B. COMMENT L'IDENTIFIER ET LE VALORISER ? S'APPROPRIER LE PATRIMOINE ET LE FAIRE CONNAÎTRE
Dès le début de leur nouveau mandat municipal, les maires seront très vite confrontés à un deuxième enjeu : comment reconnaitre ce qui relève du patrimoine et comment le valoriser ? Répondre à ces questions nécessite d'adopter une approche « intégrée » incluant le patrimoine dans l'urbanisme en général pour permettre à tous les citoyens de se l'approprier, quitte à le faire évoluer pour tenir compte des changements de besoins et usages.
La valorisation nécessite aussi une recherche de visibilité. À cette fin, et au-delà de l'intervention « physique », une valorisation « immatérielle » du patrimoine peut s'avérer indispensable.
1. Identifier le patrimoine de proximité, envisager de nouveaux usages et encourager les habitants à se l'approprier
Le patrimoine se caractérise par sa grande diversité sur le terrain : ensembles urbains, monuments, églises, lavoirs, granges, moulins, puits, calvaires, équipements civils, bâtiments industriels, etc. Il va bien au-delà de ce que l'on appelait jadis les « vielles pierres ». Le champ même du patrimoine a évolué, mais une constante réside dans son extrême fragilité. Philippe Barbat, directeur général des patrimoines au ministère de la Culture, déclarait : « Il 'y a pas un patrimoine mais des patrimoines : rural, industriel, religieux, etc . ».
Pour sa part, dans le contexte de la crise sanitaire que nous connaissons, Stéphane Bern craint que « le Gouvernement centre son action uniquement en direction des grands chantiers emblématiques » . Or, poursuit-il, « tous les lavoirs, églises et autres petits monuments de la ruralité, non classés, sont essentiels à la survie de villages qui n'ont pas les moyens de les entretenir », ajoutant que « sur les petits chantiers, la distanciation physique sera sans doute plus simple à faire respecter ».
Si de nombreuses communes peuvent s'enorgueillir de disposer d'un patrimoine local emblématique, encore faut-il qu'elles soient en capacité de le penser conjointement avec le tissu urbain dans lequel il s'insère, afin de révéler toute sa valeur patrimoniale.
La valorisation du patrimoine bâti exige d'être anticipée, réfléchie et surtout bien intégrée aux projets d'urbanisme. La phase de diagnostic patrimonial, qui permet d'identifier et de hiérarchiser les interventions, ne doit pas être sous-estimée. Chaque projet doit faire l'objet d'une stratégie adaptée (rénovation, réhabilitation, requalification), tournée vers un objectif de protection et de sauvegarde.
C'est le sens de la création des sites patrimoniaux remarquables 13 ( * ) (SPR), initiés par la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, destinée à mieux articuler l'urbanisme et la préservation du patrimoine en intégrant cette dernière dans le projet de territoire de la commune.
Dans les faits, il est hélas très difficile, pour certaines communes, de réaliser cette analyse globale et de bien identifier ce qui relève du patrimoine, notamment en raison d'un manque d'ingénierie et de moyens en personnel. De surcroît, une large partie du patrimoine, du fait qu'il n'est ni classé ni protégé, échappe aux radars de la protection. Pour Laurent Roturier, directeur régional des affaires culturelles d'Île-de-France : « Pigeonniers, lavoirs, granges, etc. : il existe sur notre territoire tout un patrimoine non classé et non protégé mais ayant un intérêt patrimonial ». Ces propos sont confirmés par Olivier Lenoir, délégué général du réseau Rempart, qui ajoute : « Le patrimoine qu'il faut valoriser n'est pas seulement le patrimoine communal mais aussi le patrimoine de personnes privées » .
