III. LES ANNULATIONS DE CRÉDIT PORTENT SUR DES CRÉDITS INUTILISÉS, QUI AURAIENT DÛ ÊTRE ANNULÉS DÈS LA FIN 2020
Les crédits annulés , d'un niveau extrêmement élevé de 7,2 milliards d'euros, portent exclusivement sur le programme 368 « Renforcement exceptionnel des participations financières de l'État dans le cadre de la crise sanitaire ».
A. LES CRÉDITS DISPONIBLES SUR LE PROGRAMME DE RENFORCEMENT DES PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE L'ÉTAT RÉSULTENT DE REPORTS OPÉRÉS EN DÉCEMBRE 2020 ET DONT LA CONFORMITÉ AU REGARD DE CERTAINS PRINCIPES BUDGÉTAIRES POSE QUESTION
Le programme 368 a été créé par la deuxième loi de finances rectificative pour 2020, promulguée le 25 avril 2020, afin de donner à l'État la possibilité d'intervenir en capital, par l'intermédiaire de l'Agence des participations de l'État (APE), au sein d'entreprises en difficulté, sous la forme soit de prises de participation, soit d'augmentations de capital. Il a été doté dès le début de 20 milliards d'euros de crédit, montant non modifié par les lois de finances rectificatives ultérieures.
La commission des finances a approuvé la création de ce programme, qui constituait un outil permettant d'aider certaines entreprises à éviter par exemple une crise de solvabilité due au manque de fonds propres, ou à lutter contre des tentatives de prise de contrôle.
Ces crédits n'ont été consommés qu'à hauteur de 8,3 milliards d'euros , dont 4,1 milliards d'euros pour la souscription à une augmentation de capital de la SNCF, 3,2 milliards d'euros en prévision de deux appels de fond concernant pour l'un la société Air France - KLM et pour l'autre un fonds d'investissement aéronautique, et enfin 1,1 milliard d'euros pour la souscription à l'émission d'obligations à option de conversion ou d'échanges en actions nouvelles ou existantes (OCEANEs) d'EDF 24 ( * ) .
Les crédits non consommés , à hauteur de 11,7 milliards d'euros, ont été intégralement reportés sur l'exercice 2021 par un arrêté pris le 21 décembre 2020 25 ( * ) , ce qui conduit à formuler deux observations.
D'une part, si l'article 13 de la LOLF limite en principe à 3 % le montant des crédits de paiement non consommés pouvant être reportés pour chaque programme, celui-ci a bénéficié des dispositions de l'article 102 de la loi de finances pour 2021, qui a inscrit une dérogation à cette règle pour 51 programmes budgétaires. Le montant du report a ainsi représenté 60 % des crédits ouverts sur le programme . La loi organique a donc été respectée dans sa lettre plus que dans son esprit .
D'autre part, cet arrêté de report a été pris avant le 29 décembre 2020 , date de la promulgation de la loi de finances pour 2021 , qui en constituait pourtant le fondement juridique 26 ( * ) . Le rapporteur général souligne le caractère inacceptable de cette pratique , qui a également concerné deux autres arrêtés de report 27 ( * ) .
En 2021, 0,6 milliard d'euros de crédits ont été consommés sur le programme 358, portant le niveau des crédits disponibles à 11,1 milliards d'euros. L'annulation de 7,2 milliards d'euros prévue par le présent projet de décret abaisserait donc le niveau des crédits disponibles à 3,9 milliards d'euros.
Mouvements de crédits sur le programme
358
entre 2020 et 2021
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances
Le programme 358 contient donc des crédits disponibles d'un montant suffisant pour « gager » les ouvertures de crédits prévu par le présent projet de décret d'avance, mais ces crédits résultent intégralement de crédits ouverts il y a plus d'un an et reportés sur 2021 , ce qui ne manque pas d'interroger au regard des principes de sincérité et d'annualité budgétaires .
* 24 Rapport annuel de performances de la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire », exercice 2020.
* 25 Arrêté du 21 décembre 2020 portant report de crédits, NOR : CCPB2033910A.
* 26 L'arrêté du 21 décembre 2020 précité cite ainsi parmi ses visas « la loi de finances et les textes portant ouverture et annulation de crédits pour 2021 », alors que ces textes n'avaient pas encore d'existence et que le Conseil constitutionnel était encore en train d'examiner la loi de finances.
* 27 Arrêtés du 23 et du 24 décembre 2020 portant report de crédits.