III. LES CONCLUSIONS DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

A. MIEUX PRENDRE EN COMPTE LA SITUATION PARTICULIÈRE DES PMA DANS LA POLITIQUE CLIMAT DE LA FRANCE

1. Des « financements climat » qui ne sont pas assez tournés vers les PMA

Les engagements de l'AFD comptabilisés « climat » et déclarables APD ont connu, comme on l'a vu, une hausse importante entre 2007 et 2010 avant de se stabiliser autour de 2 milliards d'euros par an.

Cependant, cette hausse n'a pas bénéficié à tous les types de financement . Ainsi, entre 2007 et 2014, les engagements en matière d'atténuation ont été multipliés par 3,5 environ (+ 247,5 %) quand les engagements en matière d'adaptation n'ont augmenté que de 89,3 %. Au total, sur la période, les engagements en matière d'adaptation n'ont représenté que 12 % des engagements climat de l'AFD.

Engagements AFD comptabilisés « climat » déclarables APD :
répartition par type d'action

(en millions d'euros)

Source : Commission des finances du Sénat à partir des données du ministère des affaires étrangères

On constate également de lourds déséquilibres entre les outils financiers utilisés : la part des dons ne s'élevait qu'à 10 % environ en 2007, avant de descendre jusqu'à 1,6 % en 2011 pour finalement revenir autour de 10 % en 2014. La part des dons est donc relativement basse.

Engagements AFD comptabilisés « climat » déclarables APD :
part des dons et des prêts

Source : Commission des finances du Sénat à partir des données du ministère des affaires étrangères

Dès lors, il est logique que les PMA ne bénéficient que d'une faible part de nos financements climat , comme le montre le graphique ci-dessous.

Engagements AFD comptabilisés « climat » déclarables APD
part des pays les moins avancés (PMA) et des autres pays

Source : Commission des finances du Sénat à partir des données du ministère des affaires étrangères

Entre 2007 et 2014, la part des engagements climat de l'AFD revenant aux PMA a ainsi oscillé entre un minimum de 1 % en 2010 et un maximum de 16% en 2014. En moyenne, ils ont bénéficié de 8,5 % des engagements et d'à peine plus de la moitié des dons

Notre APD en matière de climat est donc résolument tournée vers des pays ayant déjà accédé à un niveau de développement plus important et notamment des « grands émergents » . Ainsi, les dix premiers bénéficiaires des engagements climat de l'AFD sont, dans l'ordre, l'Inde, le Maroc, l'Indonésie, le Mexique, l'Afrique du Sud, la Chine, le Kenya, l'Égypte, le Brésil et la Turquie.

Entre 2007 et 2014, les engagements climat dont ont bénéficié ces pays ont représenté 7,74 milliards d'euros, soit près de 60 % du total. Dans le même temps, les 32 PMA ayant bénéficié d'engagements climat de l'AFD n'ont reçu qu'à peine plus d'un milliard d'euros.

2. La nécessité de définir des objectifs quantitatifs en matière de financement de l'adaptation et de financements à destination des PMA

La faible part de notre aide publique au développement bénéficiant aux pays les plus pauvres est une critique récurrente de cette politique.

Pourtant, la loi de programmation précitée prévoit d'accorder une certaine priorité à ces pays. Ainsi, les 16 pays pauvres prioritaires (PPP) 15 ( * ) sont censés bénéficier d'au moins la moitié des subventions de l'État. De même, l'Afrique subsaharienne (qui comprend les 16 PPP) et les pays du voisinage Sud et Est de la Méditerranée devraient recevoir « au moins 85 % de l'effort financier [de l'État] ».

Selon le document de politique transversale « Politique française en faveur du développement » annexé au projet de loi de finances pour 2015, les PPP ont reçu 40 % environ des subventions en 2013 (contre un objectif de 50 %). De même, ces pays n'ont bénéficié « que » de 12,3 % des engagements de l'AFD et de 22,4 % du « coût État » des prêts de l'agence.

Si les objectifs ne sont pas respectés, ils ont néanmoins probablement permis de limiter la tendance à financer des pays plus riches.

En matière de financement climat, aucun objectif spécifique aux pays pauvres n'a été fixé . Certes, le rapport annexé à la loi de programmation de 2014 prévoit « la France prend en compte la situation particulière des « pays en grande difficulté climatique » dans sa politique de développement et de solidarité internationale. Il apparaît crucial d'accompagner les pays les plus pauvres et les plus fragiles pour qu'ils puissent adapter leurs modes de vie et leurs économies aux effets inéluctables et déjà présents de ce changement climatique. En effet, ce sont les populations les plus pauvres qui sont les plus directement dépendantes de l'exploitation des ressources naturelles et donc les plus exposées aux évolutions que le changement climatique induit sur ces ressources. »

C'est pourquoi vos rapporteurs spéciaux proposent de compléter les objectifs que s'est fixés la France en matière de financement climat en prévoyant :

- d'une part, de consacrer, au minimum, une certaine part des financements climats à des actions d'adaptation au changement climatique ;

- d'autre part, de consacrer, au minimum, une certaine part des financements climats aux « pays les moins avancés ».

Il semble raisonnable de fixer chacun de ces objectifs à 20 %, à l'horizon 2020 . En effet, les engagements climat de la France, tous outils confondus, se sont élevés à 2,15 milliards d'euros en 2013 : il s'agirait donc de consacrer 430 millions d'euros à chacun de ces objectifs, étant entendus que ces deux part ne se cumuleraient pas mais seraient en très grande partie confondus, les financements en adaptation bénéficiant de façon importante aux PMA.

Or, les engagements de l'AFD dans les PMA s'élèvent en moyenne autour de 150 millions d'euros par an, ceux au titre du Fonds français pour l'environnement mondial à 10 millions d'euros environ et on peut estimer la part de la contribution française au Fonds vert pour le climat revenant aux PMA à 100 millions d'euros environ. Il s'agit donc d'augmenter l'effort de 65 % environ .


* 15 Bénin, Burkina Faso, Burundi, Djibouti, Comores, Ghana, Guinée, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Tchad, Togo et Sénégal.

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