B. DE LA MISE EN oeUVRE D'UNE « NORMATIVITÉ AUX CARACTÉRISTIQUES CHINOISES » À UNE PLUS GRANDE ASSERTIVITÉ

1. Les grands rendez-vous chinois du XXIe : définir les ambitions d'une Chine devenue première puissance mondiale
a) La résilience de l'économie chinoise face à la pandémie renforce la Chine

La résistance et la résilience de la Chine face à la crise économique de 2008-2009 lui ont permis d'affermir son statut de deuxième puissance économique mondiale. Face à la crise sanitaire mondiale, la résilience économique chinoise devrait lui permettre de devenir la première puissance mondiale plus rapidement que prévu.

La pandémie mondiale de Covid-19 a eu des répercussions très différentes sur les économies dans le monde, même si, dans un premier temps, les confinements et l'arrêt consécutif de l'essentiel de la production ont produit partout les mêmes effets de contraction des PIB. La Chine est sortie de la crise économique avant ses voisins et les grandes économies mondiales. En 2020, la croissance chinoise s'est établie à 2 % et devrait selon les estimations de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international s'inscrire dans une fourchette comprise entre 7,5 et 8,4 % en 2021, avant qu'elle ne retombe à 5,2 % en 2022, niveau conforme à sa tendance à long terme. L'économie chinoise est ainsi la plus rapide parmi toutes les grandes économies à renouer avec son PIB tendanciel.

Aucun autre pays du G20 ne semble en mesure d'afficher une performance comparable, ceci a deux conséquences majeures :

- l'économie chinoise sort de la pandémie confortée en tant que moteur de la croissance mondiale et devrait passer du statut de pays en développement à celui de pays développé. Selon la Banque mondiale, entrent dans cette catégorie les États dont le PIB par habitant s'élevait, en 2019, à au moins 12 536 dollars, soit environ 10 250 euros. En 2019, ce ratio était de 10 262 dollars en Chine. Les experts estiment qu'elle dépassera dès 2022 ou 2023 le seuil qui sera alors retenu par les institutions internationales. L'administration Trump prônait ce changement de statut et la suppression des avantages douaniers qui s'y rattachent au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Lorsque la Chine a adhéré à l'OMC, en 2001, son PIB était environ sept fois inférieur à celui des Etats-Unis. Depuis, il a été multiplié par 10 alors que celui des États-Unis a doublé. Pour sa part, la Chine met en avant les disparités de développement entre ses régions -en diminution 62 ( * ) - et entre secteurs économiques ainsi que la relative faiblesse de sa classe moyenne pour conserver le statut de pays en développement 63 ( * ) . La question que posait l'ancien directeur général de l'OMC, Pascal Lamy, « de savoir si [la Chine] est encore un pays pauvre avec beaucoup de riches ou déjà un pays riche avec beaucoup de pauvres » semble bientôt ne plus devoir se poser,

- car, dans le même temps, l'économie américaine s'est contractée de plus de 3,5 % en 2020, puis a connu un fort rebond en 2021, soit une croissance de 7 %. Malgré cela, l'écart entre les deux principales puissances mondiales se réduit plus rapidement qu'anticipé. Le PIB de la Chine devrait rattraper celui des Etats-Unis dès 2028 ou 2029 64 ( * ) , bien plus tôt que ne le laissaient augurer les perspectives d'avant crise. La Chine deviendrait ainsi la première puissance économique mondiale beaucoup plus vite que prévu.

b) ...s'inscrit dans une ambition politique structurée avec 2050 pour horizon

L'émergence et l'avènement de ce statut de puissance internationale découle de ses résultats économiques, mais aussi, dans le cas de la Chine :

- d'une volonté politique claire affirmée par son Président Xi Jinping. Le discours sur le retour de la Chine sur la scène internationale à « sa juste place », après l'humiliation liée aux guerres de l'opium et aux traités inégaux qui en ont découlé 65 ( * ) , occupe une place importante dans la rhétorique du Président chinois 66 ( * ) et s'accompagne d'un discours sur le déclin de l'Occident qui laisserait ainsi place à une XXI e siècle chinois,

- d'un parti particulièrement puissant, le PCC, « parti-État » 67 ( * ) , pour mettre en oeuvre cette ambition et imposer les orientations définies pour sa réussite. « C'est peut-être cela qui distingue aujourd'hui la Chine, outre ses performances économiques, d'autres pays émergents : la détermination inébranlable du Parti communiste chinois à promouvoir le « grand renouveau de la nation chinoise » » 68 ( * ) . En 2021, la Chine a célébré les 100 ans du Parti communiste chinois fort de 95 millions d'adhérents. À cette occasion, le Président chinois a déclaré : « Seul le socialisme a pu sauver la Chine. Seul le socialisme aux caractéristiques chinoises a pu développer la Chine »,

- et enfin d'une stratégie planifiée dans le temps long, visant à la doter du statut de première puissance mondiale d'ici 2050, année du centenaire de la création de la République populaire de Chine.

Cette stratégie est déclinée au sein de plans quinquennaux adoptés pour 5 ans et présente les caractéristiques suivantes :

- la définition d'objectifs, avec souvent en ligne de mire les États-Unis que la Chine ambitionne de dépasser en 2050. Pour cela, une approche de rattrapage asymétrique conduit à privilégier les secteurs d'avenir, où le jeu de la concurrence internationale est plus ouvert que dans les secteurs où la Chine accuse un certain retard (cette stratégie contraint d'ailleurs la Chine à fournir parfois, à mesure que ses relations se tendent avec les États-Unis, des efforts conséquents pour parvenir à rattraper son retard dans des secteurs devenus stratégiques tels que les semi-conducteurs, qui font l'objet d'un développement ultérieur),

- l'allocation d'un budget conséquent dédié aux priorités définies par le plan,

- enfin, la planification d'étapes et d'objectif de moyen et long termes avec les échéances de 2025, 2035 et 2050. Ainsi le plan « Made in China » visant la transition du « fabriqué » en Chine vers le « conçu » ou « innové » en Chine portait l'ambition de la réalisation de cet objectif en 2025. Le 13 e plan quinquennal (2016-2020) mettait l'accent sur l'accès généralisé à Internet, le secteur des services et les industries stratégiques. Selon la Banque mondiale, plus de la moitié de la croissance chinoise en 2021 proviendra bien des services. Le 14 e plan quinquennal revêt une importance particulière dans la mesure où il a été adopté le 12 mars à l'occasion de la réunion annuelle de l'Assemblée populaire nationale, organe législatif chinois, alors que les relations économiques et politiques entre la Chine et les États-Unis étaient désormais marquées par la politique de l' America First menée par l'administration Trump et par les répercussions de la pandémie mondiale.

Ces deux inflexions majeures se reflètent dans le 14 e plan qui s'inscrit également dans la continuité des réformes structurelles déjà engagées lors des plans quinquennaux précédents. Il poursuit ainsi le rééquilibrage de la croissance chinoise vers la consommation privée nationale et à la montée en gamme technologique de l'économie chinoise. L'encadré suivant présente les principales caractéristiques de ce 14 e plan.

Le 14 è plan quinquennal chinois : adapté aux enjeux révélés par la pandémie et par des relations internationales plus concurrentielles

Pour mémoire, le 13 e plan fixait un objectif de croissance de +6,5 % par an en moyenne. Sans cible chiffrée de croissance du PIB, ce 14 e plan quinquennal mettrait ainsi la priorité sur qualité de la croissance (plutôt que sur le niveau d'accroissement du PIB) dans un contexte d'endettement accru de l'économie chinoise après la pandémie (en effet, les objectifs quantitatifs d'accroissement du PIB avaient pour effet induit l'incitation à l'endettement des pouvoirs locaux plus soucieux d'atteindre les cibles fixées que de maîtriser la dette publique). En 2020, l'endettement public a atteint 290 % du PIB. Pour la première fois également, ce plan quinquennal définit un objectif de taux de chômage sur l'ensemble de la période (inférieur à 5,5 % de la population active, ce qui est généralement considéré comme un taux de quasi plein emploi). Pour autant, l'absence d'objectif de croissance chiffré n'a pas rendu caduc l'objectif de doubler la taille du PIB (avec pour année de référence 2020) d'ici 2035. Il implique de fait une croissance moyenne de 4,5 % par an jusqu'en 2035 dans le but annoncé de surpasser la taille qu'aura atteint l'économie américaine à cette échéance.

L'un des axes essentiels de ce 14 e plan, et il faut sans doute y voir un effet de l'intensification de la rivalité sino-américaine, consiste à rendre prioritaire l'autosuffisance chinoise du point de vue économique, technologique et stratégique. Parmi les priorités du 14 e plan figurent ainsi : le renforcement des capacités stratégiques nationales et le contrôle des chaînes d'approvisionnement. Déjà présent dans le 13 e plan et la stratégie « Made in China 2025 », outre l'augmentation de la production de céréales et d'énergie, ces objectifs s'appuient sur la stratégie de « la double circulation » et la montée en gamme de l'économie chinoise.

Pour accroître la double circulation, il est prévu de favoriser la demande intérieure (qualifiée de « circulation interne ») et ainsi de limiter la dépendance de l'économie chinoise au dynamisme de la demande mondiale, tout en préservant un appareil exportateur performant (pour permettre la « circulation externe »). La part de la consommation privée (ou circulation interne) dans le PIB demeure inférieure à 40 % en 2019, malgré les efforts entrepris en sa faveur depuis 2013. Les politiques de soutien aux exportations lors de la pandémie ont conforté la part de la circulation externe. L'un des leviers d'action envisagé par les autorités chinoises pour améliorer la demande intérieure consiste à assouplir le système règlementant la circulation des travailleurs, le hukou. Ce permis de résidence conditionnant l'accès à un nombre important de droits et prestations sociales pour les travailleurs urbains serait supprimé pour les villes de moins de 3 millions d'habitants, et assoupli dans les villes de plus de 3 millions d'habitants. Les travailleurs non-résidents (venant des zones rurales essentiellement) verraient ainsi leur accès aux prestations sociales améliorées, ce qui augmenterait la part du revenu national allouée aux ménages.

Pour permettre la montée en gamme technologique et la substitution d'une production manufacturière nationale aux importations dans les domaines stratégiques, le 14 e plan quinquennal liste les secteurs technologiques innovants dont la part dans le PIB doit s'accroître à horizon 2025 (il s'agit notamment des semi-conducteurs, des véhicules autonomes, des circuits intégrés, des ordinateurs quantiques, du stockage de l'énergie, des énergies nouvelles en général, des domaines touchant aux neurosciences, aux biotechnologies, du domaine spatial ou encore de l'exploration de l'espace, des mers et des pôles etc.). Pour ce secteur, sont prévus, tout à la fois, des incitations fiscales, des subventions, un accès facilité au crédit à faible taux, voire des prises de participation directes. Il est assez surprenant dans ce contexte, que la cible de croissance des dépenses de recherche et développement ait été ramenée de 10 à 7 % entre le 13 e et le 14 e plan. Le niveau des dépenses de R&D de la Chine n'atteignait que 2,2 % du PIB en 2019 (contre 3,1 % pour les Etats-Unis). Un programme scientifique et technologique de 1 400 milliards de dollars destiné à assurer l'autonomie de la Chine dans les technologies avancées a été annoncé.

