N° 147
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017
Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2016 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le contrat d' objectifs et de moyens 2016-2020 entre l' État et France Médias Monde ,
Par Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Pierre Raffarin , président ; MM. Christian Cambon, Daniel Reiner, Jacques Gautier, Mmes Nathalie Goulet, Josette Durrieu, Michelle Demessine, MM. Xavier Pintat, Gilbert Roger, Robert Hue, Mme Leila Aïchi , vice-présidents ; M. André Trillard, Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Joël Guerriau, Alain Néri , secrétaires ; MM. Michel Billout, Jean-Marie Bockel, Michel Boutant, Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Pierre Charon, Robert del Picchia, Jean-Paul Émorine, Philippe Esnol, Hubert Falco, Bernard Fournier, Jean-Paul Fournier, Jacques Gillot, Mme Éliane Giraud, MM. Gaëtan Gorce, Alain Gournac, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, Jean-Noël Guérini, Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, M. Alain Joyandet, Mme Christiane Kammermann, M. Antoine Karam, Mme Bariza Khiari, MM. Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Jeanny Lorgeoux, Claude Malhuret, Jean-Pierre Masseret, Rachel Mazuir, Christian Namy, Claude Nougein, Philippe Paul, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, MM. Cédric Perrin, Yves Pozzo di Borgo, Henri de Raincourt, Alex Türk, Raymond Vall, Bernard Vera . |
AVIS ADOPTÉ PAR LA COMMISSION SUR LE CONTRAT D'OBJECTIFS ET DE MOYENS 2016-2020 ENTRE L'ÉTAT ET FRANCE MÉDIAS MONDE
En application des dispositions de l'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, le secrétariat général du gouvernement a transmis aux assemblées parlementaires, le 27 octobre 2016, le projet de contrat d'objectifs et de moyens entre l'État et la société nationale de programme France Médias Monde visée par l'article 44-IV de cette même loi, aux fins de recueillir l'avis des Commissions compétentes.
Réunie le 16 novembre 2016, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, sur le rapport de Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur, a adopté à l'unanimité l'avis suivant.
Les objectifs fixés par le contrat correspondent aux missions confiées à la société nationale de programme par la loi n o 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
La commission a apprécié, au cours des dernières années, le développement de l'offre éditoriale de France Médias Monde . Sa consolidation, son enrichissement et son adaptation à la diversité des publics s'inscrivent dans une logique de continuité.
Le lancement de France 24 en espagnol constitue le principal enjeu du contrat d'objectifs et de moyens. Dans un budget nécessairement contraint, l'objectif d'une diffusion en Amérique latine, aux côtés des signaux francophones et anglophones, de 6 heures quotidiennes en langue espagnole, complétées de ses programmes en français ou en anglais est raisonnable, tout comme le choix d'une rédaction implantée à Bogota, d'une synergie avec RFI en espagnol et son réseau de radios partenaires et sa déclinaison sur les environnements numériques est raisonnable . La commission attachée au développement de l'influence de la France, comme de la pratique de la langue française, considère que tout développement en langue étrangère appelle un effort en faveur du maintien des positions des programmes en français et leur mise en synergie.
Tant qu'elle n'implique pas un effort financier ou un engagement juridique, la participation de France 24 à la chaîne publique d'information franceinfotv est acceptable . Un engagement financier sans contrepartie ou une prise de participation de FMM dans une structure juridique assurant le portage de la chaîne constitueraient des évolutions substantielles qui nécessiteraient un avenant au contrat d'objectifs et de moyens qui devra être soumis pour avis aux commissions parlementaires .
La commission salue les efforts réalisés et les résultats obtenus par France Médias Monde dans le développement d'une offre numérique . Cet engagement doit être poursuivi parce qu'il permettra à la société de suivre l'évolution et la diversification de la demande et des nouveaux usages dans la consommation des médias, parce qu'il offre des opportunités de développement et d'innovation en direction de la jeune génération, ainsi qu'une implication et une participation plus actives des usagers. France Médias Monde devra, pour réaliser cet objectif, maintenir son niveau d'exigence dans l'animation et la modération de ses réseaux sociaux. Elle devra également saisir toutes les opportunités d'une monétisation de ses audiences, afin de financer une partie de ses développements sans altérer la qualité de sa programmation. Elle devra également s'assurer d'un niveau de protection optimal afin de détecter, de contrer et de limiter les effets de probables cyberattaques qui viendraient entraver ce développement.
