II. LA LENTE PRISE DE CONSCIENCE EUROPÉENNE À L'ORÉE DU XXIE SIÈCLE CHINOIS

A. L'ÉMERGENCE D'UNE COMPRÉHENSION EUROPÉENNE DU PROJET CHINOIS

En adoptant le traité de Lisbonne en 2007, les États membres ont manifesté leur volonté de rendre plus cohérente leur politique étrangère et de sécurité, en créant, notamment un nouvel organe diplomatique, le service européen pour l'action extérieure (SEAE) et en faisant succéder au « ministre des affaires étrangères de l'Union », un « Haut Représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ». Ces prémisses indispensables n'étaient cependant pas suffisantes.

En 2017 et 2018, lors de l'élaboration de leur rapport sur les nouvelles routes de la soie, précité, vos rapporteurs ont cherché en vain la réponse de l'Union à la politique internationale que déployait la Chine depuis 2013-2014 122 ( * ) .

Tous les niveaux de l'Union européenne semblaient mobilisés : la commission, les commissions du Parlement européen, le SEAE, et différentes directions de la commission. Pour autant, ou peut-être à cause de la multiplicité des acteurs, un discours clair sur la position européenne sur les nouvelles routes de la soie ne paraissait pas immédiatement lisible. Ce sont d'ailleurs les ambassadeurs des États membres, en poste à Pékin, qui ont rédigé les « messages communs 123 ( * ) » afin que l'Union européenne s'exprime d'une seule voix les 14 et 15 mai 2017 lorsque s'est tenu à Pékin le sommet des routes de la soie qui réunissait 29 chefs d'État ou de gouvernement et 69 pays. Cette manière originale de procéder a été efficace, mais ne pouvait se substituer à une position plus globale de l'Union européenne. Vos rapporteurs ont alors eu l'impression que la Chine donnait le tempo et que l'Union européenne suivait l'impulsion donnée, ce qui n'a jamais fait une politique étrangère et de sécurité cohérente. Le changement en 2021 est réel, mais l'émergence de l'Europe a été lente et n'est sans doute pas encore complètement achevée.

1. Les relations UE-Chine et le lent réveil européen
a) En 2015, l'Union considère la Chine comme porteuse d'opportunité de développement économique

Les relations commerciales entre la Chine et l'Union européenne se sont constamment renforcées depuis l'ouverture économique chinoise à la fin des années 1970. L'Union européenne est le premier partenaire commercial de la Chine et, si le marché américain est le premier débouché pour l'Union européenne, il ne constitue plus son premier fournisseur. Ce rôle est désormais dévolu à la Chine. La croissance des échanges commerciaux et des investissements depuis l'entrée de la Chine à l'OMC fin 2001 a considérablement accentué l'interdépendance économique entre ces deux puissances économiques. Cette relation est caractérisée par un déséquilibre au profit de la Chine, avec un déficit commercial européen s'élevant pour 2015 à 161,9 milliards d'euros.

La vision communautaire des nouvelles routes de la soie consiste à reconnaître les nouvelles opportunités économiques que cette stratégie chinoise pourrait offrir aux pays européens à condition que le partenariat noué soit ouvert et équitable. Une certaine prudence reste de mise, l'Union européenne choisissant de ne pas signer de mémorandum avec la Chine.

En 2015, la Chine était le premier État non membre de l'UE à annoncer sa volonté de contribuer au Plan d'investissement pour l'Europe, ce qui a conduit à la mise en place d'un groupe de travail conjoint, dit « Plateforme sur la connectivité UE-Chine », en septembre 2015. Il s'agissait d'explorer les opportunités de synergies entre ces deux initiatives ainsi que les possibilités de co-financement pour des projets d'infrastructures spécifiques 124 ( * ) et d'inciter la Chine à financer des projets d'infrastructures en Europe par des apports directs en capitaux propres et non plus simplement par des prêts, afin de favoriser la réciprocité et l'application des règles et standards européens. La même année, le lancement de la banque asiatique d'investissement pour les infrastructures est un succès, et alors que les États-Unis s'opposaient à cette initiative chinoise, la plupart des pays européens y ont adhéré. La Chine est alors clairement moteur de la relation avec l'Union.

b) En 2016, l'Union définit un nouveau cadre stratégique pour sa relation avec la Chine

Le 24 juin 2016, la Commission de l'UE et la Haute Représentante pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité ont adressé une note politique conjointe au Parlement européen et au Conseil européen, définissant les éléments pour une nouvelle stratégie de l'Union à l'égard de la Chine. Soulignant les opportunités et les attentes suscitées par la relation entre la Chine et l'Union, ce document évoquait la nécessaire solidarité des membres de l'UE à l'international et affirmait la nécessité pour les pays de l'Union d'agir en « bloc cohérent et avec efficacité » afin, « de promouvoir les intérêts de l'Europe et de ses citoyens », comme le rappelle l'encadré suivant reprenant les principales recommandations de la stratégie.

La communication conjointe au Parlement européen et au Conseil pour une nouvelle stratégie de l'Union à l'égard de la Chine du 22 juin 2016 125 ( * )

La communication conjointe au Parlement européen et au Conseil propose des éléments pour l'adoption d'une nouvelle stratégie de l'UE à l'égard de la Chine. Celle-ci est destinée à constituer la dimension chinoise de la mise en oeuvre des orientations politiques de la Commission Juncker, en contribuant au programme relatif à l'emploi, à la croissance et aux investissements ainsi qu'au renforcement du rôle de l'UE en tant qu'acteur mondial. Elle vient compléter la stratégie «Le commerce pour tous » de la Commission européenne et tient compte des avis émis par le Parlement européen dans son rapport de décembre 2015 sur les relations UE-Chine, qui vise à définir un cadre stratégique pour ces relations pour les cinq prochaines années. Ses principales propositions sont que l'UE :

- profite de nouvelles ouvertures pour renforcer sa relation avec la Chine ;

- engage le dialogue avec la Chine sur son processus de réforme par des moyens pratiques qui génèrent des bénéfices mutuels pour nos relations dans les domaines, entre autres, de l'économie, du commerce, des investissements, de la société et de l'environnement ;

- promeuve la réciprocité de règles du jeu équitables et une concurrence loyale dans tous les domaines de coopération ;

- encourage l'achèvement en temps utile des négociations concernant un accord global sur les investissements et une approche ambitieuse en matière d'ouverture de nouveaux débouchés commerciaux ;

- fasse progresser la connectivité entre l'Europe et la Chine, tant au niveau des infrastructures et des échanges que sur le plan numérique et dans sa dimension interpersonnelle, sur la base d'une plateforme ouverte fondée sur des règles qui seront profitables à tous les pays le long des itinéraires proposés ;

- promeuve les biens publics mondiaux, le développement durable et la sécurité internationale, conformément à nos responsabilités respectives dans le cadre de l'ONU et du G20 ;

-  promeuve le respect de l'état de droit et des droits de l'homme en Chine et dans le monde ;

- et maximise la cohésion et l'efficacité de l'UE dans ses relations avec la Chine.

