B. AUDITION DE M. BENJAMIN MOIGNARD, UNIVERSITAIRE

Mercredi 12 décembre 2018

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente

Nos pensées accompagnent les victimes des événements dramatiques de Strasbourg.

Dans la continuité de nos travaux consacrés au phénomène #PasDeVague et à la violence à l'encontre des professeurs et, plus largement, des personnels de l'éducation nationale, nous entendons Benjamin Moignard, maître de conférences en sociologie à l'ÉSPÉ de l'académie de Créteil et membre du conseil scientifique de l'observatoire international de la violence à l'école.

Notre commission a commandé à la rédaction multimédia du Sénat une analyse de la mobilisation du mot-dièse #PasDeVague. L'analyse porte sur le volume et le contenu des messages émis sur Twitter pendant un mois, du 21 octobre au 21 novembre 2018.

Le mouvement a émergé sur la plateforme de manière rapide et massive : plus de 150 000 messages utilisant le mot-dièse #PasDeVague ont été publiés sur la période par plus de 35 000 comptes, dont près de 105 000 dans les cinq premiers jours. La mobilisation est 2,5 fois inférieure à celle constatée pour le mot-dièse #BalanceTonPorc, qui avait été particulièrement relayé, mais deux fois supérieure à celle de la marche pour le climat, qui avait donné lieu à de fortes mobilisations en septembre et en octobre derniers. S'agissant d'un sujet centré sur une profession particulière, il s'agit d'une mobilisation de très forte ampleur.

Ce mouvement de libération de la parole est né en réponse à l'agression d'une professeure à Créteil, révélée le 21 octobre, et aux propos du ministre, qui assurait les enseignants du soutien de l'institution. De nombreux professeurs témoignent alors de l'incohérence entre leur expérience et le discours officiel. En relayant le témoignage d'un autre enseignant, un professeur a lancé le mot-dièse #PasDeVague, avant que sa réutilisation par Fatima Aït Bounoua, une professeure de lettres et intervenante sur RMC, bénéficiant donc d'une certaine notoriété médiatique, n'entraîne véritablement la circulation du slogan.

Le nombre de tweets quotidiens explose dès le 21 octobre pour atteindre un pic le surlendemain, avant de retomber progressivement. La mobilisation se maintient toutefois à un niveau non négligeable, de l'ordre de plusieurs centaines de messages par jour en moyenne. Les annonces du Gouvernement le 31 octobre ont été sans conséquence sur le mouvement.

Les messages les plus relayés illustrent la dynamique à l'oeuvre : deux sont des témoignages de professeurs anonymes, émis par des comptes quasi inconnus et dénonçant la réaction inappropriée de l'institution à la suite de violences dont ils ont été témoin ou victime. Les interactions entre les différents comptes ayant relayé des messages comportant le mot-dièse #PasDeVague indiquent que le mouvement est issu principalement des professeurs, en marge des syndicats et des partis politiques, bien que quelques comptes soient animés par des personnes syndiquées extrêmement actives. L'analyse des comptes impliqués révèle que parmi les 35 385 utilisateurs concernés, seuls 8 500 ont effectivement publié des messages, les autres se contentant de les relayer, soit une proportion comparable à celle observée pour d'autres mot-dièse à succès.

Le mouvement doit être mis en perspective avec le nombre d'enseignants en fonction : plus de 400 000 professeurs dans le second degré public et 330 000 dans le premier degré. Il demeure toutefois important, car tous ne possèdent pas de compte Twitter. Il reflète le mal-être, la frustration envers l'institution, voire le sentiment d'abandon d'une partie de la profession, dont le rapport de nos collègues Max Brisson et Françoise Laborde sur le métier d'enseignant se faisait déjà l'écho.

L'analyse des profils à laquelle se livre l'étude doit être appréhendée avec prudence, la majorité des comptes de professeurs étant anonymes et comportant peu d'éléments biographiques. Parmi les utilisateurs identifiés, peut être observée une légère surreprésentation des hommes et des messages provenant de la région parisienne et des grandes métropoles, ce qui est cohérent avec l'utilisation de Twitter mais également la localisation des établissements les plus en difficulté. En resserrant l'analyse sur un échantillon des 125 profils individuels les plus influents ayant émis des témoignages de première main, retraités des médias et des organisations syndicales, il apparaît que les professeurs du second degré constituent, avec 84 % de l'échantillon, le coeur de la mobilisation. Seuls seize d'entre eux revendiquent une appartenance syndicale.

