OUVERTURE

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat français

Je suis particulièrement heureux de vous souhaiter, au nom du président du Sénat Gérard Larcher, la bienvenue. Je suis de surcroît très heureux de vous faire les honneurs de cette belle salle que nous avons inaugurée hier. C'est dans cette ancienne chapelle de l'ordre des pairs que se réunira dorénavant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. La décoration est du XIX e siècle mais associe aussi les nouvelles technologies, pour que nous puissions travailler dans de bonnes conditions.

Je suis très heureux de retrouver le président Konstantin Kossatchev , mon homologue au Conseil de la Fédération de Russie, ainsi que plusieurs de ses collègues.

Je voudrais vous présenter les membres de notre délégation, avant que nous entrions dans le coeur du débat. Toutes les sensibilités du Sénat sont représentées au sein de notre délégation. M. Robert del Picchia , vice-président de la commission des affaires étrangères et sénateur des Français de l'étranger, et moi-même représentons le groupe Les Républicains. Mme Gisèle Jourda , sénatrice de l'Aude, représente le groupe socialiste et républicain. M. Bernard Cazeau , sénateur de la Dordogne, représente le groupe La République En Marche. M. Jean-Noël Guérini , sénateur des Bouches-du-Rhône, le groupe du RDSE. M. Joël Guerriau , sénateur de Loire-Atlantique, représente le groupe les indépendants, République et Territoires. Mme Sylvie Goy-Chavent , sénateur du département de l'Ain, représente le groupe Union centriste et Mme Christine Prunaud , sénatrice des Côtes-d'Armor, représente le groupe communiste républicain et écologiste.

Cher Président, nous voici réunis pour une nouvelle séquence de notre dialogue parlementaire qui s'est engagé il y a deux ans.

J'en rappellerai brièvement les étapes. Le point de départ avait été la publication, en octobre 2015, d'un rapport 2 ( * ) de notre commission intitulé « France-Russie : pour éviter l'impasse », dont l'un des auteurs était notre collègue Robert del Picchia, ici présent.

Ce rapport, qui se penchait sur la dégradation de nos relations avec la Russie, dans le contexte de la crise ukrainienne, et cherchait déjà des solutions « pour ne pas en rester là », avait été adressé par mon prédécesseur, M. Jean-Pierre Raffarin, à M. Kossatchev, son homologue du Conseil de la Fédération de Russie. Après l'avoir fait traduire et examiné, vous aviez souhaité en débattre avec nous, ce qui a donné lieu à une première réunion conjointe au Sénat, en mars 2016. Puis, vous avez décidé de rédiger votre propre rapport, dont vous nous avez conviés à discuter à Moscou, l'année dernière, en février 2017. Je rappelle qu'à cette occasion, nous avons signé également un protocole de coopération parlementaire qui formalise nos relations et inscrit notre dialogue dans la durée, ce qui était déjà un geste fort. Enfin, sur votre proposition, nous avons accepté le principe de préparer avec vous un rapport conjoint.

Il s'agit d'une initiative tout à fait inédite entre deux assemblées parlementaires de pays différents, et celle-ci est d'autant plus remarquable qu'elle a pris corps dans un contexte politique difficile. Mais vous ne me contredirez pas : c'est justement parce les relations sont difficiles que le dialogue est nécessaire !

Mener à bien ce travail conjoint nous a permis de mieux nous connaître et d'éprouver la solidité de notre engagement vis-à-vis de ce projet : nous avons arrêté ensemble une méthode et un calendrier, auxquels nous nous sommes tenus, ce qui est déjà une belle victoire. Concernant la méthode, nous avons défini un certain nombre de chapitres correspondant aux différents volets et thèmes de nos relations, et pour chacun d'entre eux, nous avons mis en regard, dans le rapport, le point de vue du Sénat et celui du Conseil de la Fédération de Russie. C'est de cela dont nous allons discuter au cours de la présente matinée.

Sur le fond, notre démarche n'est pas de gommer nos divergences. Qu'il s'agisse de l'Ukraine, de la Syrie, de l'OTAN, nos points de désaccord existent, nous le savons tous. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il nous semblait peu réaliste d'envisager de rédiger un rapport complètement unifié, avec une rédaction commune, comme vous le proposiez initialement. Nous avons donc gardé chacun notre propre expression, dans nos propres parties du rapport.

Mais il s'agissait surtout de faire ressortir les convergences qui existent d'ores et déjà entre la France et la Russie dans différents domaines (comme la culture, l'économie ou la lutte contre le terrorisme) et d'identifier des pistes susceptibles de nous permettre de surmonter nos différends sur les dossiers les plus sensibles.

Dans quelques minutes, nous allons entrer dans le vif du sujet et évoquer successivement les différents chapitres du rapport, en présentant, pour chacun d'entre eux, la vision française et la vision russe. De notre point de vue, la Russie est un pays dont personne ne peut se passer sur l'échiquier international : elle joue un rôle central et continuera à jouer un rôle central dans le règlement des crises. De notre point de vue, le respect du droit international est la voie la plus sûre pour que la Russie regagne un rôle de premier plan sur la scène internationale. Nous avons notamment besoin d'elle pour régler la crise en Syrie, ainsi que bien d'autres crises à travers le monde.

M. le Président Kossatchev, vous avez la parole pour introduire à votre tour les débats.

M. Konstantin Kossatchev, président du comité des affaires internationales du Conseil de Fédération de Russie

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, chers collègues. Tout d'abord, permettez-moi de vous remercier pour votre accueil et votre hospitalité que nous ressentons tout particulièrement dans cette salle. Il me paraît tout à fait symbolique que ce premier rapport conjoint dans l'histoire des relations de notre Conseil de la Fédération avec un autre Sénat, en l'espèce celui de la République française, soit examiné dans la salle où se réunira dorénavant votre commission, pour traiter nombre de sujets d'une très grande importance.

