.
La proposition de rédaction est retenue.
Mme Denise Saint-Pé , rapporteure . - Après l'alinéa 106, la proposition de rédaction de notre collègue Jean Bacci vise à rappeler que l'Europe ne parviendra pas à tenir le niveau d'adoption de carbone qu'elle s'est fixé dans le paquet « Ajustement à l'objectif 55 » si elle ne lutte pas efficacement contre les feux de forêt. Il faut, pour cela, que des politiques publiques adaptées en matière de prévention des risques soient mises en place, tant au niveau national qu'au niveau européen.
La rédaction qui en découlerait serait la suivante : « Afin d'atteindre le niveau d'absorption de carbone visé par le paquet « Ajustement à l'objectif 55 », insiste également sur la nécessité de mobiliser une politique de prévention des risques aux échelles européenne et nationale à la hauteur de la menace que représente l'augmentation de l'intensité et du nombre d'incendies en Europe du fait du dérèglement climatique. » Notre commission a donné un avis favorable à cette proposition de rédaction.
Mme Sophie Primas , présidente de la commission des affaires économiques . - Je ne m'oppose pas à cette proposition, qui « ne mange pas de pain », si je puis dire, mais je trouve qu'elle est un peu décalée par rapport à l'objet de la PPRE. Le problème des mégafeux et de la pollution qu'ils apportent est très important : il faut le combattre au niveau européen. Toutefois, si l'on adoptait cette proposition, il faudrait également parler de la lutte contre la pollution marine, contre la pollution des eaux, contre la pollution de l'air... À nouveau, je ne m'y oppose pas pour autant.
M. Jean-François Longeot , président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable soutient cette proposition de rédaction, et il serait regrettable que la commission des affaires européennes ne l'adopte pas. Il vaut mieux que nous la retirions - je m'en entretiendrai avec M. Bacci. Je souligne néanmoins que, d'un point de vue environnemental, ce sujet est fondamental.
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes . - Dans les arbitrages, nous n'avions pas retenu cette proposition de rédaction, car, comme l'a dit la présidente Sophie Primas, rien n'empêcherait alors d'intégrer toutes les questions environnementales, tous les types de pollutions... Plus on ajoute à la PPRE, moins on lui donne de corps.
M. Didier Marie , rapporteur . - Je me satisfais de la demande de retrait du président de la commission des affaires européennes, parce que notre texte s'intéresse aux douze mesures législatives du paquet « Climat ». Or il n'y a pas de mesure législative concernant les feux de forêt. C'est une préoccupation importante, mais qui mériterait, effectivement, une démarche séparée.
Mme Denise Saint-Pé , rapporteure . - Je retire donc la proposition de rédaction, présentée au nom de M. Bacci. Je lui ferai part de nos débats.
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes . - Rien ne l'empêche de déposer une proposition de loi sur le sujet !
La proposition de rédaction est retirée.
M. Pierre Laurent , rapporteur . - Aux alinéas 107 et 108, qui portent une appréciation très positive sur le système d'échange de quotas d'émissions SEQE-1, la proposition que j'avais préparée tendait à une rédaction beaucoup plus nuancée.
Je m'en tiendrai à vous proposer de réécrire les premières lignes de l'alinéa 108 de la manière suivante : « Prend acte des évaluations de la Commission européenne sur le bilan du SEQE-1, souligne toutefois que ce bilan appelle une évaluation approfondie et contradictoire. » Cette absence d'évaluation critique du SEQE-1 est, à mon avis, très discutable, d'autant que l'appréciation très positive que l'on porte sur le SEQE-1 a des conséquences sur la manière dont est promu le SEQE-2, qui suscite encore plus de problèmes. Ce point me paraît extrêmement important.
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes . - Votre proposition ne soulève de difficultés pour aucun des présidents.
La proposition de rédaction est retenue.
M. Didier Marie , rapporteur . - À l'alinéa 117, nous proposons, après le mot « rurales », d'insérer une nouvelle phrase : « souhaite dès lors qu'au moins 50 % des recettes issues du nouveau système d'échange de quotas d'émissions pour les secteurs du bâtiment et du transport routier (SEQE- bis ) soient allouées au fonds social pour le climat ; et ».