Les événements que mentionnent les témoignages relayés par les enseignants sont variés : actes d'incivilité ou de violence à l'encontre des professeurs commis par des élèves mais également par des parents, voire des violences entre élèves. Le dénominateur commun réside dans une réaction de l'institution jugée inadaptée : les mots « hiérarchie » et « rectorat » reviennent souvent. Ces témoignages ne mettent pas particulièrement en cause les ministres successifs, mais dénoncent le fonctionnement de l'éducation nationale comme institution, certains messages rapportant des pratiques de longue date.

L'analyse de la diffusion du mot-dièse #PasDeVague révèle une mobilisation importante, centrée sur le second degré, qui dénonce un manque de soutien de la hiérarchie et de l'institution face aux incivilités et aux violences. Émergé sur Twitter, ce mode de mobilisation, sans lien avec les organisations syndicales, est un phénomène nouveau dans l'éducation nationale.

M. Benjamin Moignard, sociologue, maître de conférences à l'ÉSPÉ de Créteil

La mobilisation des professeurs autour du mot-dièse #PasDeVague recoupe des préoccupations décrites par les travaux universitaires depuis plusieurs années et révèle la méfiance des enseignants du secondaire, mais également de l'enseignement primaire, envers leur hiérarchie directe et indirecte. La situation française diffère, à cet égard, de celles des pays étrangers. Depuis la fin des années 1990, lorsque la violence à l'école a commencé à être mesurée, nous observons une stabilité du phénomène, ainsi que sa concentration progressive dans certains établissements. 10 % des établissements concentrent 40 % des incidents signalés à l'éducation nationale. Les actes de violence spectaculaires, comme l'attaque récente d'une professeure de Créteil, existent mais ils demeurent rares. Avec Éric Debarbieux, nous avons mené en 2013 une enquête sur un échantillon de 18 000 enseignants : moins de 2 % s'étaient déclarés victimes de violences physiques, pour moitié de la part d'élèves. Si un acte de violence reste traumatique pour une équipe pédagogique, leur nombre n'explose pas.

Depuis les années 1980, environ quatorze plans de lutte contre la violence à l'école ont été lancés, sans guère de résultat. Pour autant, 85 % des élèves portent une appréciation positive sur le climat scolaire, même si ce sentiment varie d'un établissement à l'autre. La situation apparaît davantage dégradée dans les zones d'éducation prioritaire (ZEP), malgré le succès de certains projets éducatifs qui ont su inverser les déterminismes sociaux.

Le premier facteur de protection des élèves et des professeurs réside dans la stabilité des équipes enseignantes et dans la mise en oeuvre de projets collectifs. Hélas, depuis les années 1980, la mobilité s'est accélérée dans les établissements dégradés, en conséquence d'un système de nomination délétère des professeurs propre à la France. La difficulté ne réside pas dans le jeune âge des enseignants de ZEP mais dans le changement permanent des équipes. Dans les établissements où cette difficulté a été aplanie, le climat scolaire s'améliore.

Mme Marie-Pierre Monier

Un bilan des différents plans de lutte contre la violence scolaire a-t-il été réalisé ? Les sanctions prononcées diffèrent selon les établissements. Parfois, elles peuvent être inexistantes, ce qui est inacceptable. En cas de violence, le soutien de l'administration au professeur concerné doit constituer une évidence. Les difficultés, souvent, ne se cantonnent pas à la salle de classe : les infirmières scolaires, les surveillants - en nombre insuffisant hélas - et le personnel administratif ont également un rôle à jouer. Même si seuls les faits les plus graves font l'objet d'un traitement médiatique, chaque acte de violence a des conséquences négatives sur la qualité de l'enseignement.

M. Max Brisson

Quelle définition donnez-vous de la hiérarchie indirecte que vous avez évoquée ? Quels indicateurs avez-vous utilisés pour affirmer que le phénomène de violence scolaire demeure stable depuis les années 1990 ? Est-il, selon vous, possible de le réduire, voire de l'éliminer ? Les syndicats, rappelant que les primes ne sont guère efficaces pour fidéliser les enseignants dans les zones sensibles, estiment inutile de modifier les modalités d'affectation. Ne faudrait-il pas davantage repenser et revaloriser les carrières ?