La commission adhère à l'ambition de la société de porter une stratégie mondiale de diffusion , reconnaissant que, dans un contexte de concurrence exacerbée, la capacité pour France 24 de proposer un signal en HD constitue un atout véritable, comme la qualité et l'adaptation des programmes et la mise en oeuvre d'une stratégie marketing efficace pour saisir les opportunités de distribution partout dans le monde lorsqu'elles se présentent.
Elle exprime néanmoins le souhait que l'Afrique, où les luttes d'influence s'intensifient, reste, comme le Maghreb, une zone prioritaire . La présence de France 24 sur la TNT gratuite doit être activement soutenue par notre diplomatie, comme le développement de l'offre radiophonique et le cas échéant télévisuelle, à travers des syndications de chaînes partenaires. La commission souhaiterait que l'organisation des décrochages de contenus de France 24 à destination de l'Afrique, discrètement évoquée (p.6), soit inscrite comme un objectif à atteindre assorti d'un indicateur spécifique.
Elle exprime le souhait que le financement de la stratégie marketing, important pour maintenir et développer le référencement dans les offres des distributeurs, soit conforté et sanctuarisé . Ces dépenses sont toujours les premières sacrifiées au titre des économies de fonctionnement alors qu'elles constituent un investissement qui conditionne l'audience et donc la « monétisation « des programmes.
Elle regrette le manque d'ambition manifeste du renforcement de la diffusion sur le territoire national des différents médias de France Médias Monde, car cette offre de service public constitue, à moindre coût, un formidable outil de cohésion sociale qui permettrait d'offrir une alternative solide en langue française et en langues étrangères à des programmes dont les contenus ne sont pas toujours compatibles avec les valeurs de la République et qui n'ont pas pour vocation première de favoriser l'intégration ; sans compter que la diffusion de programmes à vocation internationale ne pourra que contribuer à l'ouverture d'esprit de nos concitoyens sur le monde à l'heure où sont réaffirmées les ambitions internationales de la France dans les domaines économique, touristique, scientifique et culturel. Cette préconisation figurait dans l'avis rendu sur le contrat d'objectifs et de moyens 2013-2015 et dans tous les rapports pour avis de la commission sur le programme 844 depuis lors.
Elle souhaite une modification du contrat d'objectifs et de moyens pour affirmer la vocation des programmes de France 24, de RFI et de MCD à être diffusés sur le territoire national , au besoin, et à défaut de fréquences disponibles, à travers des partenariats avec des télévisions et des radios locales qui peinent souvent à trouver leur équilibre économique et, pour la radio, sur la radio numérique terrestre.
Elle exprime des réserves sur l'adossement de CFI sur France Médias Monde qui n'est que la conséquence d'un désengagement du ministère des affaires étrangères. Le choix de cet adossement, plutôt qu'à Expertise France qui a vocation à regrouper toute l'offre d'expertise française et qui dispose d'une véritable compétence en matière de financement de ce type d'actions ou à l'Institut national de l'audiovisuel qui a une vocation reconnue dans le domaine de l'expertise et de la formation, est prématuré et mériterait une évaluation complémentaire. À défaut , la commission demande expressément que cette activité soit cantonnée dans une filiale, que son financement repose sur des subventions du ministère des affaires étrangères au titre de l'aide au développement ou d'autres contributeurs internationaux et sur des ressources propres . Il ne saurait être envisageable que des ressources destinées au financement de la société nationale de programme, qu'il s'agisse des avances sur la contribution à l'audiovisuel public ou de ressources générées par son activité, puissent directement ou indirectement pourvoir au financement de CFI et réciproquement que des crédits d'aide au développement puissent directement ou indirectement financer les activités de diffusion et de production de la société nationale de programmes. Enfin, si cet adossement doit intervenir, les conditions devront faire l'objet d'un avenant au contrat d'objectifs et de moyens de FMM. Votre commission exige que cet avenant lui soit soumis pour avis avant tout commencement de mise en oeuvre.
