VIII. LES VISITES VÉTÉRINAIRES SANITAIRES EN ÉLEVAGE : UNE ILLUSTRATION DES DIFFICULTÉS LIÉES À UN MAILLAGE INSUFFISANT DE LA VEILLE SANITAIRE
Les visites vétérinaires sanitaires sont un élément fort du dispositif de veille sanitaire sur les cheptels d'autant que le système français de surveillance vétérinaire dépend pour ses équilibres de la conjugaison des actions des vétérinaires publics et des vétérinaires privés, ainsi qu'on a eu l'occasion de le relever.
Dotées de 13 millions d'euros de crédits de paiement dans la loi de finances pour 2017, elles forment également une sorte de poste d'observation et de détection avancé du système de sécurité sanitaire des aliments dans un dispositif qui obéit à la conception d'une maîtrise des risques tout au long de la chaîne de production alimentaire.
En effet, elles sont censées contribuer à la santé du cheptel et à une meilleure prise en compte des risques sanitaires et de leur maîtrise tant par les éleveurs que par l'administration.
Les visites vétérinaires sanitaires obéissent à des régimes différenciés selon les animaux concernés.
Les déterminants de ces régimes sont sanitaires mais semblent également obéir à des considérations économiques et sociales en prenant en compte un objectif de maintien d'un maillage territorial satisfaisant par les vétérinaires, ces différents aspects étant en lien étroit les uns avec les autres.
Vos rapporteurs spéciaux estiment que la lutte contre les « déserts vétérinaires » doit être une préoccupation à part entière de la politique publique de sécurité sanitaire des aliments. Ils insistent en ce sens pour que l'épisode contentieux avec les vétérinaires mandatés, qui a constitué un très mauvais signal, puisse être rapidement soldé.
Recommandation : recenser les situations de déficit local de l'offre vétérinaire et mettre en oeuvre une politique de lutte contre les « déserts vétérinaires ». |
Les conclusions du récent rapport du CGAAER 47 ( * ) sur les visites sanitaires en élevage, auquel sont empruntés nombre des développements qui suivent, fondent très largement cette recommandation.
A. LES DIFFÉRENTES VISITES VÉTÉRINAIRES, DES RÉGIMES DIFFÉRENCIÉS ET INSTABLES
1. La visite sanitaire bovine
La visite sanitaire bovine (VSB) a fait l'objet de nombreuses modifications depuis 2005, ce qui n'a pas contribué à sa valorisation ni auprès des éleveurs ni auprès des vétérinaires.
Évolutions L'arrêté interministériel du 24 janvier 2005 (abrogé) relatif à la surveillance sanitaire des élevages bovins instaure une visite annuelle obligatoire visant à la prévention et à la maîtrise des maladies réputées contagieuses de l'espèce bovine. Cette visite doit contribuer à identifier les cheptels susceptibles de présenter un risque sanitaire (surtout brucellose et tuberculose). Elle est réalisée par le vétérinaire sanitaire de l'exploitation et est conduite sur la base d'un questionnaire établi par instruction ministérielle. Les conclusions de la grille de visite sont transmises par le vétérinaire à la direction départementale des services vétérinaires avec un signalement particulier lors de conclusions « non satisfaisantes ». L'objectif de la VSB est alors assimilable à une prophylaxie des maladies réglementées . L'arrêté interministériel du 28 décembres 2007, abrogeant le précédent, crée un réseau de surveillance et de prévention des risques sanitaires dans la filière bovine dénommé « réseau national des visites sanitaires bovines ». Il regroupe les éleveurs, les vétérinaires « sanitaires » et leurs représentants (groupement de défense sanitaire (GDS) et groupements techniques vétérinaires (GTV)). Son objet est élargi : - collecter et traiter des données et des informations d'ordre épidémiologique dans le domaine de la santé publique vétérinaire et contribuer à la programmation par les « DDSV » de leurs contrôles officiels ; - renforcer le dialogue entre les éleveurs et les vétérinaires sanitaires sur les moyens d'améliorer le niveau de maîtrise des risques sanitaires de l'exploitation. Sa fréquence est réduite : la visite sanitaire a alors lieu tous les deux ans. L'objectif de ce format de visite sanitaire était principalement orienté vers la collecte et l'exploitation de données épidémiologiques par le réseau . Toutefois ce réseau n'a pas été opérationnel en ce qui concerne l'exploitation sur le terrain des synthèses réalisées. La note d'information de la DGAL (2009-8321 du 1 er décembre 2009) relative au bilan de la campagne 2008-2009 comporte une analyse précise des conclusions item par item, et préconise un suivi dans le temps par le