La couverture 5G du territoire chinois doit passer de 22 % à 56 % sur la durée du plan quinquennal. Le développement d'autres infrastructures est également prévu telle la construction de centres de données à grande échelle, de 30 aéroports, et de nouveaux réseaux ferrés. En août 2020, les chemins de fer nationaux chinois ont annoncé vouloir relier, d'ici à 2035, toutes les villes de plus de 500 000 habitants au réseau à grande vitesse, ce qui implique de porter celui-ci de 36 000 à 70 000 kilomètres.

Les objectifs relatifs à l'environnement n'ont pas le même niveau de priorité. L'objectif de décarbonation de l'économie chinoise est renvoyé à 2060. Le pic d'émission des rejets de CO2 étant prévu pour 2030. L'ambition en matière de réduction de la consommation d'énergie et de CO2 par unité de PIB ne progresse pas par rapport au plan quinquennal précédent. En revanche, la part des énergies non-fossiles doit passer de 16 à 20 % à l'issue de la période de programmation. La capacité de production d'énergie nucléaire, seul type d'énergie à faire l'objet d'une cible spécifique à ce stade, doit par ailleurs passer de 52 GW à 70 GW, un accroissement notable, mais inférieur au doublement du plan précédent. La capacité de production de charbon plaçant les préoccupations d'indépendance stratégique énergétique devant les préoccupations de protection de l'environnement.

c) Les jalons de la progression de la puissance chinoise

Pour mémoire, en 2021, la Chine a fêté le centième anniversaire du PCC et a adopté le 14 e plan quinquennal. De 2022 à 2060, les ambitions structurées de la Chine connues à ce jour sont les suivantes :

- 2022 : les jeux Olympiques d'hiver auront lieu à Pékin. Le XX e congrès du PCC se tiendra avec comme enjeu essentiel le possible (depuis la révision de la Constitution en 2018 pour mettre fin à la limite de deux mandats de secrétaire général) et probable renouvellement du mandat de secrétaire général de Xi Jinping. La probabilité est d'autant plus forte que la pensée de Xi Jinping est désormais inscrite dans la Constitution et omniprésente dans les écoles comme dans les médias. Son étude est recommandée, et les citoyens chinois, notamment en charge de postes publics, doivent régulièrement prouver leur assiduité dans cette étude, au moyen d'une application téléphonique dédiée évaluant la bonne connaissance de la pensée du secrétaire général du PCC.

- 2025 : les objectifs du plan Made in China devront être atteints et avoir abouti à faire de la Chine une puissance innovante.

- 2027 : le centenaire de la création de l'Armée populaire de libération (APL) sera fêté en Chine.

- 20XX : à quelle échéance les autorités chinoises envisagent-elles que la « Réunification » avec Taïwan ait lieu ? Cet objectif a été annoncé à de multiples reprises, et sa réalisation présentée comme prioritaire et certaine, par XI Jinping. Il a promis, lors du 100 e anniversaire du PCC d'« écraser » toute tentative d'évolution vers une indépendance formelle de l'île. À ce jour, aucune date n'est associée à cette intention.

- 2035 : la première puissance mondiale devrait être la Chine, grâce au respect et au succès des mesures prises en vue du doublement de son PIB par rapport à 2020. Le revenu par habitant devrait être au niveau de celui des pays de l'OCDE. En incluant le PIB de Hongkong, en 2035, le PIB pourrait avoisiner celui des Etats-Unis et du Japon réunis. De nombreux analystes estiment que l'installation de la Chine au rang de première puissance mondiale arrivera plus tôt que prévu, sans doute avant 2030. Cette évolution de la Chine ne devrait toutefois pas se cantonner à son versant économique. En effet, les autorités chinoises rappellent à l'envi, qu'en 2035 devront également être posées les bases de la modernisation socialiste.

- 2049 : avant le centième anniversaire de la fondation de la RPC, la Chine devrait achever sa phase de transition-modernisation et devenir un État socialiste.

- 2050 : la République populaire de Chine fêtera le centième anniversaire de sa fondation.

- 2060 : la Chine ambitionne d'avoir décarboné son économie et d'atteindre le seuil de zéro émission nette de CO2.

Ces étapes annoncées et répétées par les plus hautes autorités chinoises sont de formidables leviers de mobilisation de tout l'appareil politique et économique chinois. Par comparaison, aucune des nations du Conseil de sécurité n'affiche ses ambitions et objectifs. N'étant pas en situation de rattrapage économique et bénéficiant d'un statut international reconnu, sans doute n'en éprouvent-elles pas le besoin. Ce faisant toutefois, elles se trouvent démunies face au « récit » chinois qui accompagne ces jalons, cette planification de l'affirmation de la puissance chinoise à venir.

Le projet européen, fragilisé par le Brexit, ne peut s'imposer face à ce qu'il est désormais convenu d'appeler le « narratif chinois ». Deux récits pourraient présenter quelques similitudes avec le récit chinois en termes d'ambition, de fixation de jalons temporels et de mobilisation des acteurs concernés :

- celui des Nations unies. Les objectifs mobilisateurs du Millénaire ont été adoptés avec pour horizon 2015. Ce plan approuvé par tous les pays du monde et par toutes les grandes institutions mondiales de développement a galvanisé des efforts internationaux sans précédent pour répondre aux besoins des plus pauvres dans le monde. Pour leur succéder, l'ONU a travaillé avec les gouvernements et la société civile pour élaborer un programme ambitieux pour l'après-2015 intitulé « Transformer notre monde : le programme de développement durable à l'horizon 2030 », articulé autour de 17 objectifs mondiaux pour le développement durable. Jusqu'en 2030, sur la base de ces nouveaux objectifs qui s'appliquent à tous, les pays sont incités à mobiliser les énergies pour mettre fin à toutes les formes de pauvreté, combattre les inégalités et s'attaquer aux changements climatiques, en veillant à ne laisser personne de côté. Dans des domaines essentiels tels que la santé, l'éducation et les infrastructures prioritaires, les pays en développement à faible revenu devraient consentir chaque année des dépenses supplémentaires, atteignant 500 milliards de dollars en 2030, soit environ 15 % de leur PIB combiné (en 2030). Dès lors, comment dégager des fonds en faveur des ODD ? « La responsabilité en incombe avant tout à chaque pays, qui devra renforcer sa gestion macroéconomique, accroître ses recettes fiscales et mettre en oeuvre des plans de dépenses plus efficaces . » 69 ( * ) . L'ambition est vaste mais les fonds manquent et les acteurs de cette ambition doivent les obtenir par leurs efforts.

- celui de défense du climat, de la biodiversité et plus largement de l'environnement qui mobilise largement la jeunesse, la société civile, les institutions internationales et les États. Les rapports du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), créé en 1988 par l'Organisation Météorologique Mondiale (OMM) et le Programme pour l'Environnement des Nations unies (PNUE), aident à définir les ambitions et la temporalité de l'action. Les moyens financiers, voire technologiques, sont là aussi de la responsabilité des États, qui définissent eux-mêmes la déclinaison des objectifs définis tels que la réduction des émissions de CO2, les moyens consacrés à la préservation de la biodiversité, etc. La participation des États-Unis au sommet sur le climat en avril 2021 a marqué le « retour » de l'Amérique dans la lutte contre le réchauffement (alors que l'administration Trump avait dénoncé l'accord de Paris). L'annonce de l'ambition de l'économie américaine d'atteindre la neutralité carbone d'ici 2050 grâce à un nouvel objectif américain doublant la réduction de ses émissions polluantes a redonné un certain élan à ce récit.

Pour sa part, la Chine participe à la réalisation des 17 objectifs mondiaux pour le développement durable et à la lutte en faveur de la préservation de l'environnement en les incluant dans son propre récit national.

d) Des limites intrinsèques aux ambitions chinoises ?

La stratégie de puissance chinoise et les ambitions affichées se heurtent toutefois à certaines limites intrinsèques. La Chine doit composer avec ses facteurs de fragilité que sont l'évolution de sa démographie, le niveau de son endettement public, sa difficulté à réduire les inégalités, les attentes du peuple chinois en termes d'amélioration de la qualité grâce à la lutte contre la pollution, enfin la dégradation de l'image de la Chine, après la pandémie, ne peut pas être ignorée.

Les tendances démographiques et leur effet sur l'accroissement tendanciel de l'endettement public chinois pèsent sur les ambitions de Pékin en termes de croissance. « À première vue, les ambitions de la Chine en matière de produit intérieur brut d'ici 2035 n'ont rien d'extraordinaire. Son économie a connu une croissance de 6,7 % par an en moyenne depuis 2015, et la Chine déclare qu'elle nécessitera une croissance moyenne de 4,7 % au cours de la présente décennie afin de doubler son PIB. Mais ainsi que l'a récemment écrit Michael Pettis, professeur de finance auprès de l'Université de Pékin, c'est un énorme défi que le pays se lance en raison du vieillissement de la population active chinoise et d'une croissance historique étroitement tributaire de l'augmentation de la dette.

Les Nations unies prévoient que la population chinoise diminuera de quelque 7 % d'ici 2035. La poursuite d'une telle surperformance nécessitera un boom massif de l'industrie et des exportations alimenté par l'investissement. Ce qui générera une augmentation de l'endettement. Alors que le PIB a doublé durant la dernière décennie, le ratio dette/PIB du pays est passé de 34 % en 2010 à plus de 63 % au troisième trimestre de 2019, selon les données de l'Institut de la finance internationale. Si l'on y ajoute la dette privée des ménages et des entreprises non financières, ce ratio passe de 178 % à 289 % pour la même période » 70 ( * )

Pour faire face à ces fragilités 71 ( * ) , le gouvernement chinois a décidé d'encourager la natalité en assouplissant en 2016 sa politique de limitation des naissances dite de l'enfant unique. Il est désormais possible d'avoir deux enfants sans encourir de sanctions. La mesure n'a pas eu l'effet escompté, sans doute en partie à cause du coût de la vie en augmentation, de l'absence de système d'allocations familiales, et du niveau d'éducation des populations. Le vieillissement de la population et la diminution de la population active rendraient nécessaire une réforme des retraites, et selon les analystes un relèvement progressif de l'âge légal permettant de faire valoir ses droits la retraite. Le 14 e plan ne comprend pas d'annonce en la matière. En revanche, les autorités ont de nouveau assoupli, en juin 2021, la politique de natalité pour autoriser les familles à avoir un troisième enfant. Il s'agissait de réagir aux effets de la pandémie sur la natalité : de 2019 à 2020, le nombre de naissances en Chine a baissé de 2,6 millions (pour un nombre de naissances de 14,65 millions de bébés en 2019), soit une réduction de 17,8 % de la natalité. À défaut d'accompagnement financier, les dernières mesures d'assouplissement de la politique du contrôle des naissances pourraient ne pas avoir beaucoup d'effet.