Le 18 e sommet UE-Chine s'est tenu à Pékin en juillet 2016 dans une ambiance inhabituellement tendue et sans adoption de déclaration conjointe. La Chine souhaitait obtenir que l'Union européenne ouvre des négociations sur un accord de libre-échange UE-Chine et qu'elle lui reconnaisse le statut d'économie de marché 126 ( * ) . L'Union pour sa part cherchait la conclusion d'un accord global d'investissement entre l'Union et la Chine, comprenant un accès réciproque au marché, et un accord sur la protection des indications géographiques. « La stratégie de la Chine, consistant à forcer la Commission à lui concéder le statut d'économie de marché en faisant pression sur les États membres, s'est faite de plus en plus agressive. Avec, finalement, l'effet inverse, puisqu'elle a contribué à unifier l'UE plutôt que la diviser » 127 ( * ) . La même année, l'achat du fabricant allemand d'équipements robotiques Kuka par l'entreprise chinoise Midas attirait l'attention sur le recentrage des investissements chinois sur les entreprises de haute technologie en Europe et induisait la proposition de la Commission en faveur d'un mécanisme de contrôle des investissements, qui est finalement entré en vigueur en 2020.

c) En 2018, l'Union inscrit sa relation bilatérale avec la Chine dans le cadre plus global de l'Asie

En juin 2017, s'est tenu le 19 e sommet entre l'Union européenne et la Chine, qui a été l'occasion de la signature d'un protocole d'accord afin d'entamer un dialogue sur le contrôle des aides d'État et d'un cadre stratégique de coopération douanière pour la période 2018-2020. Il y a également été décidé de financer au titre de l'instrument de partenariat une nouvelle phase de l'arrangement administratif relatif à la coopération concernant la protection et le respect des droits de propriété intellectuelle. Ce programme est depuis 2013 le principal instrument dont la Commission européenne dispose pour régler les problèmes juridiques auxquels sont confrontées les entreprises communautaires en Chine. À l'occasion de ce sommet, Pékin a cependant refusé de signer une déclaration commune sur le climat proposée par Bruxelles.

En octobre 2018, le Conseil a adopté des conclusions sur le thème « Relier l'Europe à l'Asie - Éléments fondamentaux d'une stratégie de l'UE » 128 ( * ) , à la suite de la communication conjointe présentée par la Commission et la haute représentante 129 ( * ) . L'UE associera une approche de principe de la connectivité à la prise en compte du fait que l'Asie englobe différentes régions, qui abritent des pays très divers en matière de modèles économiques et de niveau de développement, avec des actions concrètes fondées sur les trois volets, détaillés dans l'encadré suivant :

- mettre en place des liaisons de transport et des réseaux énergétiques, numériques et humains ;

- proposer des partenariats en matière de connectivité aux pays d'Asie et aux organisations ;

- promouvoir un financement durable en recourant à divers instruments financiers.

Cette stratégie peut être vue comme une réponse à la politique chinoise des nouvelles routes de la soie. La connectivité décrite, et que l'Union européenne entend mettre en oeuvre, s'appuie ainsi sur des volets qui reprennent à la fois les objectifs européens et répondent aux critiques parfois adressées aux nouvelles routes de la soie : ne pas tenir compte des besoins de connectivité des territoires traversés (au profit des corridors commerciaux nécessaires à la Chine), favoriser le surendettement par un accès aux prêts sans mesure avec la rentabilité réelle des infrastructures réalisées, enfin, par un bilatéralisme de masse, évincer les organisations internationales et les règles de bonne gouvernance qu'elles portent.

Relier l'Europe à l'Asie - Éléments fondamentaux d'une stratégie de l'UE

Les trois volets de la stratégie de 2018 sont les suivants :

- mettre sur pied des réseaux transfrontières. Les réseaux transeuropéens de transport (RTE-T) de l'UE sont ainsi étendus en Asie. Ceci concerne aussi les réseaux numériques. Le marché unique numérique de l'UE jette les bases du renforcement des échanges dans le domaine des services numériques, tandis que sa stratégie concernant le numérique au service du développement, « Digital4Development strategy », favorise le développement. L'Union souhaite soutenir la mise en place de marchés régionaux de l'énergie libéralisés, en mettant l'accent sur la transition induite par le marché vers une énergie propre ;

- mettre en place des partenariats solides, tant bilatéraux que mondiaux, en matière de connectivité. Forte d'un marché intérieur à la fois équitable, transparent et fondé sur des règles, l'Union européenne engage le dialogue avec des partenaires par-delà ses frontières, en vue de promouvoir des approches similaires visant à rendre durable la connectivité. L'UE annonce qu'elle mettra en oeuvre des partenariats bilatéraux en matière de connectivité tels que la plateforme de connectivité UE-Chine, « qui doit aider les deux parties à créer des synergies et à traiter leurs divergences de points de vue » 130 ( * ) . Enfin, l'UE cherche, dans le cadre d'un dialogue avec les organisations internationales, à fixer des normes internationales applicables à la connectivité ;

- promouvoir un financement durable de l'investissement de connectivité. Les besoins de l'Asie en matière d'investissements dans des infrastructures étant estimés à 1,3 billion d'euros par an, des perspectives considérables s'ouvrent aux entreprises de l'UE, pour autant que des cadres juridiques solides soient en place. L'UE s'emploiera à combiner des sources de financement provenant d'institutions financières internationales, de banques multilatérales de développement et du secteur privé, de manière à garantir un financement national et international durable de la connectivité, tout en garantissant aux entreprises la transparence requise et des conditions de concurrence équitables. Le Fonds européen pour les investissements stratégiques y participe.

La communication conjointe servira de base au dialogue entre l'UE et ses partenaires, pays couverts par la politique de voisinage ou pays du Pacifique, en procurant des avantages aux peuples de l'Europe et de ces pays qui savent toute la valeur de l'approche de l'Union en matière de connectivité.

d) En 2019, l'Union qualifie pour la première fois la Chine de rivale systémique

La communication conjointe du 12 mars 2019 131 ( * ) de la Commission européenne et de la Haute représentante montrait une réelle prise de conscience du fait que l'équilibre entre les défis et les opportunités que présente la Chine a évolué. La Chine est décrite à la fois comme un partenaire de coopération dont les objectifs concordent largement avec ceux de l'UE, un partenaire de négociation avec lequel l'UE doit parvenir à un équilibre d'intérêts, mais aussi un concurrent économique qui ambitionne la primauté et la supériorité technologique et enfin un rival systémique qui promeut d'autres modèles de gouvernance.

Certains commentateurs estiment que l'évolution de l'Union européenne de 2019 tient, certainement à la prise de conscience des ambitions chinoises et de ses modalités d'action, mais aussi à la nécessité de trouver sa propre voie pour défendre ses intérêts, hors du soutien des États-Unis, son allié historique engagé pour sa part dans une confrontation commerciale et géostratégique de plus en plus dure avec la Chine dès 2017. L'administration Trump a ainsi mis en lumière les déséquilibres persistants dans la relation commerciale et grandissants dans la relation technologique avec la Chine, mais en choisissant une voie non coordonnée avec l'Union.