L'idée est simple : dès lors que l'on instaure un nouveau système, et quelles que soient les critiques dont celui-ci peut faire l'objet, nous considérons qu'il devrait alimenter le Fonds climat pour le climat, dont on sait qu'il est insuffisamment financé, pour accompagner les publics les plus en difficulté, ainsi que, éventuellement, les petites et moyennes entreprises.
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes . - Je sollicite le retrait de cette proposition de rédaction : dans la mesure où l'on a peu de visibilité sur le financement du fonds social pour le climat, il paraît compliqué de s'engager sur des montants...
M. Dominique de Legge , rapporteur . - On ne peut à la fois déplorer l'absence d'impact et de visibilité du fonds et expliquer qu'on veut augmenter son budget ! Ce n'est pas très logique.
M. Didier Marie , rapporteur . - Tout au long de la PPRE, on indique que l'une des principales difficultés sera l'accompagnement social des publics susceptibles de pâtir d'une modification de la transition énergétique.
À ce jour, la Commission européenne prévoit une affectation de 25 % des nouveaux quotas au fonds climat, ce qui représente, au total, 72,2 milliards d'euros. Tout le monde considère que ce montant est insuffisant pour permettre l'accompagnement et l'acceptabilité sociale des changements à venir.
C'est pourquoi nous proposons de prélever plutôt 50 % des nouveaux quotas qui seront installés, de manière à avoir les moyens d'accompagner réellement toutes celles et tous ceux qui seront pénalisés par le changement de paradigme.
Mme Sophie Primas , présidente de la commission des affaires économiques . - Je comprends évidemment l'objectif de cette proposition de rédaction : tout au long de la PPRE, on insiste fortement sur l'acceptation sociale de la transition énergétique.
Il me semble néanmoins que cette proposition est un peu prématurée, parce que l'on ne sait pas à quoi servent les 75 % restants. Il y a peut-être, derrière, de très bonnes intentions et de très bonnes idées. Je suis donc un peu sceptique.
M. Jean-François Longeot , président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - Je partage ce point de vue : on peut comprendre cette proposition de rédaction, mais je crois qu'il faut que nous trouvions un consensus et que le dispositif soit affiné. Nous n'y sommes donc pas favorables.
La proposition de rédaction n'est pas retenue.
M. Didier Marie , rapporteur . - Aux alinéas 125, 142, 172, 177 et 180, mes cinq propositions de rédaction visent à ajouter, après le mot « biocarburants », la formule suivante : « dont le bilan carbone et énergétique est positif », afin de rassurer sur la nature des biocarburants qui seraient utilisés - je vous renvoie au débat que nous avons eu tout à l'heure.
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes . - C'est un grand point de désaccord entre les deux commissions...
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Il ne s'agit pas d'un désaccord : nous considérons que ces propositions de rédaction sont satisfaites. En effet, les biocarburants doivent aujourd'hui respecter les critères de durabilité - c'est l'objet des directives « Énergies renouvelables 2 » (EnR 2) et « Énergies renouvelables 3 » (EnR 3). N'oublions pas que le paquet promeut déjà les biocarburants dans les objectifs des EnR et que cette promotion est d'ores et déjà conditionnée à une diminution entre 50 et 65 % des émissions liées à leurs installations - cela sera encore plus avec la nouvelle règlementation européenne.
Les propositions de rédaction ne sont pas retenues.
M. Didier Marie , rapporteur . - J'avais proposé une proposition de rédaction tendant à supprimer l'alinéa 148, mais, pour gagner du temps, je vais présenter directement ma proposition de repli : il s'agit, après le mot « biocarburants », d'insérer « dont le bilan carbone et énergétique est vertueux » et, surtout, de supprimer, « quelle que soit leur génération ».
