II. AVEC UN TAUX DE REPRISE DES RECOMMANDATIONS DE PRÈS DE 80 %, LE RAPPORT DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE DU SÉNAT N'EST PAS RESTÉ LETTRE MORTE
L'analyse des initiatives prises en réponse aux travaux de la commission d'enquête met en lumière que près de 80 % des recommandations formulées par les sénateurs ont trouvé une traduction , certaines étant soldées et d'autres appelant des mesures complémentaires (juridiques, financières, actions de terrain), principalement à travers :
- des évolutions législatives et réglementaires portant sur les conditions d'exploitation des activités industrielles, la politique de prévention des risques industriels et l'alerte des populations ;
- la définition de mesures infra-réglementaires (plans d'actions, circulaires, instructions aux services, analyses et études) visant à améliorer et augmenter les contrôles des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), à soutenir des initiatives publiques et privées concourant au renforcement de la culture collective de la sécurité industrielle et à suivre les conséquences environnementales et sanitaires de l'accident.
Lors de son audition devant la commission, le 27 octobre 2021, la ministre de la transition écologique a indiqué que « le plan d'action [du Gouvernement] coïncide largement avec les 42 recommandations formulées par la commission d'enquête sénatoriale . Je me réjouis de pouvoir vous indiquer d'ores et déjà que 37 d'entre elles sont soldées ou en cours de mise en oeuvre ».
A. CULTURE DU RISQUE : 83 % DE TAUX DE REPRISE, DONT 50 % D'ACTIONS NÉCESSITANT DES COMPLÉMENTS, ET 1 PROPOSITION NON REPRISE
Proposition 1 : inscrire la formation aux risques industriels dans le code de l'éducation.
Appréciation quantitative : suite donnée
Appréciation qualitative : soldé/ à réaliser et à contrôler
Observations de la commission : il s'agit d'une évolution positive à mettre en oeuvre dès l'année scolaire en cours. Un bilan devra être fait à partir des retours des enseignants et des élèves, avant d'envisager des évolutions complémentaires.
Initialement, le Gouvernement prévoyait de ne pas donner suite à cette proposition de modification législative, considérant que les actions de terrain annoncées par la ministre sur le volet « culture de la sécurité » du retour d'expérience post-Lubrizol 86 ( * ) suffiraient.
Toutefois, plusieurs dispositions ont été adoptées par le Parlement depuis 2020. Ainsi :
- l' article 2 de la loi du 3 juillet 2020 visant à créer le statut de citoyen sauveteur 87 ( * ) , lutter contre l'arrêt cardiaque et sensibiliser aux gestes qui sauvent a modifié l'article L. 312-13-1 du code de l'éducation pour prévoir que désormais « tout élève bénéficie, dans le cadre de la scolarité obligatoire, d'une sensibilisation à la prévention des risques et aux missions des services de secours ainsi que d'un apprentissage des gestes de premiers secours » ;
- l' article 6 de la loi du 21 décembre 2021 créant la fonction de directrice ou de directeur d'école 88 ( * ) a enrichi le code de l'éducation par un article L. 411-4, pour prévoir désormais que « chaque école dispose d'un plan pour parer aux risques majeurs liés à la sûreté des élèves et des personnels ». Ce plan doit être établi et validé conjointement par l'autorité académique, la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale gestionnaire du bâtiment et les personnels compétents en matière de sûreté. Le directeur donne son avis, peut faire des suggestions de modifications au regard des spécificités de son école, assure la diffusion de ce plan auprès de la communauté éducative, le met en oeuvre et organise les exercices nécessaires au contrôle de son efficacité.
Proposition 2 : organiser régulièrement des exercices grandeur nature, notamment inopinés, qui associeront l'ensemble de la population.
Appréciation quantitative : suite donnée
Appréciation qualitative : soldé/ à réaliser et à contrôler
Observations de la commission : il s'agit d'une évolution positive à prolonger et à mettre en oeuvre sur le terrain.
L' article 11 (2° du I) de la loi du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels 89 ( * ) a modifié le code de la sécurité intérieure pour prévoir :
- d'une part, s'agissant du plan communal de sauvegarde ( PCS ), que sa mise en oeuvre doit faire l'objet, tous les cinq ans au moins, d'un exercice associant les communes et les services concourant à la sécurité civile ainsi que « dans la mesure du possible », la population. L'intervention d'un décret pris après avis de l'Association des maires de France, de l'Association des maires ruraux de France et de l'Assemblée des communautés de France est prévue pour déterminer les modalités d'organisation de cet exercice (article L. 731-3) ;
- d'autre part, s'agissant du plan intercommunal de sauvegarde ( PICS ) que sa mise en oeuvre doit également faire l'objet, tous les cinq ans au moins, d'un exercice dans les mêmes conditions que pour le PCS (nouvel article L. 731-4).
En outre, le décret n° 2020-1168 du 24 septembre 2020 fixe des fréquences minimales d'exercices renforcées pour les établissements Seveso : des exercices devront avoir lieu tous les trois ans pour les établissements soumis à POI, notamment les sites Seveso seuil bas qui sont désormais soumis à l'obligation de réaliser un POI, et tous les ans pour les sites Seveso seuil haut.
