IV. LA PROMOTION D'UNE GRANDE DIVERSITÉ D'ÉNERGIES RENOUVELABLES
A. LES OUTRE-MER, À L'AVANT-GARDE DE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE
1. Des difficultés liées aux problématiques spécifiques des outre-mer
Les outre-mer, malgré leur grande diversité géographique et culturelle, présentent tous, à l'exception de la Guyane, la particularité de l'insularité. Cette insularité constitue un réel défi pour l'approvisionnement des populations en énergie . L'enjeu de l'interconnexion des réseaux sur ces territoires, y compris pour la Guyane, est essentiel. En effet, tandis qu'en métropole près de 80 % de l'électricité consommée est d'origine nucléaire, dans les outre-mer, une très faible part de cette électricité est produite localement, la plus grande part étant produite à partir d'hydrocarbures importés.
Conséquence directe de cette spécificité, le coût de l'énergie est, selon les territoires, cinq à dix fois supérieur qu'en métropole . Le coût supporté par les consommateurs est en revanche identique grâce à la contribution au service public de l'électricité (CSPE), dispositif fiscal assurant un tarif identique à toute la population française.
Un grand nombre de territoires ultramarins se distinguent également par un usage différent de l'énergie, dans la mesure où c'est davantage le besoin de « froid », produit à partir d'électricité, qui prime le besoin de chaleur.
Tandis que les enjeux de lutte contre le changement climatique nécessitent de réaliser une véritable transition énergétique sur tous les territoires, les implications ne sont pas les mêmes pour les outre-mer, compte tenu des spécificités évoquées ci-dessus.
2. De fortes potentialités dans le domaine des énergies renouvelables, soutenues par la loi sur la transition énergétique
La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte fixe toutefois des objectifs ambitieux pour la croissance verte . Les départements d'outre-mer doivent viser l'autonomie énergétique en 2030, avec, dès 2020, un objectif de 30 % d'énergies renouvelables à Mayotte et 50 % à La Réunion, en Martinique, en Guadeloupe et en Guyane, contre 23 % en métropole. La Polynésie française, par une loi du pays de 2013, s'est fixé « un objectif minimum de 50 % de production électrique issue de l'exploitation des énergies renouvelables à échéance 2020 ». Le schéma pour la transition énergétique de la Nouvelle-Calédonie arrêtée par une délibération du Congrès du 20 octobre 2015 fixe quant à lui pour objectif à l'horizon 2030 un doublement de la part du renouvelable pour atteindre une production équivalente à 100 % de la consommation électrique de la consommation publique sur la Grande Terre et l'autonomie électrique des Îles Loyauté. Compte tenu de la situation de forte dépendance énergétique aux hydrocarbures, atteindre ces objectifs nécessitera un effort important et la mise au point de solutions innovantes, utilisant toutes les ressources offertes par ces territoires. Ces derniers présentent tous en effet de fortes potentialités. Notons que les coûts élevés de production des centrales thermiques traditionnelles font d'ores et déjà dans les outre-mer de certaines sources d'énergie renouvelable comme l'éolien terrestre, la biomasse ou encore la géothermie et le photovoltaïque des sources compétitives.
a) L'énergie photovoltaïque
L'énergie photovoltaïque convertit l'énergie lumineuse solaire en énergie électrique, notamment à La Réunion, où cette filière représente 20 % du mix énergétique.
En 2011, La Réunion a lancé le dispositif « Éco-solidaire », qui consiste en une aide destinée aux foyers réunionnais à faibles revenus et qui leur permet de diminuer d'au moins 30 % leur facture d'électricité. La collectivité met à disposition un fonds de garantie pour permettre aux ménages défavorisés, propriétaires de leur bien, de s'équiper en chauffe-eau solaire. La Région finance à hauteur de 80 % l'installation du chauffe-eau solaire réalisé par une entreprise bénéficiant de l'appellation « Qualisol », et EDF apporte une aide de 500 euros par équipement. En 2011, 635 familles ont pu bénéficier du dispositif et 1000 en 2012. À terme, ces opérations devraient permettre d'économiser 900 MWh et de diminuer l'émission de gaz à effet de serre de 737 tonnes eqCO ² .
