LA SUISSE
En Suisse, le droit de voter par correspondance comme alternative au mode traditionnel est autorisé au niveau fédéral depuis 1994. Depuis la modification du 18 mars 1994 de la loi fédérale sur les droits politiques, lors des scrutins fédéraux, tous les électeurs suisses peuvent voter soit en se rendant dans un bureau de vote, soit par correspondance, sans devoir faire de demande particulière.
À l'échelle des cantons, pour les élections locales, la mise en place du vote par correspondance s'est faite progressivement, sur une plus longue période, s'étendant jusqu'en 2015 (canton du Tessin).
A. Les conditions de recours au vote postal
Comme indiqué précédemment, la possibilité de voter par correspondance en Suisse n'est pas conditionnée à une obligation de déclaration préalable ou de justification indiquant une impossibilité de se déplacer le jour du scrutin. Aux termes de l'article 5 de la loi fédérale sur les droits politiques du 17 décembre 1976 « L'électeur doit exercer son droit en déposant personnellement son bulletin dans l'urne ou en votant par correspondance ».
L'article 8 de la même loi dispose que ce sont les cantons qui, à leur échelle, mettent en place une procédure pour ce vote et prennent les mesures visant à garantir la sécurité du scrutin, à savoir le contrôle de la qualité d'électeur, le dépouillement du scrutin, le secret du vote et la prévention des abus. Le deuxième alinéa du même article précise que « les électeurs peuvent voter par correspondance dès qu'ils ont reçu les documents qui, au regard du droit cantonal, leur permettent d'exprimer valablement leur vote ».
La loi sur l'exercice des droits politiques du 16 mai 1989 du canton de Vaud précise que le vote par correspondance peut être exercé de tout lieu en Suisse ou à l'étranger et qu'il est possible dès réception du matériel de vote. La loi sur l'exercice des droits politiques du canton de Genève du 15 octobre 1982 pose également le principe de l'ouverture du vote par correspondance dès réception par l'électeur de son matériel électoral (article 61).
B. L'organisation pratique et la vérification de la légalité du vote
1. La réception du matériel de vote
Les personnes inscrites sur les listes électorales reçoivent automatiquement les documents suivants au plus tard trois semaines avant le scrutin :
- une brochure explicative ;
- une enveloppe de transmission (en général, il s'agit de l'enveloppe par laquelle le matériel de vote est parvenu à l'électeur, qui doit donc veiller à ne pas la déchirer en l'ouvrant) ;
- un bulletin de vote.
Outre ces documents, certains cantons peuvent envoyer également une carte de vote ainsi qu'une enveloppe de vote. Ainsi le canton de Vaud, aux termes de l'article 8 de sa loi cantonale sur l'exercice des droits politiques, fait parvenir « d'office et personnellement » aux électeurs inscrits sur ses listes la carte de vote et le matériel correspondant leur permettant de prendre part aux scrutins, avant chaque échéance électorale, qu'il s'agisse d'une élection ou d'une votation. La carte de vote comporte un code-barres, lequel contient le numéro d'électeur, le sexe, l'année de naissance et le numéro de commune de l'électeur.
2. La procédure de vote
Lorsque l'électeur a reçu son matériel de vote, il peut le compléter en se munissant d'un stylo bleu ou noir, le crayon n'étant pas autorisé. Le bulletin doit être rempli à la main. Selon son canton et la nature de l'élection, il s'agira pour l'électeur de cocher des cases ou d'écrire sur son bulletin « oui » ou « non » (dans le cas des communes munis de lecteurs optiques), voire rien s'il souhaite voter blanc à une question. L'électeur n'est bien sûr pas autorisé à ajouter de commentaire ou de signe à son bulletin, ni à le corriger avec du correcteur, sous peine de nullité.
Le matériel de vote, c'est-à-dire l'enveloppe de vote cachetée (contenant le bulletin dûment complété) et la carte de vote, doit ensuite être glissé dans l'enveloppe de transmission, en suivant les instructions fournies par la commune, responsable de l'organisation pratique du scrutin (cf. infra ). La carte de vote, en général, doit être signée de la main de l'électeur, certains cantons demandant en plus à celui-ci d'indiquer sa date de naissance (c'est par exemple le cas dans le canton de Vaud et celui de Genève). Aucun document autre que ceux appartenant au matériel de vote ne doit être joint dans l'enveloppe de transmission.
