II. LA FISCALITÉ FRANÇAISE N'APPARAÎT PAS PARTICULIÈREMENT BIAISÉE EN FAVEUR DE L'IMMOBILIER, UNE FOIS LES SPÉCIFICITÉS LIÉES AU STATUT DE PROPRIÉTAIRE OCCUPANT PRISES EN COMPTE
A. UN NIVEAU DE PRÉLÈVEMENTS PARTICULIÈREMENT ÉLEVÉ
1. 67,9 milliards d'euros de prélèvements liés au logement
Selon les comptes du logement pour 2016, publiés en juillet 2017 par le Commissariat général au développement durable (CGDD), les prélèvements relatifs au logement ont représenté 67,9 milliards d'euros, soit 7 % de l'ensemble des prélèvements obligatoires, en tenant compte de tous les types de propriétaires 37 ( * ) .
Le poids des prélèvements opérés sur les logements est en progression , enregistrant une hausse de 3,6 % de 2015 à 2016 , contre 1 % pour l'ensemble des prélèvements obligatoires . En dix ans , ils ont augmenté de 28 %.
Évolution sur dix ans des prélèvements liés au logement
(en milliards d'euros)
Nb : Les montants présentés concernent tout type de logements, quel que soit le propriétaire.
Les prélèvements sont présentés nets des avantages fiscaux (par exemple net des avantages fiscaux liés aux dispositifs d'incitation à l'investissement locatif de type « dispositif Pinel » pour l'imposition des revenus fonciers au titre de l'impôt sur le revenu pour les particuliers bailleurs).
Quatre types de prélèvements sont retenus par le compte logement :
- les prélèvements liés à la consommation associée au service de logement : avant son abrogation, le droit au bail, puis les taxes concernant les consommations associées au service de logement (comme la TVA relative à l'énergie, aux travaux...) ou certains produits (énergie, eau...) ;
- les prélèvements liés à la production de service de logement : contribution sur les revenus locatifs, taxe foncière sur les propriétés bâties et autres taxes sur la production du service de logement (imposition des revenus fonciers, taxe sur les logements vacants...) ou encore les taxes sur les charges (gros travaux d'entretien-amélioration par exemple) ;
- les prélèvements liés à l'investissement en logement : taxes d'urbanisme (taxe d'aménagement) et impositions à la TVA pesant sur l'investissement en logement neuf (TVA sur les logements neufs, sur les terrains à bâtir...) ;
- les prélèvements liés aux mutations : droits de mutation à titre onéreux, imposition des plus-values de cessions immobilières et salaire du conservateur des hypothèques désormais remplacé par la contribution de sécurité immobilière.
Pour l'année 2015, les chiffres pour 2014 ont été reportés, faute d'éléments disponibles dans les comptes du logement.
Source : Commission des finances d'après les données du Compte du logement 2016
Sur plus longue période, l'on constate que les prélèvements liés au logement suivent la même évolution que celle de l'ensemble des prélèvements obligatoires, augmentant de près de 200 % en 30 ans.
Évolution des prélèvements
liés au logement
comparé à l'ensemble des
prélèvements obligatoires (PO)
(base 100 en 1984 ; pourcentage)
Source : Compte du logement 2016
2. Les comparaisons internationales mettent en évidence l'importance des prélèvements opérés sur le patrimoine immobilier en France
Selon les statistiques de l'OCDE relatives aux recettes fiscales, les prélèvements sur le patrimoine immobilier représentent environ 3,3 % du PIB de la France en 2015 (alors que les prélèvements sur le patrimoine en général représentent 4,07 % du PIB) et 7,2 % de l'imposition totale . Ce chiffre ne recouvre toutefois que les prélèvements sur le stock de patrimoine à savoir, selon la nomenclature de l'OCDE, les « impôts périodiques sur la propriété immobilière » (catégorie 4100), et les impôts sur les transactions mobilières et immobilières (catégorie 4400). Certes, cette dernière catégorie intègre également les impôts sur les transactions mobilières, mais l'essentiel des montants correspond à des opérations immobilières (environ 80 %).
En revanche, ne sont pas comptabilisés en tant que prélèvements sur le patrimoine immobilier les montants de prélèvements fiscaux et sociaux sur les revenus fonciers et les plus-values de cessions immobilières ni l'impôt de solidarité sur la fortune qui s'applique globalement à l'ensemble du patrimoine.