vétérinaire sanitaire des non conformités relevées dans les élevages. Suite à la publication en juillet 2011 du rapport CGAAER n° 10101 , la visite sanitaire bovine redevient annuelle à partir de 2013 et, de généraliste, elle devient thématique. Il convient de noter que la conservation du compte-rendu de visite sanitaire dans le registre d'élevage constituait un point de contrôle au titre de la conditionnalité. Ce point de contrôle a été supprimé en 2015 au motif que l'obligation de visite sanitaire ne relevait pas de dispositions européennes. Par ailleurs, une convention de subvention relative à l'appui technique de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV) dans les domaines de l'épidémiosurveillance, de l'exercice du vétérinaire sanitaire, du paquet hygiène, de la gouvernance sanitaire et de la pharmacie vétérinaire est signée le 8 décembre 2014 entre la DGAL et la SNGTV. La DGAL missionne la SNGTV pour apporter son concours à la conception, à la mise en oeuvre et à l'exploitation de la visite sanitaire bovine. En 2015, une nouvelle convention de maîtrise d'ouvrage signée le 27 octobre 2015 entre la DGAL et la SNGTV élargit le dispositif à toutes les visites sanitaires, témoignages de la propension à déléguer la détermination technique de la politique de sécurité sanitaire des aliments déjà relevée dans le présent rapport. |
2. La visite sanitaire avicole
L'origine de la visite sanitaire avicole (VSA) est directement liée à la nouvelle organisation de l'inspection sanitaire en abattoir basée, comme le prévoit le paquet hygiène, sur l'analyse des risques.
Sa conception retient que l'exploitant de l'abattoir et les services vétérinaires d'inspection (SVI), reçoivent des informations pertinentes en provenance des élevages afin qu'ils adaptent leur action en fonction de leurs responsabilités respectives. La visite sanitaire, réalisée à la demande de l'autorité compétente fournit, une fois par an, des informations aux SVI sur le niveau sanitaire global de l'élevage. L'information sur la chaîne alimentaire fournit quant à elle des informations sur chaque lot abattu.
Ces deux types de données permettent aux services vétérinaires de l'abattoir d'adapter leur inspection à la réalité du risque sanitaire présenté par les animaux abattus.
Ce principe de transparence sur la chaîne alimentaire est préconisé dans les avis de l'EFSA relatifs à l'inspection des viandes de volailles publiés en juillet 2012.
Son objectif est aussi de sensibiliser l'éleveur à la santé publique vétérinaire et d'améliorer la maîtrise des risques sanitaires dans son exploitation.
Les modalités structurelles et d'organisation de l'abattage des volailles ont évolué vers l'arrivée de lots importants d'animaux en flux continus et des cadences de chaîne très rapides rendant l'inspection ante mortem difficile dans un contexte où doit s'imposer une meilleure prise en compte des règles de bien traitance des animaux dans les halls d'attente.
La mise en oeuvre d'une inspection sanitaire rénovée, dont la visite sanitaire est un maillon prioritaire, a été rendue nécessaire.
L'arrêté interministériel du 26 juin 2013 a en conséquence mis en place la VSA, tous les deux ans, dans les élevages de volailles . La grille de visite a été élaborée en respectant le principe de l'analyse des risques : sur la base des dangers, internes ou externes, susceptibles d'affecter un élevage de volailles, elle précise quels sont les équipements et les actions en matière de conduite d'élevage qui sont de nature à le préserver ou qui sont au contraire des points de faiblesse. Cet arrêté réglementait le principe de la visite sanitaire avicole dans la continuité des évolutions de l'inspection en abattoir de volailles, en particulier aux yeux des pays importateurs.
L'arrêté du 26 juin 2013 a été abrogé par l'arrêté du 24 septembre 2015 (voir ci-dessous).
3. La visite sanitaire porcine
L'origine de la visite sanitaire porcine (VSP) remonte à 2006 et est elle aussi liée à la nouvelle organisation de l'inspection en abattoir basée sur l'analyse des risques en élevage.
D'une part, cette visite sanitaire permet de répondre à la réglementation européenne relative au dépistage des infections parasitaires de trichine qui prévoit un allègement des prélèvements sous réserve que les élevages de porcs satisfassent aux conditions particulières applicables aux exploitations indemnes de Trichinella et aux régions présentant un risque négligeable de présence de Trichinella, principe d'action repris par le code des animaux terrestres de l'organisation mondiale de la santé animale (OIE).