Le gouvernement doit composer avec les attentes du peuple chinois qui reste insatisfait au moins dans deux domaines : celui de la réduction des inégalités, notamment territoriales, et celui de la protection de l'environnement et de la réduction des niveaux de pollution records atteints dans les villes chinoises. Cet enjeu a également une portée internationale, en effet, Pékin accueille en 2022 les Jeux Olympiques d'hiver. Or, les niveaux de pollution dans la capitale chinoise restent quatre fois supérieurs aux niveaux recommandés par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Malgré de réels progrès en termes de diminution des particules fines et très fines et des missions de dioxyde de soufre, la qualité de l'air reste menacée, notamment par l'augmentation des niveaux d'ozone (soit une progression de 11 % entre 2015 et 2019).

Par ailleurs, les analystes estiment que les mesures prévues en termes de redistribution des revenus et des richesses restent insuffisantes. L'absence de réforme de la fiscalité, de refonte de la protection sociale et de fiscalité sur les successions ne permettent pas aux objectifs de réduction des inégalités de progresser. Un changement s'est amorcé au mois d'août 2021 : le concept de « prospérité commune » (gongtong fuyu) est mis en avant par les autorités chinoises en vue d'un « ajustement des revenus excessifs ». Les plus fortunés et les entreprises, ceux qui avaient été autorisés à « être riches avant les autres » sous Deng Xiaoping, sont ainsi invités à « rendre davantage à la société » et à redistribuer les richesses. Les enquêtes pour corruption, les amendes, les lois anti-monopole, l'encadrement de l'utilisation des algorithmes, la réduction du temps de jeux en ligne pour les mineurs se multiplient. En réponse, les géants chinois de la tech et leurs riches fondateurs créent des fonds dotés de dizaines de milliards de yuans, donations assimilées à une « troisième redistribution ». Ainsi, Tencent, société spécialisée dans les services internet et mobiles ainsi que la publicité en ligne, a ainsi promis 6,53 milliards d'euros pour alimenter un « programme de prospérité commune », Pinduoduo , plateforme d' e-commerce , a annoncé dédier 1,27 milliard d'euros à la modernisation de l'agriculture et à la revitalisation des zones rurales.

La lutte contre les disparités régionales qui doit aboutir à revitaliser les campagnes s'appuie sur la réforme du système d'enregistrement des ménages, le hukou 72 ( * ) . Mais les précédentes tentatives de réformes en la matière se sont heurtées à des coûts élevés et à une forte résistance.

Enfin, la pandémie de coronavirus et la façon dont Pékin y a répondu et a géré la crise internationale qui s'en est suivie, a largement écorné l'image de la Chine dans l'opinion internationale et auprès des populations. La politique chinoise visant à imposer une normativité compatible avec les caractéristiques chinoises et, en creux, les objectifs du PCC soulevaient déjà de nombreuses interrogations. Le caractère de plus en plus assertif de la communication et de la stratégie chinoise ont transformé ses interrogations en inquiétudes, voire en méfiance ou rejet.

2. La normativité chinoise : imposer des normes compatibles avec « les caractéristiques chinoises »

L'attention est souvent attirée par l'augmentation 73 ( * ) du budget de la défense chinois 74 ( * ) , mais la croissance du budget dédié à sa politique étrangère par Pékin est plus rapide. En 2018, ce budget a progressé de 15 %, permettant un doublement depuis 2012, pour atteindre 60 milliards de yuans (soit 7,8 milliards d'euros). Cet effort financier vise à mettre en place « une diplomatie de grande puissance » ( daguo waijiao ) afin de favoriser la réalisation des objectifs chinois et l'émergence d'un ordre mondial aux caractéristiques chinoises, comme l'avaient déjà indiqué vos rapporteurs en 2018. Les efforts des pouvoirs chinois pour redéfinir l'ordre mondial dans un sens qui leur soit plus favorable se sont approfondis.

a) La progression de la Chine au sein des organisations internationales au service de ses conceptions et normes

La posture défendue par Deng Xiaoping consistait à ne pas mettre la Chine en avant sur la scène internationale, ce qui correspondait à son double statut de puissance politique potentielle mais d'économie en développement. Au fur et à mesure que son poids économique s'est accru, notamment après que son économie ait mieux résisté à la crise économique de 2008, la Chine a élargi son influence au sein de l'ONU.

En janvier 2017, le président chinois a ainsi exprimé, lors d'un discours aux Nations unies, la volonté de la Chine d'être plus active au sein de l'ONU, ce qui coïncidait avec son passage du 9 e au 2 e rang du classement des contributeurs au budget régulier de l'ONU et au budget des opérations de maintien de la paix entre 2009 et 2017. La Chine a également pris la tête de 4 des 15 organisations onusiennes : la direction générale de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a été confiée à Qu Dongyu, celle de l'Union internationale des télécommunications à Houlin Zhao, celle de l'Organisation de l'aviation civile internationale à Fang Liu, et celle de l'Organisation des Nations unies pour le développement industriel à Li Yong. En revanche, le candidat chinois n'a pas obtenu la direction générale de l'UNESCO.

La posture de la Chine sur nombre de questions internationales, a oscillé, selon les cas, « entre préservation du statu quo, réformisme à la marge et révisionnisme radical » 75 ( * ) . Depuis quelques années, l'investissement de la Chine dans les institutions internationales correspond de moins en moins à une adhésion sans condition, Xi Jinping réclamant un « multilatéralisme à la chinoise », « l'égalité souveraine » entre États et la « non-interférence » dans les affaires intérieures d'un État. Se dessine ainsi la volonté assumée de mettre en oeuvre une normativité favorable aux stratégies chinoises.

Dans leur rapport sur la politique chinoise des nouvelles routes de la soie, vos rapporteurs avaient déjà souligné la politique active de promotion de sa stratégie par la Chine, en montrant notamment comment Pékin avait fait insérer dans la résolution 2344 du 17 mars sur l'Afghanistan 76 ( * ) des éléments de reconnaissance et de prise en compte de sa politique. Les citations concernaient notamment la « ceinture économique de la Route de la soie et route de la soie maritime du XXI e siècle », l'« avenir commun » de l'humanité, etc., comme le rappelle l'encadré suivant.

Extrait du rapport d'information intitulé « Pour la France, les nouvelles routes de la soie : simple label économique ou nouvel ordre mondial ? »

Dans ses considérants initiaux, cette résolution [sur l'Afghanistan, précitée] souligne « également qu'il est essentiel, afin de bâtir pour l'humanité un avenir commun, de favoriser la coopération régionale dans un esprit de coopération profitable à tous, vecteur efficace pour promouvoir la sécurité, la stabilité et le développement économique et social en Afghanistan et dans la région ».Cette rédaction est issue d'une action chinoise qui visait à ce que le concept chinois de« communauté de destin pour l'humanité » soit intégré dans une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU. Selon l'ambassadeur de Chine auprès des Nations unies, Liu Jieyi 77 ( * ) , cela reflète la « reconnaissance mondiale des grandes contributions faites par la Chine à la gouvernance de la planète ».

La présentation de cette rédaction lors de la conférence de presse du 20 mars 2017 tenue par la porte-parole du Ministère des Affaires étrangères, Hua Chunying, montre toute l'importance que la Chine accorde à la reconnaissance internationale de sa politique : « La résolution exhorte les différentes parties à faire progresser davantage la construction des nouvelles routes de la soie terrestre et maritime et pose des exigences concrètes telles que le renforcement des dispositifs de sécurité. Il s'agit du développement dans la continuité des idées exprimées dans les précédentes résolutions de l'ONU et du Conseil de Sécurité au sujet de l'initiative « Ceinture et Route ». Nous entendons travailler de concert avec les autres États membres des Nations unies, agir à la lumière des résolutions du Conseil, prendre une part active à la construction de la « Ceinture et Route » et la promouvoir énergiquement, en vue de bâtir pour l'humanité un bel avenir commun qui soit ouvert, inclusif, propre et basé sur la paix durable, la sécurité partagée et la prospérité universelle » 78 ( * )

Le succès chinois est réel en la matière, les plus hautes autorités de l'ONU font référence aux nouvelles routes de la soie. Ainsi, le Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, lors d'un forum organisé en novembre 2017 en Nouvelle-Zélande a noté « de claires synergies » entre la BRI et l'Agenda 2030 de l'ONU pour le développement durable. De même, les routes de la soie ont été abondamment citées lors d'une discussion ayant abouti à l'adoption d'une déclaration présidentielle 79 ( * ) , le 19 janvier 2018, par laquelle le Conseil de sécurité 80 ( * ) encourageait la coopération régionale en Asie centrale et en Afghanistan. Le Secrétaire général de l'ONU a déclaré à cette occasion « bien que la route de la soie soit l'une des voies commerciales les plus empruntées au monde depuis des siècles, les échanges entre pays d'Asie centrale ont décliné depuis leur accession à l'indépendance il y a près de 30 ans. Les possibilités de commerce intrarégional sont importantes, et même des améliorations modestes peuvent entraîner des gains substantiels pour tous les habitants de la région » 81 ( * ) . Le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) a signé un mémorandum avec la commission nationale du développement et de la réforme chinoise. Le PNUD a publié un rapport sur les nouvelles routes de la soie et décline son plan d'action en la matière qui consiste essentiellement à aider la Chine à améliorer son projet des nouvelles routes de la soie par des recherches conjointes sur les besoins des pays concernés et des études sur des projets spécifiques afin de les améliorer.

La Chine oeuvre également pour changer les règles et normes ou les redéfinir en fonction de ses objectifs et conceptions. Cela se traduit notamment dans le cadre des comités en charge des droits humains et des libertés au sein des Nations unies, où Pékin cherche à développer une conception des droits humains conformes « aux caractéristiques chinoises », sensiblement différente des droits individuels et libertés publiques aujourd'hui défendus par les différents textes internationaux. La Chine agit également pour remodeler les normes relatives à l'examen par l'ONU du bilan des pays en matière de droits.

Par exemple, le Conseil des droits de l'homme a adopté une résolution proposée par la Chine sur la « coopération mutuellement bénéfique », qui, selon les analystes, amène à substituer aux procédures spéciales du Conseil de sécurité des Nations unies permettant de faire le point sur la situation des droits humains dans tel ou tel pays un dialogue dit constructif impliquant l'État fautif. Selon un rapport 2020 82 ( * ) du Brookings Institute, cette résolution, adoptée par 23 voix contre 16, « cherche à repositionner le droit international des droits de l'homme comme une question de relations d'État à État [...] et ne prévoit aucun rôle significatif pour la société civile ». La relative réserve du Haut-commissariat des droits de l'homme sur la situation des Ouïghours et des Hongkongais irrite les défenseurs des droits de l'homme. Les déclarations prudentes faisant état de la préoccupation de ses services sur ces thèmes et demandant un accès direct ont déclenché une réponse vive de la Chine. Liu Yuyin, le porte-parole de la mission chinoise à Genève, a dénoncé dans un courriel envoyé aux médias les « propos erronés » de Mme Bachelet sur Hongkong et le Xinjiang estimant qu'ils constituaient « une ingérence dans les affaires intérieures de la Chine » . Le diplomate a invité « la haut-commissaire à se rendre en Chine, y compris au Xinjiang » en étouffant par avance toute velléité d'enquête indépendante : « Nous avons exprimé très clairement notre position à plusieurs reprises : cette visite doit être amicale et viser à promouvoir les échanges et la coopération, plutôt que d'être une `enquête' fondée sur le principe de la présomption de culpabilité ».

b) La promotion à marche forcée de normes chinoises dans les secteurs alimentaire et numérique

Certains analystes estiment que l'intérêt de la Chine 83 ( * ) pour le poste de directeur général de la FAO, qui lui a échu en juin 2019, pouvait être au moins en partie motivé par la possibilité de peser sur les travaux du Codex Alimentarius. Ce programme commun de la FAO et de l'OMS consiste en un recueil de normes, codes d'usages, directives et autres recommandations relatifs à la production et à la transformation agroalimentaires qui ont pour objet la sécurité sanitaire des aliments, la protection des consommateurs et des travailleurs des filières alimentaires, et la préservation de l'environnement. La Commission du Codex gère les normes et les lignes directrices applicables au commerce international des produits alimentaires et élabore les documents facilitant et guidant le travail des gouvernements en matière de législation et de réglementation. La Chine pourrait ainsi orienter des pratiques, des mesures et des modes de production redéfinissant la qualité des produits alimentaires et les relations économiques.