M. Pierre Ouzoulias

Je profite de mon intervention pour remercier notre présidente d'avoir pris l'initiative d'une telle rencontre : la représentation nationale a, j'en suis convaincu, besoin de l'expertise des sciences humaines et sociales. Les violences scolaires résultent de l'image dégradée que les élèves ont de l'école, éloignée de l'idéal qu'elle portait autrefois, et des inégalités sociales croissantes.

M. Antoine Karam

La violence a toujours existé en milieu scolaire, mais elle se trouve désormais amplifiée par les téléphones portables et les réseaux sociaux. La lutte contre ce phénomène s'appuie sur une circulaire de 2006, complétée de trois documents relatifs aux conduites à tenir. Que pensez-vous de cet arsenal réglementaire ? Une formation spécifique devrait-elle être dispensée aux enseignants ? Quel accompagnement est proposé aux professeurs victimes de violence ? La simplification des procédures afférentes aux conseils de discipline souhaitée par le ministre lèvera-elle les freins à leur organisation ?

M. Jacques Grosperrin

Je m'interroge souvent sur les travaux de sociologie qui excusent les auteurs de violence. Vous êtes, pour votre part, le digne successeur d'Auguste Comte et de Pierre Bourdieu. L'école ne représente plus un lieu sacré : les élèves y font entrer les usages de leur groupe social d'origine. Des études ont-elles été réalisées sur ce sujet ? Avez-vous, par ailleurs, évalué le niveau de violence en fonction des chefs d'établissement, dont le rôle me paraît fondamental ? Il me semble nécessaire que le temps de présence des enseignants au sein des établissements augmente.

Mme Maryvonne Blondin

Nous avons entendu l'an passé Éric Debarbieux sur ses travaux relatifs à la violence scolaire. Il nous avait alors indiqué avoir pu récolter des données remontant aux années 1970 grâce à l'Autonome de solidarité laïque. La gestion des ressources humaines de l'éducation nationale représente un facteur déterminant pour favoriser la stabilité des équipes éducatives, ce qui permet d'endiguer la violence. Mais comment la rénover ?

Les représentants des chefs d'établissement nous ont rappelé que la violence scolaire résultait également de celle qui prévalait dans notre société. Lors de récentes manifestations, des lycéens ont été photographiés à genou, mains sur la tête : quelle conséquence estimez-vous que ces images pourraient avoir sur le climat des manifestations lycéennes ?

Mme Samia Ghali

La violence est éminemment présente dans les quartiers populaires, où elle constitue un mode de vie et d'expression naturel. Certains n'y ont plus aucune conscience du bien ou du mal ! Prenez l'agression de la professeure à Créteil : lorsqu'un jeune a l'habitude, depuis l'enfance, de voir de véritables armes de guerre dans son quartier, l'usage d'une arme factice a pu lui sembler bénin. Dès le plus jeune âge, l'influence du phénomène de bande entraîne chez les enfants une posture de défense et nourrit l'instinct de survie.

Un lycée de 1 500 élèves représente l'équivalent d'une petite ville. Comme toute communauté, il a besoin de moyens humains pour assurer les services essentiels, notamment en matière de sécurité. Au lycée Saint-Exupéry de Marseille, dix postes de contrats aidés, pourtant indispensables, ont été supprimés. J'ai récemment reçus des lycéens de l'établissement : les trafiquants les empêchaient de faire grève en usant de menaces physiques !

Il faut revenir aux méthodes qui fonctionnaient autrefois, lorsque le montant des bourses pouvait diminuer en fonction du comportement de l'élève. Les parents, alors, veillaient à l'attitude de leur progéniture. Je ne suis pas favorable à la suppression des allocations familiales, mais il faut bien avouer que certains parents font preuve d'un regrettable laxisme, sans compter que l'autorité paternelle a presque déserté certains quartiers où le taux de foyers monoparentaux atteint 60 %.

Mme Sonia de la Provôté

Estimez-vous que l'interdiction du portable à l'école puisse avoir un effet positif sur le niveau de violence, dont il amplifie la médiatisation ?

Les formes de violence varient-elles selon le sexe des élèves ? Il semblerait que la violence soit en progression chez les filles.

