B. UN OBJECTIF QUI RESTE À ATTEINDRE DANS UN CONTEXTE OÙ LA RECHERCHE AU SERVICE DE LA SÉCURITÉ SANITAIRE DES ALIMENTS DOIT ÊTRE CONSACRÉE COMME UNE THÉMATIQUE À PART ENTIÈRE

Vos rapporteurs spéciaux peuvent se rallier à nombre des recommandations énoncées dans le plan exposé ci-dessus, qui leur paraît, malgré tout quelque peu minimaliste au vu des analyses de la situation.

Leur inspiration tourne autour d'une triple ambition, cognitive, autour de l'évaluation des situations sanitaires, évaluative, par la rationalisation des processus d'analyse de risques et opérationnelle, en développant les échanges entre services en charge de la politique de sécurité sanitaire des aliments.

Pourtant, dans ce cadre, il convient de noter que le plan adopte implicitement certaines solutions conservatrices qui ne sont peut-être pas à la hauteur des enjeux.

Ainsi, en matière d'organisation du système de maîtrise du risque sanitaire puisqu'il raisonne à structures administratives inchangées. Si, dans ce cadre, les recommandations formulées ressortent comme pertinentes, en particulier en ce qui concerne la fluidité de la circulation des informations et la structuration de la politique sanitaire de l'alimentation dans un document de politique transversale, vos rapporteurs spéciaux considèrent qu'il faut aller plus loin en intégrant davantage les ressources de la politique de sécurité sanitaire des aliments, à des fins d'efficience, mais aussi de gouvernance.

En outre, la question des conditions de fond d'une meilleure conduite des contrôles en lien avec la modernisation des relations avec les entreprises du secteur n'est pas abordée alors même que cette thématique pourrait être l'occasion d'un renouvellement en profondeur du contexte des contrôles susceptible d'en améliorer l'efficience.

Par ailleurs, force est d'observer que, dans l'ensemble, les recommandations restent à mettre en oeuvre alors même que la question des moyens, passée sous silence dans le plan, demeure ouverte , en dépit des renforcements ponctuellement décidés au cours des dernières années.

Recommandation : donner ses prolongements au plan interministériel de renforcement de la veille sanitaire a publié en décembre 2014 qui doit être approfondi dans le sens d'une meilleure efficience du dispositif.

Vos rapporteurs spéciaux veulent tout particulièrement, à ce stade du rapport, mettre en évidence les prolongements qu'il convient d'apporter, dans l'esprit du plan, aux recommandations visant à enrichir la politique de sécurité sanitaire, et la veille sanitaire, en instruments d'analyses et de propositions scientifiques portant sur des thématiques non événementielles.

Ils relèvent que leur recommandation tendant à ce que soient développées les activités de recherche dans le domaine de la sécurité sanitaire des aliments, comme les approches davantage centrées sur la dimension médicale du problème, y a trouvé une forme de consécration.

Dans le cadre du CIMAP, il a été rappelé que l'accent devait être mis sur le renouvellement de l'évaluation du fardeau (la prévalence) en santé publique des infections d'origine alimentaire et sur la détermination des facteurs et aliments à risque pour l'hépatite E.

Cette orientation ressortait comme d'autant plus justifiée que la première estimation sur ce point et, de fait, la dernière, remontait au début des années 2000.

Selon les informations de vos rapporteurs spéciaux, qui ont pu accéder à certains de ses résultats provisoires (voir supra ), cet exercice est en passe de finalisation.

Il est souhaitable que des actualisations régulières en soient faites, d'autant que les dernières données disponibles ont une ancienneté certaine.

De même, s'agissant plus particulièrement des conséquences pour la santé de l'exposition à des contaminants chimiques, les études Esteban et Inca menées en liaison étroite entre l'Anses et l'InVS doivent en effet permettre d'estimer l'imprégnation de la population française aux contaminants de l'environnement et d'estimer la part liée à l'alimentation. Il faudra prolonger cet effort en développant les études étiologiques fines que les soupçons que recèlent ces phénomènes justifient.

Recommandation : renforcer tout particulièrement les moyens et d'analyse de la prévalence des pathologies de santé publique liées à l'alimentation.

La question demeure cependant de l'adéquation entre les infrastructures de recherche disponibles et les objectifs d'une amélioration radicale de leurs performances.

Si la contribution de l'Anses n'est bien sûr pas négligeable, elle s'inscrit dans un contexte peu favorable, du fait de ses choix budgétaires mais aussi de la dispersion des moyens de recherche publique entre plusieurs entités qui, tout comme l'Anses, assurent des missions plurielles et potentiellement contradictoires.

La question de la création d'une agence sanitaire de l'alimentation unique mérite d'être posée.

Par ailleurs, il est souhaitable que les thématiques sanitaires de l'alimentation, acte quotidien des français, trouvent pleinement leur place dans la structuration de notre stratégie de recherche.

À cet égard, la récente « stratégie nationale de recherche » n'offre pas de motifs de satisfaction. Si elle n'ignore pas complètement l'objectif d'améliorer la connaissance en matière de sécurité sanitaire des aliments, elle ne l'aborde que selon une optique très partielle, alors que la France est une puissance agricole et alimentaire de premier plan.

Le rapport de propositions pour la stratégie nationale de la recherche dont sont extraits les développements ci-dessous en témoigne.

Orientation 18 / Alimentation saine et durable

Le socle de connaissances fondamentales que nous possédons actuellement sur l'alimentation humaine devra être revisité à la lumière de l'étude du microbiote humain participant à la digestion. Les nouvelles connaissances sur la manière dont ces microbes décomposent les aliments en molécules assimilables par le corps permettront de changer notre regard sur les liens entre régimes alimentaires et santé des populations.

Il conviendra pour cela de poursuivre les recherches visant à mieux connaître ces populations de microbes.

Le développement de nouvelles technologies permettra de compléter ces recherches : la métagénomique pour explorer la diversité et les fonctions des flores digestives humaines, et la métabolomique pour mettre au point des bio-marqueurs d'état et de prédiction du statut nutritionnel de l'être humain.

La révision et la ré-évaluation des chaînes de transformation, stockage, approvisionnement des aliments sous l'angle de leur consommation énergétique fait également partie des objectifs de recherche. Les procédés de transformation et de stockage consommateurs d'énergie (chaîne du froid, minoterie...) devront être améliorés et des procédés complémentaires recherchés (dessiccation, fermentation...).

Il est certes particulièrement souhaitable de comprendre en profondeur le fonctionnement du microbiote et ses relations avec certaines qualités sanitaires de l'alimentation mais cet objectif émergent doit être pleinement articulé avec d'autres préoccupations émergentes tenant notamment aux effets d'accumulation et aux perturbateurs endocriniens et ne pas se voir compromis par une dilution dont semblent témoigner certaines orientations affichées, très éloignés du coeur du sujet de sécurité sanitaire des aliments avec la mention de la composante énergétique des productions agroalimentaires.

Recommandation : consacrer la sécurité sanitaire des aliments comme une priorité à part entière de la stratégie nationale de recherche.

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