Dans le domaine du commerce numérique, la Chine agit et impose ses normes :

- dans le domaine du paiement hors système bancaire. Elle a permis à ses fabricants d'appareils téléphoniques ( Huawei ou Xiaomi ) en collaboration avec ses plateformes de commerce en ligne ( Alibaba ou JD.com ) de développer des solutions de paiement en ligne, en un seul clic depuis des smartphones et des réseaux sociaux chinois. Doté de plus d'un milliard d'utilisateurs chacun, Alipay (du conglomérat Alibaba ) 84 ( * ) et Wechatpay (du conglomérat Tencent ) permettent également des transactions qui ne passent pas par le système bancaire en Chine et hors de Chine, notamment pour les touristes chinois à l'étranger. Ces normes chinoises s'imposent donc de fait progressivement au reste du monde,

- dans le domaine du commerce des céréales désormais sous blockchain. La Chine a créé Covantis, une plateforme qui vise à standardiser, digitaliser et moderniser les opérations de commerce international de produits agricoles et alimentaires Les céréaliers réunis sur cette plateforme ont confié à ConsenSys le développement d'une plateforme blockchain Ethereum privée pour gérer leurs échanges à l'international. La Chine dans les ports dont elle a le contrôle a édicté des normes pour que les interfaces portuaires fonctionnent de façon intégrée avec ConsenSys,

- dans le domaine de la livraison sans contact des produits alimentaires. La Chine promeut de nouvelles normes en la matière au sein de de l'Organisation internationale de la normalisation (ISO), en adéquation avec les nouveaux besoins induits par la crise sanitaire mondiale,

- dans le domaine du contrôle social numérique. La Chine a développé la reconnaissance faciale qui permet d'identifier un individu en le filmant avec une caméra, équipée d'un dispositif d'intelligence artificielle qui repère les traits d'un visage, lui associe un nom et ses télécommunications 85 ( * ) . En 2019, 20 millions de caméras étaient en service sur l'ensemble du territoire chinois. La pandémie a accéléré ce mouvement puisque le système de reconnaissance faciale a été utilisé pour lutter contre le virus. Les données recueillies sont associées à un code QR unique, pour surveiller de façon automatique les déplacements d'une personne. Si l'intérêt que ce système présente en période de grave crise sanitaire est réel, les dangers qu'il porte pour les libertés individuelles sont évidents, et les Ouïghours comme les habitants de Hong-Kong l'expérimentent à leurs dépens. Sur la base de cette reconnaissance faciale, la Chine a mis en place un système de crédit social mesurant, grâce à la reconnaissance numérique, les comportements de chaque citoyen chinois, mais aussi, potentiellement de chaque personne captée par les caméras associées. Ce crédit social donne ou interdit l'accès aux transports publics selon la note attribuée, fait sonner d'une certaine façon, immédiatement reconnaissable par tous, le smartphone du citoyen qui a trop érodé son capital social, etc. Si la compilation en temps réel de toutes les données nécessaires pour déterminer le capital social paraît aujourd'hui complexe, elle constitue un objectif ambitieux en termes technologiques. À cela s'ajoute qu'en 2019, 63 pays étaient déjà équipés en totalité ou partiellement avec la technologie chinoise de reconnaissance faciale et, pour certains d'entre eux, laissaient un accès aux bases de données de visage à la Chine. Elle dispose ainsi qu'une base de données unique lui permettant de conforter l'avance de ses technologies en la matière. Cette avance technologique lui permet d'édicter ses normes,

- et enfin dans le domaine de la monnaie numérique qui fait l'objet d'un développement ultérieur.

c) La création de normes participe de la diplomatie économique chinoise

L'Union européenne et les États-Unis sont des puissances normatives. La Chine l'est déjà devenue dans certains domaines et semble vouloir accroître son influence normative. Ainsi en est-il en Afrique et en Amérique latine, continents qui font chacun l'objet d'une annexe au présent rapport présentant leur relation avec la Chine.

Ces deux continents fournissent à la Chine matières premières et produits agricoles et sont demandeurs d'investissements directs étrangers, favorisant notamment le développement de leurs infrastructures. Par le biais de ces financements, la Chine a fait progresser sa puissance normative sur ces continents, selon certains analystes : « [l'Afrique et l'Amérique latine] sont aussi des terrains d'expression de la puissance normative chinoise, à travers les dispositifs servant aux investissements directs étrangers et au développement d'infrastructures. Plusieurs organisations non gouvernementales chinoises, qui sont en réalité sous tutelle du pouvoir central à Pékin, se font les chantres de cette nouvelle normalisation. Pour le dire autrement, ne pas respecter le cahier des charges chinois expose les interlocuteurs africains ou sud-américains à une batterie d'incertitudes sur la pérennité de l'investissement » 86 ( * ) .

La Chine qui a créé sa propre agence de notation de la dette souveraine des États, Dagong Global Credit Rating 87 ( * ) , cherche aujourd'hui à positionner ses propres agences de notation pour évaluer les performances économiques d'un certain nombre de partenaires, États comme entreprises. Ceci lui permet d'appliquer des critères différents de ceux des autres agences de notation.

Il suffit de voir le succès et l'influence du classement universitaire des universités mondiales par l'université Jiao Tong de Shanghai, dit classement de Shanghai, pour prendre la mesure du levier que représente la capacité à produire des normes qui s'imposent à tous. Le classement de Shanghai a eu un réel impact en France sur les politiques publiques françaises. Dans la mesure où le classement d'un établissement apparaissait fortement lié à sa taille, l'argument de la remontée dans le classement a parfois été invoqué en appui des stratégies de regroupement ou de fusion de nombreuses institutions universitaires françaises dans les années 2010.

Le droit et les règles américaines ont orchestré les relations géoéconomiques sur la scène internationale depuis la fin de la seconde guerre mondiale. L'Union européenne a su produire ses propres normes économiques, sociales et environnementales, sur le plus grand marché mondial qu'est son territoire, portant son influence au-delà de ses frontières tant l'accès à ce marché est un levier d'influence important. La Chine développe désormais de nouvelles formes de normalisation des affaires mondiales, qui sont conformes à ses intérêts et à ses objectifs.

3. Une assertivité renforcée de la politique chinoise
a) La mise en oeuvre d'un arsenal juridique chinois mieux adapté à l'extraterritorialité de ses normes

Il est nécessaire de prêter la plus grande attention à ces nouvelles normes chinoises pour trois raisons :

- la Chine a renforcé la solidité de son arsenal juridique ayant une portée extraterritoriale. La loi chinoise entrée en vigueur le 1 er décembre 2020 régit l'exportation de biens à double usage 88 ( * ) . Il en ressort que la Chine peut bloquer pour 2 ans un bien qui ne figure pas sur la liste des biens à double usage, non pas pour satisfaire les intérêts de défense chinois, mais très largement les intérêts chinois. Ainsi un intrant fabriqué en Chine pourrait être interdit d'exportation du jour au lendemain, bloquant la chaîne de production,

- elle s'est dotée en janvier 2021, en réponse aux restrictions américaines bloquant l'accès des entreprises chinoises placées sur liste noire à des composants américains essentiels et au décret publié en novembre 2020 interdisant aux Américains d'investir dans des entreprises chinoises soupçonnées de fournir ou de soutenir l'armée chinoise, de nouvelles règles visant à contrer « l'application extraterritoriale injustifiée de la législation et des mesures étrangères ». Les autorités chinoises pourront ainsi prendre sur cette base des ordonnances stipulant que les entreprises ne doivent pas se conformer à certaines restrictions étrangères. Ceci pourrait placer les groupes opérant mondialement dans une situation compliquée. Sans doute faut-il s'attendre à ce qu'à moyen terme la Chine prévoie de sanctionner, à l'instar des États-Unis, les entreprises non chinoises qui ne se conformeraient pas aux normes chinoises,

- les nouvelles normes édictées par la Chine se déploient dans les secteurs économiques stratégiques, d'avenir et en plein essor, et dans lesquels elle entend être leader, lorsqu'elle ne l'est pas déjà. Celui qui édicte les normes dans un secteur où il est leader conforte sa position dominante.

Recommandation : Il apparaît donc nécessaire à vos rapporteurs de :

- prêter une attention soutenue aux politiques de normalisation déployées par la Chine,

- d'accroître les moyens humains et financiers pour renforcer la présence de la France et de l'Union dans les instances internationales (y compris les plus techniques) de normalisation. Cette présence au bon niveau doit devenir une priorité de la politique nationale et communautaire.

b) Une diplomatie chinoise à l'offensive : la multiplication des lignes rouges

La pandémie de coronavirus est un accélérateur de politique interne et géopolitique. La Chine n'échappe pas à cette double constatation. Elle paraît aujourd'hui propulsée sur le devant de la scène internationale, tant par choix que du fait du repli des autres acteurs. Elle est aussi apparemment confrontée en interne aux effets secondaires, aux secousses dues à la pandémie.

Cette pandémie accentue la volonté de réaffirmation de la puissance chinoise qui s'enorgueillit d'avoir «  bien géré la crise ». Cette analyse ne fait pas l'unanimité. Accusée d'avoir tenté d'étouffer la crise et d'avoir laissé se propager le virus en influant sur l'OMS, d'une part, et sur l'organisation de l'aviation civile internationale (OACI), d'autre part, pour que la pandémie ne soit pas déclarée et que le trafic aérien avec la Chine ne soit pas interrompu, Pékin s'est depuis lancé dans une diplomatie du masque tellement agressive, qu'elle est parfois requalifiée de « diplomatie du loup guerrier », en référence au film Wolf Warrior 2, le plus grand succès du box-office chinois, sorti en 2017 89 ( * ) .

