II. LES ENGAGEMENTS PRIS PAR LA FRANCE À L'OCCASION DU CONGRÈS, UN VOLONTARISME QUI APPELLE DES ACTES
En sa qualité de pays hôte, la France se devait d'affirmer ses ambitions et de mettre en avant des engagements forts en faveur de la biodiversité , alors que vient d'être promulguée la loi « Climat et résilience » et que s'ouvrira prochainement le semestre de la présidence française de l'Union européenne, de janvier à juin 2022.
La commission sera vigilante , notamment au moment de l'examen du projet de finances pour 2022, à ce que les engagements pris soient bien traduits sur le plan des moyens humains et financiers . La biodiversité ne peut se contenter d'être l'objet de discours théoriques, il est temps de passer à des actes forts et concrets. Les scientifiques ne cessent d'alerter sur la criticité du moment et l'impérieuse nécessité de contrer le déclin de la biodiversité, dans l'intérêt même des sociétés humaines.
La France, notamment grâce aux immenses réservoirs de biodiversité ultramarine et à son domaine maritime sur tous les continents, a l'opportunité de devenir un modèle à l'échelle européenne. Son volontarisme peut servir d'indicateur afin d'inciter les pays voisins à prendre des engagements similaires. C'est pourquoi la commission estime essentiel que les engagements pris soient mis en oeuvre et évalués avec des indicateurs de suivi. Il en va de la crédibilité de notre parole à l'échelle internationale .
A. LA MISE SOUS PROTECTION FORTE DE 5 % DES AIRES MARITIMES MÉDITERRANÉENNES D'ICI 2027, UN ENGAGEMENT VITAL POUR LA BIODIVERSITÉ RICHE MAIS FRAGILE DE CETTE ZONE
L'article 227 de la loi « Climat et résilience » a inscrit dans le code de l'environnement la stratégie nationale des aires protégées . L'article L. 110-4 de ce code prévoit en effet la couverture, « par un réseau cohérent d'aires protégées en métropole et en outre-mer, sur terre et en mer, [d'] au moins 30 % de l'ensemble du territoire national et des espaces maritimes sous souveraineté ou juridiction française. Ce réseau vise également la mise sous protection forte d'au moins 10 % de l'ensemble du territoire national et des espaces maritimes sous souveraineté ou sous juridiction française. » Aucun objectif calendaire n'est cependant fixé par la voie législative.
Lors du congrès de Marseille, la France a pris l'engagement de parvenir à 30 % d'aires protégées au niveau national d'ici 2022 . À l'heure actuelle, la surface totale des aires protégées sur le territoire représente 23,5 % du territoire national et des eaux sous juridiction.
La labellisation en juillet 2020 du Mont-Ventoux (86 415 ha) comme parc naturel régional, en septembre 2021 de la baie d'Audierne (2 400 ha) au titre de la Convention de Ramsar comme « zone humide d'importance internationale », le classement des parcs Doubs Horloger (103 918 ha) et Corbières-Fenouillèdes (178 100 ha) au rang de parcs naturels régionaux et la reconnaissance par l'UNESCO de la réserve de biosphère de Martinique (4 924 768 ha) et de la Moselle Sud (139 257 ha), la création de la réserve intégrale de Roche Grande dans le coeur du parc national du Mercantour (481 ha) vont dans le bon sens. Mais la commission relève que l'objectif des 30 % du territoire national d'ici la fin de l'année 2022 paraît encore assez éloigné.
La France s'est également engagée à porter d'ici à 2027 la surface d'aires maritimes protégées en Méditerranée à 5 % . La surface des aires maritimes méditerranéennes actuellement protégées sous juridiction nationale ne représente que 0,2 %, ce qui correspond à une multiplication par 25 % des superficies couvertes.
La Méditerranée est une mer intérieure aux flux de circulation intenses, où s'exercent de nombreuses activités halieutiques. Un rapport 10 ( * ) de l'OPECST de juin 2011 du sénateur Roland Courteau avait alerté sur l'état de pollution de la mer méditerranée et montré que plus de 80 % de la pollution maritime provient des terres. Pourtant, si la mer intérieure ne représente que 0,8 % de la surface et 0,3 % du volume des eaux océaniques, celle-ci abrite 7 à 8 % des espèces marines connues (12 000 espèces décrites), avec une forte population endémique (25 % du total).
La mobilisation d'une stratégie visant à créer de nouvelles aires marines protégées et des espaces sous protection forte paraît nécessaire. Les enjeux de préservation de la biodiversité de la zone méditerranéenne l'imposent. Le suivi scientifique et humain des zones créées devra d'ailleurs faire la preuve de l'efficacité de cette mise sous protection, pour éviter le phénomène des « aires de papier » qui n'apportent aucun bienfait mesurable en matière de biodiversité.
* 10 La pollution de la Méditerranée : état et perspectives à l'horizon 2030 - Rapport n°652 (2010-2011) de M. Roland COURTEAU, fait au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, déposé le 21 juin 2011.