La stratégie de l'UE s'articule autour de 10 mesures, présentées dans l'encadré suivant, et répondant aux trois objectifs suivants :

- consolider l'engagement de l'Union avec la Chine pour promouvoir leurs intérêts communs au niveau mondial en s'appuyant sur des intérêts et des principes clairement définis. Ceci se traduit par une invite de la Chine, d'une part, notamment à assumer pleinement ses responsabilités sur les trois piliers des Nations unies : droits de l'homme, paix et sécurité et développement et à appuyer le plan d'action global pour l'Iran et, d'autre part, à plafonner ses émissions avant 2030. À l'heure actuelle, la Chine envisage au contraire de continuer d'augmenter ses émissions de CO2 jusqu'à 2030, elle annonce ensuite leur diminution,

- s'employer plus activement à instaurer des relations économiques plus équilibrées et fondées sur la réciprocité. Il s'agit là d'inciter la Chine à tenir les engagements conjoints UE-Chine tels que la réforme de l'OMC, en particulier pour les subventions et les transferts de technologie forcés. L'objectif porte également sur la conclusion d'accords bilatéraux sur les investissements et les indications géographiques,

- et renforcer les politiques intérieures et la base industrielle communautaires, dans certains domaines, pour maintenir à long terme sa prospérité, ses valeurs et son modèle social. Il est ici fait référence à la nécessité d'une approche commune de l'UE dans les domaines de la sécurité des réseaux 5G et du filtrage des investissements étrangers dans des actifs, technologies et infrastructures critiques.

Les 10 mesures proposées par la communication
« Relation UE-Chine - Une vision systémique »

Mesure 1 : l'UE renforcera sa coopération avec la Chine afin d'assumer les responsabilités communes sur l'ensemble des trois piliers des Nations unies, à savoir les droits de l'homme, la paix et la sécurité, et le développement.

Mesure 2 : afin de lutter plus efficacement contre le changement climatique, l'UE appelle la Chine à plafonner ses émissions avant 2030, conformément aux objectifs de l'accord de Paris

Mesure 3 : l'UE approfondira le dialogue sur les questions de la paix et de la sécurité, en s'appuyant sur la coopération positive en faveur du plan d'action global commun pour l'Iran.

Mesure 4 : afin de préserver son intérêt en matière de stabilité, de développement économique durable et de bonne gouvernance dans les pays partenaires, l'UE appliquera plus vigoureusement les accords bilatéraux et les instruments financiers existants, et collaborera avec la Chine pour suivre les mêmes principes dans le cadre de la mise en oeuvre de la stratégie de l'UE visant à relier l'Europe à l'Asie.

Mesure 5 : afin de parvenir à une relation économique plus équilibrée et réciproque, l'UE invite la Chine à tenir les engagements conjoints UE-Chine pris. Figurent parmi ces engagements, la réforme de l'Organisation mondiale du commerce, en particulier pour ce qui est des subventions et des transferts de technologie forcés, ainsi que la conclusion d'accords bilatéraux sur les investissements d'ici 2020, sur les indications géographiques rapidement, et sur la sécurité aérienne dans les semaines à venir.

Mesure 6 : afin de promouvoir la réciprocité et de créer des possibilités de passation de marchés en Chine, le Parlement européen et le Conseil devraient adopter l'instrument international sur les marchés publics avant la fin de 2019.

Mesure 7 : afin de garantir la prise en compte, non seulement des prix, mais également de la sévérité des normes en matière de travail et d'environnement, la Commission publiera des orientations d'ici la mi-2019 au sujet de la participation de soumissionnaires et de biens étrangers dans le domaine des marchés publics de l'UE. La Commission passera en revue, conjointement avec les États membres, la mise en oeuvre du cadre actuel afin de recenser les lacunes avant la fin de 2019.

Mesure 8 : afin de remédier pleinement aux effets de distorsion que produisent les prises de participation par des pays tiers et les financements publics étrangers sur le marché intérieur, la Commission déterminera, avant la fin de 2019, la manière de combler les lacunes constatées dans la législation de l'UE.

Mesure 9 : afin de prévenir les éventuelles sérieuses implications pour la sécurité des infrastructures numériques critiques, une approche commune de l'UE s'impose dans le domaine de la sécurité des réseaux 5G. La Commission européenne publiera une recommandation à l'issue du Conseil européen en vue de donner le coup d'envoi à cette mesure.

Mesure 10 : afin de détecter les risques que posent, pour la sécurité, les investissements étrangers dans des actifs, technologies et infrastructures critiques et sensibiliser à leur sujet, les États membres devraient garantir la mise en oeuvre rapide, complète et effective du règlement sur le filtrage des investissements directs étrangers.

Cette vision systémique est l'aboutissement d'une longue maturation, reflet des arcanes bruxelloises et de la difficulté de définir une politique étrangère et de sécurité dans le cadre d'institutions fonctionnant par consensus. Le tableau suivant, publié dans le rapport de la Cour des comptes européenne précité, retrace cette lente évolution.

Selon la Cour européenne des comptes, les actions prévues dans ces documents stratégiques couvrent la quasi-totalité des risques et des perspectives, précédemment décrits, à l'exception de trois risques :

- le risque d'un manque de coordination entre les programmes infrastructurels de l'UE et de la Chine, ce qui peut donner lieu à des déficits en matière d'infrastructures de connectivité, ou à des situations de concurrence ou de double emploi entre projets d'investissement. Toutefois, ce risque ne paraît pas avéré en l'état de la situation, et l'UE ne souhaite pas modifier ses modalités de prise de décision en matière de connectivité et d'infrastructure,

- le risque que l'économie de l'UE pâtisse des chocs subis par ses chaînes d'approvisionnement, dont les fournisseurs clés sont chinois,

-  et le risque que les systèmes de santé publique soient touchés par les interconnexions croissantes à l'ère de la mondialisation (y compris les axes de transport chinois le long des nouvelles routes de la soie), accélérant la transmission des maladies.

D'autres analyses doivent également être considérées :

- la vision systémique est vue comme un facteur de fragilisation de la cohérence globale de la position communautaire face à la Chine, soulignant la difficulté pour une direction de la Commission de traiter la Chine en partenaire, pendant qu'une autre direction ou la même doit, sur un autre thème, considérer le concurrent ou le rival chinois. S'il ne faut pas sous-estimer cette potentielle difficulté, il semble que les préfets ou ambassadeurs soient déjà placés régulièrement dans de telles situations, traitant un acteur d'une façon ou d'une autre en fonction du dossier considéré, sans perdre ni en cohérence ni en efficacité ;

- le risque de systématiser la remontée pour arbitrage des moindres projets de coopération pour évaluer le traitement à leur appliquer. Les délais ainsi rallongés pourraient conduire à la politisation et à l'utilisation du dossier par la partie chinoise.

Les résultats de cette vision systémique sont encore mitigés et assez variés. Ils dépendent notamment du fait qu'ils sont examinés dans un domaine de compétence nationale exclusive, partagée ou communautaire.

2. La 5G : un enjeu qui a trouvé les États membres en ordre dispersé
a) Une nouvelle génération de réseaux aux enjeux décuplés

La 5G, dernière génération de réseaux, est en cours de déploiement et représente des enjeux économiques mais aussi stratégiques et souverains bien supérieurs aux générations précédentes 132 ( * ) car elle est plus qu'une progression incrémentale par rapport à la 4G. Elle représente un saut technologique qui :

- modifiera en profondeur les processus de production industrielle, les services publics, la médecine, la gestion et distribution d'eau, de gaz, d'électricité, etc., domaines sensibles et stratégiques par excellence,

- permettra d'offrir de très nombreux nouveaux services aux consommateurs,

- conduira à la création d'un nouvel écosystème numérique et de ses grands acteurs. Comme pour Internet, les premiers à investir ces nouveaux secteurs auront de fortes chances d'en devenir les leaders, probablement en situation quasi monopolistique tant les sauts technologiques deviennent déterminants et difficiles à rattraper.