La volonté de proclamer la supériorité de la « gestion à la chinoise » de la crise sur la gestion par les démocraties occidentales ou asiatiques 90 ( * ) et de vanter l'aide sanitaire offerte par la Chine au reste du monde, en n'hésitant ni à confondre dons et ventes d'équipement médical, ni à passer sous silence les aides reçues par la Chine au tout début de l'épidémie, ont été le point de départ d'une bataille de narratifs :

- le directeur-adjoint et porte-parole du Bureau de l'information du ministère chinois des Affaires étrangères a remis en cause l'origine du virus, suggérant qu'il aurait été élaboré dans un laboratoire de l'armée américaine puis introduit en Chine,

- ce « narratif », qui est de l'ordre de la rumeur, a ensuite été relayé par le réseau diplomatique chinois à travers le monde. « À l'étranger, nombre d'ambassades et chefs de mission ont déployé une campagne de communication inédite, publiant des tribunes sur leur site internet et s'exprimant abondamment dans les médias du pays hôte, en Suède, en Allemagne, en Pologne, au Canada ; mais la France est sans doute le pays où l'attitude de la mission diplomatique a été la plus véhémente. Au printemps 2020, l'ambassade de Chine en France a publié cinq tribunes s'en prenant aux médias, experts et politiciens occidentaux, censés chercher à « calomnier » et « stigmatiser » la Chine. Parmi les propos les plus polémiques, l'ambassade affirmait que « les autorités taïwanaises, soutenues par plus de 80 parlementaires français dans une déclaration co-signée, ont même utilisé le mot `nègre' pour s'en prendre au Directeur général de l'OMS, le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus », ou encore que « les personnels soignants des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ont abandonné leurs postes du jour au lendemain, ont déserté collectivement, laissant mourir leurs pensionnaires de faim et de maladie ». Cette tribune du 12 avril (retirée depuis du site de l'ambassade) a valu à l'ambassadeur chinois convocation par le ministre français des Affaires étrangères » 91 ( * ) .

Force est de constater que la diplomatie chinoise est devenue assertive sur des thèmes de plus en plus nombreux, érigés en véritables lignes rouges par Pékin, et susceptibles de déclencher des réactions. Outre le Tibet, le Népal, et la frontière entre l'Inde et la Chine, lieu de récents affrontements 92 ( * ) , la diplomatie chinoise répond systématiquement à toute décision ou propos critique de manière immédiate et asymétrique, en particulier lorsque sont concernés :

- Hong Kong. L'adoption de la loi sur la sécurité nationale vidant de son sens le statut spécial de Hong Kong, « un pays deux systèmes », la répression des manifestations, la réduction de la liberté de la presse, la perte de 1,2 % de la population 93 ( * ) entre août 2020 et 2021 94 ( * ) suite à la fuite de 90 000 résidents sont autant de sujets qui déclenchent les mêmes réactions de dénégation outrées de la part des autorités chinoises,

- le Xinjiang et les pratiques injustifiables, abondamment documentées par les rapports académiques et la société civile 95 ( * ) , subies par les Ouïghours. Les condamnations se multiplient contre le traitement infligé à la minorité musulmane ouïghoure, et les appels au boycott international des marques utilisant dans leur chaîne de production du coton filé par le travail forcé ouïghour ont atteint leur but de sensibilisation des grandes marques de vêtements. La Chine réplique systématiquement lorsqu'une marque renonce au coton issu du Xinjiang : les médias chinois appellent au boycott de ses produits, les influenceurs chinois rompent les contrats qui les liaient à la marque concernée, ceci entraînant une chute importante des ventes. Le géant suédois H&M a expérimenté récemment ce type de réponse chinoise,

- Taïwan. La réaction chinoise à la volonté de la Lituanie de renforcer ses liens économiques avec Taïwan a déjà été évoquée. La France a également connu un épisode de tension forte, sur la question de Taïwan. En mars 2021, l'ambassadeur de Chine en France a insulté un chercheur français travaillant notamment sur Taïwan, Antoine Bondaz, un membre de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), et adressé une lettre à notre collègue Alain Richard, Président du Groupe d'échanges et d'études Sénat-Taïwan lui demandant de renoncer à l'organisation d'un voyage parlementaire sur l'île et le pressant d'éviter à l'avenir « tous contacts officiels avec les autorités taïwanaises » 96 ( * ) . La République tchèque a fait face au même genre de réaction qualifiée de menaçante par les analystes : « en janvier 2019, en amont de la visite du président du Sénat de la République tchèque à Taïwan, l'ambassade de Chine faisait parvenir un courrier au ton menaçant à la présidence de la République : ` Les entreprises tchèques qui ont des intérêts économiques en Chine devront payer pour la visite à Taïwan du président Kubera. ' La visite n'a finalement pas eu lieu du fait du décès de ce dernier, mais son successeur s'est rendu à Taïwan en août 2020. Le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, en visite en Europe, déclarait alors qu'il ` paierait un lourd tribut pour son action à courte vue et sa manipulation politique ' » 97 ( * ) .

La question est parfois posée de savoir si cette communication est le fait de quelques personnalités ou une expression systémique. La deuxième option paraît devoir s'imposer : le fait que « Zhao Lijian soit un pionnier de l'utilisation des réseaux sociaux dans la diplomatie chinoise, ainsi que le premier diplomate chinois sur Twitter, et qu'il ait été promu directeur-adjoint du Département de l'information du ministère des Affaires étrangères à l'été 2019, sont autant d'éléments indiquant que sa pratique des réseaux sociaux américains est approuvée, et encouragée, par les autorités centrales » 98 ( * ) .

Enfin, la diplomatie chinoise prend la forme d'une « diplomatie comptable » 99 ( * ) cherchant à marginaliser l'Occident dans les organisations multilatérales en constituant un groupe de pays « amis », susceptibles de soutenir ses positions. La Chine traite alors différemment les pays qu'elle estime hostiles et ceux qu'elle juge utiles à la constitution de ce cercle de pays amis. Elle utilise d'ailleurs régulièrement ces soutiens en communiquant sur le nombre de pays adhérant - de près ou de loin - à ses initiatives, qu'il s'agisse de sa politique des nouvelles routes de la soie (signature de mémorandum, participation à des fora ou formats dédiés), de la Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures (BAII). Ces pays-amis ont ainsi pu bénéficier de masques, puis de vaccins dans des conditions présentées comme très favorables, et très médiatisées par Pékin. La question a été posée de la conditionnalité de l'aide chinoise à la non-adhésion de Taïwan à l'OMS ? À l'absence de toute forme de soutien aux forces d'opposition de Hong Kong ? De même, la Chine cherchera-t-elle à tirer profit de sa position dominante dans la production des principes actifs nécessaires à la fabrication des médicaments (90 % du paracétamol mondial est produit en Chine), dans la production des masques, etc., pour obtenir des pays pétitionnaires des positions conformes à ses objectifs ?

c) Quel soft power chinois ? Les questions que pose le Front uni

Ruan shili est le mot en mandarin créé pour traduire l'expression « soft power ». Sur le terrain culturel par exemple, la Chine n'entend plus céder de terrain au leader américain. Le marché intérieur du cinéma chinois a désormais dépassé son homologue américain, avec plus de 60 000 salles, contre 40 300, et plus de mille films produits, contre 576. Ces films sont de fidèles reflets des priorités du PCC et mettent en scène un patriotisme triomphant.

Mais il ne s'agit pas tant de promouvoir une sorte de « Chinese way of life », mode de vie à la chinoise 100 ( * ) , que d'assurer le rayonnement international de la Chine, conformément aux objectifs du PCC et en usant des moyens définis par lui.

La présidence de Xi Jinping se caractérise par la sécurisation du régime politique, et l'accent mis sur la suprématie du PCC à partir du 19 e Congrès qui s'est tenu en 2017. L'Armée populaire de libération (APL), bras armé du PCC, est également largement confortée par des augmentations de budget conséquentes et régulières. Elle déploie « trois guerres » :

- la « guerre psychologique ». Elle affaiblit « la capacité d'un ennemi à mener des opérations de combat par l'intermédiaire d'opérations visant à dissuader, déstabiliser et démoraliser le personnel militaire ennemi et à soutenir les populations civiles » 101 ( * ) . Elle vise également à briser le lien de confiance entre gouvernants et gouvernés et à perturber le processus décisionnel du pays ennemi. Dans cette stratégie, l'étudiant, l'intellectuel, l'élu local ou national, le responsable des exportations d'un grand groupe, comme le simple membre d'une association culturelle, peuvent constituer, à leur insu, des cibles, des relais ou des courroies de transmission de certains des narratifs précités par exemple.

- la « guerre de l'opinion publique » sur tous types de médias, et on a vu l'utilisation que les diplomates chinois faisaient par exemple des réseaux sociaux. Il s'agit « d'influencer l'opinion publique nationale et internationale pour obtenir le soutien des actions militaires de la Chine et dissuader un adversaire de mener des actions contraires aux intérêts de la Chine » 102 ( * ) ,

- et la « guerre du droit ». Il s'agit « d'utiliser le droit international et national pour revendiquer une position de supériorité juridique ou faire valoir les intérêts chinois. (...). Elle a également pour but d'obtenir le soutien de la communauté internationale et de gérer les répercussions politiques possibles des actions militaires de la Chine » 103 ( * ) . Le plus récent exemple a consisté pour la Chine à adopter des lois ou règlementations lui permettant de répondre aux sanctions occidentales.

Pour mener à bien ces « guerres », l'APL a recours au « Front uni » ou « travail de front uni » 104 ( * ) , département du PCC, doté de douze bureaux, chargés d'autant de cibles. De nombreuses organisations se trouvent sous la responsabilité du système du Front uni, telles que le « Conseil chinois pour la promotion de la réunification nationale pacifique ». Toutes ces organisations possèdent des membres et des affiliations à l'étranger, qui ne semblent pas être sans lien avec les ambassades et consulats chinois selon les analystes 105 ( * ) .

Ce terme de « front uni » renvoie à une stratégie datant de la révolution communiste russe, puis chinoise, consistant à s'allier avec/ou rallier des ennemis de second rang pour lutter contre ceux de premier rang et utiliser des alliés provisoires - parfois des « idiots utiles » - pour remplir ses objectifs idéologiques. Rappelons que cette stratégie est loin de n'avoir été employée que par la Chine.

La plupart des activités initiées par le Front uni sont tout à fait légales et ceux qui participent à ces activités ne sont pas nécessairement au courant de leur cooptation. Le Front uni peut utiliser des associations très diverses et variées, qui se comptent par milliers, « de structures écran et d'individus affiliés à d'autres branches de l'État-parti - think tanks , médias. Mais il désigne aussi des actions menées par des milliers d'organisations, universités, associations d'amitié, journalistes chinois à l'étranger ou encore organisations religieuses officielles. N'importe quel département du PCC peut être amené à faire une action de front uni » 106 ( * ) . Le Front uni finance des opérations d'influence les plus diverses dans le reste du monde mais également en Europe.

À ce titre, son action au sein des instituts Confucius interroge. Alors que la France considérait ces instituts comme des instruments de soft power classique, comparables à ces écoles et alliances françaises, il est apparu que l'action chinoise ne se limitait pas au développement des échanges culturels et linguistiques en leur sein, mais déployait en fait les « trois guerres », en s'installant au coeur des universités, instituts technologiques ou tout autre organisme d'enseignement du pays hôte. Dès le début des années 2010, l'image des instituts commençait à se ternir : Michel Foucher notait ainsi 107 ( * ) « (...) les Instituts Han Ban ou Confucius sont aujourd'hui environ 350 dans une centaine de pays, avec plus de 300 classes du même nom et presque autant d'élèves apprenant le mandarin que dans les alliances, qui ont servi de modèle. Les pays cibles sont les Etats-Unis (70 instituts), le Canada, la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Thaïlande, la Corée du Sud et le Japon. Mais l'objectif de 1 000 établissements et de 100 millions d'apprenants en 2020 ne sera pas atteint en raison de la réserve croissante des pays hôtes face à cette influence présentée comme irénique.». En 2021, on compte environ 500 instituts, implantés dans 146 pays.