Répartition des monuments historiques
(immeubles)
par type de propriétaires en 2017
Type de propriétaires |
Nombre de monuments historiques |
Pourcentage
|
Commune ou communauté de communes |
18 593 |
41% |
Département |
645 |
1% |
Région |
47 |
0% |
État |
1 660 |
4% |
Autre propriété publique |
255 |
1% |
Association |
973 |
2% |
Privé |
20 066 |
44% |
Propriété mixte |
1 445 |
3% |
Autres |
28 |
0% |
Non renseigné |
1 573 |
3% |
Total |
45 285 |
100% |
Source : Base Mérimée/ DEPS, Ministère de la Culture, 2019
Éric Chalhoub, coprésident de l'association Maisons paysannes de France, souligne que les associations peuvent aider les communes dans la connaissance préalable de ce patrimoine vernaculaire : « L'acte premier pour un maire est d'identifier le patrimoine qui nécessite d'être protégé et valorisé. Pour réaliser ce travail, les associations peuvent être sollicitées ». Jean-Michel Gelly administrateur de l'association, déclare : « On est frappés par la méconnaissance des élus sur l'architecture et le patrimoine de leur village. Il y a un vrai problème d'identification ». France Poulain, ABF dans l'Eure, souscrit à cette analyse : « Il est impératif de commencer par un inventaire du patrimoine historique » . Philippe Toussaint, président de l'association Vieilles maisons françaises, regrette qu'en la matière, les collectivités françaises soient en retard « en comparaison avec l'Angleterre 14 ( * ) ou l'Allemagne 15 ( * ) , pays qui ont su réaliser un inventaire de leur patrimoine. En France les inventaires décentralisés en région ne sont pas souvent coordonnés et les intervenants font une sélection arbitraire. Les rares inventaires sont insuffisants et laissent de côté de nombreux monuments non protégés ».
Depuis l'entrée en vigueur de l'article 95 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, la responsabilité de la conduite de l'inventaire général du patrimoine culturel incombe aux régions, sous le contrôle scientifique et technique de l'État. Une telle tâche nécessite toutefois une intervention de l'État qui ne se limite pas au seul pilotage par la direction générale des patrimoines du ministère.
Recommandation n° 6 : Lancer, sous l'égide du ministère de la Culture et pilotée par les DRAC, une opération nationale coordonnée d'inventaire précis du patrimoine protégé et non protégé, s'appuyant sur des inventaires décentralisés réalisés par les maires, en collaboration avec les services de l'inventaire régional et les associations de protection du patrimoine.
Aussi les associations de protection du patrimoine réclament-elles de pouvoir mettre à disposition leurs compétences afin d'être pleinement associées à l'inventaire du patrimoine. Selon Guy Sallavuard, directeur des relations institutionnelles de la Fondation du patrimoine : « La société civile porte une compétence volontaire et bénévole qui n'est aujourd'hui pas utilisée. Il existe une expertise, souvent généreuse, qui n'est pas mise en valeur. Il faut valoriser cette coopération et profiter des ressources disponibles ».
Philippe Toussaint, président de l'association Vieilles maisons françaises, s'étonne : « Je suis stupéfait que l'élaboration d'un Schéma de cohérence territoriale (SCoT) implique l'obligation d'identifier les cotations agricoles mais pas le patrimoine d'une collectivité ».
Il convient néanmoins de nuancer cette affirmation, car en réalité les dispositions du code de l'urbanisme permettent déjà la prise en compte du patrimoine dans les SCoT. Mais c'est le PLU, ou le PLUI, qui apparaît davantage comme un outil de valorisation du patrimoine au regard des dispositions du code de l'urbanisme qui permettent l'identification des éléments patrimoniaux à protéger. Des prescriptions de nature à assurer leur préservation, leur conservation, et leur restauration peuvent donc être établies 16 ( * ) . La protection peut concerner tout type de bâtiment : édifices monumentaux (bâtiments religieux, militaires) ou édifices plus modestes ou présentant des caractéristiques de construction originales (fermes, bâtiments à usage industriel ou artisanal, bâtiments à l'architecture particulière, etc.).
Recommandation n° 7 : Encourager les maires, lors de l'élaboration des documents d'urbanisme, à privilégier l'utilisation du PLU ou du PLUI comme outil de préservation et de valorisation du patrimoine protégé et non protégé, afin de réaliser les bons diagnostics et les propositions d'intervention les plus pertinentes sur le bâti.
Parallèlement, il est nécessaire que les habitants s'approprient le patrimoine. Ainsi que le souligne Laurent Roturier : « Il faut faire prendre conscience aux Français qu'ils disposent d'un patrimoine, et ne pas hésiter à les encourager à se saisir de celui-ci ». Un sentiment partagé par Stéphane Bern, qui rappelle à ce propos l'effet positif du Loto du patrimoine piloté par la mission qu'il conduit avec l'appui de la Fondation du patrimoine : « Ce Loto a permis d'offrir un coup de projecteur sur les monuments sélectionnés, ainsi mis en valeur dans les médias régionaux, soutenus par la presse locale. Ce n'est pas rien, car cette appropriation de leur patrimoine par les Français aura largement renforcé "l'effet levier" du Loto ».