Dans ce contexte, des actes de cyberattaques pourraient avoir des conséquences jamais atteintes dans le monde régi par la 4G, chaque État souhaite donc garder le contrôle sur la sécurité du réseau 5G.

De même, la confiance dans les équipementiers devient déterminante. Puisqu'il faut imaginer un monde où tous les réseaux (transport, énergie, communication) seront interconnectés et piloteront les secteurs de la santé, de la production industrielle, etc., il n'est pas possible d'ignorer la menace d'une prise de contrôle ou coupure à distance du réseau. Le risque existe qu'un équipementier insère dans le code informatique du réseau 5G une porte d'entrée dérobée dite back door lui permettant, dans le scénario le plus extrême, de couper le réseau à distance (shutdown). Dans un scénario moins extrême mais dont les conséquences pourraient être tout aussi graves, les équipementiers pourraient également espionner les données, de plus en plus nombreuses, sensibles et stratégiques, passant sur le réseau 5G.

Enfin, la 5G impactera les infrastructures critiques qui comprennent les entités publiques et privées qui fournissent des biens et services indispensables à la Nation ou peuvent présenter un danger grave pour la population. Cette définition recouvre généralement l'approvisionnement en énergie, les communications électroniques, les systèmes de transport, les services financiers, la santé publique, la gestion de l'eau et les services publics indispensables. La France a ainsi défini douze secteurs d'activité d'importance vitale et identifié plus de 200 opérateurs d'importance vitale (OIV) dont la liste est un document classifié. Le secteur des communications électroniques, de l'audiovisuel et de l'information étant reconnu comme un secteur d'activités d'importance vitale, on peut estimer que les principaux opérateurs de télécommunication, et notamment ceux exploitant des réseaux radioélectriques mobiles, figurent parmi ces OIV. La 5G est donc un enjeu de sécurité national.

La 5G est également une norme 133 ( * ) : « chaque réseau ou appareil qui entend l'exploiter doit respecter ses spécifications techniques, ce qui passe nécessairement par l'utilisation de technologies brevetées. Un smartphone moderne avec Wi-Fi, écran tactile, processeur, etc., est protégé au bas mot par 250 000 brevets (ce chiffre de 2015 est vraisemblablement plus élevé aujourd'hui). Selon une estimation de 2013, 130 000 de ces brevets seraient des `brevets essentiels à une norme' ou BEN (en anglais Standard-Essential Patents, SEP), ainsi qu'on qualifie ceux qui permettent de se conformer à une norme technique comme la 5G. Dans le domaine des technologies mobiles, le nombre et la distribution géographique de détenteurs de BEN ont évolué aux dépens de l'Amérique et de l'Europe occidentale, et au profit des pays asiatiques. (...). Huawei compte désormais parmi les plus gros détenteurs de BEN liés à la 5G. (...). Si, en 1998, les entreprises américaines touchaient 26,8 fois plus de redevances que leurs homologues chinoises [au titre des BEN] , en 2019 le rapport n'était plus que de 1,7. Logiquement, Pékin commence aussi à peser davantage dans les organismes mondiaux de normalisation. La Commission électrotechnique internationale (IEC) et l'Union internationale des télécommunications (ITU) sont dirigées par des Chinois, et le mandat de trois ans du premier président chinois de l'Organisation internationale de normalisation (ISO) a pris fin en 2018. »

La 5G est donc également un enjeu financier important et une bataille pour le contrôle des normes, d'autant plus important qu'il assoit souvent la puissance d'un opérateur pour la génération de réseaux suivante.

b) Évaluation des risques, boîte à outils, 6G : l'UE dynamique mais non contraignante

Les États membres ont pris conscience des enjeux autour de ces nouveaux réseaux, mais ont réagi en ordre dispersé. Les conditions du déploiement de la 5G relèvent d'une compétence nationale exclusive. La souveraineté et la sécurité des États, entreprises et sociétés civiles dans le contexte du déploiement des réseaux 5G dépend donc de la façon dont chaque État appréhende ses intérêts économiques, ses impératifs de sécurité nationale, la nécessité d'une autonomie nationale dans ces domaines sensibles, mais aussi de sa relation aux États-Unis. Les États-Unis appellent en effet les pays européens à interdire aux opérateurs chinois de participer au déploiement des réseaux 5G, ce qui s'est traduit :

- par l'interdiction en mai 2019 pour les entreprises américaines de commercer avec Huawei , qui, ainsi privé de ses fournisseurs américains, pourrait peiner à se maintenir dans les pays où il est déjà présent dans l'architecture 5G,

- par le renforcement du programme Réseau propre (Clean Network), « qui vise à purger Internet de l'« influence néfaste » du Parti communiste chinois (...), en réaction (...) la Chine vient également d'annoncer le lancement de son propre réseau international, la Global Data Security Initiative, destinée à contrer la surveillance et l'espionnage américains. » 134 ( * ) .

En mars 2019, le Conseil européen 135 ( * ) a appelé la Commission à publier une recommandation relative à une approche concertée en matière de sécurité des réseaux de 5G. Il souhaitait que soit accordée une attention particulière à l'accès aux données, à leur partage et à leur utilisation, à la sécurité des données et à l'intelligence artificielle. La Commission a publié, le même mois, une série de recommandations qui, sans interdire le recours aux équipementiers chinois incitait les États membres à la vigilance. Ces recommandations visaient à s'assurer qu'il n'y aurait pas de « maillon faible » sur le territoire européen. Cette série de recommandations, présentée par le chef du numérique de l'UE comme une combinaison d'instruments législatifs et de moyens d'action destinés à protéger nos économies, nos sociétés et nos systèmes démocratiques.

Au niveau national, la Commission recommandait que chaque État membre évalue les risques liés aux infrastructures des réseaux 5G avant juin 2019, en tenant compte de différents facteurs, tels que « les risques techniques et les risques liés au comportement des fournisseurs ou des opérateurs, y compris ceux de pays tiers », puis mette à jour ses exigences de sécurité pour les fournisseurs de réseaux ainsi que les conditions d'octroi des droits d'utilisation des fréquences dans les bandes qui seront ouvertes pour la 5G. La Commission encourageait la mise en place des mesures nécessaires pour garantir l'obligation renforcée, pour les fournisseurs et les opérateurs, de garantir la sécurité des réseaux de 5G. Ainsi les autorités compétentes à l'échelle nationale pourront, d'une part, demander la communication de toute information leur paraissant nécessaire avant toute modification des réseaux de communications électroniques par un acteur du secteur et, d'autre part, contraindre, pour des raisons de sécurité et d'intégrité des réseaux, les fournisseurs et les opérateurs à utiliser des équipements et des systèmes de traitement de l'information préalablement testés.

Enfin, la Commission affirmait clairement le droit, pour les États membres de l'Union européenne, « d'exclure des prestataires ou des fournisseurs de leurs marchés pour des raisons de sécurité nationale » en se référant à la prise en compte dans l'évaluation des risques pesant sur les réseaux 5G de l'influence qu'un « pays tiers » pourrait exercer sur les équipementiers. Elle invitait également les États membres à partager davantage de données de façon à réduire, avec le soutien de la Commission et de l'Agence de l'Union européenne pour la cybersécurité, les risques de cybersécurité liés au réseau de cinquième génération.