La réaction européenne est pourtant lente. En 2018, la France soutenait encore le développement des instituts Confucius sur son territoire 108 ( * ) . Pourtant les alarmes se multiplient :

- la liberté académique est inexistante dans ces instituts : le Tibet, le traitement des Ouïghours au Xinjiang ou la répression à Hong Kong sont autant de sujets tabous. La volonté de reprise en main de la liberté académique de l'institut Confucius de Lyon en 2013, suite à l'arrivée d'un nouveau directeur chinois remettant en cause les contenus pédagogiques et insistant pour intégrer plus étroitement l'institut au sein de l'Université Lyon 3, a conduit à sa fermeture,

- l'existence de contrats de travail manifestement contraires aux droits français et européen 109 ( * ) ,

- la fermeture, pendant la présidence Trump, de plus de la moitié des 110 instituts installés sur le sol américain, consécutive à la décision du Sénat américain d'interdire, au nom de la sécurité nationale, le financement des universités qui hébergeraient de tels établissements,

- l'interdiction de séjour prononcée en 2019 par la Belgique contre le directeur de l'institut Confucius installé sur le campus de l'Université libre de Bruxelles en langue néerlandaise (VUB) suite à des accusations étayées d'espionnage 110 ( * ) ,

- la suspension au printemps 2019 des 29 accords passés par les universités anglaises, avec les instituts Confucius dans l'attente d'un audit en profondeur diligenté à la demande du parti conservateur,

- l'alarme lancée en 2021 par la ministre allemande de l'Éducation en direction des universités allemandes pour qu'elles mettent fin à leur coopération avec les instituts Confucius 111 ( * ) .

En avril 2021, la Suède a fermé les portes du dernier institut Confucius sur son sol, succédant ainsi à la Norvège qui en avait fait de même en mars. L'institut Confucius installé en Belgique précité a été fermé. Une cinquantaine d'Instituts Confucius sont encore actifs à travers l'Union européenne, dont 18 en France.

Selon les informations communiquées à vos rapporteurs pendant leurs auditions, le Front uni organise également des campagnes de désinformation ou de collecte d'informations sur le territoire européen. La China Global Television Network ( CGTN ), empire chinois médiatique multilingue, diffuse dans 140 pays avec pour missions de donner un point de vue chinois sur l'actualité et d'influencer les débats publics nationaux en Europe 112 ( * ) . En février 2019, le régulateur britannique des médias, l' Office of communications ( Ofcom ) a révoqué la licence de CGTN, au motif de son absence d'indépendance, et l'a sanctionnée pour avoir diffusé la confession forcée de l'ancien journaliste Peter Humphrey. La chaîne est diffusée par satellite et la loi française ne prévoit pas d'autorisation préalable des chaînes satellitaires étrangères, l'interdiction de diffusion de CGTN n'était donc pas possible, comme l'indique la décision du CSA. Cette situation illustre l'absence de moyens déployés pour s'opposer à la propagande agressive de Pékin. Selon Reporters sans frontières, l''asymétrie entre des pays démocratiques ouverts, à information libre, et des pays fermés, à information contrôlée, exportateurs de propagande, affaiblit la fiabilité de l'information. Il est donc urgent d'y remédier.

Enfin, une augmentation préoccupante des cyberattaques contre les institutions européennes qui franchiraient les lignes rouges chinoises, a été constatée. En mai 2021, une attaque par déni de service visant des plateformes officielles belges, et bloquant une partie des outils numériques du pays, a abouti à l'annulation des visioconférences prévues par le Parlement fédéral sur le sort des Ouïghours en Chine. Cette attaque a été perpétrée alors que le Parlement belge avait notamment mis en place une commission dans l'éventualité de la reconnaissance du « crime de génocide perpétré par le gouvernement de la République populaire de Chine contre les Ouïghours ».

Recommandation : Il apparaît donc nécessaire à vos rapporteurs :

- de renforcer les services de l'État et de l'Union européenne, tels que le SEAE (en les dotant des compétences techniques et linguistiques adéquates), afin qu'ils puissent mieux suivre toutes les actions diffuses menées par le Front uni, identifier ses modes d'actions sur le territoire européen, déceler les campagnes d'influence et de désinformation qu'il orchestre, etc.,

- de prêter la plus grande attention aux recommandations des services, au niveau de l'État, des collectivités territoriales, de toutes institutions publiques, telles que les universités, notamment,

- de développer une stratégie de dissuasion structurée permettant de répondre aux ingérences constatées, assortie de sanctions sévères,

- d'imposer aux médias diffusant depuis l'étranger les obligations qui s'imposent aux médias nationaux.

4. La déclinaison de cette politique chinoise assertive en Australie et à Taïwan doit-elle être un avertissement pour l'Europe ?
a) Taïwan, laboratoire de l'action du Front uni pour influer sur des résultats électoraux en Asie

La Chine considère Taïwan comme une partie de son territoire, elle dénonce chaque visite ou projet de visite de responsables occidentaux sur l'île. Enfin, elle menace de recourir à la force en cas de proclamation formelle d'indépendance par Taipei et s'y prépare 113 ( * ) .

La campagne pour les élections régionales de 2018, puis pour les élections générales de 2020 à Taïwan ont été l'occasion pour Pékin de déployer un éventail très large d'actions visant à empêcher la candidate du Parti démocrate progressiste 114 ( * ) :

- une opération de désinformation chinoise laissant entendre que Taïwan n'aurait pas cherché à aider les passagers taïwanais bloqués à l'aéroport du Kansai après le typhon Jebi en 2018, la Chine étant présentée comme palliant cette grave carence. Cette fausse information pourrait avoir été la cause du suicide du représentant de Taïwan à Osaka au Japon,

- la diversification de Voice of the Strait , l'organe chinois de propagande radiophonique à l'attention de Taïwan, pour toucher les locuteurs de dialectes minnan et hakka,

- le rachat en 2008 de médias taïwanais, notamment le groupe China Times, regroupant trois quotidiens, trois magazines, trois chaînes de télévision et huit sites d'information en ligne. Le nouveau groupe s'est illustré « par une orientation éditoriale ouvertement prochinoise, relayant un nombre croissant de contenus « publirédactionnels » payés par le gouvernement chinois, des dépêches de l'agence Xinhua, et achetant de la publicité dans d'autres médias pour le compte d'entités chinoises. Plusieurs responsables éditoriaux vont par la suite reconnaître avoir reçu des instructions directement du bureau des affaires taïwanaises chinois »,

- la China Huayi Brodcasting Corporation agissant dans le cadre du Front uni a multiplié les événements culturels ou académiques en Chine, afin de favoriser l'adhésion aux visions chinoises des Taïwanais sensibles à la coopération entre les deux rives,

- la cooption d'une partie des entrepreneurs taïwanais qui se voit ouvrir, voire offrir, le marché chinois et deviennent ainsi plus enclins à ne pas s'opposer, voire à soutenir les objectifs chinois de réunification,

- la vague spectaculaire de popularité sur divers réseaux sociaux, dont a bénéficié un candidat du KMT à Kaoshiung, serait l'oeuvre d'une manipulation d'un cybergroupe professionnel chinois ayant usé pour cela de faux profils sur le réseau LinkedIn notamment. Ce candidat inconnu avant les élections a remporté la ville de Kaoshsiung, a gagné les primaires du KMT dont il a été le candidat aux élections de 2020,

- le soutien du candidat du parti nationaliste chinois du Kuomintang (KMT) pour la ville de Kaoshiung par un youtubeur taïwanais était une manipulation, puisque ce prétendu influenceur taïwanais se révéla être en fait un journaliste chinois de la Radio nationale chinoise,

- 66 cas de tentatives de financement de candidats aux élections ont été identifiés.

Taïwan et Hong Kong sont présentés par l'Irsem comme un terrain d'entraînement et de test de méthodes qui pourraient s'étendre à la planète entière. L'Australie subit depuis quelques années déjà une politique chinoise extrêmement agressive.

b) L'Australie, laboratoire de la Chine pour les démocraties occidentales ?

La relation de l'Australie avec la Chine est relativement complexe dans la mesure où leur relation économique est cruciale pour la croissance australienne, alors que, dans le même temps, la montée en puissance de la Chine, sa militarisation et ses actions en Mer de Chine méridionale constituent autant de facteurs d'inquiétude pour tous les voisins de la Chine y compris l'Australie.

Un « partenariat stratégique » signé en avril 2013 pour dix ans prévoyait une rencontre annuelle entre Premiers ministres chinois et australien et un dialogue ministériel sur les questions économiques, de politique étrangère et de défense. La même année, les deux pays ont signé un accord de convertibilité directe entre le dollar australien et le yuan. Le dollar australien était alors devenu la troisième monnaie à bénéficier de ce régime après le dollar américain et le yen japonais, ce qui correspondait au fait qu'en 2014, les deux tiers de la croissance des exportations australiennes étaient dues au dynamisme de la croissance chinoise, premier client et premier fournisseur de l'Australie. La Chine avait absorbé 34 % des ventes australiennes en 2014 contre à peine 12 % en 2005. La Chine était également devenue le premier investisseur en Australie et l'augmentation du pouvoir d'achat en Chine promettait de nouveaux débouchés à l'agriculture australienne. L'Australie était alors le seul pays développé ayant un excédent commercial conséquent avec la Chine de 34 milliards de dollars américains en 2013 grâce à ses exportations de matières premières, notamment de minerai de fer.

La relation s'est tendue en plusieurs étapes successives. Au nom de « l'intérêt national du pays » ou « de la sécurité du pays », plusieurs investissements chinois ont été empêchés. Ce fut le cas en 2016 du rachat par un consortium chinois de la grande compagnie d'exploitations bovines S. Kidman and Co dans la région de l'Outback, et du rachat par deux consortiums, l'un mené par un groupe public chinois et l'autre par un groupe hongkongais, de la compagnie de distribution d'électricité détenue par l'État de Nouvelle-Galles du Sud,

Puis le livre blanc de politique étrangère australienne de 2017 relevait que l'Australie et la Chine ont « des intérêts valeurs, et systèmes politiques et légaux différents » et suggérait que la meilleure option pour l'Australie était « d'élargir et d'approfondir » son alliance avec les États-Unis. La même année, l'Australie a interdit les dons étrangers à des partis politiques australiens. Sur la période 2000-2015, 80 % de ces dons venaient de la Chine 115 ( * ) . En 2018, l'Australie s'est dotée, avant d'importantes élections partielles, d'une législation visant à réduire les ingérences étrangères. La nouvelle législation renforçait notamment les infractions liées à l'espionnage et introduisait de nouveaux délits pour réprimer les agissements ou menaces délibérées de la part d'acteurs étrangers dont l'intention était d'influencer les affaires politiques intérieures ou de leur nuire. Par ailleurs, la même année, Huawei s'est vu interdire l'accès à l'édification du réseau 5G australien. Signe de la crispation de la relation bilatérale, les investissements chinois en Australie ont chuté de 62 % en 2019, le nombre de transactions diminuant de 43 %.