Mais pour que les habitants s'approprient pleinement le patrimoine existant, il faut parfois envisager de l'adapter aux évolutions de la ville et aux nouveaux besoins des usagers. La valorisation peut donc consister à réfléchir à de nouveaux usages pour les édifices existants. Leur reconversion est d'ailleurs parfois nécessaire si l'on veut offrir un cadre de vie adapté et de qualité aux habitants mais aussi répondre aux enjeux actuels, par exemple en termes de transition énergétique. Le potentiel d'adaptation aux usages contemporains dépend bien sûr de la maîtrise du savoir-faire technique qu'exige le bâti ancien, du recours à des professionnels qualifiés et du respect de l'identité du lieu.
Ces transformations sont surtout une opportunité, alors qu'un nombre croissant de communes n'ont plus les moyens d'entretenir certains bâtiments pourtant d'intérêt patrimonial. De nombreux maires se sont déjà lancés dans la reconversion d'édifices pas ou mal exploités (logements, services, commerces, théâtres, écoles, etc.). Par exemple, le familistère de Guise, dans l'Aisne, a été reconverti grâce à un projet d'envergure et transformé en plusieurs logements, musée et théâtre. Ce type d'opération doit bien sûr être précédé d'une réflexion en amont sur l'évolution du patrimoine et sa représentation dans l'imaginaire collectif, démarche à laquelle les habitants méritent d'être associés (visites guidées, chantiers participatifs, etc.).
Recommandation n° 8 : Rendre plus actif le patrimoine en sensibilisant les maires au développement de nouveaux usages du patrimoine historique bâti dont les communes sont propriétaires, notamment la reconversion en logements, en commerces, ou encore en lieux de vie ou de services aux usagers.
Les églises, en particulier - certaines peuvent être très coûteuses à rénover - peuvent faire l'objet de reconversions permettant de partager avec des acteurs privés les charges de restauration et d'entretien qui pèsent sur les communes, tout en assurant leur préservation. Ces opérations doivent être envisagées de concert avec les fidèles et, bien sûr, avec l'accord de l'Église en tant qu'autorité affectataire.
Sur ce point, Alain de la Bretesche, président de l'association Patrimoine-Environnement, admet : « C'est un sujet très lourd, qui est une source d'inquiétude dans de nombreux territoires. Il faut préserver ce qui est aujourd'hui un facteur d'identité locale ». Benoît de Sagazan, vice-président, suggère même de « réfléchir à la création d'un service de mutualisation de l'entretien des églises communales au niveau départemental ». Tuiles, gouttières, vitraux, etc., seraient inspectés régulièrement, ce qui éviterait de lourds travaux de restauration. Selon lui, » C'est le défaut du patrimoine français : nous savons construire mais nous ne savons pas entretenir ». Cet enjeu spécifique de l'entretien fait d'ailleurs l'objet, dans le présent rapport, de recommandations particulières.
Au sujet des églises, Stéphane Bern interpelle et met en lumière un étrange paradoxe : « Nos concitoyens m'écrivent par centaines pour défendre les églises des villages menacés de destruction, mais réclament un stade de foot, une meilleure cantine scolaire ou la réfection de la voirie en lieu et place de la ligne budgétaire affectée aux bâtiments communaux sans distinction... Certes, les églises de nos villages ne sont plus un enjeu électoral, mais faut-il pour autant les abandonner à leur triste sort ? ». Il poursuit : « Notre patrimoine religieux sera sans doute l'un des défis les plus graves auquel nous devrons faire face dans les années à venir ».
Benoît de Sagazan, qui souhaite ouvrir des perspectives nouvelles, considère que « Réfléchir à l'avenir des églises impose désormais de valoriser ces lieux en trouvant d'autres formes de vie tout en gardant la dimension cultuelle ». Dans la mesure du possible, il convient aussi de recommander aux maires de privilégier l'utilisation d'un bail emphytéotique, plutôt que la vente d'une église. Comme l'indique Christine Bru, vice-présidente de l'association Patrimoine-Environnement, « Il y a des pays où les églises sont utilisées pour les besoins d'une commune, au service du public. En Grande-Bretagne, on peut trouver des églises qui abritent une agence postale, par exemple » . Cette vision d'un patrimoine évolutif, vivant, donne corps à la formule restée célèbre : « Restaurer un édifice, ce n'est pas l'entretenir, le réparer ou le refaire... le meilleur moyen de conserver un édifice, c'est de lui trouver un emploi » .