L'électeur doit ensuite cacheter son enveloppe de transmission et la renvoyer dans les délais prescrits, qui peuvent varier selon les cantons. Ainsi, aux termes de la loi sur l'exercice des droits politiques du canton de Genève, « pour être enregistré, le vote, dûment authentifié, doit parvenir au service des votations et élections au plus tard le samedi précédant la clôture du scrutin à 12 h 00 ». Dans le canton de Vaud, cependant, l'électeur peut déposer son vote jusqu'à la fermeture des bureaux de vote, la boîte aux lettres communale étant relevée au moment de la fermeture du scrutin. Trois possibilités s'offrent à lui pour la retourner :
- l'envoi par la poste. L'électeur doit au préalable veiller à ce que l'adresse de sa mairie soit bien inscrite sur l'enveloppe de transmission. Selon les cantons, il peut être amené à affranchir lui-même l'enveloppe et choisir son affranchissement en fonction du délai d'acheminement du courrier. Les autorités recommandent, selon l'affranchissement choisi, de poster le bulletin au plus tard le mardi précédant le scrutin pour le tarif d'acheminement le plus long ou le jeudi lorsque l'électeur a affranchi son enveloppe en choisissant un acheminement plus rapide ;
- le dépôt dans une boîte aux lettres prévue à cet effet, généralement à la mairie de sa commune jusqu'au dimanche du scrutin, dans le respect de l'heure indiquée dans les informations jointes au matériel de vote ;
- ou le dépôt en personne directement auprès de l'administration communale.
3. Réception et vérification du bulletin de vote par les services
La loi fédérale sur l'exercice des droits politiques transfère aux cantons la mise en place de la procédure de vote postal et les mesures visant à garantir la sécurité et l'intégrité du scrutin. Le canton de Vaud règle ces points dans sa loi cantonale sur l'exercice des droits politiques du 16 mai 1989 et son règlement d'application du 25 mars 2002.
Ainsi, aux termes de l'article 18 de la loi cantonale, « la municipalité est responsable de l'organisation et du bon déroulement du vote par correspondance et anticipé ». Cette charge peut toutefois être transférée, en tout ou partie, au bureau électoral.
La municipalité reçoit les enveloppes de transmission qui lui ont été déposées directement ou qui ont été reçues par la poste. Ces enveloppes sont prises en compte dans le dépouillement dès lors qu'elles sont déposées dans la boîte aux lettres ou parviennent dans la case postale communale au plus tard à la clôture du bureau de vote.
En application du règlement du 25 mars 2002 du canton de Vaud, le greffe municipal, conformément aux instructions qu'il reçoit du bureau cantonal, reçoit les enveloppes de transmission et opère un premier tri :
- il s'assure que le votant est autorisé à prendre part au scrutin et que le matériel utilisé et renvoyé à la commune est conforme ;
- il sépare les votes semblant conformes de ceux susceptibles d'être annulés par le bureau électoral et de ceux n'ayant pas à être comptabilisés. En aucun cas, le greffe municipal n'a autorité pour ouvrir les enveloppes de vote. Pour déterminer les votes conformes de ceux ne l'étant pas ou susceptibles de ne pas l'être, il se fonde sur le contenu de l'enveloppe de transmission et vérifie la présence de la carte de transmission (il écarte les votes pour lesquels la carte est absente, n'est pas officielle ou ne correspond pas au scrutin en cours, ou, lors d'un scrutin multiple, les cas où le nombre de cartes ne correspond pas au nombre de scrutins), les indications y figurant (notamment la présence et la véracité de la signature et de la date de naissance de l'électeur), la présence d'une enveloppe de vote la carte de vote dans l'enveloppe de transmission ou encore que celle-ci parvient dans les délais ;
- et il établit un procès-verbal des votes reçus. Il joint à ce document une liste des numéros d'électeurs rayés des listes, soit qu'ils votent désormais ailleurs, soit qu'ils ont demandé un duplicata de carte de vote avant le scrutin.