Après la phase d'évaluation des risques en 2019, 2020 devait permettre l'élaboration d'une « boîte à outils » susceptible de faciliter la mise en oeuvre de mesures nationales. En janvier 2020, la boîte à outils commune de mesures d'atténuation de l'UE a été approuvée par les États membres et par une communication de la Commission 136 ( * ) . Cette boîte à outils établit une stratégie commune fondée sur une évaluation objective des risques recensés 137 ( * ) , présentés dans le tableau suivant, et sur des mesures d'atténuation proportionnées pour faire face aux risques en matière de sécurité liés au déploiement de la 5G, la cinquième génération de réseaux mobiles.

Les risques recensés par l'Union européenne sur la 5G

La boîte à outils recommande notamment que la Commission et les États membres contribuent à maintenir une chaîne d'approvisionnement et de valeur durable et diversifiée dans le domaine de la 5G, en vue d'éviter une dépendance à long terme, et facilitent la coordination entre les États membres dans le domaine de la normalisation afin d'atteindre des objectifs spécifiques en matière de sécurité et élaborer des systèmes de certification pertinents à l'échelle de l'UE pour promouvoir des produits et des processus plus sûrs.

Aux termes du rapport publié en juillet 2020 sur l'état d'avancement de la mise en oeuvre des mesures de la boîte à outils au niveau national si des progrès avaient déjà été réalisés dans les domaines présentés dans l'encadré suivant, d'autres domaines nécessitaient encore de réels progrès.

Les progrès enregistrés dans la mise en oeuvre des mesures de la boîte à outils
au niveau national 138 ( * )

1. Les pouvoirs des autorités réglementaires nationales pour réglementer la sécurité de la 5G ont été renforcés ou sont sur le point de l'être dans une large majorité d'États membres, y compris ceux nécessaires pour encadrer l'acquisition des équipements et services de réseau par les opérateurs.

2. Des mesures visant à restreindre la participation des fournisseurs selon leur profil de risque sont déjà en place dans quelques États membres et à un stade avancé de préparation dans beaucoup d'autres. Le rapport invite les autres États membres à aller de l'avant et à achever ce processus dans les mois à venir. En ce qui concerne la portée exacte de ces restrictions, le rapport souligne qu'il importe d'examiner le réseau dans son ensemble et d'en aborder les éléments essentiels, ainsi que d'autres éléments critiques et très sensibles, y compris les fonctions de gestion et le réseau d'accès radio, et d'imposer des restrictions concernant d'autres actifs essentiels, comme des zones géographiques définies, le gouvernement ou d'autres entités critiques. Il préconise la mise en place de périodes de transition pour les opérateurs ayant déjà passé un contrat avec un vendeur à haut risque.

3. Les exigences de sécurité et de résilience s'appliquant aux opérateurs de réseau mobile font l'objet d'un réexamen dans une majorité d'États membres. Le rapport souligne qu'il faut veiller à ce que ces exigences soient renforcées, qu'elles suivent les pratiques les plus avancées et que leur mise en oeuvre par les opérateurs soit effectivement contrôlée.

Des mesures tardent à être mises en place et des progrès doivent être réalisés de façon urgente pour :

- atténuer le risque de dépendance vis-à-vis de fournisseurs à haut risque et pour réduire les dépendances au niveau de l'Union. Cette démarche devrait se fonder sur un inventaire exhaustif de la chaîne d'approvisionnement des réseaux et suppose un suivi de l'évolution de la situation,

- concevoir et appliquer des stratégies multifournisseurs. Les différents opérateurs au niveau national semblent rencontrer des difficultés techniques ou opérationnelles dans ce domaine dues par exemple au manque d'interopérabilité ou à la taille du pays,

- filtrer les IDE. Il est recommandé d'instaurer sans délai le mécanisme de filtrage (voir infra) dans les 13 États membres qui n'en ont pas encore.

L'UE recommande, outre de poursuivre la mise en oeuvre de la boîte à outils et l'échange d'informations, d'investir dans les capacités de l'UE en matière de technologies 5G et post-5G et de garantir que les projets de réseaux de 5G bénéficiant d'un financement public tiennent bien compte des risques pour la cybersécurité. Enfin, dans une recommandation de septembre 2020, la Commission incitait à fournir un accès en temps utile au spectre radioélectrique pour la 5G, à encourager les opérateurs à investir dans le développement des infrastructures de réseaux, à réduire le coût du déploiement des réseaux à très haute capacité et à l'accélérer, notamment en supprimant les obstacles administratifs inutiles. Enfin, elle souhaitait que soit renforcée la coordination transfrontalière pour l'assignation des radiofréquences, afin de soutenir des services 5G innovants, en particulier dans les secteurs de l'industrie et des transports.

Au début de l'année 2021, l'UE a pris date dans la course à la 6G en lançant dans le cadre d'Horizon, son programme-cadre de recherche et d'innovation, le projet Hexa-X, qui doit lui permettre de faire émerger de nouveaux cas d'usages pour la 6G 139 ( * ) . Ce programme de deux ans et demi doit permettre d'imaginer des cas et des scénarios d'utilisation de la 6G, de développer des technologies fondamentales et de définir une nouvelle architecture pour un tissu intelligent qui intègre les principaux facilitateurs de la technologie 6G. L'objectif fixé est celui de la commercialisation de premiers équipements compatibles avec la 6G d'ici à 2030. L'opérateur Nokia est chargé de coordonner le consortium chargé de ce projet réunissant de grands opérateurs de la technologie européenne ou internationale, tels que Orange, Telefonica, Intel, Atos et Siemens, et des universités, notamment les universités d'Oulu, en Finlande et de Pise, en Italie.

Recommandation : Il apparaît donc nécessaire à vos rapporteurs :

- de rester attentifs à la mise en oeuvre de la boîte à outils susceptible de faciliter la mise en oeuvre de mesures nationales dans le domaine de la 5G et à l'évolution des risques,

- de soutenir la réalisation du projet Hexa-X et toutes autres initiatives et financements communautaires susceptibles de favoriser l'émergence d'acteurs européens de premier plan dans le domaine de la 6G. La capacité de la France et de l'Europe à soutenir l'émergence d'acteurs alternatifs aux grands équipementiers non européens de cet écosystème est certainement l'une des conditions sine qua non pour garantir leur souveraineté.

c) Le choix français de soumettre le réseau de 5G à autorisation

En juillet 2020, le Royaume-Uni a annoncé sa décision d'expurger son réseau 5G de tout équipement produit par Huawei en raison d'un risque pour la sécurité. L'achat de nouveaux équipements Huawei devait être de plus interdit après le 31 décembre 2020 et les équipements existants être retirés d'ici 2027.

En France, les opérateurs déjà soumis à des obligations de sécurité des réseaux qu'ils opèrent et leurs systèmes d'information, à un régime d'autorisation centré sur l'analyse des équipements au regard du principe de secret des correspondances 140 ( * ) , sont désormais soumis, depuis la loi de 2019 visant à préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale de la France dans le cadre de l'exploitation des réseaux radioélectriques mobiles 141 ( * ) à un nouveau régime d'autorisation préalable à l'exploitation de certains équipements dans le but de protéger les intérêts de la défense et de la sécurité nationale. Seuls les opérateurs d'importance vitale sont concernés. L'État s'est ainsi doté, sans interdire à aucun équipementier ab initio , d'un moyen de contrôler les modalités de déploiement et d'exploitation des équipements nécessaires à la mise en place du réseau 5G. Il a ainsi été estimé que la 5G requérait d'effectuer une analyse de la sécurité du réseau « de bout en bout », au-delà du seul examen des équipements.