On peut à cet égard saluer l'initiative du département du Calvados baptisée « Bouge ton patrimoine » pour aider les communes à faire vivre leurs églises. Cette initiative s'inspire de l'opération « Églises ouvertes » conduite en Belgique, qui s'est donnée pour mission « d'ouvrir les portes de ces édifices, de les rendre accueillants tout en respectant le lieu du culte ». Autre exemple d'initiative remarquable, celle conduite par le département du Morbihan, intitulée « L'art dans les chapelles » dont le but est de mener des actions de sensibilisation à l'art contemporain en invitant des artistes nationaux et internationaux à intervenir dans ces lieux patrimoniaux remarquables.
Recommandation n° 9 : S'agissant en particulier des églises, encourager les maires à privilégier le recours au bail emphytéotique plutôt que la vente et à envisager, avec l'accord de l'affectataire, de nouveaux usages mixtes pour préserver leur dimension cultuelle.
Sur le terrain, la valorisation du patrimoine peut aussi se traduire par la mise en place d'animations et l'organisation d'événements autour des sites patrimoniaux : programmes culturels et éducatifs transversaux (visites commentées, mallettes pédagogiques scolaires), utilisation du numérique (drones, casques de réalité virtuelle), parcours touristiques mixtes (sport/patrimoine/culture), engagement civique, patrimoine gastronomique (repas médiévaux dans les cantines scolaires), concerts (musique électronique, musique classique), etc. La valorisation du patrimoine dépend aussi de sa découverte et de son appropriation de façon innovante ou ludique.
Toutes ces initiatives permettent de mettre en lumière et de faire connaître des lieux d'intérêt historique et culturel, et les maires ne doivent pas hésiter à communiquer et à mettre en valeur les opérations réalisées dans ce cadre.
La valorisation du patrimoine est une démarche qui permet d'associer les pouvoirs publics et les habitants. L'expertise des habitants, par leur connaissance des sites, peut d'ailleurs permettre de développer des projets encore plus pertinents. On peut citer l'initiative innovante conduite par le département du Haut-Rhin, qui a fait appel à John Howe, directeur artistique du film Le Seigneur des anneaux , pour mettre en place des animations dans les châteaux en attirant davantage de jeunes autour du patrimoine médiéval alsacien.
Recommandation n° 10 : Rendre plus vivant le patrimoine en encourageant les maires à mettre en place des animations ou à organiser des événements autour des sites patrimoniaux, qui associent les habitants afin que ceux-ci s'approprient le patrimoine et soient incités à le valoriser.
Enfin, 80 % des projets d'urbanisme concernant aujourd'hui des opérations de réhabilitation de l'ancien, les maires peuvent utilement profiter de la réhabilitation du patrimoine architectural. Pour Éric Wirth, vice-président du Conseil national de l'ordre des architectes, » Il y a une prise de conscience dans les écoles de formation d'architectes, que la construction de demain sera très différente de celle d'aujourd'hui : les jeunes générations ne vont plus construire mais réhabiliter, rénover ou transformer ». La réhabilitation est d'autant plus primordiale qu'elle permet d'adapter le bâti aux nouveaux modes de vie en évitant de construire toujours plus et d'artificialiser les sols.
Recommandation n° 11 : Privilégier les opérations de réhabilitation du bâti existant plutôt que les constructions nouvelles afin de préserver et valoriser le patrimoine, en particulier dans le cadre des initiatives de revitalisation des centres-villes et des centres bourgs.
Dans cette perspective, les maires peuvent expérimenter des solutions sur le terrain en vue d'encourager les projets de réhabilitation et de faire face aux difficultés de moyens. Pour Éric Wirth : « Il ne faut pas hésiter à monter des opérations ciblées, à permettre à des projets démonstrateurs de voir le jour et à montrer qu'il y a une vraie volonté de réhabilitation ». Une telle démarche, selon lui, présente l'avantage de « créer une dynamique de valorisation et d'éviter la muséification ». Brigitte Klinkert, présidente du conseil départemental du Haut-Rhin, vice-présidente de l'Assemblée des Départements de France (ADF), évoquait lors de son audition le succès du centre culturel de rencontre des Dominicains de Guebwiller en Alsace : « Cet ancien couvent est devenu un lieu de création, de résidence d'artistes, de diffusion musicale, et de " video mapping" . Il accueille chaque année 4 000 collégiens pour les intéresser à ce lieu, mais également à la musique ».
