B. DES ÉVOLUTIONS RÉGLEMENTAIRES ENCORE TROP LIMITÉES
1. Un maintien des contractualisations volontaires au cours des prochaines années, malgré le déploiement prévu des ZSCE
L'arrêté du 18 novembre 2021 précité prévoit que certaines mesures figurant dans les programmes d'actions, cadre des ZSCE, puissent être rendues obligatoires après trois ans si les objectifs de réduction de la pollution par les nitrates ne sont pas atteints.
Cela signifie concrètement que le déploiement des ZSCE se fera en deux temps : une première phase contractuelle de trois ans minimum, à partir de 2022, puis éventuellement à partir de 2025 un dispositif réglementaire rendant obligatoire la mise en oeuvre de certaines mesures pour les exploitations agricoles qui auront refusé tout engagement dans le nouveau PLAV. L'échelon choisi est donc celui de l'exploitation agricole, qui présente l'avantage de placer chaque exploitant en situation de responsabilité et de lui permettre de bénéficier d'un accompagnement proche du terrain.
Le basculement du contractuel vers le réglementaire, loin d'être une rupture, s'inscrit dans la logique inhérente aux PLAV . Le PAR 6 précisait ainsi qu'en « cas d'échec d'un projet de territoire, des dispositions réglementaires particulières seront prises, sur les bassins concernés ».
Les ZSCE constituent un outil intéressant, à condition qu'elles recouvrent des actions suffisamment innovantes et efficaces par rapport au cadre existant . À défaut d'une réelle adaptation de chaque ZSCE à la situation locale, leur valeur ajoutée pourrait être très limitée. Dans le Finistère, le bassin versant du Kermorvan est ainsi intégré à une ZSCE depuis 2011, sans que cela ne se soit véritablement traduit par un changement opérationnel et par une amélioration drastique de la qualité de l'eau. Sans une réelle adaptation baie par baie des mesures adossées à ces zones, il est à craindre qu'elles ne constituent qu'un outil parmi d'autres , uniquement à destination des exploitants déjà engagés pour limiter les fuites de nitrates.
La Cour des comptes a suggéré dans son rapport que le contenu de ces ZSCE se fonde sur une logique agronomique, en s'inspirant du bassin versant contentieux des Échelles en Ille-et-Vilaine, pour lequel des mesures règlementaires plus ciblées et plus adaptées ont été mises en oeuvre.
Le maintien du seul principe du volontariat ne peut cependant constituer l'unique solution , dans la mesure où les exploitants non volontaires ne peuvent freiner la dynamique d'ensemble initiée par les agriculteurs ayant contractualisé. La Cour des comptes le note également dans son rapport : « sans une perspective crédible d'action réglementaire contraignante, les exploitants agricoles sont naturellement peu incités à entrer dans la démarche et à consentir à des objectifs ambitieux ». La modification du PAR 6 ne portera vraisemblablement pleinement ses fruits qu'à l'issue de la phase volontaire, c'est-à-dire après 2025 au plus tôt.
Le futur PAR 7 ne devrait pas aller plus loin sur cet aspect, ce que regrette le rapporteur spécial . Le programme d'actions national (PAN 7) n'ayant toujours pas fait l'objet d'un arrêté ministériel, la chambre régionale d'agriculture de Bretagne a indiqué ne pas vouloir « s'associer aux travaux qui viseraient à engager une énième révision non obligatoire ».
Les axes de progrès identifiés par l'administration en amont de la construction du PAR 7 sont en effet assez nombreux. Mais il semblerait que peu d'entre eux seront réellement mis en oeuvre, dans la mesure où le dossier de concertation du PAR 7 indique d'ores et déjà que plusieurs mesures sont abandonnées ou non applicables telles que :
- mettre en place une organisation visant à limiter le cheptel animal, dans les zones à enjeux, à hauteur des capacités de réception du milieu ;
- instaurer l'éco-conditionnalité des « autorisations » d'exploiter, y compris en régime déclaration, qui constituait pourtant une des recommandations de la Cour des comptes ;
- passer d'une logique d'obligation de moyens à une logique d'obligation de résultats ;
- réduire les fuites d'azote sur les parcours de volailles « plein-air ».
Les axes de progrès dans la lutte contre les fuites de nitrates envisagés dans le futur PAR 7
Source : dossier de concertation du PAR 7
2. Quelle stratégie pour le foncier agricole dans les baies algues vertes ?
La Cour des comptes mettait en avant la « politique foncière agricole inadaptée aux enjeux environnementaux des baies », alors que « les évolutions du foncier agricole dans les baies algues vertes restent très limitées », rejoignant ainsi la recommandation n° 11 du rapporteur spécial, c'est-à-dire l'organisation d'un schéma de transmission du foncier axé sur le respect de priorités environnementales, réunissant la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) et l'ensemble des partenaires du PLAV.
Des réflexions sont en cours au sein des services de l'État dans le cadre de la préparation du programme pluriannuel d'actions (PPAS) 2022-2027 de la Safer qui doit aboutir au premier semestre 2022. Une révision du schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA) est également programmée en 2023. Il est cependant peu probable que ces dispositions s'inscrivent dans une stratégie globale, permettant au travers de la gestion des parcelles de concourir effectivement à la réduction des flux azotés dans les bassins versants algues vertes. La question foncière est en effet plus large que celle des restitutions de terres par la Safer. En particulier, les collectivités territoriales mettent en avant d'insuffisants moyens pour la mise en oeuvre de mesures de préemption efficace : la construction d'une vision foncière implique donc d'associer dès maintenant les collectivités.