Françoise Laborde, vice-présidente de la Délégation aux droits des femmes (Groupe du rassemblement démocratique et social européen)
Madame la ministre,
Madame la présidente du Planning familial ,
Mes chers collègues,
Mesdames, Messieurs,
Le 5 décembre 1967, pendant la première lecture au Sénat de ce qui allait devenir la loi Neuwirth, un orateur souhaitant attirer l'attention de ses collègues sur les dangers de la pilule cite un éminent professeur de neurophysiologie français et qualifie la contraception de « crime biologique contre la nature ».
Le danger selon lui est grand, car, poursuit-il, « la nature se venge toujours de ceux qui veulent la violenter ».
On mesure, avec ce genre de citation, combien la tâche des parlementaires est difficile.
En 1967, le législateur devait décider s'il donnait la priorité à cette liberté nouvelle donnée aux femmes ou s'il estimait de son devoir d'éviter un « crime biologique »...
A-t-il eu raison de faire pencher la balance du côté de la liberté ? Vous imaginez quelle est ma réponse, mais je pose quand même la question.
Certes, les statistiques récentes accusent une baisse du nombre des naissances en France, mais la fécondité y demeure malgré tout relativement élevée alors même que la France occupe le premier rang mondial pour l'utilisation des méthodes médicales de contraception.
Le cataclysme prévu par le professeur de neurophysiologie ne s'est donc pas produit et notre démographie reste relativement dynamique : le législateur de 1967 a eu raison d'arbitrer en faveur de la liberté pour les femmes.
Plus encore, les auditions auxquelles notre délégation a procédé en marge de l'examen de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé 17 ( * ) ont mis en valeur des effets bénéfiques susceptibles de résulter de la contraception, par exemple en matière de prévention de certains cancers.
Nos lointains prédécesseurs ont été bien inspirés de ne pas céder à la peur, même si la contraception implique un suivi médical sérieux et régulier : chacun sait que ces substances ne sont pas anodines, comme l'ont révélé les risques associés à la pilule dite de troisième génération et comme le montrent actuellement les dangers liés à des implants de stérilisation définitive.
Cinquante ans après la loi Neuwirth, où en sommes-nous ?
Par rapport à la situation de 1967, un premier constat s'impose : l'offre de contraceptifs s'est considérablement diversifiée. Patchs, implants et dispositifs injectables peuvent être proposés aux femmes à côté des solutions plus connues comme la pilule ou le dispositif intra utérin.
Cette diversification implique plus que jamais l'accès des femmes à une information appropriée, afin qu'elles puissent choisir librement, et en toute connaissance de cause, la méthode qui leur convient le mieux.
Une autre évolution sensible réside dans les efforts qui ont été réalisés depuis l'adoption de la loi de 1967 à destination des mineures :
- pour supprimer l'autorisation parentale obligatoire et garantir la gratuité et l'anonymat de la contraception ;
- pour faciliter l'accès à la contraception d'urgence, plus particulièrement dans le cadre scolaire ;
- pour permettre la prise en charge des examens médicaux associés à la prescription de la contraception ;
- et pour favoriser l'indispensable suivi médical de celles qui y ont recours.
Pour ma part, je voudrais m'incliner devant notre collègue Lucien Neuwirth qui, en novembre 2000, plus de trente ans après l'adoption de la loi qui porte son nom, n'a pas hésité, comme le rappelait tout à l'heure Roland Courteau, à se prononcer en faveur de la contraception d'urgence face à la détresse d'adolescentes piégées par un rapport non protégé. Il était fidèle en cela à la générosité et au courage qui l'ont conduit à s'engager en faveur de la maternité choisie, à une époque où son combat lui a valu, il faut le rappeler, d'être menacé de la Haute cour, traité de « fossoyeur de la France » et qualifié de « malfaiteur public »...
Pour notre part, c'est plutôt à un « bienfaiteur » que nous souhaitons aujourd'hui exprimer notre respect.
Je vous remercie.
* 17 Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.