S'il est acquis que le milieu de vie influence les comportements, pensez-vous que l'enseignement moral et civique, recentré sur les notions de respect et de citoyenneté, pourrait contribuer à les modifier ?

Mme Françoise Laborde

Je me réjouis que vous nous invitiez à une approche différente du phénomène de la violence à l'école, que nous traitons avec beaucoup d'affect et de passion. Nous relayons nous-mêmes des poncifs ! Nous devons, au contraire, penser différemment la violence au sein de l'école républicaine.

L'installation d'un médiateur serait utile, ainsi que le recommandent divers rapports, comme celui confié à Alain Bauer ou celui que j'ai commis avec Max Brisson sur le métier d'enseignant, mais elle ne suffit pas. Le manque de personnel ou la jeunesse des professeurs dans les établissements difficiles n'expliquent pas tout. Mais vous avez raison de pointer l'insuffisante stabilité des équipes.

Mme Céline Brulin

La stabilité paraît effectivement essentielle ! Nous devons réfléchir à des mesures pour la favoriser. Hélas, le projet de loi de finances pour 2019, qui envisage des suppressions de postes, n'en prend pas la direction. L'école ne peut être absolument épargnée par la violence de la société. Quel lien faites-vous entre les deux phénomènes ?

M. Benjamin Moignard

Les plans de lutte précédents n'ont fait l'objet d'aucune évaluation. Ils reprennent des modalités d'intervention similaires - renforcement des sanctions, amélioration de la formation des enseignants, recrutement de personnel dédié - dont la France apparaît déjà convenablement dotée. La question de fond réside dans la manière dont le phénomène de la violence est abordé, celle d'une violence intrusive, extérieure à l'école, alors que le fonctionnement de cette dernière devrait être révisé. Des dizaines de recherches l'ont prouvé, mais des blocages idéologiques freinent la réflexion. La France dispose déjà d'un lien efficient entre l'éducation nationale, la police et la justice, et de sanctions adéquates. Mais la violence varie d'un établissement à l'autre. Elle est d'autant plus forte que l'équipe éducative est instable, que les inégalités sociales sont importantes et que les liens sont distendus entre les différents services.

La Cour des comptes a montré que le mieux doté des collèges de Seine-Saint-Denis l'était moins que le moins bien doté des collèges parisiens. Ce constat nourrit un sentiment d'abandon et d'isolement chez certains enseignants. La déception entraîne un malaise, une souffrance au travail mis en exergue par de nombreuses recherches. La solitude des enseignants représente un enjeu majeur, preuve que le collectif est absent de la culture scolaire française. Nos enseignants reçoivent une formation de qualité, mais inadaptée à l'école du XXI ème siècle. La détresse existe également en milieu rural, même si les violences y sont moins fréquentes.

Les enseignants ont le sentiment d'être seuls, alors que la République a érigé l'école en priorité : il existe là une réelle incohérence. En France, en effet, le diplôme est survalorisé et la réussite scolaire jugée en conséquence prioritaire. Dès lors, l'amélioration du climat scolaire comme enjeu de réussite constitue un enjeu pour les établissements en difficulté. De fait, dans les établissements favorisés, les enfants réussiront quel que soit le climat scolaire.

Les établissements ont des pratiques différentes en matière de sanction. À titre d'illustration, la proportion d'élèves exclus de classe oscille entre 6 % et 64 % et le constat est identique pour d'autres types de sanction. À rebours du laxisme dénoncé par le mot-dièse #PasDeVague, l'école française punit beaucoup. Ainsi, 50 % des collégiens français sont collés dans l'année, contre 21 % en Grande-Bretagne, 17 % en Allemagne et 15 % en Espagne. En France, 10 % des collégiens sont exclus temporairement au cours de leur scolarité, contre 2 % à l'étranger. Dans chacun des départements franciliens, le nombre d'élèves temporairement exclus correspond, chaque jour, à l'effectif d'un collège, phénomène que je qualifié de « collège fantôme ».