Les règlementations de l'UE et des pays membres ont eu pour conséquence un net recul de Huawei , qui, selon le cabinet LightCounting , a perdu 40 contrats 5G dans sa base installée en Europe au profit d'Ericsson et de Nokia . Le reflux du grand équipementier télécoms chinois en Europe devrait se poursuivre au profit, non seulement de ses deux concurrents européens, mais aussi de Samsung , NEC et les équipementiers émergents 142 ( * ) .

3. Un mécanisme de filtrage des IDE qui se renforce mais reste fragile
a) Le règlement établissant un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers dans l'Union

Les investissements chinois ont fait l'objet d'une vigilance renforcée de la part de nombreux pays récipiendaires. Ces mécanismes ont été renforcés à partir de 2017, le plan « Made in China 2025 » et sa traduction par l'accélération des achats d'entreprises high-tech par les investisseurs chinois ne sont pas étrangers à cette évolution. Les Etats-Unis, le Canada, l'Australie, l'Inde, le Japon, le Royaume-Uni, l'Union européenne et douze de ses États membres ont notamment renforcé leurs mécanismes de screening à partir de 2017, puis en 2020 dans le contexte de crise économique consécutive à la pandémie mondiale. Certains analystes estiment que les effets de ces mécanismes de contrôle expliquent en grande partie la réduction des investissements des entreprises chinoises d'État, de 121,9 milliards de dollars en 2017 à 46,6 milliards de dollars en 2019 143 ( * ) .

Outre les procédures anti-dumping que l'Union européenne a mises en oeuvre et qui concernent de fait les échanges commerciaux avec la Chine, elle s'est dotée d'un dispositif de filtrage des investissements étrangers qui, là encore, trouvera à s'appliquer aux investissements chinois. Il doit permettre aux États membres de filtrer les investissements directs étrangers pour des motifs de sécurité et d'ordre public et définit les exigences de procédure fondamentales que doivent respecter les mécanismes de filtrage des États membres, tels que la transparence, la non-discrimination entre différents pays tiers et l'existence d'un recours en justice. L'Union européenne a ainsi adopté le règlement établissant un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers dans l'Union 144 ( * ) , entré en vigueur le 10 avril 2019 et applicable à partir du 11 octobre 2020.

Les articles 4 et 8 du règlement précisent son champ d'application et sont reproduits dans l'encadré suivant :

Le champ d'application du règlement
tel que prévu par les articles 4 et 8 du règlement

L'article 4 liste précisément les facteurs susceptibles d'être pris en considération comme constitutifs d'atteintes à la sécurité ou à l'ordre public :

« 1. Pour déterminer si un investissement direct étranger est susceptible de porter atteinte à la sécurité ou à l'ordre public, les États membres et la Commission peuvent prendre en considération ses effets potentiels, entre autres, sur :

a) les infrastructures critiques, qu'elles soient physiques ou virtuelles, y compris les infrastructures concernant l'énergie, les transports, l'eau, la santé, les communications, les médias, le traitement ou le stockage de données, l'aérospatiale, la défense, les infrastructures électorales ou financières et les installations sensibles ainsi que les terrains et les biens immobiliers essentiels pour l'utilisation desdites infrastructures ;

b) les technologies critiques et les biens à double usage (...), y compris les technologies concernant l'intelligence artificielle, la robotique, les semi-conducteurs, la cybersécurité, l'aérospatiale, la défense, le stockage de l'énergie, les technologies quantiques et nucléaires, ainsi que les nanotechnologies et les biotechnologies ;

c) l'approvisionnement en intrants essentiels, y compris l'énergie ou les matières premières, ainsi que la sécurité alimentaire ;

d) l'accès à des informations sensibles, y compris des données à caractère personnel, ou la capacité de contrôler de telles informations ;

e) la liberté et le pluralisme des médias ;

Pour déterminer si un investissement direct étranger est susceptible de porter atteinte à la sécurité ou à l'ordre public, les États membres et la Commission peuvent aussi prendre en compte, en particulier :

a) le fait que l'investisseur étranger soit contrôlé directement ou indirectement par le gouvernement, y compris des organismes publics ou les forces armées, d'un pays tiers, notamment à travers la structure de propriété ou un appui financier significatif ;

b) le fait que l'investisseur étranger ait déjà participé à des activités portant atteinte à la sécurité ou à l'ordre public dans un État membre ;

c) le fait qu'il existe un risque grave que l'investisseur étranger exerce des activités illégales ou criminelles. »

L'annexe du règlement détaille les programmes présentant un intérêt pour l'Union (article 8 du règlement):

1. Programmes GNSS européens (Galileo et EGNOS)

2. Copernicus

3. Horizon 2020

4. Réseaux transeuropéens de transport (RTE-T)

5. Réseaux transeuropéens d'énergie (RTE-E)

6. Réseaux transeuropéens de télécommunications

7. Programme européen de développement industriel dans le domaine de la défense

8. Coopération structurée permanente (CSP)

Le critère fondamental de filtrage établi par ce règlement repose sur le risque d'atteinte à la sécurité ou à l'ordre public d'un IDE. Les secteurs économiques stratégiques doivent ainsi être protégés, il s'agit des domaines :

- des hautes technologies, dont les technologies clés génériques comme l'intelligence artificielle, la robotique, les semi-conducteurs et la cybersécurité,

- de l'énergie,

- et de la défense.

La protection des données personnelles ainsi que la liberté et le pluralisme des médias sont inclus dans les domaines de surveillance des IDE. Les projets ou programmes présentant un intérêt pour l'Union, tels que Galileo 145 ( * ) , Horizon 2020 146 ( * ) , programme-cadre pour l'innovation dans les hautes technologies, ou encore les RTE-T et RT-E. Il n'est prévu aucun seuil minimal pour l'application du règlement, qui peut trouver à s'appliquer à une opération dont la valeur financière est relativement limitée, mais dont l'importance stratégique est majeure, comme en matière de recherche et technologies ou de défense.

Enfin, une vigilance accrue est recommandée en cas de contrôle direct ou indirect de l'investisseur étranger par le gouvernement d'un pays tiers, c'est-à-dire lorsque l'investisseur étranger est identifié comme une entreprise publique notamment. La difficulté de distinguer l'investisseur de l'investisseur ultime devrait inciter à la plus grande attention en la matière.

La plupart des secteurs prioritaires du plan Made in China 2025 sont de fait inclus dans la liste des secteurs sensibles. D'après le groupe Rhodium, en 2018, 42 % des IDE chinois dans l'UE étaient « sensibles », au sens du règlement, 58 % étaient dans des secteurs liés au plan Made in China 2025, 24 % proviendraient d'entreprises publiques chinoises.

Le mécanisme de filtrage n'a cependant pas valeur contraignante, la compétence de blocage d'investissements reste nationale. Ce mécanisme reste donc fragile car à ce jour 14 États membres seulement ont transcrit en droit interne le règlement et disposent de législations nationales d'examens des investissements étrangers. La crise sanitaire et économique mondiale a conduit au renforcement du mécanisme de surveillance et de filtrage dans 12 de ces États.