Depuis juin 2020, le ministre des Finances peut, en dernier ressort, imposer des conditions ou annuler un projet d'investissement, même après le feu vert du Foreign Investment Review Board ( FIRB ), ce qui a été fait : le plan d'acquisition de l'entreprise australienne Lion Dairy par le géant chinois des produits laitiers China Mengniu Dairy a ainsi été bloqué. Enfin, l'Australie a pris position en faveur de Hong Kong, critiquant le non-respect des engagements chinois. Elle fut le premier pays à demander une enquête de l'OMS sur les origines de la pandémie de covid-19, ce qui a provoqué de violentes déclarations chinoises, la propagation de fausses informations particulièrement choquantes 116 ( * ) et la publication par l'ambassade de Chine à Canberra d'une série de 14 demandes, remettant notamment en cause la liberté de la presse et la liberté d'expression.

De très importantes mesures ont été prises par la Chine pour contraindre l'Australie à modifier sa position. En 2021, la Chine absorbe désormais 40 % des importations totales de l'Australie. L'impact sur la croissance australienne des droits de douane imposé par Pékin sur différents produits importés d'Australie 117 ( * ) , est donc particulièrement fort. Les exportations de charbon vers la Chine sont bloquées. Elle a demandé à ses industries et ports de ne plus s'approvisionner auprès des entreprises australiennes, depuis l'automne 2020, ce qui a contribué à faire chuter drastiquement le cours du charbon. Le minerai de fer pourrait connaître le même sort : depuis janvier 2021, la Chine a diminué de 12 % ses importations de fer australien 118 ( * ) , essentiellement en raison d'une chute de la production d'acier chinoise.

Enfin, le gouvernement chinois a annoncé son intention de réduire de façon drastique les flux de touristes chinois, qui représentaient, avant la pandémie de coronavirus, une ressource importante pour l'économie australienne.

Le gouvernement australien n'a pas été pris au dépourvu par cette offensive géoéconomique 119 ( * ) de la Chine, en témoigne le livre blanc des affaires étrangères de 2017, les acteurs économiques du pays ont continué de « considérer le marché chinois comme un eldorado capable d'absorber les exportations australiennes, au risque, en cas de retournement des relations politiques comme c'est le cas aujourd'hui d'en payer le prix » 120 ( * ) .

La difficulté réside pour l'Australie dans sa capacité à définir des mesures crédibles face à la Chine tant le face à face entre les deux pays est déséquilibré. Le Parlement australien a adopté une loi permettant au gouvernement d'annuler un accord commercial signé avec un pays qui ne respecterait pas ses engagements. Sur cette base, le gouvernement australien a décidé, en avril 2021, d'annuler deux contrats passés par l'État de Victoria avec Pékin dans le cadre des nouvelles routes de la Soie. Ces contrats, qui dataient de 2018 et 2019, donnaient la possibilité à la Chine d'investir dans l'État de Victoria, et aux entreprises de cet État de participer aux projets chinois à l'étranger. L'Australie devrait également plaider sa cause devant l'OMC, sans qu'il soit évident que la Chine accepte une éventuelle décision en sa défaveur, ni qu'elle se plie à son exécution.

Le coordinateur pour l'Indopacifique au conseil national de sécurité américain a annoncé que l'amélioration des relations commerciales entre les États-Unis et la Chine serait conditionnée à la levée des sanctions commerciales chinoises sur l'Australie 121 ( * ) . Le cas de l'Australie pourrait pousser d'autres pays à « se poser une série de questions longtemps négligées : comment dissuader la Chine de prendre de telles mesures ? Comment limiter l'impact potentiel de telles mesures ? Comment réagir de façon coordonnée face à ces mesures ? etc. ».


* 62 « La Chine, bulldozer de la croissance mondiale » , par Frédéric Lemaître, publié le 12 janvier 2021 sur le site du Monde à l'adresse suivante : https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/01/12/la-chine-bulldozer-de-la-croissance-mondiale_6065927_3234.html « Autoroutes, voies ferrées et tours d'habitations sont au coeur du désenclavement de l'ouest du pays et jouent un rôle majeur dans les programmes de lutte contre la grande pauvreté rurale. Avec succès. Depuis une dizaine d'années, les disparités entre les régions diminuent, constate la Banque mondiale dans son rapport sur la Chine, intitulé « From Recovery to Rebalancing » (« De la reprise au rééquilibrage ») et paru en décembre 2020 ».

* 63 En mai 2020, le premier ministre avait annoncé que 600 millions de Chinois vivaient avec moins de 1 000 yuans (126 euros) par mois. Le magazine américain Forbes a indiqué que les 400 Chinois les plus riches ont vu, en 2020, leur fortune croître de 64 %, pour atteindre 2 100 milliards de dollars.

* 64 « La Chine, bulldozer de la croissance mondiale » , précité, « Deux organismes indépendants, le Centre pour la recherche sur l'économie et les affaires (CEBR), sis à Londres, et le Centre japonais pour la recherche économique (JCER), sont parvenus à la même conclusion : le PIB de la Chine rattrapera celui des Etats-Unis dès 2028 ou éventuellement 2029 (...) ».

* 65 Signés par la Chine entre 1839 et 1864.

* 66 Ainsi, dès 2015, lors de la célébration du 70 e anniversaire de la victoire de la Chine sur le Japon, Xi Jinping estimait que cette victoire avait permis de « refaire de la Chine un grand pays dans le monde ».

* 67 « Quand on parle de la République populaire de Chine, on a en tête un État, un gouvernement... C'est en fait le parti qui décide de tout en dernier ressort : il faut parler d'un parti-État. L'État c'est le parti. Parmi les piliers sur lesquels repose l'État chinois, vous avez le Parti communiste, le gouvernement et l'armée. Mais le gouvernement et l'armée sont soumis à l'autorité du parti. La personne qui décide en dernier ressort sera toujours le représentant du parti. » Citation de Thierry Kellner, docteur en relations internationales (IHEID), maître de conférences au Département de science politique de l'Université libre de Bruxelles, extraite de « Le parti communiste chinois a 100 ans : est-il devenu ivre de sa réussite économique ? » par Daniel Fontaine, publié le jeudi 01 juillet 2021 sur le site de la RTBF à l'adresse suivante : https://www.rtbf.be/info/monde/detail_le-parti-communiste-chinois-a-100-ans-est-il-devenu-ivre-de-sa-reussite-economique?id=10796300

* 68 Ramsès 2019, Rapport annuel mondial sur le système économique et les stratégies, sous la direction de Thierry de Montbrial et Dominique David, publié par Dunod pour l'Institut français des relations internationales, « Chine : une puissance pour le XXIe siècle » d'Alice Ekman.

* 69 « Débloquer des fonds pour financer le programme de développement durable à l'horizon 2030 » par David Lipton, directeur général par intérim du FMI, intervention prononcée aux Nations Unies, à New York, le 26 septembre 2019 et à l'adresse suivante : https://www.imf.org/fr/News/Articles/2019/09/26/sp092619-moving-the-money-to-finance-the-2030-agenda-for-sustainable-development

* 70 « La Chine relève ses ambitions économiques » par Stéphane Monier publié le 8 décembre 2020 sur le site d'Economie matin à l'adresse suivante : http://www.economiematin.fr/news-chine-ambition-economie-pib-croissance-ecologie-monier

* 71 En 2019, le taux de natalité s'est établi à 10,48 naissances pour 1 000 habitants, selon le Bureau national des statistiques (BNS) (contre 12,50 pour la France). Le nombre de naissances chute en Chine depuis déjà trois années consécutives. Si la population totale chinoise a dépassé, pour la première fois, en 2019, 1,4 milliard de personnes (soit une augmentation annuelle de 4,67 millions), la population active a quant à elle poursuivi son déclin.

* 72 Liant les gens à leur ville natale, ce système est un frein pour les travailleurs migrants d'accéder à l'éducation, aux soins de santé et à d'autres services sociaux. Le nouveau plan quinquennal vise à abolir ou à assouplir ces restrictions dans les villes petites et moyennes et à introduire un système à points dans les grandes villes.

* 73 Cette augmentation était de 8,1 % en 2018. Son rythme avait ralenti jusqu'à atteindre une croissance de 6,6 % en 2020, avant de repartir à la hausse, soit 6,8 % en 2021.

* 74 Selon l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), les États-Unis étaient loin devant (732 milliards de dollars) en termes de dépenses militaires en 2019, devant la Chine (261), l'Inde (71), la Russie (65), l'Arabie saoudite (62) et la France (50).

* 75 « Les prises de position de la Chine face aux institutions internationales de gouvernance économique sont éclairantes à cet égard. Alors que la Chine se montre favorable à l'Organisation Mondiale du Commerce et au soutien de l'ordre multilatéral (dont elle a été, à vrai dire, la principale bénéficiaire), elle est en revanche plus encline à soutenir une remise en question des institutions de Bretton-Woods, que ce soit à travers une réforme de leur gouvernance interne ou, de manière plus radicale, en tentant de doubler leur action grâce à la création de structures alternatives comme le Fonds des BRICS, la Banque de Développement des BRICS ou encore la Banque Asiatique d'Investissement dans les Infrastructures. », extrait de « La Chine: une puissance qui peine à s'assumer », Ifri-OCP Policy Center Roundtables-SESSION I, par Françoise Nicolas, publié en décembre 2014 à l'adresse suivante : https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files

/fiche_pays_chine_pol_2.pdf

* 76 Résolution sur l'Afghanistan et ses conséquences pour la paix et la sécurité internationales et prorogeant le mandat de la mission d'assistance des Nations unies en Afghanistan (MANUA) (S/2017/189). Texte du projet de résolution (S/2017/222).

* 77 Cité par le site de l'ambassade de Chine en France.

* 78 Conférence de presse du 20 mars 2017 tenue par la porte-parole du Ministère des Affaires étrangères Hua Chunying, publiée sur le site de l'ambassade de Chine en France, le 20 mars 2017.

* 79 Lors d'un débat auquel ont notamment pris part le Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, et sept ministres des affaires étrangères.

* 80 Sous la présidence du Kazakhstan pour le mois de janvier.

* 81 Citation extraite du site des Nations unies https://www.un.org/press/fr/2018/cs13170.doc.htm

* 82 « China's influence on the global human rights system » de Sophie Richardson publié en septembre 2020 à l'adresse suivante : https://www.brookings.edu/wp-content/uploads/2020/09/

FP_20200914_china_human_rights_richardson.pdf

* 83 Qui a connu un certain nombre de difficultés en matière de sécurité sanitaire des aliments. Le scandale du lait infantile contaminé ayant entraîné la mort de nourrissons en 2008 a marqué le début d'une période de défiance envers les produits alimentaires chinois.

* 84 Alipay compte plus de 300 millions de portefeuilles électroniques hors de Chine.

* 85 Depuis 2019, il est obligatoire, pour obtenir une ligne de téléphone portable, de se soumettre à une reconnaissance faciale.