Citons pour la Guyane le projet associatif pour une petite électrification domestique sur les fleuves frontaliers. L'association de Cayenne, Kwala Faya , propose une solution transitoire réalisable à court-terme pour assurer un service électrique répondant aux attentes des habitants des sites isolés, fortement dépendants des énergies fossiles, et notamment des générateurs individuels . À la demande de certains acteurs impliqués dans des projets d'électrification (Programme régional pour la maîtrise de l'énergie (PRME), Parc amazonien de Guyane (PAG), Préfecture, EDF, commune de Camopi, commune de Maripasoula), Kwala Faya a proposé une nouvelle approche dont la particularité est d'intégrer un volet social ainsi qu'un volet économique. Deux actions ont été menées dans ce cadre en 2014, en partenariat avec les acteurs de l'électrification sur les communes de Camopi et de Maripasoula :
- des actions de formation en photovoltaïque à destination des habitants des sites isolés de l'Oyapock (Camopi, Trois-Sauts) et du Haut Maroni ;
- une mission de prospection à Trois-Sauts en vue de l'électrification du site à base d' installations solaires photovoltaïques .
Une telle démarche contribue à l'appropriation des systèmes proposés et à leur gestion autonome, propose des débouchés économiques et permet à tous les bénéficiaires de diminuer leur dépendance aux énergies fossiles, d'augmenter de fait leur capacité financière mais aussi de renouer avec l'élément naturel du « Kwalai », le soleil.
b) L'énergie éolienne
L'énergie éolienne vise à produire de l'électricité à partir de l'énergie mécanique produite par le vent, notamment en Guadeloupe, qui compte actuellement 12 parcs produisant près du quart de la production électrique d'origine renouvelable de ce territoire.
c) Les énergies marines
Les énergies marines recouvrent l'ensemble des technologies permettant de produire de l'électricité à partir de différentes forces ou ressources du milieu marin (hydrolien, houlomoteur, énergie marémotrice, etc.).
En Martinique par exemple, le projet de centrale de 10 MW reposant sur l'énergie thermique des mers (ou ETM) illustre ce développement (voir encadré ci-dessous).
d) La biomasse-énergie
La biomasse-énergie est produite à partir de matières organiques, particulièrement importante en Guyane grâce à ses ressources forestières, ou encore dans les centrales thermiques utilisant de la bagasse (résidu de canne à sucre), comme par exemple en Guadeloupe à l'usine du Moule à Grande-Terre.
À La Réunion , le projet de valorisation énergétique des broyats de déchets verts préparés par l'entreprise ILEVA sur sa plateforme de broyage par la centrale thermique du Gol qui doit les utiliser comme combustible en substitution du charbon en est à sa deuxième phase d'essai. Le projet doit permettre, à terme, la valorisation énergétique des déchets verts produits au Sud de La Réunion et d'utiliser d'un combustible vert pour la production d'électricité de l'île, en complément de la bagasse déjà utilisée, visant à réduire la consommation de charbon importé.
e) L'énergie géothermique
L'énergie géothermique récupère la chaleur contenue dans le sous-sol pour produire de l'électricité.
Le seul exemple actuellement en fonctionnement se trouve sur le site de Bouillante en Guadeloupe que le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) exploite. Les possibilités de coopération régionale dans l'arc Caraïbe pourraient être mises à l'étude pour tirer également profit du potentiel géothermique de Montserrat et de la Dominique.
f) L'énergie hydraulique
L'énergie hydraulique est produite grâce aux cours d'eau, avec par exemple le barrage de Petit-Saut et la centrale hydraulique de Saut Maman Valentin en Guyane, qui représentent une puissance installée de 119 MW, soit plus de la moitié de l'électricité utilisée en Guyane.
Un séminaire sur le bilan des connaissances pour le développement de la petite hydroélectricité en sites isolés a été organisé le 4 juin 2015 par l'Office de l'eau de Guyane afin de présenter un état des lieux des connaissances et des gisements hydroélectriques, du projet de guide opérationnel pour le montage de projets en petite hydroélectricité ainsi que leurs impacts environnementaux potentiels.
L'accélération de la mise en oeuvre des projets de transition énergétique est d'autant plus urgente dans ces territoires qu'ils sont les plus exposés aux conséquences du changement climatique, et notamment aux risques que comporte l'insécurité en matière d'approvisionnement énergétique. C'est pourquoi la loi sur la transition énergétique s'est fixé comme objectif de lever les obstacles à ce déploiement, en prévoyant un certain nombre de mesures spécifiques. Ainsi, en Guyane, où 40 000 citoyens ne sont pas desservis par le réseau d'électricité, la programmation pluriannuelle de l'énergie, nouvel outil créé par la loi, devra préciser les actions mises en oeuvre pour corriger cette situation, ainsi que les investissements prévus dans les installations de production d'électricité de proximité. En outre, le Gouvernement devra, d'ici fin 2015, présenter un rapport « indiquant quelles mesures spécifiques d'accompagnement il entend développer en faveur de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et de Wallis-et-Futuna, afin de permettre à ces trois collectivités territoriales d'appliquer les principaux dispositifs de la présente loi » 43 ( * ) . Il devra notamment étudier l'élargissement de la CSPE à ces territoires. Enfin, l'alignement progressif des tarifs de l'électricité de Wallis-et-Futuna sur ceux de la métropole a été voté et permettra à plus de 4 000 foyers de voir leur facture d'électricité divisée par 5 en 5 ans.
