AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
L'importante mobilisation du 30 janvier 2018 des personnels travaillant en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) traduit l'urgence des problèmes rencontrés par les professionnels de la prise en charge du grand âge.
Dans un contexte marqué par une réforme du financement de ces établissements, dont la mise en oeuvre fait l'objet de nombreuses contestations, il paraît essentiel de prendre un temps de réflexion et d'interroger en profondeur les failles d'un système dont tout nous porte à penser qu'il n'est plus soutenable.
Discuter du bien-fondé de la réforme tarifaire ne doit pas nous faire prendre la partie pour le tout. Au-delà des débats réels auxquels se livrent des gestionnaires d'établissements légitimement inquiets de subir une baisse de leurs dotations budgétaires, la détresse actuellement exprimée par le secteur de la prise en charge des personnes âgées dépendantes excède les seules modalités de son financement.
Il n'est aujourd'hui plus possible de reporter la réforme d'ensemble du modèle de ressources humaines en Ehpad appelée par le secteur. Le manque de personnel, la difficulté des tâches, l'ambiguïté des liens de l'hébergement en établissement avec la prise en charge sanitaire sont autant de signaux qui requièrent une clarification nécessaire des missions des acteurs et du secteur de façon plus général.
La commission des affaires sociales du Sénat a souhaité s'inscrire dans le prolongement de travaux déjà lancés sur ce sujet. Elle a tenu à apporter des solutions immédiatement exploitables pour répondre à l'urgence de la crise traversée par les Ehpad, mais s'est également penchée sur une réforme plus ambitieuse de la dépendance dont les pouvoirs publics ne peuvent désormais plus faire l'économie.
EXPOSÉ GÉNÉRAL
I. LA TARIFICATION DES EHPAD : UNE FOCALISATION RÉCENTE, UN RISQUE D'OCCULTATION DE PROBLÈMES PLUS PROFONDS
A. UNE STRUCTURE TRIPARTITE DES COÛTS
Les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) remplissent auprès de leur public accueilli une triple mission, qui détermine les modalités de leur financement 1 ( * ) :
- une mission d'hébergement , essentiellement composée de prestations hôtelières, qui reste logiquement à la charge financière de la personne accueillie, avec la possibilité pour le conseil départemental de lui apporter un soutien financier. Dans le cas d'un établissement habilité à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale, le prix de journée versée par la personne ne peut dépasser un certain montant fixé par le conseil départemental ;
- une mission d'accompagnement de la personne dans les actes de la vie quotidienne . Cette mission recouvre plusieurs degrés de mise en oeuvre en fonction du degré d'autonomie de la personne, mesuré à l'aide de la grille autonomie, gérontologie, groupes iso-ressources (Aggir), qui distingue six catégories de dépendance (allant du Gir 1, le plus dépendant, au Gir 6, le plus autonome). La prise en charge financière de la perte d'autonomie peut être assurée par le conseil départemental , via le versement d'une allocation personnalisée à l'autonomie (Apa). Dans le cas des personnes résidant en Ehpad, cette allocation est calculée à partir du Gir moyen pondéré (GMP) des résidents de l'établissement, puis versée directement à l'établissement sous la forme d'un « forfait global relatif à la dépendance » ;
- une mission de soins médicaux . Cette mission se traduit par le versement à l'établissement par l' agence régionale de santé (ARS) d'un « forfait global relatif aux soins ». Ce forfait est alimenté par l'objectif global de dépenses (OGD) géré par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et très largement financé par des crédits d'assurance-maladie. Il est déterminé par établissement en tenant compte du « niveau de dépendance moyen et des besoins en soins requis des résidents », synthétisés dans un indicateur original : le Gir moyen pondéré soins (GMPS).
Calcul du GMP et du GMPS Le GMP : l'annexe 3-6 du code de l'action sociale et des familles (CASF) donne le tableau de valorisation en points de classement en niveaux de dépendance des personnes âgées accueillies dans un établissement. On déduit de cette cotation que la personne présentant un Gir 6 a des besoins en aide à l'autonomie 14,3 fois inférieurs à la personne présentant un Gir 1. Le GMP est ensuite obtenu en opérant la somme des points Gir des personnes de l'établissement puis en divisant par le nombre de personnes. Le GMPS : il s'obtient par combinaison de deux indicateurs : le GMP et le Pathos moyen pondéré (PMP). Le PMP s'obtient quant à lui par l'agrégation des besoins en soins des résidents évalués à l'aide de l'outil Pathos puis pondérés en fonction de huit postes professionnels de soins. Sa pertinence fera l'objet d'une discussion ci-après. Le GMPS obéit à la formule de calcul suivante : GMPS = GMP + (2,59 x PMP) |
Tableau synthétique du financement d'un Ehpad
Soin |
Dépendance |
Hébergement |
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Forfait
(ou dotation) global versé par
l'ARS
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Forfait
(ou dotation) global versé
|
Prix de journée
versé
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* 1 Décrit à l'article L. 314-2 du code de l'action sociale et des familles.