B. LES EXTERNALITÉS NÉGATIVES DES ALGUES VERTES : UN FREIN À L'ATTRACTIVITÉ DU LITTORAL BRETON
Au-delà des enjeux sanitaires, les marées vertes ont un impact sur la qualité de vie des habitants des zones touchées , notamment du fait des odeurs d'algues en décomposition. Elles empêchent un ensemble d'activités récréatives fondamentales pour le littoral.
La pêche et la conchyliculture sont également concernées, à la fois par les teneurs en nitrates des eaux et par les conséquences des marées vertes, dans la mesure où la présence d'algues gêne les conchyliculteurs et augmente leur temps de travail.
En outre, les ulves nuisent à l'image de la Bretagne et constituent un réel frein aux activités touristiques . D'après des analyses publiées par le ministère de l'environnement en 2017 10 ( * ) , la médiatisation des marées vertes entre 2006 et 2009 ainsi que l'accroissement du volume d'algues est allé de pair avec une baisse de la fréquentation touristique dans la région. Plus généralement, la fréquentation des hôtels évolue à l'inverse du taux de couverture moyen des algues vertes. Une hausse d'un point du taux de couverture des algues tend à faire baisser la fréquentation touristique des hôtels de 0,13 point .
Évolution du taux d'occupation des hôtels
et du taux de couverture
des algues vertes
(en %)
Source : ministère de l'environnement, 2017
C. UN ENCADREMENT EUROPÉEN PROGRESSIF AU TRAVERS DE LA RÈGLEMENTATION SUR LA QUALITÉ DE L'EAU IMPLIQUANT UNE ACTION FINANCIÈRE DE L'ÉTAT
Le cadre réglementaire général est celui posé par la directive européenne concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles 11 ( * ) (dite directive « nitrates ») . En application de celle-ci, des programmes d'actions réglementaires sont mis en oeuvre dans les zones vulnérables. Des pratiques agricoles adaptées sont imposées aux zones vulnérables pour limiter les risques de pollution.
En France, ces programmes d'actions sont de deux niveaux : un programme d'actions national (PAN) , commun à l'ensemble des zones vulnérables 12 ( * ) , et des programmes d'actions régionaux (PAR) , révisés tous les quatre ans. Les programmes d'actions (articles L.212-2-1 et R.212-19 et suivants du code de l'environnement) ciblent les masses d'eau dont l'objectif du « bon état » nécessite de réduire les pollutions par les nitrates 13 ( * ) .
Depuis 1991, deux autres directives sont venues compléter le dispositif européen relatif à la qualité des eaux. La directive cadre sur l'eau (DCE7) 14 ( * ) fixe l'objectif d'atteindre le bon état des eaux entre 2015 et 2027, y compris pour le paramètre « nitrates ». La directive cadre « Stratégie pour le milieu marin » (DCSMM8) 15 ( * ) fixe des objectifs d'atteinte du « bon état » des eaux côtières et marines, dont la réduction de l'eutrophisation.
Six programmes d'action ont été mis en oeuvre depuis 1996, le septième étant en cours de négociation et devant être révisé (7e PAN) d'ici le 1 er septembre 2021. Les PAR seront réexaminés en 2021 pour une entrée en application au 1 er septembre 2022. Le cadre actuellement applicable en Bretagne est celui du 6 e programme nitrates (PAR 6), défini en 2018 16 ( * ) .
L'ensemble de la Bretagne est classé en zone vulnérable au titre de la directive « Nitrates » depuis 1994 . Les « baies algues vertes » sont classées en zones d'actions renforcées . Les zones d'excédent structurel (ZES) fixées par la directive « nitrates » correspondent aux territoires où la charge azotée ayant une origine animale est supérieure à un plafond de 170 kg d'azote organique par hectare épandable et par an.
La France a été condamnée à deux reprises par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) pour non-respect de la directive dans le cadre breton, une première fois en 2002 17 ( * ) et une seconde fois en 2013 18 ( * ) . Ces contentieux sont clos depuis décembre 2016.
Les programmes régionaux d'actions en Bretagne ont été également attaqués à plusieurs reprises par des associations environnementales qui les considéraient comme étant insuffisants au regard des objectifs européens.
L'État a ainsi été condamné à deux reprises au niveau national, en 2009 19 ( * ) et 2014 20 ( * ) .
DEUXIÈME
PARTIE
LE FINANCEMENT DE LA LUTTE CONTRE LES ALGUES VERTES PASSE PAR LES
TERRITOIRES AFIN DE SOUTENIR LA TRANSITION VERS DES PRATIQUES AGRICOLES
PLUS DURABLES
Le financement de la lutte contre les algues vertes est assuré par l'État par le biais du programme d'intervention territoriale de l'État (PITE) Eau et agriculture en Bretagne, porté par la mission Cohésion des territoires. Ce PITE finance pour un tiers des actions qu'il conduit uniquement par le biais des services déconcentrés, et pour deux tiers, soit 5 millions annuels, par des actions dans le cadre du plan de lutte contre les algues vertes (PLAV), qui constitue de fait le cadre général de lutte contre les marées vertes.
* 10 Note du ministère de l'environnement, Service de l'économie, de l'évaluation et de l'intégration du développement durable (SEEIDD) Marées vertes et fréquentation touristique, avril 2017.
* 11 Directive 91/676/CEE du Conseil du 12 décembre 1991.
* 12 Arrêté du 19 décembre 2011 relatif au programme d'actions national à mettre en oeuvre dans les zones vulnérables afin de réduire la pollution des eaux par les nitrates d'origine agricole.
* 13 Rapport CGEDD n° 013362-01, CGAAER n° 20034, Contribution à l'évaluation des programmes d'actions pour la lutte contre la pollution des eaux par les nitrates d'origine agricoles. Examen de la mise en oeuvre de quelques mesures et des dérogations préfectorales. Identification de voies de progrès , novembre 2020.
* 14 Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau.
* 15 Directive 2008/56/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 établissant un cadre d'action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin.
* 16 Arrêté du 2 août 2018 établissant le programme d'actions régional en vue de la protection des eaux contre la pollution par les nitrates d'origine agricole.
* 17 CJCE, Commission c. / France du 27 juin 2002, 6 e chambre.
* 18 CJUE, Commission c. / France du 13 juin 2013, 7 e chambre.
* 19 CAA de Nantes, 2 e chambre, 1 er décembre 2009.
* 20 CAA de Nantes, 29 décembre 2014.