Les territoires ultramarins ont très vite pris cette problématique à bras le corps en soutenant le développement des énergies renouvelables et en mobilisant des moyens sur le lancement de projets contribuant à diversifier les sources d'énergie, lutter contre le changement climatique, protéger la biodiversité et préserver les ressources.
Ainsi, en Guyane , le Conseil régional, les collectivités locales et les partenaires locaux de l'énergie et du développement durable, ont soutenu la création, en 2008, de l'association Guyane Énergie-Climat . Les objectifs principaux de cette association consistent en une amélioration de la connaissance de la situation énergétique et des émissions de gaz à effet de serre, une centralisation des données énergies-climat et une facilitation de leur mise à disposition auprès des acteurs régionaux. Guyane Énergie-Climat a mis en place un « Observatoire de l'énergie » puis, à partir de 2014, un « Observatoire du carbone et des gaz à effet de serre ». Elle a également entrepris de recenser les installations de productions d'énergie du territoire, d'élaborer des bilans de production et de consommation d'énergie et d'émissions de gaz à effet de serre, de mettre en place des indicateurs et de diffuser largement l'ensemble de ces données. Depuis janvier 2015, Guyane Énergie-Climat développe PRIME, la Plate-forme régionale d'information sur la maîtrise de l'énergie.
En Polynésie , ce soutien au développement de filières d'énergies renouvelables adaptées aux spécificités du territoire s'est concrétisé à travers l'élaboration du plan climat-énergie (PCE) entre mai et septembre 2015, en partenariat technique et financier avec l'Ademe. La définition de ce document de cadrage transversal, centralisant les actions d'adaptation et d'atténuation au changement climatique doit viser en effet une réduction des émissions de gaz à effet de serre, une réduction de la dépendance énergétique du Pays aux énergies fossiles et un développement des énergies renouvelables, ainsi qu'une résilience du Pays face aux catastrophes liées au changement climatique.
Certaines collectivités, comme la Guadeloupe et la Martinique , ont fait le choix de recourir à une « habilitation » en matière d'énergie , comme l'article 73 alinéa 3 de la Constitution les y autorise. Cette disposition leur permet en effet d'édicter leurs propres règles dans un domaine particulier - ici l'énergie - et d'adapter les dispositions et outils élaborés au niveau national en fonction des spécificités et contraintes locales.
La Guadeloupe est la première région française à avoir demandé et obtenu une habilitation telle que prévue à l'art. 73 de la Constitution. Par la délibération n° 2009-269 du 27 mars 2009, le Conseil régional de Guadeloupe a ainsi demandé une habilitation dans le domaine de l'environnement et de l'énergie sur son territoire, habilitation qui lui a été donnée dans la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer. Grâce à cet outil, la région a mis en oeuvre des mesures innovantes en matière d'efficacité énergétique adaptées à son territoire. Elle a notamment voté 16 délibérations toutes publiées au JORF. Ces textes ne sont qu'une première étape puisque le conseil régional a décidé de s'engager de façon durable sur cette thématique. Par la délibération du 17 décembre 2010, la Région a demandé au Parlement une prolongation de son habilitation dans le domaine afin de poursuivre les actions engagées. Celle-ci lui a été accordée le 28 juillet 2011 par la loi n° 2011-884 du 27 juillet 2011 pour une durée de deux ans. Le travail d'élaboration des textes se poursuit. Pour les prochaines phases de développement, la région Guadeloupe souhaite travailler en partenariat avec ses voisins caribéens, notamment la Martinique qui dispose depuis juillet 2011 de la même habilitation que la Guadeloupe. |
Source : Conseil régional de Guadeloupe
La réussite de cette transition énergétique dans les territoires ultramarins grâce au développement des énergies renouvelables et des procédés innovants permettra une forte diminution de l'empreinte carbone française et donc, à terme, une diminution des impacts du changement climatique.
* 43 Article 212 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.