L'approche idéologique de la sanction me semble par trop réductrice. Elle est évidemment nécessaire à l'école, mais son systématisme crée chez les élèves un sentiment d'injustice. Dans certains établissements, entre huit et quinze élèves sont temporairement exclus chaque jour. La sanction finit par être contreproductive, alors que son usage raisonné permet de limiter les violences. Hélas, la France, ne réfléchit pas comme le Canada aux moyens de renforcer les compétences sociales. Souvent, la sanction permet à l'administration d'assurer l'enseignant de sa solidarité, mais elle ne fonctionne pas. L'école ne représente pas un espace comme les autres : les élèves l'aiment et croient à son utilité, mais ils en viennent à la détester s'ils jugent que le contrat social a été rompu. Dans un pays où l'école est déconsidérée, la violence scolaire n'existe pas. La France, où les espoirs reposent massivement sur l'école, se trouvent dans une situation inverse : nos enseignants, dans leur solitude, portent la République. Ils sont pourtant infantilisés dans l'exercice de leur métier, bien qu'ils soient cadres de la fonction publique, et régulièrement accusés de corporatisme.

À ma connaissance, il n'existe pas de dispositif en faveur des professeurs victimes de violence. En 2005 puis en 2009, un numéro d'appel avait été installé par l'Autonome de solidarité, mais il n'avait guère fonctionné et a depuis disparu. Certains enseignants n'osent en effet pas relater, même anonymement, les faits dont ils sont victimes. Monique Sassier, ancienne directrice des ressources humaines du ministère, avait vu juste lorsqu'elle estimait que le véritable drame de l'éducation nationale était l'absence de politique humaine de ses ressources.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente

Les chefs d'établissement, dont les responsabilités sont nombreuses, ne souffrent-ils pas également de solitude ?

M. Benjamin Moignard

Absolument ! Le mot-dièse #PasDeVague montre que personne ne les soutient. Ils subissent une injonction paradoxale : gouverner localement sans disposer des moyens de mener leur mission. Leur formation devrait également se soucier du travail en collectif. Comment, en effet, gérer un établissement dans lequel personne ne souhaite être administré ?

Je ne partage pas l'opinion des syndicats sur les modalités d'affectation des professeurs. Je suis, au contraire, convaincu qu'il convient de donner davantage de latitude aux chefs d'établissement pour recruter sur le fondement d'un projet pédagogique, comme le font les micro-lycées. Le sujet est notamment délicat dans le premier degré, où le directeur d'école ne dispose d'aucun pouvoir hiérarchique pour piloter son école. Cette difficulté explique en partie la crise de recrutement que connaît la profession à l'exception de Paris, où des avantages particuliers ont été accordés aux directeurs d'école.

Les difficultés relationnelles rencontrées par les enseignants du premier comme du second degré se concentrent, aux termes de l'enquête précitée de 2013, sur les adultes. 75 % des répondants estiment satisfaisante leur relation avec les élèves, mais 50 % seulement jugent favorablement celle qu'ils entretiennent avec les adultes de l'établissement. Ils sont 75 % à considérer, néanmoins, que la discipline n'est pas convenablement appliquée, contre 21 % chez les chefs d'établissement. Au-delà des difficultés liées au comportement des élèves, le niveau de méfiance entre adultes explique en partie un climat scolaire délétère. Il me semble donc important de travailler sur les collectifs d'enseignants et sur de nouvelles formes de recrutement, comme d'autres pays l'ont fait.

Dans la majorité des établissements, le portable est interdit depuis longtemps. Avant la loi adoptée au printemps dernier, seuls 6 % à 8 % des élèves l'utilisaient en dehors du temps pédagogique. Elle ne devrait donc guère avoir de conséquences sur la portée des violences commises, accentuée par les réseaux sociaux, ni sur le phénomène de la cyber-violence qui prolonge en général des violences physiques. La cyber-violence apparaît, en ce sens, difficile à envisager individuellement. Les violences commises et subies ne varient guère en fonction du sexe, exception faite des violences sexuelles qui concernent, s'agissant des attouchements subis au cours d'une année scolaire, 10 % à 18 % des filles au collège et 12 % à 19 % au lycée. D'après nos études, ces agissements ne détériorent pas pour autant le sentiment que les jeunes filles ont de la qualité des relations avec les garçons au sein de leur établissement. Ces derniers, en revanche, apparaissent davantage punis : ils construisent dès lors leur identité masculine contre l'école et entrent dans une surenchère vis-à-vis des sanctions, créant des habitudes de violence dommageables pour l'avenir.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente

Je vous remercie. Nos échanges alimentent notre réflexion et nous encouragent à prendre du recul sur la violence à l'école.

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