D'autre part, la visite sanitaire permet de contribuer à la mise en place d'une inspection visuelle sans incision et au ciblage des élevages potentiellement à risque qui nécessitent une inspection renforcée des porcs abattus.
Comme pour la filière volaille, ce principe de transparence sur toute la chaîne alimentaire est préconisé dans des avis de l'EFSA relatifs à l'inspection des viandes de porcs publiés en octobre 2011.
L'arrêté interministériel du 16 janvier 2015 a mis en place la visite sanitaire dans les élevages de « porcs domestiques ». Son objectif est de sensibiliser l'éleveur à la santé publique vétérinaire et d'améliorer la maîtrise des risques sanitaires dans son exploitation.
Cet arrêté correspond donc à la mise en oeuvre au niveau national de dispositions européennes. Cette visite s'intègre dans une démarche globale visant à mieux garantir la qualité sanitaire des productions porcines sur toute la chaîne de production : rédaction d'un guide des bonnes pratiques d'hygiène (GBPH) en élevage de porcs, mise en place de l'information sur la chaîne alimentaire, rédaction d'un GBPH sur l'abattage des porcs, qualification d'élevages porcins officiellement indemnes de trichine, mise en place de l'inspection visuelle des porcs en abattoir.
L'arrêté du 16 janvier 2015 a été abrogé par l'arrêté du 24 septembre 2015.
4. Le nouveau cadre réglementaire des visites vétérinaires sanitaires
Le nouveau cadre réglementaire des visites à l'élevage résulte de l'arrêté ministériel du 24 septembre 2015.
Il simplifie et harmonise le cadre réglementaire des visites sanitaires pour toutes les espèces. Cet arrêté cadre pose simplement le principe et l'obligation des visites sanitaires.
Les objectifs sont de :
- sensibiliser l'éleveur à la santé publique vétérinaire ainsi qu'aux moyens d'améliorer le niveau de maîtrise des risques sanitaires de l'exploitation ;
- collecter des données et informations relatives à la santé publique vétérinaire.
Les données et informations collectées qui couvrent tous les aspects de l'élevage, peuvent concerner tout ou partie des thématiques suivantes :
- le fonctionnement des élevages, des locaux et des équipements ;
- la protection des animaux ;
- la gestion des risques sanitaires pour la santé animale et publique ;
- la biosécurité ;
- la maîtrise de l'environnement des animaux ;
- ainsi que la tenue à jour des registres et documents sanitaires.
Une orientation des visites sur une approche globale de l'élevage semble être désormais donnée, alors que la visite sanitaire bovine restait plutôt orientée sur la santé animale.
S'agissant des visites sanitaires bovines, l'adoption chaque année d'une thématique particulière semble privilégiée (avortements, fièvre aphteuse, antibiorésistance).
5. D'autres visites sont en projet
Les visites en élevages apicole, caprin et ovin sont en préparation. Les premières réunions de travail avec les professionnels des élevages concernés, les représentants des organisations sanitaires, les représentants des vétérinaires et l'administration se sont déroulées en septembre 2015.
Pour les visites ovines et caprines , il s'agirait d'instituer :
• une visite bisannuelle ;
• pour les élevages de plus de 50 brebis ou 25 chèvres.
Ces deux filières regroupent des élevages très différents : certains sont très encadrés avec des interventions de vétérinaires spécialisés alors que d'autres ne font quasiment jamais appel au vétérinaire.
Pour la visite sanitaire apicole , la thématique retenue serait une contribution des visites sanitaires à la mise en place de l'Observatoire des mortalités et des affaiblissements des abeilles (OMAA).
Leurs causes multifactorielles ne sont pas encore clairement identifiées et quantifiées : maladies, contaminations chimiques endogènes à la ruche (maîtrise des traitements, qualités des cires...) ou exogènes (contaminants environnementaux...), disponibilités alimentaires, maîtrise de l'élevage.
Les vétérinaires qui réaliseront cette visite sont désignés par l'organisme vétérinaire à vocation technique (OVVT) qui tiendra compte de leur compétence reconnue en apidologie et en pathologie apicole. Ils interviendraient à la demande de l'apiculteur si ce dernier possède plus de 50 ruches ; la visite sanitaire apicole permettra aux vétérinaires de former et d'informer les apiculteurs à reconnaître des évènements sanitaires affectant leurs colonies. Le vétérinaire apporterait son aide aux apiculteurs demandeurs pour compléter l'OMAA.
* 47 Les visites sanitaires en élevage. Mai 2016. CGAAER. Rapport n° 15055.