B. UN SOMMET SUR LES OCÉANS ET LA PROMOTION D'UN TRAITÉ SUR LA POLLUTION PAR LES MATIÈRES PLASTIQUES, L'ACTE PREMIER D'UNE SÉQUENCE POUR METTRE FIN À CE FLÉAU INSIDEUX
La France s'est engagée à accueillir début 2022, en coordination avec l'Organisation des Nations Unies, un sommet mondial dédié à l'océan (« One Ocean Summit »), particulièrement affecté par les dégradations environnementales et la pollution plastique. L'idée est d'établir un agenda politique et juridique pour avancer sur la voie de la reconnaissance de l' océan comme bien public mondial , par la mise en oeuvre d'un cadre juridique de protection de la haute mer.
La commission salue l'objectif de restauration du bon fonctionnement des écosystèmes océaniques : ils jouent en effet un rôle fondamental dans la régulation climatique et la sécurité alimentaire mondiale. L'océan absorbe 30 % des gaz à effet de serre, produit 50 % de l'oxygène mondial et le poisson constitue la principale source de protéines pour près de 3 milliards de personnes. Les pollutions maritimes, multifactorielles, perturbent non seulement la biodiversité halieutique, mais également les écosystèmes côtiers et les interactions mer-littoral. Cet engagement pris par la France s'inspire de l'Objectif de développement durable (ODD) n°14, « Conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement durable ».
Cette séquence diplomatique permettra de combler un vide juridique concernant la protection des espaces hauturiers . Située au-delà des juridictions nationales, la haute mer regroupe l'ensemble des étendues marines n'appartenant à aucun État et n'est, de ce fait, soumise à aucune souveraineté ni juridiction étatique. Plus de 60 % de la surface des océans se situe actuellement dans une situation de flou juridique, rendant complexe la protection de la biodiversité dans ces zones.
Ce sommet sera l'occasion de donner une nouvelle impulsion aux négociations du futur traité de protection de la biodiversité en haute mer , connu au niveau international sous les initiales « BBNJ » ( biodiversity beyond national jurisdiction). Seul un traité multilatéral est à même de répondre aux enjeux de protection de cette zone qui échappe en grande partie au droit international, ce qui permettrait notamment de mettre un terme à l'impunité du braconnage d'espèces protégées et de la pêche illégale.
La commission souligne par ailleurs la nécessité d'instaurer une véritable stratégie de lutte contre la pollution plastique des océans , pour réduire drastiquement les quantités de plastique déversées chaque année dans la mer. Le rapport de l'OPECST 11 ( * ) de décembre 2020, intitulé « Pollution plastique : une bombe à retardement ? » a mis en avant que la pollution plastique, difficile à quantifier, n'en était pas moins un phénomène d'ampleur très préoccupant.
Une étude 12 ( * ) , citée par le rapport, a montré que 72 % des emballages plastiques ne seraient pas collectés de manière efficace au niveau mondial et finiraient dans l'environnement, soit 114 millions de tonnes en 2018. Le Programme des Nations Unies pour l'Environnement estime qu'à l'échelle mondiale, les dommages annuels causés aux environnements marins atteignent 8 milliards de dollars . Il apparaît indispensable, dans l'élan de la récente loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (AGEC) 13 ( * ) , de réduire significativement le volume d'emballages plastiques à usage unique.
Un rapport 14 ( * ) publié en septembre 2021 par WWF estime que le coût réel du plastique pour la société et l'environnement sur l'ensemble de son cycle de vie serait dix fois plus élevé que son coût de production : « la gestion plastique produite sur la seule année 2019 aura coûté à la société l'équivalent du PIB de l'Inde, soit 3 700 milliards de dollars. »
L' adoption d'un traité international de lutte contre la pollution plastique et le développement d'alternatives durables à cette matière polyvalente, légère, résistante, bon marché et facile à produire sont une condition préalable indispensable à la résolution du problème global de la pollution plastique. Les solutions nationales, quant à elles, peuvent s'appuyer sur la sensibilisation des citoyens, la réduction de la production, la prévention des fuites de plastique dans l'océan, le réemploi et l'amélioration des techniques de recyclage.
La délégation s'est rendue sur le Kraken, un voilier de Wings of the Ocean, propriété d'une association à but non lucratif fondée en 2018, effectuant des dépollutions océaniques en mer et sur les littoraux ainsi que des actions de sensibilisation sur les conséquences des déchets plastiques en mer. À cette occasion, la délégation sénatoriale a pu mesurer l'implication d'une équipe d'une trentaine de volontaires issus de la société civile en faveur de la dépollution plastique (opérations de ramassage de plastique sur les plages et de collecte en mer) : plus de deux tonnes de déchets ont été ramassées par les bénévoles de cette association autour de l'étang de Berre depuis 2020.
La délégation sénatoriale à bord du Kraken avec Julien Wosnitza, fondateur de l'association
* 11 Rapport n°217 (2020-2021) fait au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques par Philippe Bolo, député, et Angèle Préville, sénatrice, déposé le 10 décembre 2020.
* 12 Ellen Mac Arthur Foundation : the new plastics economy, rethinking the future of plastics , 2016.
* 13 Loi n°2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire.
* 14 Rapport du WWF « Plastiques : le coût pour la société, l'environnement et l'économie », publié le 7 septembre 2021.