Proposition 3 : développer les initiatives de type « portes ouvertes » dans les usines du territoire afin qu'elles deviennent actrices de la diffusion de la culture de la sécurité.
Appréciation quantitative : suite donnée
Appréciation qualitative : en cours/ à déployer dans le cadre d'actions permanentes
Observations de la commission : il s'agit d'une évolution à porter sur le terrain, les exploitants, en lien avec les pouvoirs publics, devraient mettre en oeuvre ce type d'initiatives pour mieux faire connaître leurs activités au grand public et les sensibiliser aux risques.
Les annonces de la ministre dans son plan sur la culture du risque rejoignent cette proposition, notamment la mise en place d'une « journée nationale de la résilience » 90 ( * ) . La première journée devrait avoir lieu le 13 octobre 2022 .
Proposition 4 : diversifier la composition et les missions des structures de concertation (Coderst, CSS, S3PI) et assurer une présence régulière et représentative des publics concernés (élus, riverains, population exposée en second rideau, associations de protection de l'environnement).
Appréciation quantitative : suite donnée
Appréciation qualitative : en cours /à compléter
Observations de la commission : l'évolution est positive, mais elle doit être complétée et prolongée sur le plan législatif, réglementaire et dans la pratique.
L'article 10 de la loi du 25 novembre 2021 dite « Matras » a amélioré l'information du public en matière de risques majeurs. Cet article modifie les articles L. 125-2 et L. 125-2-1 du code de l'environnement et :
- rappelle que l'État et les communes concernées par au moins un risque majeur doivent contribuer à l'information du public par la mise à disposition des informations dont ils disposent (b du 1°) ;
- étend l' obligation de mise à disposition d'informations sur les risques et de communication envers la population à tous les maires des communes concernées par un risque majeur et pas uniquement aux communes couvertes par un plan de prévention des risques naturels prévisibles. Cette disposition supprime la précision « moins disante » qui existait auparavant sur la fréquence de cette information « au moins une fois tous les deux ans ». La communication du maire doit également porter sur la garantie contre les effets des catastrophes naturelles (régime « CatNat ») prévue dans les contrats d'assurance et mentionnée à l'article L. 125-1 du code des assurances (c du 1°) ;
- pose l' obligation d'un affichage de l'information sur les risques et les mesures de sauvegarde dans certaines catégories de locaux et de terrains, notamment au regard des caractéristiques du risque ou du caractère non permanent de l'occupation des lieux, dans les communes exposées à au moins un risque majeur et prévoit l'intervention d'un décret en Conseil d'État pour appuyer la mise en oeuvre de ces nouvelles dispositions (d du 1°) ;
- apporte une précision sur les modalités de création des commissions de suivi de site (CSS) , en prévoyant qu'elles peuvent être créées à l'initiative du préfet ou sur demande de l'exploitant, des collectivités ou des riverains (2°).
En outre, dans le prolongement du plan d'action présenté par la ministre sur la culture du risque, le Gouvernement envisage d'apporter des modifications aux dispositions législatives relatives aux instances de participation et d'information du public régulièrement actives dans le cadre de la politique environnementale.
Proposition 5 : créer une association nationale de coordination de l'ensemble des structures de concertation et de participation du public en matière de risques majeurs. Partager les bonnes pratiques recensées dans les territoires et identifier les tendances de fond dans les attentes de la population en matière d'information.
Appréciation quantitative : suite donnée
Appréciation qualitative : en cours /à compléter
Observations de la commission : la proposition a été entendue, mais elle doit être mise en oeuvre rapidement. Cette association doit être mise en place ou désignée sans délai, dès 2022.
Les mesures présentées par la ministre dans le cadre du plan sur la culture du risque 91 ( * ) , qui proposent de « créer ou identifier une structure pérenne afin de promouvoir la culture de la résilience » rejoignent cette proposition. Elle doit désormais être traduite concrètement, avec un haut niveau d' exigence de résultat .
Proposition 6 : prévoir la participation des exploitants au sein des commissions de suivi de site (CSS) uniquement avec voix consultative dans les cas où celles-ci sont amenées à émettre un avis et renforcer les CSS comme outil de contrôle citoyen.
Appréciation quantitative : non retenue
Observations de la commission : mettre en oeuvre cette proposition
Aucune évolution législative ou réglementaire n'a traduit cette proposition à ce jour, ce que l'on ne peut que regretter.
* 86 Voir le rapport de la mission de Frédéric Courant et le plan d'action Tous résilients face aux risques , présenté le 18 octobre 2021.
* 87 Loi n° 2020-840 du 3 juillet 2020.
* 88 Loi n° 2021-1716 du 21 décembre 2021.
* 89 Loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021.
* 90 Plan d'action Tous résilients face aux risques , 18 octobre 2021.
* 91 Plan d'action «?Tous résilients face aux risques?», 18 octobre 2021.