Un mécanisme de coopération entre l'ensemble des États membres et la Commission est prévu pour pallier cette fragilité du système de filtrage : les articles 7 et 8 du règlement prévoient un dispositif de coopération concernant les investissements directs étrangers ne faisant pas l'objet d'un filtrage. Il permet aux États membres et à la Commission de faire état de leurs préoccupations sur la réalisation potentielle ou effective de certains investissements en provenance d'États tiers dans un pays membre n'ayant pas mis en place le mécanisme de filtrage. Ces avis n'ont cependant qu'un caractère consultatif et la décision finale incombe in fine à l'État membre concerné. La coopération se traduit également par la notification, par chaque État membre, de tout IDE qui, sur son territoire, fait l'objet d'un contrôle, à l'attention de la Commission et aux autres États membres, afin que ceux-ci puissent le cas échéant solliciter des informations complémentaires ou émettre des commentaires ou un avis.

Enfin, le règlement fixe un cadre commun minimal à suivre par les mécanismes de filtrage effectifs au niveau national :

- transparence et non-discrimination entre les pays tiers sont de mise,

- les modalités de communication entre États membres entre eux ou avec la Commission, tant en ce qui concerne les délais d'échanges d'information et d'avis que la confidentialité des informations échangées, doivent être prévues, pour que le mécanisme de coopération soit efficace,

- la possibilité de former un recours contre les décisions de filtrage des autorités nationales doit être ouverte aux investisseurs étrangers.

b) Un mécanisme de filtrage des IDE en France encore renforcé

La France dispose d'un des mécanismes de contrôle des investissements étrangers parmi les plus stricts au sein de l'Union. En 2019, il a été renforcé par la loi PACTE 147 ( * ) et le décret du 31 décembre 2019 148 ( * ) . Ils ont complété le dispositif 149 ( * ) en renforçant les pouvoirs de police et de sanction du ministre chargé de l'économie et en étendant la liste des secteurs concernés par le dispositif de contrôle des IDE. Le déclenchement du processus d'autorisation d'un IDE 150 ( * ) a également été abaissé, passant de 33,33 % de participation au capital ou de droits de vote d'une entreprise française à 25 % 151 ( * ) . Le champ des activités entrant dans le dispositif de contrôle a été élargi à la presse écrite et les services de presse en ligne d'information politique et générale, la sécurité alimentaire, le stockage d'énergie et les technologies quantiques, comme le détaille l'encadré suivant.

Extension et unification du champ des activités soumises à contrôle

Les activités visées par l'article R. 151-3 du code monétaire et financier (CMF) incluent désormais les secteurs suivants :

- armes, munitions et substances explosives,

- biens et technologies à double usage,

- activités exercées par les entités dépositaires de secret de la défense nationale,

- sécurité des systèmes d'information,

- interception des communications, captation de données informatiques,

- activités exercées par les entités ayant conclu un contrat au profit du ministère de la défense pour la réalisation d'un bien ou service relevant d'une activité sensible,

- cryptologie,

- jeux d'argent - à l'exception des casinos,

- activités destinées à faire face à l'utilisation illicite d'agents pathogènes ou toxiques,

- traitement, transmission ou stockage de données dont la compromission ou la divulgation est de nature à porter atteinte à l'exercice des activités sensibles,

- activités de R&D portant sur les technologies critiques (cybersécurité, intelligence artificielle, robotique, fabrication additive, semi-conducteurs, technologies quantiques, stockage d'énergie et biotechnologies),

- activités portant sur des infrastructures, biens ou services essentiels pour garantir :

* l'approvisionnement en énergie ou en eau

* l'exploitation des réseaux et services de transport

* l'exploitation des réseaux et des services de communications électroniques

* les opérations spatiales

* l'exercice des missions de la police nationale, de la gendarmerie, des services de sécurité civile, ainsi que l'exercice des missions de sécurité publique de la douane et de celles des sociétés agréées de sécurité privée

* l'exploitation des établissements, installations et ouvrages d'importance vitale (et leurs systèmes d'information)

* la protection de la santé publique

* la sécurité alimentaire

* et l'édition, l'impression ou la distribution des publications de presse d'information politique et générale.

Un nouveau dispositif de sanctions pécuniaires a été défini qui se veut dissuasif. Il est applicable en cas de réalisation d'un investissement sans autorisation préalable ou en cas d'obtention frauduleuse de l'autorisation préalable requise. Le montant de la sanction est plafonné à la plus élevée des sommes suivantes : le double du montant de l'investissement irrégulier, 10 % du chiffre d'affaires annuel hors taxes de l'entreprise faisant l'objet de l'investissement, 5 millions d'euros pour les personnes morales et 1 million d'euros pour les personnes physiques. La réalisation d'un investissement sans autorisation préalable ou le non-respect des conditions dont l'autorisation est assortie sont également passibles des sanctions prévues par l'article 459 du code des douanes, soit une peine d'emprisonnement pour les personnes physiques, la confiscation des biens et avoirs qui sont le produit de l'infraction, amende, peines prévues à l'article 131-39 du code pénal pour les personnes morales.

c) Le renforcement des mécanismes de filtrage communautaire et français en 2020

En mars 2020, la Commission a publié une communication à l'attention des États membres dans la perspective de l'application du règlement de 2019 qui a été l'occasion de revenir sur la situation d'urgence liée à la pandémie, ses effets sur l'économie et les industries européennes, ainsi que sur les réponses à apporter au regard des investissements étrangers dans l'UE. Les États membres ont ainsi été invités à la plus grande vigilance, afin d'éviter des cessions massives d'actifs d'entreprises et industries européennes. La Commission a ainsi incité les États Membres à faire pleinement usage de leurs mécanismes nationaux de contrôle des IDE, ou à mettre en place un mécanisme complet de filtrage pour les États qui n'en disposaient pas et, dans l'intervalle, à envisager toutes les options en vue de traiter les situations dans lesquelles un IDE engendrerait un risque pour la sécurité sanitaire, la sécurité ou l'ordre public dans l'UE.

En mars 2020, la France a fait connaître au Royaume-Uni ses plus vives réserves à la reprise des activités du sidérurgiste British Steel, en faillite, comprenant notamment l'usine française d'Hayange, principal fournisseur de rails de la SNCF, par le groupe sidérurgique chinois Jingye. La reprise sera finalement le fait de la société britannique de sidérurgie Liberty Steel.

En France, dès le mois d'avril 2020, le dispositif national de filtrage a été renforcé 152 ( * ) . En substance, il a été procédé à une extension du champ des activités protégées aux biotechnologies 153 ( * ) et à un nouvel abaissement du seuil déclenchant la procédure d'autorisation pour un IDE, à 10 % des droits de vote 154 ( * ) dans les sociétés françaises exerçant des activités sensibles et dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé. Ce dispositif qui devait initialement cesser fin décembre 2020 a été prorogé au moins jusqu'au 31 décembre 2021.

Ceci traduit bien la prise de conscience et la volonté accrue de la France et de l'UE de préserver des actifs considérés comme stratégiques en étendant le champ du contrôle des investissements étrangers.

Les IDE sont aussi le reflet de l'attractivité des entreprises françaises et européennes et contribuent à leur croissance. Le ministre de l'économie rappelle d'ailleurs que la France reste un pays ouvert aux IDE, sous réserve d'un encadrement dans le respect des principes de nécessité et de proportionnalité pour les secteurs stratégiques.