Sans rouvrir le débat, je rappelle qu'il convient de distinguer les biocarburants d'hier et ceux d'aujourd'hui, qui n'ont pas exactement la même valeur écologique.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Cette proposition de rédaction est problématique.
Premièrement, elle enlève une protection magistrale pour nos agriculteurs concernant la référence aux importations prohibées de soja et d'huile de palme.
Deuxièmement, elle supprime la référence aux critères de durabilité, chose que, je pense, personne ne souhaite.
M. Jacques Fernique . - Nous avions soumis une proposition de rédaction tendant elle aussi à supprimer les mots « quelle que soit leur génération » - je l'ai évoqué lors de mon propos liminaire. Cela fragilise votre argument...
M. Pierre Cuypers . - Je rappelle que la première génération n'a pas encore complètement et totalement abouti. Il faut donc maintenir la rédaction en l'état.
La proposition de rédaction n'est pas retenue.
M. Didier Marie , rapporteur . - À l'alinéa 164, ma proposition de rédaction consiste à le rédiger de la manière suivante : « Juge que doit être appliqué un seuil d'émission, adapté, ambitieux et graduel, pour les énergies fossiles référencées dans le règlement (UE) 2020/852 du 18 juin 2020 du Parlement européen et du Conseil sur l'établissement d'un cadre visant à favoriser les investissements durables et modifiant le règlement (UE) 2019/2088 dit règlement sur la taxonomie, et utilisées pour le chauffage et le refroidissement, plutôt qu'une interdiction sèche ; »
Il s'agit d'encadrer la possibilité de poursuivre l'utilisation d'énergies fossiles, s'agissant notamment du logement social et des bâtiments, pour le chauffage et le refroidissement, pour la limiter à la condition expresse qu'il s'agisse d'énergies fossiles référencées dans la taxonomie - soit essentiellement le gaz.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Je vais répondre à la place de ma collègue Dominique Estrosi Sassone : le problème de cette proposition de rédaction est qu'elle empêcherait les logements sociaux de recourir au gaz, ce que font aujourd'hui les trois quarts du parc social.
M. Didier Marie , rapporteur . - La rédaction que nous proposons permet de considérer que ce sont les énergies fossiles qui sont aujourd'hui encore autorisées dans le règlement de la taxonomie, soit le gaz, à l'exclusion de toute autre.
On peut très bien imaginer que, dans tel ou tel pays, on continue de chauffer les logements sociaux avec des chaudières au charbon. L'idée est de s'en tenir exclusivement à ce que l'Union européenne a prévu.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - La taxonomie n'autorise que le gaz émettant moins de 100 grammes de CO 2 par kilowattheure.
Il faut mesurer les conséquences qui découleraient de cette rédaction pour les logements sociaux...
M. Didier Marie , rapporteur . - C'était le sens de notre proposition de rédaction tendant à remonter à 50 % le taux des nouveaux quotas affectés au Fonds pour le climat pour accompagner les modifications.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - L'idée est bonne. Le seul problème est que le gaz que vous évoquez n'existe pas. Soyons concrets.
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes . - Les commissions des affaires économiques et de l'aménagement du territoire et du développement durable sont défavorables à la proposition.
La proposition de rédaction n'est pas retenue.
M. Jean-Michel Houllegatte , rapporteur . - Je vous soumets une proposition de rédaction, de nature technique, qui vise à supprimer un doublon : l'alinéa 171 est en effet redondant avec l'alinéa 192, lequel concerne également la certification internationale des carburants d'aviation durables et moins bien rédigé.
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes . - Cette proposition de rédaction est portée par la commission des affaires européennes. J'y suis favorable.
La proposition de rédaction est retenue.
Mme Angèle Préville . - Je propose de modifier la rédaction des alinéas 172, 177 et 180 pour rappeler que les carburants synthétiques peuvent être élaborés à partir de charbon et de lignite. Il me paraît absolument nécessaire de le mentionner, car il ne serait pas vertueux d'utiliser des matières fossiles pour fabriquer des carburants synthétiques. Il faut exclure ceux qui seraient fabriqués de la sorte.