Les élus locaux ne doivent pas hésiter à créer des synergies dans un périmètre autour d'un édifice remarquable, en accompagnant les entrepreneurs culturels, les commerçants, les associations dans une dynamique d'incubation. En encourageant les rencontres et les flux de publics, le patrimoine peut devenir une composante à part entière de l'activité locale. C'est le cas, par exemple, de l'implantation d'un équipement culturel, d'une médiatique, d'un théâtre, d'une école ou encore d'un centre d'art ou d'un atelier dans l'édifice patrimonial. En Seine-Maritime, la ville de Dieppe a fait le choix, en 2019, d'ouvrir dans une ancienne halle de tabac un cinéma grand forum de huit salles, une brasserie sur le thème du sport, une salle de réalité virtuelle et un café. À Saint-Pierre-en-Auge, dans le Calvados, l'Abbatiale et ses bâtiments conventuels revivent en accueillant des services territoriaux, un tiers lieu, un cinéma, etc.
Recommandation n° 12 : Encourager les maires à déployer des projets innovants et hybrides mêlant la protection du patrimoine, le développement du commerce, de la culture et de l'éducation, en envisageant, par exemple, la mise à disposition d'un édifice ou d'un bâtiment communal d'intérêt patrimonial à des artistes ou des associations en échange d'un projet de réhabilitation autofinancé.
2. S'appuyer autant que possible sur les dispositifs de labellisation disponibles pour donner plus de visibilité au patrimoine
Les maires peuvent s'approprier les nombreux dispositifs existants pour faire reconnaître la valeur patrimoniale d'un site, d'un édifice ou même de leur commune. Il existe aujourd'hui une grande diversité de labels, tous ayant en commun d'assurer un impact significatif sur la fréquentation touristique et des retombées positives en termes de valorisation. La plupart sont attribués directement par le ministère de la Culture. Ils peuvent cependant induire des coûts et nécessiter une ingénierie très spécialisée. Le pilotage de la politique des labels est assuré par les Directions régionales des affaires culturelles (DRAC), en coopération avec les Directions départementales des territoires (DDT) pour repérer le patrimoine et identifier les bâtiments qui méritent une labellisation.
Le classement au titre des « Monuments historiques » s'adresse aux immeubles dont la commune est propriétaire 17 ( * ) et dont la conservation présente « au point de vue de l'histoire ou de l'art, un intérêt public » (article L. 621-1 du code du patrimoine). « L'inscription » concerne des monuments historiques « présentant un intérêt d'histoire ou d'art suffisant pour en rendre désirable la préservation » (article L. 621-25 du code du patrimoine). Dans les deux cas, la commune a la responsabilité de la préservation et de la conservation du monument historique, ainsi que de ses abords s'ils « forment un ensemble cohérent avec le monument » (article L. 621-30 du code du patrimoine).
Le classement au titre des « Sites patrimoniaux remarquables » vise « les villes, villages ou quartiers dont la conservation, la restauration, la réhabilitation ou la mise en valeur présente, au point de vue historique, architectural, archéologique, artistique ou paysager, un intérêt public » (article L. 631-1 du code du patrimoine). Il permet d'accompagner la commune dans ses démarches de revalorisation et de l'engager dans un réseau d'échanges. En outre, les biens intégrés dans le périmètre du site bénéficient d'une protection renforcée par l'obligation de prise en compte du classement dans les documents d'urbanisme - plan de sauvegarde et de mise en valeur ou plan de valorisation de l'architecture et du patrimoine - et par le bénéfice, pour les propriétaires, de l'expertise de l'ABF pour les travaux envisagés sur les immeubles.
Le label « Ville et pays d'art et d'histoire » peut être utilisé pour « les communes ou groupements de communes qui s'engagent dans une politique de sensibilisation des habitants, des visiteurs et du jeune public à la qualité du patrimoine, de l'architecture et du cadre de vie » 18 ( * ) . Il permet de bénéficier d'une certaine visibilité et d'obtenir le concours des services d'experts de la DRAC pour la conservation et la restauration du patrimoine labellisé. En pratique, une convention signée par la collectivité bénéficiaire du label et sa DRAC prévoit, pour une durée de dix ans, des engagements relatifs à la valorisation du patrimoine, le développement d'une politique de sensibilisation du public et la mise en place d'un Centre d'interprétation de l'architecture et du patrimoine (CIAP) à destination des habitants et des touristes. En outre, l'obtention de ce label ouvre droit à une aide financière 19 ( * ) de la DRAC compétente pour la conservation et la restauration du patrimoine, ainsi qu'un accès aux formations dispensées par les services du ministère de la Culture.