* 86 « Chine, puissance normative » , tribune par Sébastien Abis, publiée le 10 juin 2020 sur le site de l'IRIS à l'adresse suivante : https://www.iris-france.org/147704-chine-puissance-normative/

* 87 Dagong s'était distingué en 2010 en attribuant une note inférieure au fameux «AAA» à la France, à l'Allemagne et aux Etats-Unis.

* 88 Elle reprend et conforte un ensemble de dispositifs juridiques qui étaient jusqu'ici qualifiés de peu lisibles et difficilement opposables.

* 89 L'usage de l'expression « loup combattant » (Zhang Lang en chinois) est tiré d'un film d'action produit en Chine en 2015, relatant la lutte d'une unité mythique des forces spéciales de l'Armée populaire de libération, appelée « loup combattant », contre un baron de la drogue protégé par des mercenaires étrangers dirigés par un ancien militaire américain.

* 90 La Corée du Sud et Taïwan notamment ont été salués pour leur gestion efficace de la pandémie.

* 91 « Diplomatie chinoise : de l' 'esprit combattant' au `loup guerrier' », écrit par Marc Julienne et Sophie Hanck, issu du numéro de printemps 2021 de Politique étrangère (n° 1/2021), publié à l'adresse suivante : http://politique-etrangere.com/2021/03/05/diplomatie-chinoise-de-lesprit-combattant-au-loup-guerrier/

* 92 Voir le rapport « L'Inde, un partenaire stratégique », Rapport d'information n° 584 (2019-2020) de MM. Ladislas PONIATOWSKI, co-président, Rachid TEMAL, co-président, Hugues SAURY, Olivier CIGOLOTTI et Joël GUERRIAU, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 1 er juillet 2020.

* 93 Corrélée à un montant des retraits de fonds anticipés en raison d'un départ permanent qui a atteint un niveau record de 6,6 milliards de dollars hongkongais (720 millions d'euros) en 2020, soit une hausse de 27 % par rapport à l'année précédente.

* 94 « Hong Kong experiences `alarming' population drop, but government says not all 90,000 leaving city because of national security law » par Chan Ho-him, publié le 12 août 2021 sur le site du South China Morning Post à l'adresse suivante : https://www.scmp.com/news/hong-kong/society

/article/3144845/hong-kongs-experiences-alarming-population-drop-government

* 95 Selon les termes employés par le ministre de l'Europe et des affaires étrangères en réponse à une question écrite, Assemblée nationale, publiée le 29 juin 2021.

* 96 L'ambassadeur a été de nouveau convoqué au Quai d'Orsay, le ministère français des affaires étrangères a dénoncé les « propos inacceptables » de l'ambassade de Chine, indiquant que « En France, le respect des principes et libertés fondamentales est une exigence qui s'applique à tous : liberté académique et de la recherche, libertés individuelles, respect de la séparation des pouvoirs et des principes constitutionnels de la France. Les insultes contre des chercheurs indépendants et la polémique avec des élus de la République sont inadmissibles et n'ont aucune place dans les relations que l'ambassade de Chine est chargée de contribuer à développer entre la France et la Chine ». Le Quai d'Orsay a encore précisé que « l'insulte, l'invective, la menace contre des parlementaires, des chercheurs, des journalistes, cela pose des problèmes de fond qui ressortent de méthodes d'intimidation ». « En s'en prenant à des élus de la République, l'ambassadeur a personnellement méconnu le principe de séparation fondamentale des pouvoirs et est invité à l'observer désormais de la façon la plus stricte ». En procédant de la sorte, l'ambassadeur « constitue un obstacle à la volonté politique exprimée par les chefs de l'État des deux pays `de développer la relation bilatérale, ce qui pose un `problème extrêmement sérieux ».

* 97 « Diplomatie chinoise : de l' 'esprit combattant' au `loup guerrier' », précité.

* 98 Ibidem.

* 99 Selon l'expression utilisée par Alice Ekman, responsable de l'Asie à l'Institut d'études de sécurité de l'Union européenne (EUISS), à Paris et auteure de « Rouge vif, l'idéal communiste chinois » publié aux éditions de l'Observatoire. Voir notamment « Chine : l'émergence d'un pôle, Vers une puissance fédératrice ? », Ramsès 2020, sur le site de l'IFRI à l'adresse suivante : https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/ramses2020_bat_ekman.pdf

* 100 À la manière de l'American way of life qui s'est diffusé largement après la seconde guerre mondiale, au point de finir par incarner l'idéal de consommation teinté de liberté, galvaudé, mais partout recherché.

* 101 « Asia Focus #152 : Plaidoyer pour la formation des élites européennes ou comment l'Europe peut-elle se prémunir de l'ingérence chinoise ? » par Emmanuel Lincot et Emmanuel Véron, publié en décembre 2020, sur le site de l'IRIS, à l'adresse suivante : https://www.iris-france.org/wp-content/uploads/2020/12/Asia-Focus-152.pdf

* 102 Ibidem.

* 103 Ibid.

* 104 Le système du Front uni opère sous la supervision du « Petit Groupe de premier plan du front uni central », établi en 2015, et il est présidé par le quatrième membre du Comité permanent du Politburo. Sa plateforme la plus importante est la Conférence consultative politique du peuple chinois, alors que ses activités quotidiennes sont gérées par le Département du travail du Front uni, voir « Le Front uni : un aspect méconnu de la présence chinoise en Suisse » par Ralph Weber, professeur à l'Institute of European Global Studies de l'Université de Bâle, publié le 13 décembre 2020 dans la rubrique Opinions du site du Temps à l'adresse suivante : https://www.letemps.ch/opinions/front-uni-un-aspect-meconnu-presence-chinoise-suisse

* 105 Ibidem.

* 106 Ibid.

* 107 Cité dans l'article « Le soft power à la française » par Jean-Michel Frodon, publié le 9 février 2012 sur le site slate à l'adresse suivante : http://www.slate.fr/story/49553/FRANCE-cartes-soft-power-france

* 108 « Et je souhaite que nous puissions mutuellement davantage développer la présence et le rôle des Instituts Confucius et des écoles françaises et alliances françaises pour justement développer la place de nos langues, ainsi que toutes les initiatives que nous avons à prendre en matière d'échanges universitaires, de formations professionnelles et doctorales. » Transcription de la conférence de presse du Président de la République au Grand Palais en Chine (seul le prononcé fait foi) - 12 janvier 2018 sur le site de l'Élysée à l'adresse suivante : https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2018/01/12/transcription-de-la-conference-de-presse-du-president-de-la-republique-au-grand-palais-en-chine

* 109 Ces contrats comportaient par exemple l'interdiction d'appartenir au Falun Gong, courant spirituel d'inspiration bouddhiste, basé sur la pratique de la méditation, considéré comme une secte par les autorités chinoises et à ce titre durement réprimé en Chine.

* 110 « L'enquête a indiqué que le directeur de l'Institut Confucius était en contact avec deux membres de l'ambassade de Chine, à Bruxelles, à qui il rendait compte de son travail de recrutement d'agents d'influence prochinois. Ces relais de la parole de Pékin en Europe appartenaient, pour beaucoup, à la communauté chinoise vivant en Belgique. Mais on relevait aussi la présence d'Européens, étudiants ou enseignants, invités en Chine pour des voyages culturels. De retour en Belgique, ils recevaient des trop-perçus sur les remboursements de leurs frais de voyage avant d'être destinataires de cadeaux dispendieux et de devenir peu à peu tributaires. Des contrats de consulting étaient également signés avec des universitaires et des experts à des conditions très généreuses, faisant d'eux des obligés . ». Voir l'article « La Belgique se rebiffe face aux espions chinois » par Jacques Follorou, publié le 15 mai 2020 sur le site du Monde à l'adresse suivante : https://www.lemonde.fr/international/article/2020/05/15/la-belgique-se-rebiffe-face-aux-espions-chinois_6039744_3210.html

* 111 « Chine : vers la fin des Instituts Confucius en Europe ? » par Pierre-Antoine Donnet, publié le 29 juillet 2021, sur le site Asyalist à l'adresse suivante : https://asialyst.com/fr/2021/07/29/chine-vers-fin-instituts-confucius-europe/

* 112 « Les Européens cibles de la guerre des mots » par Cyrille Bret publié en septembre 2019 à l'adresse suivante : https://lelephant-larevue.fr/thematiques/politique-et-societe/les-europeens-cibles-de-la-guerre-des-mots/

* 113 « La réunification de la Chine et Taïwan "inévitable", selon Xi Jinping », publié le 2 janvier 2019 sur le site de France 24, à l'adresse suivante : https://www.france24.com/fr/20190102-reunification-chine-taiwan-xi-jinping-independance : « Xi Jinping a prévenu que Pékin "ne promet pas de renoncer à l'usage de la force et se réserve la possibilité d'utiliser tous les moyens nécessaires" pour empêcher l'indépendance de Taïwan. Il a précisé que cette déclaration visait les puissances étrangères qui cherchent à nuire à la souveraineté chinoise et la petite majorité de Taïwanais favorables à l'indépendance . »

* 114 L'énumération suivante est issue des informations recensées dans « Taïwan, cible numéro 1 et laboratoire de la désinformation chinoise », par Brice Pedroletti et Nathalie Guibert, publié le 3 septembre 2021 sur le site du Monde à l'adresse suivante : https://www.lemonde.fr/international/article/2021/09/03/taiwan-cible-numero-1-et-laboratoire-de-la-desinformation-chinoise_6093242_3210.html qui se fait l'écho de l'étude de l'Irsem précitée.

* 115 « L'expérience australienne des sanctions commerciales chinoises : une leçon pour l'Europe ? » par Antoine Bondaz, sur le site de la FRS, en avril 2021, n° 15 de la revue Défense et industrie, à l'adresse suivante : https://frstrategie.org/publications/defense-et-industries/experience-australienne-sanctions-commerciales-chinoises-une-lecon-pour-europe-2021

* 116 En novembre 2020, le Premier ministre australien Scott Morrison a demandé des excuses à la Chine pour une «image falsifiée» partagée par un compte Twitter officiel du gouvernement chinois (le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères Zhao Lijian ayant contribué directement à la propagation de ce mensonge) montrant un soldat australien tenant le couteau à la gorge d'un enfant afghan. Voir « L'Australie demande à la Chine de s'excuser pour l'image trafiquée « répugnante et scandaleuse » d'un soldat assassinant un enfant » publié le 30 novembre 2020 sur le site FR24news, à l'adresse suivante : https://www.fr24news.com/fr/a/2020/11/laustralie-demande-a-la-chine-de-sexcuser-pour-limage-trafiquee-repugnante-et-scandaleuse-dun-soldat-assassinant-un-enfant.html

* 117 Les droits de douane chinois ont été relevés de 80 % sur les importations d'orge australiennes. Les exportations de vin australien, de boeuf en provenance de quatre entreprises australiennes, de langoustes, de bois vers la Chine ont été bloquées par la Chine. D'autres mesures de blocage des importations et de relèvement des droits de douane sont envisagées contre le cuivre et le sucre d'Australie.

* 118 Le minerai de fer est la principale exportation de l'Australie vers la Chine, avec un montant de plus de 80 millions de dollars, soit 49,8 milliards d'euros.

* 119 « L'expérience australienne des sanctions commerciales chinoises : une leçon pour l'Europe ? », précité.

* 120 Ibidem.

* 121 Ibid.

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