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes . - Cela est déjà pleinement intégré dans l'objectif général du texte. Vos propositions de rédaction sont satisfaites. La base moléculaire de tous les carburants restera le carbone.
Mme Angèle Préville . - En termes d'émissions de gaz à effet de serre, fabriquer des carburants synthétiques en se servant de l'électrolyse de l'eau et du dioxyde de carbone qui se trouve dans l'atmosphère est vertueux. Utiliser le charbon et le lignite ne l'est pas.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Le texte prévoit des seuils d'émission, qui excluent, de fait, le charbon et le lignite. La proposition de rédaction est donc satisfaite.
M. Daniel Salmon . - Si elle ne l'était pas, ajouter cette précision me semblerait tout à fait pertinente : ce n'est pas du tout la même chose que le carbone soit issu de matières fossiles ou des énergies renouvelables !
Mme Angèle Préville . - En effet !
La proposition de rédaction n'est pas retenue.
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes . - Pour les mêmes raisons, avis défavorable à votre proposition de rédaction indiquant, aux alinéas 172, 177 et 180, que les carburants synthétiques doivent être élaborés à partir d'énergies renouvelables.
La proposition de rédaction n'est pas retenue.
Mme Angèle Préville . - À l'alinéa 130, ma proposition de rédaction tend à aller plus loin sur l'intégration des produits supplémentaires dans le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières : il s'agit d'écrire que l'intensité carbone « doit » - et non « peut » - être évaluée, et que des produits de base supplémentaires « devraient » - et non « pourraient » - être intégrés au mécanisme à l'occasion de la clause de revoyure. Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) nous interpelle très souvent sur l'impact environnemental des produits finis importés.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Je suis plutôt défavorable à cette proposition de rédaction, qui complexifie les choses. Au reste, le marché carbone doit respecter les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), et votre proposition fragiliserait cette nécessaire conformité.
Mme Denise Saint-Pé , rapporteure . - Nous en avons débattu en commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Même si l'objectif est tout à fait louable, nous avons nous aussi conclu qu'il y aurait un risque d'incompatibilité avec les règles de l'OMC.
La proposition de rédaction n'est pas retenue.
Mme Angèle Préville . - À l'alinéa 131, nous proposons, dans le même état d'esprit, de remplacer « l'opportunité » par « la nécessité » d'une extension du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières à certains produits finis exposés à un risque de fuites de carbone. Ce serait montrer un peu plus de volontarisme sur le sujet.
La proposition de rédaction n'est pas retenue.
M. Didier Marie , rapporteur . - À l'alinéa 96, je propose la rédaction suivante : « Considère que la transition vers une économie décarbonée présente de réelles opportunités de développement économique mais que le niveau d'ambition affiché par l'Union européenne lui impose de jouer le rôle de meneur économique et de développement durable ainsi que de prescripteur de normes en matière de durabilité. »
Il s'agit d'affirmer que l'Union européenne doit imposer - par la négociation, bien évidemment - ce changement de paradigme à l'échelle internationale, notamment dans le cadre des règles de l'OMC.
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes . - Cette proposition paraît acceptable.
La proposition de rédaction est retenue.
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes . - Pour répondre au souhait que Pierre Laurent a exprimé tout à l'heure, je lui suggère une proposition de rédaction tendant à intégrer l'expression « transition juste » dans notre PPRE. Nous pourrions le faire à ce même alinéa 96, par la rédaction suivante : « souligne néanmoins la nécessité d'accompagner l'évolution des acteurs économiques, des ménages et des territoires les plus vulnérables pour permettre une transition juste. »
M. Pierre Laurent , rapporteur . - Je suis d'accord.
La proposition de rédaction est retenue.
La proposition de résolution européenne est ainsi modifiée pour être déposée dans cette rédaction par ses auteurs.
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes . - Je remercie les rapporteurs, mes deux collègues présidents et les groupes politiques. Nous avons travaillé à la façon européenne, avec beaucoup de diplomatie, en nous égarant parfois dans les réflexions, mais en étant, au final, efficaces.