* 122 En mai 2014, l'agence de presse Xinhua She a rendu publique une première carte officielle de « la nouvelle route de la soie » dont les grandes étapes européennes étaient Athènes, Venise, Duisbourg et Rotterdam. En novembre 2014, le fonds de la route de la soie - Silk Road Fund, doté de 40 milliards de dollars (36 milliards d'euros) en capital, est créé.

* 123 Ils soulignaient la volonté de l'UE de soutenir les initiatives visant à améliorer les infrastructures qui contribuent à une croissance durable dans la région euro-asiatique, dans une approche ouverte et participative. Ils rappelaient l'attachement de l'Union à une coopération fondée sur une transparence à propos des programmes et des activités de toutes les parties prenantes, sur des marchés publics ouverts et fondés sur des règles ainsi que sur un accès réciproque au marché. Ils soulignaient que tous les pays concernés devaient s'intéresser aux liaisons d'infrastructure transfrontalières et aux corridors dans et entre les continents et qu'ils devraient tous pouvoir exprimer leurs priorités en matière de réseaux d'infrastructure primaires et secondaires/sous-régionaux.

* 124 Ont participé à ce groupe de travail la Commission, le SEAE, la BEI côté UE et le Fonds des Routes de la Soie et la commission nationale pour le développement et la réforme (NDRC) côté chinois.

* 125 Le texte intégral de la communication conjointe est annexée au rapport « Pour la France, les nouvelles routes de la soie : simple label économique ou nouvel ordre mondial ? » , précité.

* 126 Les mécanismes de défense commerciale établis par l'UE étaient liés au fait que la Chine n'avait pas le statut d'économie de marché.

* 127 « L'Union européenne, entre États-Unis et Chine » par Hans Dietmar Schweisgut, publié à l'automne 2021 dans le numéro de la revue Politique étrangère 3:2021.

* 128 Voir le texte complet des conclusions de la réunion du Conseil à l'adresse suivante : https://www.consilium.europa.eu/media/36706/st13097-en18.pdf. Cette ressource n'est disponible qu'en langue anglaise.

* 129 En septembre 2018.

* 130 Voir le texte complet des conclusions de la réunion du Conseil à l'adresse suivante : https://www.consilium.europa.eu/media/36706/st13097-en18.pdf. Cette ressource n'est disponible qu'en langue anglaise.

* 131 Voir la communication conjointe au Parlement européen, au Conseil européenne et au Conseil à l'adresse suivante : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52019JC0005

* 132 2G en 1991, 3G en 1998 et 4G en 2008.

* 133 Extrait de l'article « Bataille géopolitique autour de la 5G » par Evgeny Morozov, publié en octobre sur le site du Monde diplomatique à l'adresse suivante : https://www.monde-diplomatique.fr/2020/10/MOROZOV/62292

* 134 « Bataille géopolitique autour de la 5G » par Evgeny Morozov, précité.

* 135 À l'issue de sa réunion du 22 mars 2019.

* 136 Voir la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur la Sécurité du déploiement de la 5G dans l'UE - Mise en oeuvre de la boîte à outils de l'UE du 29 janvier 2020 à l'adresse suivante : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52020DC0050&from=FR

* 137 Voir l'évaluation des risques par l'Agence européenne pour la cybersécurité à l'adresse suivante : https://www.enisa.europa.eu/publications/enisa-threat-landscape-for-5g-networks

* 138 Ibidem.

* 139 La 6G devrait, selon les promoteurs du projet Hexa-X, mettre en oeuvre de nouvelles technologies fondamentales d'accès radio à haute fréquence et de localisation et de détection à haute résolution, une gouvernance unifiée des réseaux pilotée par l'intelligence artificielle, ou encore une architecture réseau entièrement repensée dans une optique de durabilité renforcée. Les infrastructures de 5G sont qualifiées de gouffre énergétique. Selon un livre blanc publié par Huawei , les stations de base 5G consomment jusqu'à trois fois et demi plus d'énergie que leurs équivalentes 4G. Même constat dans un rapport d' Ericsson qui estime que si la 5G était déployée de la même façon que la 3G ou la 4G, ce ne serait pas soutenable à long terme. Pour réduire l'impact de la 5G sur le réseau électrique chinois, l'opérateur Unicom met ses stations en veille automatique entre 21 heures et 9 heures dans certaines villes.

* 140 En vertu de l'article 226-3 du code pénal, qui s'applique tant aux équipementiers (R. 226-3 du même code) qu'aux opérateurs (R. 226-7 du même code).)

* 141 Loi n° 2019-810 du 1er août 2019. Voir sur ce texte l'avis n° 569 (2018-2019) de M. Pascal ALLIZARD, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 12 juin 2019.

* 142 « Huawei perd la bataille de la 5G en Europe au profit d'Ericsson et de Nokia » par Ridha Loukil, publié le 19 avril 2021 sur le site Usine nouvelle à l'adresse suivante : https://www.usinenouvelle.com/article/huawei-perd-la-bataille-de-la-5g-en-europe-au-profit-d-ericsson-et-de-nokia.N1083424

* 143 Les investissements des entreprises privées chinoises ont peu augmenté sur la période 2017-2019, passant de 21,1 à 21,7 milliards de dollars.

* 144 Règlement (UE) 2019/452 du Parlement européen et du Conseil, du 19 mars 2019, établissant un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers dans l'Union, consultable à l'adresse suivante : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32019R0452

* 145 Programme européen développant un système de positionnement par satellites (radionavigation) incluant un segment spatial dont le déploiement doit s'achever vers 2024.

* 146 Horizon Europe est le "programme-cadre" de recherche et d'innovation de l'Union européenne qui a succédé au programme Horizon 2020 et devrait être intégré au champ d'application du règlement.

* 147 Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite PACTE.

* 148 Décret n° 2019-1590 du 31 décembre 2019.

* 149 Le dispositif français prévoit, conformément à la réglementation européenne, l'encadrement des procédures et des délais intégrant la procédure de coopération européenne.

* 150 Exception faite des IDE

* 151 Article R. 151-2 du code monétaire et financier.

* 152 Rappelons que ce mécanisme s'applique à tout IDE, quelle que soit son origine. Le projet de rachat de Photonis, leader mondial de la vision nocturne, par l'américain Teledyne, s'est heurté à un avis négatif oral, puis à un refus d'autorisation d'un IDE en décembre 2020. De même, en janvier 2021, le ministre en charge de l'économie a manifesté son opposition au projet de rapprochement entre le groupe canadien Couche-Tard et Carrefour.

* 153 Par un arrêté du 27 avril 2020.

* 154 Par le décret n° 2020-892 du 22 juillet 2020. Il prévoit également une procédure allégée lorsque l'investisseur franchit le seuil de 10 % afin de limiter les freins à la liquidité des marchés. L'IDE dans une société de droit français cotée est dispensé de demande d'autorisation à deux conditions cumulatives : que le projet d'investissement ait fait l'objet d'une notification préalable au ministre chargé de l'économie et que l'opération soit réalisée dans un délai de six mois suivant la notification. Sauf opposition du ministre, l'autorisation est acquise à l'issue d'un délai de 10 jours ouvrés à compter de la notification.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page