Je suis tout à fait d'accord avec vous : le dialogue parlementaire a une valeur en soi, mais cette valeur devient particulièrement importante dans la période que l'Europe et le monde entier sont en train de vivre. À cet égard, nous attribuons une très grande importance à notre rencontre présente et au processus que nous allons poursuivre de l'étude des problèmes les plus complexes de la conjoncture actuelle.

Vous avez évoqué ces deux années qui nous ont menés jusqu'à la présente rencontre. Tout a commencé en fait il y a trois ans, en février 2015, lorsque le président du Sénat français est venu en Russie. La période n'était alors pas moins complexe et grave que la période actuelle puisque c'était moins d'un an après le début des événements en Ukraine et la crise était à son paroxysme en Syrie, au Moyen-Orient, ainsi que dans d'autres points chauds de la planète. Le président Larcher a alors considéré qu'il était important de venir en Russie et d'initier un dialogue au niveau des instances les plus élevées du Sénat et du Conseil de la Fédération. Le président Larcher a d'ailleurs été le premier président d'un sénat étranger qui a eu la possibilité de prendre la parole devant les sénateurs russes et le discours qu'il a prononcé devant ces derniers a été historique. Gérard Larcher est ensuite revenu en Russie en avril 2016 et des accords ont été conclus entre les deux présidents - du Sénat français, d'une part, du Conseil de la Fédération, d'autre part.

Je souhaiterais, en outre, profiter de notre présence parmi vous pour vous demander de transmettre nos salutations à M. Jean-Pierre Raffarin qui était lui aussi à l'origine de ces travaux. Nous rencontrons toujours des interlocuteurs français remarquablement compétents et je suis d'ailleurs convaincu que cela sera également le cas pour la présente réunion. Je peux vous assurer que nous avons, nous aussi, réuni des personnes de la plus haute compétence parmi les parlementaires russes. M. Sergey Ivanovitch Kislyak , premier vice-président du comité des affaires internationales, présent depuis septembre 2017 au Conseil de la Fédération, est notamment présent parmi nous aujourd'hui. Avant cela, il a été pendant neuf ans ambassadeur aux États-Unis, après avoir été vice-ministre du Ministre des Affaires étrangères. Il a joué un rôle particulièrement important dans le domaine de la sécurité internationale et du désarmement.

M. Andrey Klimov , vice-président de notre comité, est responsable de l'axe européen et chef du comité actuellement en charge des relations entre le Parlement de Russie et le Parlement européen, dont les travaux sont actuellement en stand-by. Il sera bien placé pour parler des questions de sécurité et de coopération entre notre pays et l'Union européenne.

M. Alexey Dmitrienko n'est pas membre du comité des affaires internationales. Il est responsable du comité de la politique économique du Conseil de la Fédération de Russie et l'un des experts les plus éminents de notre pays dans ce domaine. Il participera ainsi aux discussions sur les relations commerciales et économiques entre nos deux pays, que nous aurons au cours de cette matinée.

Mme Tatiana Lebedeva n'est pas non plus membre du comité des affaires internationales. Elle siège au sein du comité des affaires sociales. Tatiana n'est pas là seulement ici pour compenser la prédominance masculine de notre délégation. Elle est responsable du développement de la société civile et de la promotion d'une coopération décentralisée. Elle est, en outre, championne du monde et championne olympique en saut en longueur et en triple saut.

Sur la couverture de la version française de notre rapport conjoint, nous lisons le numéro 387, ce qui atteste de l'intensité des travaux produits par le Sénat pour le compte de la République française. Nous avons l'intention d'indiquer un numéro sur la version russe de ce rapport également. Nous aurions pu mettre le numéro 2, puisqu'il s'agit dans les faits du second rapport que nous produisons, particulièrement emblématique du travail possible entre nos assemblées et consacré aux relations entre la Russie et la France.

Je voulais vous faire part d'un sentiment que j'ai ressenti au moment où j'ai pris connaissance du texte en français et en russe. J'ai remarqué qu'au départ, les chapitres deux et trois de ce rapport ne faisaient état d'aucune convergence de vue et commentaient a contrario à l'envi tous nos points de désaccords. Force est de constater, toutefois, que plus on avance dans ce rapport, moins il y a de points de désaccords entre les deux parties en présence et moins nous avons besoin de formuler des commentaires sur les développements de nos partenaires. Nous devons coopérer dans des domaines aussi divers que la science, la culture et les nouvelles technologies et je suis certain que nous aurons beaucoup plus de facilités à avancer sur les questions de sécurité européenne et d'intégration régionale lorsque nous aurons renforcé nos liens sur tous ces autres plans.

Ce qui nous manque, c'est une base solide d'intérêts convergents et de projets de coopération enchevêtrés qui rendraient moins prégnants les difficultés, les séismes et les catastrophes auxquels nous nous trouvons aujourd'hui confrontés sur un plan politique. Je pense que cela nous permettrait d'avancer sur les pistes de ce rapport que je continue à considérer comme conjoint, même si nous avons fait le choix d'exprimer nos idées de manière séparée. Je ne renonce d'ailleurs pas à l'ambition de produire à terme des textes complètement unifiés et sous lesquels nous pourrons apposer sans ambiguïtés nos signatures.


* 2 « France-Russie : pour éviter l'impasse », rapport d'information de M. Robert del PICCHIA, Mme Josette DURRIEU et M. Gaëtan GORCE, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, n° 21 (2015-2016) - 7 octobre 2015.

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