Intervention de Gérard Larcher, président du Sénat
Madame la ministre,
Mesdames et Messieurs les sénateurs, chers collègues,
Monsieur le président directeur général du groupe La Poste ,
Madame Neuwirth, chère Sophie Huet,
Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureux d'être parmi vous aujourd'hui pour assister à la présentation du timbre célébrant avec un peu d'avance le cinquantième anniversaire de la loi Neuwirth.
Je me réjouis qu'à cette occasion les membres de la délégation aux droits des femmes et sa présidente, Chantal Jouanno, qui ne peut malheureusement être présente parmi nous aujourd'hui, aient organisé un temps d'échanges pour rendre hommage à l'auteur de la loi relative à la régulation des naissances, qui a également été membre de la délégation de 1999 à 2001.
Chaque groupe a ainsi témoigné des combats et des engagements qui furent ceux de l'homme politique et du citoyen Lucien Neuwirth.
Je voudrais saluer l'heureuse initiative de La Poste qui, par le lancement de ce timbre, rend hommage à celui qui est unanimement reconnu comme cet inlassable combattant en faveur des droits des femmes, au point d'appartenir, grâce à cet engagement, à la lignée des parlementaires qui ont attaché leur nom à une loi.
Je tiens à rappeler que j'ai siégé au Sénat avec Lucien Neuwirth. J'ai connu son engagement pour des sujets qui, certes différents de celui qui nous réunit aujourd'hui, témoignent eux aussi de son implication au service de convictions humanistes. Je veux parler de la dépendance, de la douleur, des soins palliatifs, de ces sujets si graves dont Lucien Neuwirth nous a fait prendre conscience.
J'étais à cette époque président de la Fédération des hôpitaux de la région Île-de-France, et nous mesurions alors, grâce à Lucien Neuwirth, le retard pris par notre pays dans ce domaine.
J'ai envie de vous parler de Lucien Neuwirth tel que je l'ai connu, tel qu'il s'est raconté.
Lucien Neuwirth est de ces hommes qui étaient indiscutables, parce que leur engagement avait été indiscutable !
On ne peut évoquer le parcours formidable de Lucien Neuwirth sans évoquer celui pour lequel il a toujours eu le plus grand respect : je pense bien sûr au général de Gaulle. Pour Lucien Neuwirth, il était celui qui avait dit non, le non d'Antigone, le non sur lequel on ne revient pas !
J'en viens au combat de Lucien Neuwirth pour le droit des femmes à maîtriser leur fécondité. Ce combat avait pour cadre une France qui, dans le contexte de l'époque, imaginait les choses autrement.
Le combat de Lucien Neuwirth, dans ce contexte particulier de la France des années 1960, dont il faut avoir conscience, n'était pas gagné ! Mais Lucien Neuwirth a su, par la force de sa conviction, créer les conditions d'une liberté et d'une égalité nouvelles pour les femmes.
Lucien Neuwirth s'est inscrit, finalement, à l'avant-garde du combat que mènera Simone Veil sept ans plus tard.
Rappelons-le, le 1 er juillet 1967, il déclare : « Chez nous, il est impossible de continuer à contraindre des malheureuses à l'avortement, à la mutilation, au désespoir ou à la névrose. Cette situation ne peut se prolonger dans notre France de 1967, dans cette nation qui a donné la liberté au monde et dont la tolérance est la règle d'or . »
Cela me conduit à remarquer qu'au fond, la loi défendue par Simone Veil quelques années plus tard, avec beaucoup de courage, a été votée, comme la loi Neuwirth, en vertu d'une sorte de miracle !
Et à certains égards, la même remarque peut être faite pour le vote par le Sénat, en première lecture, de l'abolition de la peine de mort, en 1981.
Ces votes ont en commun de porter sur des sujets exceptionnellement forts.
Je suis profondément convaincu que des combats aussi fondamentaux peuvent rassembler des hommes et des femmes très différents par leurs sensibilités, des hommes et des femmes qui ont en commun, par-delà leurs convictions politiques, de croire que l'humain est au coeur de tout.
Cette dimension humaniste que Lucien Neuwirth portait en lui, je veux le souligner, s'appuie sur une attention particulière à la vie, et non pas sur sa négation.
Je dois dire que ce garçon de seize ans que vous avez décrit, M. le président directeur général, qui se dit en 1940 qu'il ne peut pas accepter l'inacceptable, qui doit à une pièce, dans son portefeuille, d'avoir survécu à une exécution, eh bien ce garçon avait de la vie, je peux en témoigner, une vision singulièrement optimiste !
Moi qui ai eu l'honneur de siéger au Sénat aux côtés de Lucien Neuwirth, j'ai eu le grand plaisir de débattre avec lui, notamment sur les soins palliatifs, sur la dépendance, sur la souffrance, sur la fin de vie ; parfois nous n'étions pas d'accord, mais l'important était d'échanger des idées.
C'est là précisément que La Poste retrouve son rôle, La Poste qui est là pour faire cheminer des idées !
Ce n'est pas un hasard si la liberté de la presse et la liberté de communication ont souvent été associées : c'est une bonne chose que La Poste , par ce timbre, soit présente aujourd'hui pour apporter une dimension symbolique à l'hommage que nous rendons à Lucien Neuwirth.
Je remercie La Poste pour cette initiative.