Elle se réjouit de la qualité de la gestion actuelle de la société, de l'équilibre retrouvé de ses comptes grâce à une politique sérieuse d'économies de fonctionnement qui lui ont permis de dégager des marges de manoeuvre et de financer certains développements au-delà de la seule progression de son financement public et de ses ressources propres. Elle se réjouit également de sa gestion des ressources humaines qui a permis une mise en cohérence des statuts et des modes de travail de personnels issus d'entreprises de culture différente.
Comme votre commission l'avait proposé dans son avis sur le contrat d'objectifs et de moyens 2013-2015 1 ( * ) , cette efficacité est gratifiée positivement par une progression de la part de la contribution à l'audiovisuel public affectée de 9,5 % sur la durée du contrat (+23,1 millions d'euros) ce qui stabilise le financement public à 96 % des ressources et affirme l'éminente vocation de service public de la société. Votre commission s'en félicite car cela témoigne de la capacité de l'État à récompenser l'efficacité de la gestion d'un opérateur vertueux et l`importance qu'il attache à ses médias en appui de sa politique d'influence.
Il n'en demeure pas moins que la réalisation du contrat d'objectifs restera subordonnée :
• au respect des engagements de l'État, notamment par le versement d'avances sur la contribution à l'audiovisuel public à la hauteur et selon le calendrier prévus par le compte de résultat analytique prévisionnel (p. 31), ce qui supposera, le cas échéant, une révision de l'assiette de cette contribution, compte tenu de sa décroissance et de la réticence à en augmenter le taux au-delà de la compensation de l'inflation annuelle ;
• à la réalisation des objectifs de ressources propres , modestes en valeur absolue, très ambitieux en valeur relative (+30,4 % pour la publicité et le parrainage ). A cet égard, la commission demande que le cahier des charges de FMM soit révisé pour que RFI, puisse, à l'instar de Radio France, diffuser de la publicité commerciale sur ses antennes en France, y compris dans les programmes qu'elle peut proposer à des radios partenaires et que le contrat soit modifié pour affirmer davantage l'engagement de l'Etat dans ce sens (p.24 et 29) ;
• à la maîtrise de sa masse salariale dans le cadre de la mise en oeuvre de l'accord d'entreprise ;
• et à la réalisation d'économies de fonctionnement dont on mesure la difficulté compte tenu des efforts passés.
Elle suppose également que les activités des filiales, hors contrat d'objectifs et de moyens, soient correctement cantonnées afin de ne pas faire supporter des risques à l'équilibre financier de la société en cas de cessation d'activité. Elle suppose enfin que la gestion ne soit pas perturbée par des aléas liés aux risques de change, à l'inflation du prix de certaines prestations de diffusion, à des interruptions d'émission sur certains territoires ou à des cyberattaques. La société a réalisé une cartographie des enjeux et des risques.
La commission prend acte que le besoin de l'État de disposer d'une vision d'ensemble du secteur public de l'audiovisuel, après le renouvellement des équipes de direction de Radio France et de France-Télévisions, n'a pas permis de présenter un contrat d'objectifs et de moyens avant la fin de l'année 2015 et avant la présentation du projet de loi de finances pour 2016, ce qui conduit les commissions parlementaires à formuler un avis sur un document en cours d'exécution. Elle souhaite à l'avenir que les contrats d'objectifs et de moyens puissent lui être soumis avant le début du premier exercice comptable de la période visée et, si possible, s'agissant d'une entreprise financée à 96 % par des ressources publiques, avant les arbitrages budgétaires qui procèdent à la détermination de sa dotation. Elle se félicite en revanche de l'allongement de la durée du contrat qui passe de 3 à 5 ans , ce qui permettra à la direction et aux personnels de l'entreprise de conduire son développement avec des perspectives claires.
Sous réserve de ces observations, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a donné un avis favorable à l'adoption du contrat d'objectifs et de moyens de France Médias Monde.
* 1 « L'entreprise devra être gratifiée pour ses efforts de gestion ou de progression de ses ressources propres. Il serait inacceptable que ses performances se traduisent par un moindre effort financier de l'État. Ils doivent au contraire lui permettre d'engager de nouveaux développements, en accord avec sa tutelle, certains d'entre eux sont d'ailleurs esquissés dans le contrat. ».