Sur vingt ans, les chiffres montrent une part des prélèvements sur le patrimoine immobilier en hausse de 28 % par rapport à l'ensemble des recettes fiscales et de 39 % au regard du PIB entre 1995 et 2015.
Évolution de la part des
prélèvements sur le patrimoine immobilier en France
par
rapport à l'imposition totale et au PIB - 1995-2015
(en %)
Source : Commission des finances d'après les chiffres de l'OCDE
Du point de vue des comparaisons internationales, avec ses 3,3 % du PIB, la France apparaît ainsi en deuxième position parmi les pays de l'OCDE en termes de prélèvements sur le patrimoine immobilier , derrière le Royaume-Uni (3,8 %) et bien avant les États-Unis (2,6 %) et l'Allemagne (0,8 %).
Part des prélèvements sur le patrimoine
immobilier
dans le PIB de pays de l'OCDE en 2015
(en % du PIB)
Source : commission des finances d'après les chiffres de l'OCDE
Sans retenir nécessairement les mêmes paramètres, un rapport du cabinet Ernst and Young pour la commission européenne d'octobre 2014 met également en évidence la forte taxation de la détention d'actifs immobiliers en France au regard d'autres pays européens 38 ( * ) . En tenant compte de la taxe d'habitation (pour environ 0,7 %), qui s'applique aussi aux locataires, mais pas de l'impôt sur la fortune, alors que 30 % de son rendement provient du patrimoine immobilier des assujettis, la France arrive en tête (2,7 % du PIB) en termes de poids des impôts sur l'immobilier en 2012 au sein de l'Union européenne (2,08 % pour le Royaume-Uni et seulement 0,73 % pour l'Allemagne).
Le poids de la fiscalité applicable à un bien neuf en Europe Selon une étude sur la fiscalité immobilière en Europe, réalisée en octobre 2014 par le cabinet Fidal, pour le compte de la fédération des promoteurs immobiliers en France, « la comparaison de la fiscalité des différents pays européens démontre que le cumul des différentes impositions pèse de manière élevée en France sur les prix de vente du résidentiel neuf ». Pour un appartement acquis pour 200 000 euros toutes taxes comprises (TTC) et détenu pendant 10 ans, l'étude faisait ainsi apparaître une imposition équivalente à 56 % du prix d'acquisition. Synthèse des principales taxes et impositions grevant l'acquisition d'un appartement pour un prix de 200 000 euros TTC et sa détention sur une durée de 10 ans (en euros et en pourcentage du prix d'acquisition)
Source : étude du cabinet Fidal pour la fédération des promoteurs immobiliers, sur la fiscalité immobilière en Europe, octobre 2014 L'exemple pris ne tient pas nécessairement compte des exonérations susceptibles de s'appliquer dans de nombreux cas, en fonction des impôts et prélèvements concernés. Ainsi en est-il notamment des crédits d'impôt sur le revenu accordés aux particuliers réalisant une acquisition entrant dans le cadre d'un dispositif d'incitation fiscale à l'investissement locatif, de type « Scellier », « Besson » ou encore, plus récemment, « Pinel », que le projet de loi de finances pour 2018 propose de prolonger pour 4 ans dans les zones les plus tendues. Il s'agit, par ce type de dispositif d'allègement de la fiscalité, de soutenir la construction de logements mis en location , afin de répondre, par l'investissement des particuliers, au déficit de biens constatés dans certaines régions, et plus précisément de logements intermédiaires pour le dispositif « Duflot » devenu « Pinel ». Comme le présent rapport aura l'occasion d'y revenir, ils génèrent également des biais économiques , notamment par leur probable effet inflationniste sur les prix de vente pratiqués . |
* 37 Il convient également de préciser que les chiffres du compte de logement tiennent compte des prélèvements sur la consommation associée au service de logement, comme par exemple les taxes concernant les consommations associées au service de logement (TVA relative à l'énergie...) ou certains produits (énergie, eau...), qui ne sont pas nécessairement dus par le propriétaire.
* 38 Commission des finances d'après les données du rapport de Ernst and Young pour la commission européenne, Panorama pan-européen des taxes et impôts sur la fortune, la propriété immobilière et le transfert de patrimoine, octobre 2014, TAXUD/2013/DE/335.