À compter de l'ouverture des enveloppes de transmission, la gestion des votes reçus par correspondance doit être assurée par deux personnes au moins, obligatoirement assermentées par la municipalité.
Avant le début du dépouillement, le greffe transmet au bureau électoral le procès-verbal des votes reçus par correspondance, la liste des numéros biffés et deux urnes, l'une contenant les enveloppes de vote conformes et l'autre contenant les votes susceptibles d'être annulés. Le matériel de vote écarté doit être conservé par le greffe, le président du bureau électoral ayant cependant un droit d'accès et de contrôle. Lors de la fermeture du scrutin, avant le dépouillement, le président du bureau électoral fait procéder à un dernier relevé de la boîte aux lettres communale.
Dans le canton de Genève, la loi électorale permet un dépouillement anticipé des votes par correspondance lors des votations « le dimanche du scrutin, sous le contrôle de la commission électorale centrale ». Le règlement d'application du 12 décembre 1994 précise que lorsque le service des votations et élections reçoit un vote par correspondance, il « vérifie la qualité d'électeur et enregistre l'électeur au moyen de sa carte de vote ». Ces dernières sont classées et conservées à part des enveloppes de vote pour garantir le secret du scrutin. Les enveloppes de vote, quant à elles, sont introduites dans les urnes des arrondissements électoraux. Ces urnes sont entreposées dans des locaux sécurisés, eux-mêmes scellés après chaque traitement des votes. Un registre des scellés est tenu à jour.
C. L'utilisation du vote par correspondance en Suisse
Introduit en 1994, le vote par correspondance a, selon un communiqué de la Chancellerie fédérale en 2005, « connu rapidement une grande popularité, tout d'abord dans les régions urbaines. En 1998, le Service d'information de la Chancellerie fédérale a mené, de concert avec les chancelleries d'État, une première enquête approfondie sur le recours au vote par correspondance, enquête qui a révélé que 44 % des suffrages avaient été exprimés par correspondance à l'échelle nationale ». Compte tenu de l'engouement pour le vote par correspondance, ce même communiqué indiquait que certains cantons et certaines communes se demandent s'ils ne vont pas revoir à la baisse le nombre de leurs bureaux de vote ou les heures d'ouverture de ces derniers en raison de la baisse de l'engouement pour le vote traditionnel.
Les électeurs suisses sont appelés aux urnes plusieurs fois par an, du fait des élections (fédérales et locales) et des votations (fédérales et locales). La possibilité de vote par correspondance est donc d'autant plus appréciée par les citoyens et, en 2015, la poste suisse indiquait que « plus de 80 % des votants préfèr[ai]ent glisser leur bulletin dans une boîte aux lettres plutôt que dans une urne ». Certains estiment que ce taux a atteint 90 %, voire 95 % des votants en 2020.
Au niveau cantonal, le canton de Vaud avait effectué une enquête un an après la mise en place du vote par correspondance généralisé à son échelle, qui avait montré une hausse de 10 points de la participation, avec, à l'époque, un taux de non-conformité de l'ordre de 2,6 %.
Le canton de Genève a également vu son taux de participation augmenter avec l'introduction du vote par correspondance en 1995. Sur une votation fédérale de septembre 2000, ce canton avait été le troisième en termes de taux de participation (51,2 %), dont 90,1 % avaient exprimé leur vote en utilisant la voie postale. Toutefois, en pleine « première vague » du coronavirus en mars 2020, un deuxième tour d'élection des exécutifs municipaux avait été organisé en ne proposant que la possibilité de vote par correspondance, les bureaux de vote physiques étant restés fermés, et s'était soldé par une faible participation (24,3 %).
Plus généralement, la votation fédérale du 27 septembre 2020 a fait apparaître, dans un certain nombre de communes, un recours au vote par correspondance plus large. Les premières constatations opérées quelques jours avant le vote auprès des autorités en charge des scrutins ont ainsi montré un taux de participation qui s'établissait déjà à 36 % à Lausanne à trois jours du scrutin, à 35,3 % à Genève et à 40 % à Saint-Gall à quatre jours du scrutin. Dans cette ville, la proportion du vote par correspondance pour les suffrages exprimés s'élèverait en moyenne à 98 %, et à plus de 99 % dans la municipalité de Lucerne.