AVANT-PROPOS
de Louis Duvernois

La Francophonie comme pôle identitaire de la mondialisation

Lors de l'émission de France Info « Moi, Président », qui interroge des personnalités sur leur priorité s'ils étaient élus à la présidence de la République, l'historien et ancien ministre Jean-Noël Jeanneney, qui fut également président de la Bibliothèque nationale de France, a répondu : « Une francophonie érigée en cause nationale et bénéficiant d'un ministre d'Etat ».

Le propos paraît surprenant alors que notre pays vient d'emprunter à une multinationale anglo-saxonne du biscuit le slogan publicitaire « Made for sharing » (Venez partager) pour séduire les membres du Comité International Olympique en vue des JO de 2024 dont nous espérons qu'ils choisiront Paris. Le français n'est-il pas la langue officielle fondatrice des Jeux ?

L'écrivain américain Ernest Hemingway ne se posait certainement pas la question de savoir, et en français, si « Paris est une fête ». Il y répondait par un grand roman à succès !

Ces deux exemples récents mettent l'accent sur les contradictions françaises corrélées par une étude inédite de l'Institut CSA affirmant que « La France rayonne plus par sa culture que par son économie »

En outre, les Français sont les champions du « French bashing » (oh pardon !), de l'auto-dénigrement. Or, on ne saurait pourtant promouvoir le français hors de nos frontières sans en favoriser l'usage, d'abord dans notre pays et en premier lieu par ceux qui nous gouvernent...constat effectué par Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre.

Lorsque nous avons entrepris cette étude sur la francophonie, ma collègue Claudine Lepage et moi-même, à la demande de la présidente de la Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, Catherine Morin-Desailly, nous avons misé sur une approche originale car le sujet avait déjà été abondamment exploité sans être pour autant épuisé. Notre volonté était de sortir de « la nostalgie d'un paradis perdu » ou de « l'avatar d'un impérialisme révolu », propos de Boutros Boutros-Ghali, ancien Secrétaire général des Nations unies et de l'Organisation internationale de la francophonie.

La France, avec notamment le Canada, n'est-elle pas à l'origine de la Convention sur la protection de la diversité des expressions culturelles, adoptée par l'UNESCO en 2005 et ratifiée par plus de 130 pays ?

La francophonie au 21 e siècle, c'est la diversité des expressions culturelles et elle est finalement, selon Gérard Larcher, Président du Sénat, « une communauté de valeurs universelles que nous devons plus que jamais défendre : paix, liberté, solidarité et démocratie » 2 ( * ) .

Forte d'une langue partagée et des cultures qui l'enrichissent, la francophonie est aujourd'hui un extraordinaire laboratoire de co-développement dans un monde qui s'internationalise et où, paradoxalement, plus l'économie se mondialise, plus les identités s'affirment.

Selon Jean Tardif, anthropologue québécois et enseignant à l'Université Jean Moulin-Lyon 3, « la mondialisation comporte une dimension culturelle souvent occultée ou caricaturée conduisant à une uniformisation. Au contraire, elle met en présence intensive et en concurrence des visions du monde, des modes de vie, des préférences collectives- donc des facteurs culturels - dont les différences acquièrent une portée politique et stratégique ».

Débattre de la place de la France dans le monde devient alors un impératif. Les atouts de notre pays sont plus importants que ne l'affirment certains « déclinistes ». Le réalisme ne consiste plus à vouloir gérer le quotidien mais à imaginer, anticiper et poursuivre les transformations déjà perceptibles dans les mutations en cours.

Notre atout culturel est réel et la France bénéficie globalement d'une bonne image à l'étranger. L'apprentissage du français ne faiblit pas, y compris dans les pays anglo-saxons.

Nous devons mutualiser nos actions pour une francophonie vivante et conquérante, particulièrement en direction de la jeunesse. Nous devons promouvoir l'enseignement du français et en français, renforcer la francophonie dans les médias et accompagner les initiatives provenant de la société civile. Une gageure dans un pays centralisé et fonctionnarisé.

Nous devons avoir foi en la pérennité de notre langue, expression d'une culture à vocation universelle, mais rien ne sera possible sans un catalyseur politique. Les pratiques au sein des institutions n'étant guère orientées vers l'élaboration de projets, l'une de nos propositions tendra à obtenir un ministre de plein exercice développant une diplomatie de « confluence » et non uniquement d'« influence ».

Sans la conception et l'élaboration d'une stratégie visant à conforter la place du français comme langue internationale dans les secteurs d'avenir, la francophonie s'étiolera et notre langue ainsi que l'identité qui la définit sera marginalisée. Cela nous permettra de retrouver la confiance en nous même, indispensable à l'évolution de notre société.


* 1 Cours en Ligne Ouverts Massifs, équivalent en français des MOOCS (Massive Open Online Courses).

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