Le label « Architecture contemporaine remarquable » met en valeur des immeubles de moins de cent ans dont la conception présente un intérêt architectural ou technique (il disparaît automatiquement au bout d'un siècle d'existence de l'immeuble). Il permet au propriétaire de bénéficier d'une aide technique du ministère de la Culture pour adapter à de nouveaux usages les ouvrages labellisés subissant des transformations afin que les qualités initiales du bien soient préservées lors des travaux. Ce label a permis de porter un regard attentif sur le patrimoine dit de la reconstruction.
Enfin, l'inscription au « Patrimoine mondial de l'UNESCO », après dépôt et acceptation d'une candidature aux niveaux national puis international, concerne les biens présentant une valeur universelle exceptionnelle. Évidemment, un tel classement suscite des retombées majeures sur le tourisme. Il permet également au propriétaire d'être accompagné par la sous-direction des monuments historiques et des espaces protégés du ministère de la Culture et par les DRAC pour protéger et gérer son patrimoine. Les collectivités propriétaires sont chargées d'assurer « la protection, la conservation et la mise en valeur du bien reconnu en tant que bien du patrimoine mondial », notamment à travers un plan de gestion comprenant les mesures de protection, de conservation et de mise en valeur à mettre en oeuvre, élaboré conjointement par l'État et les collectivités territoriales concernées (article L. 612-1 du code du patrimoine).
Laurent Roturier, DRAC d'Île-de-France, nuance toutefois : « Si la signalétique fonctionne bien pour le patrimoine classé ou inscrit, c'est moins le cas pour le patrimoine vernaculaire » . Il reste donc ce fameux « patrimoine du quotidien », peu ou pas identifié mais qui mériterait un coup de projecteur particulier. Par exemple, si les plaques « Patrimoine du XX e siècle » ont eu un effet positif dans certains territoires, cela reste encore insuffisant pour bien faire connaitre ce patrimoine riche. Une réflexion pourrait donc être engagée pour matérialiser aussi l'intérêt historique de notre patrimoine du quotidien.
Reste que la mise en valeur du patrimoine local aujourd'hui dépend infiniment des reprises sur les réseaux sociaux et les sites de tourisme que des labels. Une situation que résume Bruno Monnier, président de Culturespaces, premier opérateur privé de gestion de monuments historiques : « En pratique, les labels ont peu d'impact. Ce qui importe désormais c'est la note obtenue sur TripAdvisor ».
Recommandation n° 13 : Encourager les maires à faire labelliser le patrimoine de leur commune quand cela est possible et à profiter du coup de projecteur désormais offert par les sites de tourisme et surtout les réseaux sociaux.
* 13 Ils remplacent les anciens secteurs sauvegardés, les anciennes zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) et les aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AVAP).
* 14 Où la démarche de recensement a conduit à l'établissement de trois listes distinctes.
* 15 Les conservations régionales, en association avec les collectivités territoriales, ont classifié 1,3 million de bâtiments « Souvenirs historiques » (« Denkmal »).
* 16 Le PLU peut ainsi identifier et localiser les éléments de paysage et délimiter les quartiers, îlots, immeubles, espaces publics, monuments, sites et secteurs à protéger, à mettre en valeur ou à requalifier pour des motifs d'ordre culturel, historique ou architectural, en vertu des dispositions de l'article L 123-1-5 du code de l'urbanisme.
* 17 La demande de protection au titre des monuments historiques peut aussi être formulée par un propriétaire privé. Toute personne non propriétaire de l'édifice mais y ayant intérêt (collectivité territoriale, association de défense du patrimoine etc.) peut également être à l'initiative de la demande de protection.
* 18 Site du ministère de la Culture.
* 19 La demande de subvention doit être réalisée par la collectivité. Ce soutien financier peut se matérialiser par : une aide au salaire d'un animateur de l'architecture et du patrimoine ; une participation à l'étude de scénographie du CIAP ; une aide au financement de documents de communication ; ou encore une aide au financement d'actions pédagogiques.